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Le docteur MARIE HAUMONT est thérapeute en Belgique
"Le combat contre la douleur sera le moteur de
l'évolution de la médecine conventionnelle vers des valeurs féminines"
En.marge : Comment la médecine a t-elle évolué depuis
que vous la pratiquez ?
Marie Haumont: Elle a énormément changé depuis vingt ans.
Elle s'est ouverte à d'autres thérapies, plus souvent d'ailleurs sous la
poussée des patients que par la volonté des médecins. Cette ouverture a
permis d'accéder à une vision plus complète de la personne. A l'angle
académique appris en faculté s'ajoutent d'autres points de vue, souvent
abordés par les patients eux-mêmes. L'information circule, les patients
conduisent seuls leur recherche du meilleur traitement, consultent plusieurs
spécialistes, refusent certains médicaments, obligeant ainsi leur médecin à
évoluer progressivement, à devenir moins doctrinal, voire même à se tourner
vers les thérapies douces.
En.marge.: Quel a été l'élément clé de ce changement ?
M.H.: L'un de ses moteurs principaux a été l'évolution de
l'attitude face à la douleur. Son traitement, non mesurable, étant considéré
comme non scientifique, la douleur était totalement niée il y a vingt ans.
Elle est aujourd'hui un facteur important de toute thérapie.
En.marge.: Pourquoi ?
M.H.: Pour trois raisons convergentes. D'abord les patients
la refusent, exigent qu'on fasse attention à ce qu'ils disent, à ce qu'ils
savent et à ce qu'ils ressentent. Ensuite la pénétration dans le public des
conceptions holistiques défendues par les médecines parallèles obligent les
médecins à prendre en charge leurs patients dans leur globalité, et donc à
s'occuper aussi de leur douleur et pas seulement de leur maladie. Enfin, grâce
à l'accompagnement des mourants, on s'est aperçu que chaque vie est importante
jusqu'à son terme, que la douleur est inacceptable et doit être traitée même
lorsque tout espoir de guérison a disparu. Par extension, le corps médical
s'est mis à accorder plus d'attention aux douleurs des vivants. On peut
discuter des avantages de la péridurale, par exemple, mais au moins les femmes
ont aujourd'hui le choix. C'est une évolution importante, que l'on doit en
partie à cet étrange voyage aux limites que constituent les soins palliatifs.
Elle conduit les médecins à ne plus considérer leurs patients comme les
porteurs anonymes d'organe malades. La médecine classique rejoint ainsi la
médecine alternative : le médecin n'est qu'un aide permettant au patient de se
guérir lui-même. En ce sens, la philosophie médicale se féminise. La
thérapie n'est plus un combat solitaire du médecin contre la maladie mais un
partenariat avec le patient, ce qui demande de grandes qualités d'écoute de
l'autre, une vertu réputée plus féminine. Cette écoute passe par l'attention
accordée aux petits détails de la vie, qui dérangent souvent les médecins
"masculins". On assiste à une évolution au sein même du corps
médical. Les métiers plus analytiques, comme la radiologie, ou plus actifs,
comme la chirurgie, comptent plus d'hommes, alors que de plus en plus de femmes
occupent les fonctions demandant une écoute, comme la psychiatrie, la médecine
généraliste ou les thérapies alternatives.
Retour haut de page Retour Reportages & Articles Un article par En.marge publié dans Nouvelles Clés (n°20)