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Intermède
romain
Pour comprendre
combien Rome se montre plus proche ici de l'Egypte que de la Grèce, il
suffit de noter que l'empereur Caligula (37-41) importa le culte d'Isis,
qui s'étendra à tout le monde romain. Mais Rome aime importer ses dieux,
et mieux vaut sans doute se pencher sur le vocabulaire. Chacun connaît Vénus,
la déesse de la beauté et de l'amour, déclarée protectrice de Rome en
217 avant notre ère, lors de l'assimilation du culte d'Aphrodite venu de
Grèce (via la Sicile nouvellement conquise). On sait moins que venus
est à l'origine un nom commun qui signifie le charme, l'attrait
inexplicable par la raison. De lui viendront vénal et venin, mais aussi vénérer,
car vénérer les dieux, dans la très "contractuelle" religion
romaine, c'est tenter d'exercer sur eux ce charme irrésistible, ce venus
qui seul pourra les inciter à faire preuve de venia, la générosité.
Cette importance accordée au charme, à Vénus et à l'amour dans la vie
romaine ne conduira pas seulement aux poètes latins, à l'Art d'aimer
d'Ovide ou, diront plus tard certains, aux débauches que l'on sait. Elle
se traduira aussi par une valorisation de la féminité et de la fécondité
– complément de valeurs guerrières ? – et par une attitude beaucoup
plus égalitaire et tolérante vis à vis de la femme – la citoyenne
romaine tout au moins. Les prostituées, nombreuses, sont respectées
comme des initiatrices à l'art de l'amour, une image qu'il faut savoir
relativiser (le proxénétisme existe aussi et Rome ira loin en matière
de vice). L'obstétrique fait des progrès, on apprend à retourner le bébé
quand il se présente par les pieds. La femme romaine est libre et peut
refuser les contraintes du mariage tout en ayant une vie amoureuse, même
si le modèle reste évidemment celui de la femme mariée et vertueuse.
Mais celle-ci est loin d'être soumise, et le mot familia s'offre
ici comme exemple : s'il désigne bien cette unité de vie où s'assemble
un couple et des enfants, il compte aussi esclaves, domestiques et
l'ensemble de leurs relations, sur lesquels règne le pater familias
bien connu – en réalité plus souvent la femme, dont surgira la célèbre
figure des "matronnes romaines". Car la famille, au sens où
nous l'entendons, appartient plutôt au concept de gens, ensemble
de parents auxquels on est lié par le sang, qui préfigure le modèle
aristocratique européen : le pouvoir aux hommes, mais la noblesse passe
par les deux sangs. Aussi ne verra-t-on pas de femme sénateur, mais mères,
épouses et filles joueront un rôle essentiel dans de nombreux épisodes
de l'histoire romaine.
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