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Réalités mexicaines

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Coupez la tête à Toledo, a dit l'iguane dégonflé
par Carlos Monsiváis, écrivain


I
Une intention pour ces notes : ne recourir ni à Frazer, ni à Mircéa Eliade, ni à Jung, ni à Joseph Campbell ni à Lévi-Strauss, ni à aucun des formidables interprètes de rites et de légendes ; ne pas parler du macrocosme ni du Grand Ombilic du Monde ni des mythologies comparées ; omettre les victimes expiatoires, les sorties de l'âme, les ingestions divines, les occisions du serpent sacré, les festivals ignés. Par discipline, je m'en tiens à mes 'impressions laïques' de l'œuvre de Francisco Toledo, si diverse et homogène, si interprétable à la lumière de ses prédilections et si stimulante en marge des contextes mythographiques. Dans ce panorama minimaliste, je dois renoncer - autant qu'il sera possible - aux préjugés de la culture qui considère comme mythique (c'est-à-dire appartenant à des cultures lointaines) tout ce qui ne s'ajuste pas à ses fatalismes urbains.
Jusqu'à quel point la production de Toledo nous est-elle étrangère ? Jusqu'à quel point le terme autre culture est-il indispensable pour en parler ? Pourquoi la sollicitude de références anthropologiques ? Si nous acceptons cette proximité irréfutable que constitue le succès, nous ne pouvons garder de distance face à Toledo. C'est un artiste largement reconnu, cité, suivi : son œuvre fait déjà partie du patrimoine national dans le sentiment du public; il a donné son nom à une façon très variée de créer un monde pictural et a lancé une école (ou une abondance d'images qui s'inspirent vainement des siennes). C'est un artiste dont l'originalité dérive, en grande partie, de sa volonté de ne pas s'écarter symboliquement et visuellement d'une culture (dans laquelle il se situe de façon à la rendre distincte). Toledo est, pour synthétiser, la rupture et la continuité de ses traditions.

II
Toledo (né Benjamín Francisco López Toledo à Juchitán, Oaxaca, en 1940) connaît depuis l'enfance les difficultés et les avantages de vivre dans une culture minoritaire, la culture zapotèque de l'Isthme, dans un pays qui change à la vitesse permise par la destruction écologique, l'industrialisation vorace, le remplacement des coutumes, l'explosion démographique. La diaspora à laquelle conduisent les fluctuations du marché du travail et la politique le touche. Il grandit 'en exil' : Ixtepec, Ixtaltepec, Arriaga, Chiapas. " Mon père - raconte-t-il - nous emmena au Chiapas en raison de problèmes politiques qui l'obligeaient à s'exiler. Il était le leader des travailleurs de l'isthme de Tehuantepec et le gouvernement de l'Oaxaca lui a dit : 'Tu t'en vas ou tu meurs'. Le général Charis est intervenu, et a donné du travail à mon père à la Pemex, à Minatitlán. Ensuite nous sommes allés à Arriaga. "
Les villages perdent leur population masculine 'en âge productif', la langue zapotèque se gonfle d'ajouts étrangers, force de travail devient synonyme d'enracinement (on est de là où l'on trouve du travail). Dans le parcours rapide vers d'autres lieux et d'autres façons d'être, les travailleurs voient dans leur identité ethnique l'ordre profond de leur vie quotidienne, parlent leur langue, le tèque, évoquent sans se lasser les lieux et attitudes. Dans le changement forcé, la culture juchitèque - langue, coutumes, récits qui ne sont pas mythiques à leurs yeux - est l'élément fugitif qui demeure et perdure, non parce qu'elle n'est pas affectée par le processus national, ni parce qu'elle a cessé de se transformer, mais parce que tous y trouvent leur espace de résistance, le désir de situer l'individuel à la lumière de l'expérience communautaire.
Cette tradition qui persévère tout en se dégradant apporte à Toledo une thématique et un point de vue qui, très tôt, arme, dégrossit, reconstruit. Il est précoce : "J'ai peut-être dessiné vers 10 ans, grâce à Macario Matus. Je me souviens du travail à l'école. Je me souviens qu'une fois j'ai peint sur les murs de la maison. J'avais dessiné à un endroit et mon papa, quand arriva le moment de peindre la maison, respecta mon travail. Il fit attention et ne peignit pas là où j'avais dessiné... Quand je suis arrivé à Oaxaca on a dit à mes parents que cet enfant était fait pour le dessin. Bien sûr ! Il y a eu une exposition d'art mexicain, et ce fut la première fois que je voyais une peinture, je n'avais jamais vu de tableau."
A l'école des Beaux-Arts de Oaxaca ou dans son propre foyer, la précocité de Toledo est un don individuel et une partie de la maestria collective. Encore adolescent, Toledo s'installe à Mexico, à l'Ecole de Dessin et d'Artisanat, où il apprend le métier de lithographe. Il expose à la galerie d'Antonio Souza. Bientôt, c'est le voyage sentimental et formateur en Europe. A Paris, il fréquente Rufino Tamayo et Octavio Paz, participe à des expositions collectives, travaille avec ardeur, visite l'Europe, ses galeries et ses musées, diversifiant le plus possible sa culture plastique. A son retour au Mexique, il se relie plus organiquement à sa culture d'origine, et alterne voyages fréquents à Juchitán et Oaxaca et séjours à New York. Son travail est de plus en plus reconnu et valorisé. Il expose dans des galeries et des musées aux Etats-Unis et en Europe, et donne sa première grande rétrospective au Musée d'Art Moderne de Mexico, en 1980.

III
Vis à vis de Toledo, on tombe fréquemment dans l'approximation touristique, le lieu commun qui se croit anthropologique et artistique : "Il s'agit d'un primitiviste délibéré, qui utilise sa connaissance très raffinée pour donner une nouvelle vie aux rites ancestraux." Le cliché court sans contretemps et évite de s'approcher d'une œuvre d'une grande complexité et maestria. Pourquoi aiguiser notre perception, si nous nous contentons ensuite rapidement de marmotter des généralités sur l'universalité et le sentiment national, et sur les composantes ancestrales d'un artiste de race indigène ? A quoi bon voir si l'on peut déclamer d'avance ?
On le sait déjà trop : tout artiste exceptionnel proclame sa conception du monde au travers de ses thèmes, mais cette conception-du-monde est en fin de compte une matière formelle. Quel est le lien entre un travail pictural et la culture orale ? Existe-t-il une 'peinture orale' ? Le piège inévitable de Toledo est sa volonté affabulatrice, qui génère d'habitude des faits artistiques qui sont aussi narratifs (surpris à un moment de calme ou d'exaltation). Comment sortir de l'impasse ? Si je m'embarque dans l'analyse du mythe, je m'éloigne de la grandeur d'une œuvre s'étendant avec une égale maîtrise sur le terrain de l'huile, de l'aquarelle, de la gouache, du dessin, de l'encre, des eaux-fortes, des pointes-sèches, de la lithographie et xylographie et mixographie, de la sculpture, de la céramique, de la tapisserie. Spectateur de cette inventivité polymorphe, je dois résister à la fascination et faire taire l'impertinent commentaire : "Ah ! Voilà donc, il s'agit du monde indigène avec sa magie, son anthropomorphisme, son sortilège, son mystère, son irrationalité qui est la rationalité inconnue d'êtres ayant un autre sentiment du temps."
La condescendance envers l'indigène, l'une des propositions les plus réitérées de l'orgueilleux paternalisme. Mais Toledo est complètement étranger au tourisme interne, son but est de célébrer l'un de ses héritages et de le convertir en thématique artistique à longue portée. Un artiste ayant son raffinement et sa culture plastique ne manque pas de thèmes 'attirants' pour capter l'attention du spectateur.
Si j'oublie les obsessions de Toledo, je suis partial de nouveau. En dernière instance, ses personnages et ses sujets appartiennent étrangement à sa conviction esthétique, ce ne sont pas des messages ou de la littérature postiche, des agrégats ou des prétextes, mais les dispositions d'un ordre invisible, où entrent en complémentarité matériaux, couleurs, formes et images fragmentées... L'honnêteté, fonction de la surprise. La surprise, action intégrative. Toledo, animiste, rationnel, férocement sexuel, amoureux des abstractions de la nature, capable d'une sécheresse hallucinée et d'une tendresse timide, considère ses thèmes comme la continuation de ses moyens d'expression. Dans son incisive fabulation, la forme participe au récit et le récit se condense en images et en couleurs. En ce sens, son antécédent immédiat se trouve chez Esope, dans les récits moraux sans conséquences normatives, ou, également, dans la propre tradition de Toledo, au courant de la valeur unique de chaque personnage, de chaque récit, de chaque mot.

IV
Dans les années 70, Francisco Toledo revient faire des séjours à Juchitán, dans l'isthme de Tehuantepec, Etat d'Oaxaca. Il ne retourne pas 'récupérer ses racines' mais - je suppose - guidé par le besoin de s'immerger à fond dans l'expérience régionale (langue, coutumes, gastronomie, mode de conversation, paysages) qui l'a accompagné, discrète ou fiévreuse, dans ses voyages. Bientôt, poussé par son ardeur à promouvoir la culture, il répond aux besoins des étudiants de Juchitán et fonde la Maison de la Culture, institution petite et exemplaire qui monte régulièrement des expositions, comprend des ateliers de céramique et de dessin, et même un riche fonds de peintures, de gravures et de photos. C'est alors qu'est fondé la Coalition Ouvrière Paysanne et Etudiante de l'Isthme (COCEI), qui remporte l'élection municipale. Pour appuyer la COCEI, Toledo parraine la revue Guchachi Reza (l'iguane dégonflé), qu'il dirige avec le poète Victor de la Cruz, et qui diffuse des textes historiques et de la littérature en zapotèque.
La pauvreté est le signe distinctif de Juchitán, endroit qui se distingue par l'extrême misère des journaliers, la politique régionale marquée par le caciquisme, la participation des femmes au processus municipal, l'abondance des bars et le problème de l'alcoolisme. Juchitán se caractérise aussi par sa culture et sa défense des traditions, en grande partie légendaires, comme la vigueur d'un matriarcat dont l'existence n'a jamais convaincu (le paternalisme tolère la puissance féminine jusqu'à un certain point). Et Toledo assiste aux discussions sur la zapotèquitude, la valeur des chansons de l'Isthme, la colère de Benito Juárez contre les juchitèques, la réputation d'isolationniste, le catalogue des paysans illustres (les martyrs révolutionnaires en premier lieu). Il s'engage aussi à sa manière (toujours picturale) dans diverses causes : l'exigence de présentation de Victor Yodo, dirigeant séquestré dont le cadavre n'a jamais été retrouvé, l'opposition au PRI, à ses provocations, fraudes électorales et assassinats.

Une chanson en guise de contexte
Chanson du 15 septembre

Ecoutez, mes frères
les quelques mots que je vais dire
du jour où el senor Binu Gada combattit
les étrangers parlant français.

Nos gens criaient
El senor Saint Vincent vint à la rescousse
Soudain tomba l'obscurité
Suivie aussitôt d'une tempête.

Nous descendons des Binigula'sa',
Nous descendons des Biniguenda ;
Certains portaient des bâtons, d'autres de courtes machettes, 
et d'autres encore la fronde.

Comme si tu surveillais le champ de maïs vert,
Place la pierre, agite et lance ; 
Tellement mon peuple est bon tireur,
A chaque pierre un étranger tombait.

Tona Taati', avec ses jupons emmêlés,
Criait : "allez-y de front,
Vos cœurs ne palpiteront point,
C'est ainsi qu'on tue les étrangers."

Les grands étrangers crevaient quand ils tombaient
Dans la boue parce qu'ils étaient fatigués, 
Et depuis lors on dit de nous
Quelles boules ont les Tèques.

Les binugula'sa', hommes des origines. Les traditions à fleur de peau. Les traditions de Juchitán ne se comprennent pas sans le mélange d'histoire vécue et répétée, et la culture de résistance.

V
Promptement, la critique (ou mieux, l'erratique et boursière information sur les arts plastiques) congèle l'opinion sur Toledo et attribue tout, très dans l'abstrait, au déterminisme de ses origines (variante de la légende classique : le jeune peintre qui monte à Paris à la place du récit sur Benito Juárez, le jeune berger qui monta jusqu'à la Présidence de la République). De son côté, Toledo s'exprime très épisodiquement, ne se prête à aucune publicité, ne polémique pas, ne livre aucune phrase éloquente sur ses Etapes Créatives. Il produit sans relâche, se livrant au devoir de fixer ce qui lui importe vraiment, sans se répéter ni changer, 'ni le même, ni semblable, ni différent'. Toledo récupère et reconfigure ce qui lui plaît et l'amuse depuis l'enfance, des atmosphères et des personnages qui ne semblent légendaires qu'à ceux d'ailleurs.
Si vous me permettez une hypothèse, Toledo ne veut pas enregistrer un monde à son nom mais éclaircir un sédiment personnel (ethnique, social, littéraire) qui ne tolère aucune séparation entre le contenu et la forme. Ce qui le concerne, c'est l'immensité zoologique ou l'infini accouplement par lequel lapins, poissons, cerfs, tortues, chèvres, mulets, vaches, iguanes, indigènes, lui-même, tous en une ronde tribale perpétuelle, se retrouvent sur le point de céder à la concupiscence ou de se convertir en paysage de mélancolie, en levers ou en couchers de soleil dissous dans des images. Il appelle cela l'attention : de bonnes et de mauvaises femmes dont le sexe est un rayon de riche miel ou un guet castrateur, des formes végétales qui se renouvellent sans changer de place, des animaux qui manient l'instinct à leur guise. La sexualisation de la réalité est exhaustive et nuance en même temps la conception de société et de nature. Toledo n'est ni primitif ni civilisé, il ne s'écarte pas plus des récits transmis depuis des générations qu'il n'a cessé de lire Sade et Dubuffet, il ne croit ni au respect ni au manque de respect envers le spectateur ou le lecteur d'images. Seulement, sur l'un des versants de son œuvre, il soutient que tout le réel est sexuel et que tout le sexuel est réel, et que par réalité il faut entendre le monde des formes. Liberté de différer et liberté d'être d'accord et liberté de proposer, depuis un tableau, une céramique, une tapisserie, une gravure, le bronze ou la sculpture en cire, des variantes infinies de la copulation, dont personne ne se libère jamais des visions internes ou externes. La vie entière est coït et les rêves sont des coïts. Regardez ces animaux capturés en pleine humanisation, et ces êtres au masque bestial entrevoyant des forêts de vagins et des mers de pénis. Admettez qu'à notre époque de crainte devant l'innocence il y ait encore quelqu'un qui ne mystifie pas l'instinct, comprenez que devant les fausses tolérances certains oublient de demander la permission.

VI
Une influence, une ressemblance, un goût : Klee. Chez Klee, Toledo découvre des paysages où l'on se moque d'être traité 'd'immature' et où la vision originelle rend inutile de parler de puérilité, de primitif, d'art naïf. Toledo en retire des atmosphères pour son œuvre, bien qu'il se souvienne aussi des artistes populaires oaxacaniens, des musées, de la culture orale, de la nécessité de sauver la tradition en l'inventant. La fable, dont le tableau ou la structure est une partie significative et mystérieuse, nous arrive quand Toledo en a envie (comme quelqu'un coupe un cours d'eau, dit Luis Cardoza y Aragón) ; elle nous envahit d'animaux et de natifs avides, rapaces, lubriques... et proches de l'esprit narratif des grands livres infantiles, ceux que l'on lit enfant pour les apprécier vraiment vingt ou trente ans plus tard. Toledo construit à sa manière un Alice au pays des Zapotèques, et dans ses narrations qui vont et viennent à travers le miroir, s'allient insolence et pudeur, mythes fondamentaux et iguanes, cerfs abusant de renards et crocodiles pénétrant des mules, formes pures et formes devenues impures tant elles se mobilisent.
Et le lapin, dans ses poses torturées à la lueur de la bougie, était d'accord ; le poisson, dans son ardeur masturbatrice, était d'accord ; la vache, dans son déluge lacté, était d'accord ; les iguanes, dans leur ronde polygame, étaient d'accord. Et tous l'admettaient : une amnésie ou une brume temporaire les empêchait de se rappeler à quel moment du récit ils appartenaient, s'ils sortaient d'une légende ancestrale ou d'une blague péniblement dépourvue d'obscénité, ou de mythes recueillis par un informateur anonyme (si âgé qu'il se souvient seulement de tout).
Mais ceci ne concerne pas le spectateur et, de plus, Toledo est certain de ses intentions, du plaisir que lui donnent l'interminable conte de la genèse, le tracé de ce moment beau et cruel d'où ont surgi l'histoire et la fiction, quand personne ne faisait de distinction entre le sacré et le sacrilège, entre la rougeur virginale et l'orgasme, entre la famille et l'orgie, entre le rêve et la vitrine des poses lubriques, entre l'innocence et l'appétit, entre l'homme et la tortue à la tête phallique. Pourquoi scinder la réalité, s'il suffit de faire appel à ces signes pour qu'apparaisse le récit, s'il suffit de ces sujets pour cristalliser la forme ? A la variété des moyens artistiques répond l'unité des légendes, mythes, contes, phénomènes climatiques ou fables : ainsi était le monde au commencement du temps, ainsi en sera-t-il à la fin, dans l'embrassade mortelle du désir et de la métamorphose.

VII
Toledo revient dans les années 80 à Oaxaca, pour peindre, graver et sculpter. Sa vocation de promoteur culturel s'intensifie, il fonde l'Institut d'Art Graphique de Oaxaca (IAGO), pourvu d'une riche bibliothèque de livres sur l'art et d'un patrimoine de près de sept mille objets du graphisme mondial. Il fonde ensuite le Musée d'Art Contemporain de Oaxaca (MACO), également avec une bibliothèque d'art et une collection de peinture ouverte à tout, et pas seulement à l'art oaxacanien. Il crée la bibliothèque pour aveugles Jorge Luis Borges, munie de livres en braille ; la Photothèque Manuel Alvarez Bravo, la cinémathèque El Pochote (le coton, ndt). Il promeut des ateliers d'artistes, le sauvetage des archives historiques de Oaxaca et la reconstruction du couvent Saint Dominique. Et tout cela avec discrétion et sans vedettariat.

VIII
Proverbes faux et anormaux rencontrés au hasard dans l'œuvre de Toledo :
Les grillons sont la négation des augures.
La vache égarée dans le tableau est le désir attrapé par le cou.
Le nez est un phallus qui enlève de la tranquillité au visage pour lui ajouter des proportions.
La terre appartient à celui qui s'en souvient.
La douleur du scorpion est de ne pas être une image phallique.
Le rêve de l'iguane est l'intranquillité des vierges.
Les calebasses sont, par goût et vocation, contemplatives.
Un masque est un visage qui s'est enfui à la surface.
Les formes sont des cristaux dans un enclos de cabris.
La terre est un labyrinthe de poissons.
Le récit des couleurs est toujours différent de celui des images.
Toutes les formes sont sexuelles. Tous les symboles sont chastes.
La géométrie est le piège dans lequel meurent les lignes droites.
Selon le crapaud est le désir.

IX
Evidemment, Francisco Toledo est un artiste unique que les interprétations de son œuvre ne peuvent cerner. Mais ce n'est pas un artiste solitaire, il appartient à un peuple, à une esthétique (aussi raffinée que singulière) et à une histoire. Dans son œuvre, comme dit l'aphorisme de William Blake, la luxure de la chèvre est le butin de Dieu.

Carlos Monsiváis, traduction En.marge

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