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SECTION 1
Ellul, Jacques
Habermas, Jurgen
Le Moigne, J-L           Sloterdijk, Peter

SECTION 2
Titre 1
Titre 2
Titre 3
Titre 4

SECTION 3
Titre 1
Titre 2
Titre 3
Titre 4
Titre 5

SECTION 4
Titre 1
Titre 2
Titre 3
Titre 4
Titre 5

Titre 6

TOI ET MOI
Heureux l’instant où nous nous assiérons dans le palais, toi et moi
Avec deux formes et deux visages, mais une seule âme, toi et moi
Et quand nous entrerons dans le jardin toi et moi
Les couleurs des feuillages et les voix des oiseaux
Nous combleront d’immortalité toi et moi
Et nous resterons unis dans l’extase, par les mots, par le silence, toi et moi,
Et les oiseaux du ciel envieront nos fous rires et l’allégresse de nos coeurs, toi et moi.
Mais le prodige, c’est qu’unis en ce même lieu toi et moi,
Nous soyons en ce moment même, l’un en Irak, et l’autre au Khorassan, toi et moi.
Djalal Ad-Din Rumi, appelé ‘Le Merveilleux’, XIIIe s., créateur, mystique, penseur, poète, fondateur de la confrérie des Medlevis, les dervish tourneurs qui reproduisaient par la danse le mouvement des étoiles et des planètes. Car pour Djalal Ad-Din Rumi les planètes tournaient, et des atomes dansaient : la Danse des atomes, titre d’un de ses livres.

“ Viens vers moi qui que tu sois et d’où que tu viennes, de la Bible, du Coran, ou des grands textes des forêts ”. Djalal Ad-Din Rumi

LE CORPS HUMAIN
Nous avons plongé dans l’essence
Et fait le tour du corps humain
Trouver le cours des Univers
Tout entier dans le corps humain
Et tous ces cieux qui tourbillonnent
Et tous ces lieux sous cette terre
Ces soixante-dix mille voiles
Dans le corps humain découverts
Et sept ciels
Les monts et les mers.
Et les sept niveaux telluriques
L’envol, ou la chute aux enfers
Tout cela dans le corps humain.
Et la nuit, ainsi que le jour 
Et les sept étoiles du ciel
Les tables de l’initiation
Sont aussi dans le corps humain.
Et le Sinaï, où monta Moïse
Ou bien la kabbale,
L’archange sonnant la trompette
Mêmement, dans le corps humain.
La Bible, et l’Ancien Testament
Et les Psaumes, et le Coran
Toutes paroles écrites
Sont dans le corps humain. 
Ce que dit Younous est exact
Nous avons confirmé ces dires
Dieu est où le met ton désir
Tout entier dans le corps humain.
Younous Emre (‘Jean de l’Amour’ en turc), grand poète turc du XIIIème siècle

ET PUIS APRES
C’était Dieu que je désirais
Je l’ai trouvé
Et puis après ?
J’ai sangloté jour après jour
Et puis j’ai ri
Et puis après ?
Aux entretiens des initiés
J’étais bouquet de roses rouges
J’ai fleuri
Puis l’on m’a cueilli
Je me suis fané
Et puis après ?
Si les sages et si les savants dans la medrassa ont trouvé, moi
C’est au fond de la taverne que j’ai trouvé
Et puis après ?
Ecoute Younous, écoute-le
Ecoute ce fou de Younous
Oui j’ai plongé dans le savoir des initiés
Et puis après ?
Younous Emre

UN ETRANGER PAREIL A MOI
Y a-t-il, en ce monde, un étranger pareil à moi?
Et sous ampleur, tête baissée, un étranger pareil à moi, 
Errant de pays en pays, par la Syrie, l’Anatolie, 
J’ai tant cherché cet étranger pareil à moi.
Maintenant, on parle, oui, mes yeux pleurent pour l’étranger,
Je me consumme, au Ciel.
Mon étoile est peut-être une étrangère, pareille à moi.
Comme brûlure est cete peine, quand la mort viendra me prendre.
Dans ma tombe, je trouverai un étranger, pareil à moi. 
L’étranger est mort, vous dira-t-on, on le saura trois jours après,
A l’eau froide, ils le laveront, cet étranger, pareil à moi.
Pauvre Younous ! à ta peine, pas de remède,
Car erre partout dans le monde, 
Un étranger pareil à toi. 
Younous Emre

LA NORIA
Pourquoi grinces-tu Noria ?
Et pourquoi gémis-tu ?
Je grince, et je gémis d’amour pour Dieu.
Je suis Noria et je suis, oh souffrante
Dieu a voulu que je geigne et gémisse
Chêne, j’étais dans les montagnes
Chêne tout dru vers Dieu dressé
Mais on coupa mes branches, on amputa mon tronc
Mes bras, mes ailes sont arbre mutilé.
Depuis, toute d’amour navrée
Je geins de vérité.
Younous, toi qui connais la roue du monde
Tu sais que rien n’est éternel
Qu’aucun être humain ne demeure
Je suis Noria, d’amour navré
Noria qui tourne, qui grince et qui geint.
Younous Emre

LA MAIN
Hajji Bektach avait écrit un manuel, malheureusement jamais parvenu jusqu’à nous, de déchiffrement des messages de Dieu à travers le chant des tourterelles ! Dans son tekkeh (école), selon lui, trois éléments chantaient Dieu, signalaient la présence de Dieu sous des formes autres que le langage humain : le chant des tourterelles, le bruit des fontaines et l’odeur des roses. Lorsque le vent agitait les arbres, les peupliers de cette région d’Anatolie, Hajji Bektach disait : “ Vous entendez, leurs feuilles applaudissent frénétiquement le nom de Dieu ”. 
Quand le pacha local reproche à Hajji Bektach d’admettre des chrétiens, des infidèles, dans sa confrérie, celui-ci montre sa main. 
- Quoi ? Qu’est-elle, ta main ?
- Elle a cinq doigts
Et on dit : une main. 
Qu’importe le nom des doigts
S’ils mènent à la main
Qu’importe le nom des fleuves, 
S’ils mènent à la mer. 

QUELLE IMPORTANCE
Tu as pétri la boue, et tu as fais Adam,
Oui tu as fais Adam, mais pour toi, quelle importance ?
Oui tu as créé l’homme, tu l’as mis au monde, 
Tu l’as mis au monde mais pour toi, quelle importance ?
Serais-tu épicier, à quoi bon ta balance ?
Et qu’il y a-t-il d’autre à faire, que de passer ton temps ?
Qu’as-tu à faire, si ce n’est peser ici-bas les péchés de tes créatures ?
Leurs fautes, pour toi, quelle importance ?
Je suis un miséreux, égaré ici-bas.
De l’arc-en-ciel, tu fis un pont, qu’un jour peut-être traverserais,
Un pont que je survolerais,
Oh, laisse monter vers toi tes créatures, pour toi, quelle importance ?
Tu as créé les créatures, pour elles tu as conçu le paradis, 
Tu en as tant brûlé au feu de ton amour, et tu les brûles encore, pour toi, quelle importance ? ” 
Auteur inconnu, chaudronnier

Al Halladj fut décapité en 909 pour avoir proclamé : “ Je suis la Vérité ” (‘Ana al-Haqq’) et “ Il n’y a sous mon manteau que Dieu ”. 

TROUVE TON MAITRE
Viens mon cœur
Viens nous parler de l’âme
Et des mystères de l’amour
Oui, parle-nous, ferme les yeux 
Efface-toi, n’écoute rien
Et viens nous dire qui tu contemples
Quel est le régisseur de ce monde ?
Oh, si tu le sais, dis-le-nous.
Drapé de peau, drapé de chair
Son nom est Homme
De celui qui le créa par amour
Oh je t’en supplie parle-nous
Car par amour l’homme fut créé
Par Celui-là même qui le fit et le refit poussière. 
Trouve ton maître et ton chemin avant que de mourir
Et de tout cela, de tout cela, derviche parle-nous.
Achid Pacha Xve s.

QUE VOUS IMPORTE
Moi, mon aimée
Je la perds je la cherche je la retrouve
Que vous importe
Tantôt je vais à mon jardin cueillir des roses
Que vous importe
Tantôt j’entre à la medrassa
J’étudie pour l’amour du juste
Tantôt je vais à la taverne
Vider un verre
Que vous importe
Les dévots ont mis l’anathème sur l’élixir de l’amour
Moi je m’en verse et m’en imbibe
A moi la faute
Que vous importe
L’habit du blâme je l’accepte
Et je l’endosse même devant vous
Mais la bouteille de la droiture
Je l’ai brisée
Que vous importe
Pour leurs prières les dévots se tournent vers la kaaba
Moi je me prosterne devant l’aimée
Et m’humilie devant elle
Que vous importe
Tantôt je vole vers le ciel je règne sur les univers
Tantôt je redescends sur terre chérir ma belle
Que vous importe
Des rivaux disent dans mon dos
Qu’aimer la belle est grand péché
J’aime l’aimer je l’aimerai
A moi la faute
Que vous importe
A Nassimi on demandait : 
“ Tu t’entends bien avec cette fille ? ”
Que je m’entende bien ou mal
Mon aimée m’aime
Que vous importe.
Nassimi, XVIè s., buveur effréné, a fait toutes ses ascèses et toute son initiation dans des tavernes, mais bektachi très estimé par ailleurs comme homme de grande droiture et excellent sellier, ce qui revient à dire orfèvre

Il y eut même un mouvement, au XIIIème siècle, notamment en Anatolie, appelé “ les gens du blâme ”, non pas vraiment une confrérie mais une pratique, dont on comprend qu’aucune société ne peut la tolérer longtemps. Le principe était simple : “ Plus on me méprisera, plus je serai près du paradis dans une vie future ”. Sans aller jusqu’à assassiner des gens, ils se comportaient d’une façon provocante, essayaient de créer des troubles, et certains poussaient la conscience de leur rôle jusqu’à aller dans les tavernes et sortir en titubant, alors même qu’ils n’avaient pas bu, pour qu’on les méprise.

OISEAUX DE CE MONDE
Nous, oiseaux de ce monde
Nous volons, nous passons
Nous passons sur notre route
Il est un piège que l’on nomme la mort
Aucune peur n’en avons
Ouvrant nos ailes, nous passons
Nos chemin tôt ou tard 
Sauront nous échapper
En vaine fuite nous passons
Un chasseur nous guette
Qui veut nous égorger
Mais nous, pérorant, nous passons
Seid Foulla vous le dit
Ici nous semons, nous plantons
Mais ailleurs nous moissonnerons
C’est pourquoi nos yeux versent des pleurs de sang
Sur les chemins du monde où nous passons

Dans les premiers temps marqués par le mouvement ascétique apparut la célèbre sainte Rabi'a al-'Adawiyya de Basra. On lui attribue l'expression de l’amour mystique par ces termes :
“ Je veux verser de l'eau dans l'Enfer et mettre le feu au Paradis afin que disparaissent ces deux tentures et que les hommes cessent de prier Dieu par peur de l'Enfer ou par espoir d'entrer au Paradis, mais uniquement pour Sa beauté éternelle. ”


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