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MICHEL
SERRES
Ne me
dites pas qu'une rue, avec son plancher, ses murs de tous côtés et son petit
segment de ciel, c'est "dehors" ! Arrivé à Paris, j'écrivais à mon
père : "Je suis tout le temps dedans !"
Michel
Serres : "Maison fait ceci, maison fait cela"… c'est une façon
amusante de montrer son importance. Car historiquement, même en France, très
peu de gens ont vécu dans une maison, au sens où nous l'entendons. Notre
langue en a gardé la trace : si un pauvre a peu de revenus – et un indigent,
peu à manger – le mot "misérable", lui, désigne celui qui n'a pas
de maison. Jean Valjean dit lors de son procès : "C'est pas nous qui avons
des maisons". L'habitat généralisé, tel que nous le concevons, est un phénomène
relativement récent, dû à notre enrichissement progressif. Il y a quelques
années encore, dans l'Himalaya, j'ai rencontré des sherpas qui étaient très
mal à l'aise dans une maison, ils y étouffaient, couchaient sous un rocher, à
l'extérieur. Ils ne savaient pas habiter une maison, chose rare pour
eux.
Je crois qu'il ne s'agit pas seulement d'abri. Regardez les
couches : peinture, plâtre, revêtement, béton ou pierre, puis de nouveau revêtement,
plâtre, peinture puis… tableau. Qui représente quoi ? Le plus souvent, l'extérieur,
dont nous ne pouvons pas supporter les énergies. La maison transforme le chaud,
le froid, le vent ou la pluie en informations imagées. Elle sert de
transformateur thermodynamique : elle transforme les hautes énergies en basses
énergies, les énergies dures en énergies douces. Elle nous permet ainsi de
n'avoir rapport qu'aux images et aux mots. Nous sommes d'ailleurs si fragiles
que même à l'intérieur, la maison continue, nous la portons sur nous, en
couche après couche d'habits.
En.marge:
Plus qu'un abri, c'est une protection ?
Michel Serres
:
De pro, en avant, et tectum, le toit : avoir un toit en avant,
comme un béret ou un chapeau. Je crois qu'il y a là simplement le refuge du fœtus
dans le sein de la mère, beaucoup de plis pour pro-téger. D'une certaine façon,
la maison joue le même rôle que le corps : nous mangeons des sucres et des
graisses pour que leurs énergies se transforment, la meilleure transformation
étant finalement de converser avec nos semblables. Ainsi le corps s'adjoint des
vêtements et une maison, pour être encore plus à même de transformer les énergies.
En.marge:
L'humain ne peut pas supporter un contact direct avec la réalité, trop
puissante pour lui ?
Michel Serres
:
En effet, mais c'est aussi pour une autre raison. La plupart des animaux sont
des "automates génétiques" : ils ont des instincts qui leur imposent
des conduites toutes faites en rapport avec la niche écologique qu'ils ont
choisie. S'ils changent de niche, ils meurent. Mais à partir du chimpanzé ou
du bonobo, l'instinct disparaît peu a peu, laissant place à l'apprentissage.
Il n'y a plus détermination d'une conduite donnée, le rapport à la réalité
devient un peu chaotique. La peur de la réalité devient consubstantielle à
l'homme, parce qu'il n'a pas de conduite programmée, il se programme lui-même
en apprenant. Mais il faudrait définir ce que l'on entend par réalité, ce qui
prendrait des heures ! C'est pourquoi je préfère parler des hautes énergies,
face auxquelles nous sommes extrêmement fragiles puisque nous n'avons ni
fourrure ni instinct, mais une certaine distance.
En.marge:
Transformateur d'énergie, n'est-ce pas le rôle de la planète entière ? Une
maison commune, avec l'atmosphère comme toit, nous protégeant des énergies
cosmiques ?
Michel Serres
:
Quand on vit longtemps dehors, ce qui a été mon cas, on finit par avoir une
pratique des hautes énergies. La maison réduite à l'habit ou à la tente, on
augmente le corps, de telle sorte que l'on résiste assez bien à la grêle, à
la neige, au froid ou à la chaleur. On prend alors conscience que la terre peut
être un plancher, le ciel un plafond, les arbres et les montagnes des murs; et
l'on fait une expérience relativement vivante d'une sorte de maison générale,
l'expérience perceptive du paysan, du montagnard ou du marin. Mais la notion de
maison planétaire – j'en parle dans Hominescence – vient encore
d'une autre expérience, bien plus récente, puisqu'elle remonte aux jours où
nous avons pu voir, prise par les cosmonautes, la photo globale de la planète.
Tout à coup, le vieux mot de Pascal – "nous sommes embarqués" –
a pris un sens concret. On s'est dit : "Voilà le bateau, voilà la
maison."
En.marge:
Le "vaisseau spatial Terre" de Buckminster Fuller, la Gaïa de James
Lovelock ?
Michel Serres
:
Le vaisseau spatial, oui, mais Gaïa l'être vivant, pas du tout ! L'hypothèse
Gaïa en effet, outre qu'elle n'est pas nouvelle - les stoïciens parlaient du
corps et de l'âme du monde cinq siècles avant notre ère -, est
scientifiquement fausse : la caractéristique du vivant est la reproduction, et
l'on n'a pas encore vu la grande Terre accoucher d'une petite ! Elle est bien,
plutôt, à la fois le transformateur des énergies spatiales et notre vaisseau
commun. Et du coup l'humanité ne se différencie plus en peuples ou nations,
avec des frontières culturelles, stratégiques, etc. "Nous sommes embarqués"
prend tout son sens : expérimental (le vaisseau) et global (la solidarité
humaine).
En.marge:
Que penser, dès lors, de ces graphiques dont les courbes montrent que la fin du
monde est proche ?
Michel Serres
: Méfiance
! D'abord, la Terre a déjà connu la fin du monde à cinq reprises. Cinq fois,
probablement sous l'impact d'un aérolithe, 97% des espèces vivantes sur le
globe ont disparu. D'autre part, l'idée de la fin des temps n'est pas non plus
très nouvelle : apocatastasie panton, disait-on en Grèce au cinquième
siècle avant Jésus Christ (encore !), saint Paul l'annonce dans beaucoup d'épîtres,
et le Moyen-Age a connu la terreur de l'an mil. Enfin, il faut remarquer que
l'apocalypse se vend bien. Les médias tirent souvent à l'angoisse. Ils
connaissent Aristote, qui disait que l'essence du spectacle est la terreur et la
pitié. Nous touchons là au rapport avec notre "société du
spectacle". Un coefficient de méfiance s'impose face aux marchands
d'angoisse et de mort. Cela dit, il est vrai également que nous avons un problème
sérieux, que nous allons manquer d'énergie si les pays émergents s'y mettent,
etc… Peut-être, en effet, tout cela est-il vrai.
En.marge:
Peut-être même le nucléaire n'est-il pas la solution ?
Michel Serres
:
Sur le nucléaire, je ne suis pas très inquiet. C'est la seule énergie sans
effet de serre, danger le plus préoccupant aujourd'hui. Il faut résoudre le
problème des déchets et de leurs dépôts, mais ceux des autres industries
sont souvent tout aussi dangereux. Les énergies renouvelables, quant à elles,
sont loin du compte. Habitant la Californie, j'ai l'expérience des ravages que
l'éolien peut faire sur un paysage, pour 0,03% d'énergie. Je ne souhaite pas
à la France que ça arrive !
En.marge: A
propos de notre société du spectacle, vous mentionnez souvent la mort. On dit
pourtant que, bien plus que le sexe, elle est le grand tabou de notre époque ?
Michel Serres
:
C'est faux, une idée reçue ! Parce qu'on ne fait plus de veillée mortuaire,
parce qu'on ne suit plus le convoi tout doucement en priant ou en baissant les
yeux, croyez-vous que l'on va oublier la mort ? Mais non, elle est partout, on
la voit tout le temps. C'est le mot le plus répété dans les médias, et les
cadavres sont les images les plus représentées. Voir tuer des hommes est
devenu le pain quotidien du repas de midi et du soir. Nous vivons dans des sociétés
religieuses : interdit depuis Abraham, le sacrifice humain est revenu. J'ai fait
faire des statistiques en classe de philo par mes anciens élèves, le résultat
est écrasant : la plupart des jeunes estiment que tuer une bête est plus grave
que tuer un homme ! Parce que la bête ne le veut pas et que l'homme, lui, l'a
bien voulu ou bien cherché. Voyez Les deux frères, ce film montre à
quel point les tigres sont de braves gens, finalement - les hommes étant les véritables
monstres. Pour moi, fils de paysan venu d'un monde où les animaux étaient à
leur place, les hommes se situent quand même très au-dessus.
En.marge:
C'est le conflit ouvert par l'écologie profonde, violemment antijudéochrétienne,
pour qui tout le mal viendrait de la Genèse où Dieu donne à Adam les animaux
et les végétaux ?
Michel Serres
:
Il y a conflit dans tout problème d'écologie, à cause des deux sens du mot :
d'une part une option politique avec un parti, d'autre part une science complexe
faisant appel aux maths, à la physique, chimie, biologie, biochimie... Supposez
que je veuille les faire dialoguer. L'écologiste 1 sera "pour la
biodiversité". Qui serait contre ? L'écologiste 2, cependant, fera
remarquer qu'assécher les marais des Dombes près de Lyon, ou les Landes, a
fait baisser la mortalité due aux fièvres, au prix, certes, d'un coup terrible
porté à la biodiversité. Par conséquent, les deux écolos se retournent vers
l'homme politique : "Choisissez, vous êtes pour la biodiversité ou pour
la malaria et ses millions de morts ?" Le dialogue est difficile, comme
pour le nucléaire, c'est extrêmement compliqué, il faut choisir entre des
dangers donnés. Aujourd'hui, c'est l'effet de serre qu'il faut combattre. Un écologiste
normal devrait donc être pour le nucléaire – à moins d'être pour l'effet
de serre ! Vous voyez que, pour ces problèmes extrêmement noués, il n'y a pas
de solution simple.
En.marge:
C'est systémique, on ne peut pas tirer un brin sans que tout le reste bouge ?
Michel Serres
:
Exactement. Du coup, les décisions ne sont jamais linéaires.
En.marge:
Nous vivons dans l'imprévisible, sujet de votre dernier livre, Rameaux ?
Michel Serres
:
Pourquoi certains phénomènes, comme les éclipses, sont-ils prévisibles ?
Parce qu'ils appartiennent à des systèmes simples où l'on peut intégrer les
équations différentielles et extrapoler à des mouvements se répétant indéfiniment.
On sait exactement, des années auparavant, à quelle seconde le disque solaire
sera masqué. Cependant, depuis Poincaré, au début du 20e siècle,
on a mis la main sur des phénomènes dits "chaotiques", qui ne se développent
pas selon une courbe lisse et prévisible. Par exemple, Poincaré a un théorème
terrible qui montre que la Terre peut décrocher tout d'un coup de son orbite
– il semble bien, d'ailleurs, que le système solaire ait connu de tels
bouleversements. Certains phénomènes sont imprévisibles, nous ne pouvons intégrer
les équations différentielles à leurs conditions initiales. Or ils sont dix
fois plus nombreux que les phénomènes prévisibles ! Seulement voilà, comme
la science est tombée d'abord, avec Newton et tous les astronomes, sur le système
solaire qui tourne comme une horloge, la plupart des savants ont eu dans la tête
le modèle de l'astronomie et de la mécanique générale, et la prévisibilité
est devenue l'exemple typique du rationnel. C'est Laplace avec son démon,
symbole du rationaliste classique : si le démon connaissait tous les précédents,
il pourrait déduire la totalité de ce qui va se passer. Mais il est maintenant
démontré que, si l'on peut en effet toujours déduire, on ne peut, par contre,
pas connaître la totalité des conditions initiales, qui sont "inépuisables".
Alors, pan ! A l'étude, les phénomènes complexes ne deviennent pas prévisibles,
ils acquièrent un coefficient de probabilité. Connaissant la pression de la
plaque africaine sur Istanbul en ce moment, un terrible tremblement de terre
dans la région allant du Bosphore à la mer de Marmara est probable d'ici cinq
ans. De la même façon, en Californie où j'habite, le big one est
attendu dans les vingt prochaines années. Où et quand, exactement, ça, on ne
sait pas le prévoir. L'imprévisible reste la règle.
En.marge:
Peut-on parler pareillement d'une probabilité – incalculable ! – pour
qu'une invention technologique imprévue surgisse brusquement ? Vous en donnez
des exemples dans Rameaux, tel le téléphone, inventé comme un gadget.
Michel Serres
: En matière d'histoire, on ne peut pas calculer la probabilité. Impossible
de prévoir qui sera élu Président. Evidemment, quand il sera élu, il y aura
toujours un historien pour l'expliquer. C'est téléologique mais… au futur
antérieur ! L'intéressant, ici, c'est que pour la théorie physique du chaos,
c'est un peu pareil : les phénomènes chaotiques sont imprévisibles, mais
pourtant déductibles une fois qu'ils sont passés. Ça rapproche d'un coup les
sciences humaines des sciences physiques, de façon tout à fait intéressante.
En.marge:
Ces conditions initiales qu'on ne peut épuiser, cela fait penser à Gödel et
à son théorème d'incomplétude ?
Michel Serres
:
Je n'utiliser plus ce terme depuis qu'on m'a reproché d'avoir cautionné son
emploi par Régis Debray – un ancien élève – à propos de la politique,
alors qu'il s'agit d'un concept mathématique très complexe.
En.marge:
Mais de nombreux grands scientifiques, dans des domaines très divers (physique
quantique mais aussi linguistique avec Wittgenstein, logique avec Gödel ou
psychologie avec Lacan et son "sujet manquant"), en sont arrivés à
estimer qu'aucun savoir ne pouvait épuiser le réel, ayant forcément quelque
part un ombilic, comme une tache aveugle sur la rétine, qui le rendait
incomplet au moins sur un point. N'est-ce pas une leçon d'humilité, qui
pourrait conduire la communauté humaine à un degré de sagesse assez avancé,
une sorte d'agnosticisme, pourrait-on dire ?
Michel Serres
:
Je n'ai pas de mal à avoir de l'humilité, vous savez, j'ignore bien des choses
! Je raconte toujours, quand on me pose une question à laquelle je n'ai pas de
réponse, l'histoire de mon petit-fils qui un jour me demande : "Pépé, récite-moi
les Pokemon ! – Raphaël, je peux te raconter plein de choses, mais les
Pokemon, je connais pas – Hé ben tu vois Pépé, tu sais pas tout !" Hé
non !
En.marge:
Vous êtes connu pour cette humilité, en effet ! Mais pensez-vous que ce soit
l'image de la science véhiculée par les médias ?
Michel Serres
:
La survalorisation de la science n'est due ni au scientisme ni aux médias, mais
à la croyance qu'il existe, quelque part, un savoir absolu. Ce n'est pas vrai.
Chaque avancée fait voir un monde inconnu, plus on sait moins on sait. Pas
besoin d'attendre la mécanique quantique pour le dire ! "Ce que je sais
c'est que je ne sais rien", ça remonte à Socrate – décidément, ce 5e
siècle nous poursuit. On projette ce fantasme d'un savoir absolu sur le
scientifique, alors même que, les expériences actuelles durant deux ans et
impliquant deux mille chercheurs, il est devenu un.travailleur de la preuve,
loin de l'aura que pouvait avoir Maxwell ou Poincaré.
En.marge:
Revenons à Rameaux. Vous y mentionnez souvent saint Paul !
Michel Serres
:
Je suis persuadé depuis presque dix ans que nous sommes entrés dans une ère
vraiment nouvelle, et personne ne s'en aperçoit. Entre le monde en train de naître
et le précédent, la coupure sera aussi forte que la Renaissance, le début de
l'ère chrétienne ou même le néolithique. J'ai choisi saint Paul, comme
philosophe témoin et acteur d'une coupure du même genre, pour une raison très
simple : instruit, à la fois juif, grec et citoyen romain, il participe
pleinement à l'ancienneté, tout en inventant la nouvelle ère qui tourne le
dos à ces trois traditions. Changement décisif. Dans l'épître aux Galates,
il écrit : "A partir d'aujourd'hui il n'y a plus ni grec ni juif, ni
esclave ni homme libre, ni homme ni femme." Il veut penser un nouvel homme.
L'homme d'hier, pour lui, est celui des appartenances : le juif appartient au peuple élu, le grec à une cité, le
citoyen romain à l'élite. Et lui dit : "Il n'y a plus d'appartenance,
mais une identité." Il invente l'individu, l'ego.
En.marge:
Et ce clivage entre appartenance et identité se rejoue aujourd'hui ?
Michel Serres
:
Je crois que nous perdons encore plus d'appartenance. La nation commence à
disparaître, la politique également, les cultures sont en train de se mélanger.
Apparaît une humanité, désormais solidaire, habitant une planète où,
dirais-je volontiers, il n'y a plus ni blanc ni noir, ni pays développés et
pays sous-développés, mais un homme universel en train de se créer. Saint
Paul est une bonne annonce de cette affaire, avec l'idée d'individu.
Aujourd'hui, on passe de l'individu à l'homme universel. Nous savons tous que
nous sommes nés en Afrique, que l'ADN d'un Fidjien ou d'un Parisien, c'est
pareil. La démonstration à la fois paléontologique et biochimique de notre
fraternité est faite; l'idée humaniste qui était autrefois philosophique, idéologique,
morale et politique, est désormais une évidence scientifique. A mon avis, ça
change tout. Il y a un nouvel homme en formation, les politiciens n'y pourront
rien, et ce n'est pas seulement l'idée de nation qui va mourir.
En.marge:
Saint Paul est pourtant souvent contesté, notamment par les féministes…
Michel Serres
:
Elles se trompent. Quand il dit qu'il n'y a plus ni homme ni femme, il est quand
même pas mal en avance ! Mais d'autres textes, effectivement, ne sont pas si
clairs. Il y a des choses dans saint Paul qui résonnent aujourd'hui, mais
d'autres qu'il n'avait pas prévues, évidemment.
En.marge:
Est-ce dire que vous vous dites chrétien ?
Michel Serres
: Ah ça, c'est une autre question, sur laquelle joue la pudeur, due au
rapport à Dieu. Je suis de tradition chrétienne, je me suis toujours intéressé
à l'histoire des religions, mais je réserve ma réponse sur ce que je suis
moi-même.
En.marge: Même
prudence avec les anges, sur lesquels vous avez écrit La Légende des Anges.
Dans un entretien au magazine Lire, vous vous étonniez qu'on ait arrêté
un jour d'en parler !
Michel Serres
:
Je disais que le monde d'aujourd'hui est un monde angélique, parce que huit métiers
sur dix sont des métiers de messagerie – angelos signifie messager.
Tout est affaire d'émission, réception, interception ou décodage de messages,
et personne n'en a conscience. J'avais fait des livres sur Hermès, mais un seul
dieu, ce n'est pas très intéressant. Tandis que dans les religions monothéistes,
les anges sont quelques milliards, c'est plus commode. Si vous voulez comprendre
le monde actuel, l'angélologie marche bien mieux que la sociologie !
En.marge:
Voyez–vous un rapport entre les mutations technologiques et celle, humaine,
dont vous nous avez parlé ?
Michel Serres
:
Bien sûr ! Nous ne vivons pas dans le même espace que nos parents, aux
communications lointaines difficiles, mais dans un espace sans mesure,
topologique plutôt qu'euclidien. Mais ça, je l'ai écrit il y a longtemps. On
ne vit pas non plus dans même temps !
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