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RENCONTRE AVEC UN MÉDECIN BAROUDEUR ET HORS NORME

Le docteur Jean-Pierre Willem est co-fondateur de l'association Médecins sans Frontières, fondateur de Médecins aux Pieds Nus. Reçu interne des Hôpitaux d'Alger en 1960, anthropologue et chirurgien, le Docteur Jean- Pierre Willem est devenu, en presque quarante ans de "bourlingue" médicale, l'un des meilleurs spécialistes et ardent défenseur de l'emploi des médecines naturelles à l'échelle mondiale. Il anime depuis 1986 l'association Médecins aux Pieds Nus.

En.marge : Quels rapports la médecine occidentale entretient-elle avec les médecines naturelles hors de nos frontières ?

Docteur Jean-Pierre Willem : De nombreux pays développés ont une législation moins restrictive que la France. Dans certains d'entre eux (Hollande, Suède, USA, etc.), des compagnies d'assurance-maladie offrent une réduction de 3O% aux pratiquants de la méditation transcendantale, dont elles ont constaté la meilleure santé.

            A l'échelle de la planète, il faut replacer le rapport dans sa juste perspective : seulement dix à quinze pour cent de la population mondiale disposent d'un accès facile à la médecine occidentale. L'immense majorité fait appel aux plantes, aux médecines chinoise ou ayurvédique, aux guérisseurs traditionnels.

            Les organismes internationaux ont eu tendance à exporter la médecine occidentale, dont l'utilité est certaine, en particulier pour la traumatologie et les cas d'urgence, de conflit ou de catastrophe. On constate cependant un début de rejet : envers Médecins sans Frontières, Médecins du Monde, etc, les pays concernés sont moins empressés, sans pouvoir évidemment le dire car ils ont aussi besoin de l'aide apportée. Deux raisons expliquent leur méfiance : économiquement, la politique de santé qui va avec cette médecine leur est inaccessible, et d'autre part, ils ressentent là une forme de néocolonialisme. Chercher àtransposer le modèle occidental dans un domaine aussi délicat que la santé, c'est oublier que l'acte médical est une affaire très complexe, qui engage plus qu'un simple geste. C'est traditionnellement, disait Lévy Strauss, un mode de communication avec le sacré. Il y a des interactions entre culture et santé, culture et maladie.

En.marge : Comment un ancien chirurgien en est-il venu à dresser ce constat?

Dr Willem : En quarante ans sur le terrain, je me suis rendu compte que les autres médecines avaient un sens et une efficacité. Elles apportent précisément le dialogue et la vision globale de l'homme qui manquent, par excès de matérialisme, à la médecine occidentale et qui expliquent pourquoi celle-ci est critiquée en Occident et ne "prend" pas ailleurs. D'autre part, je trouve économiquement et culturellement aberrant de vouloir soigner les gens en faisant table rase de leurs propres cultures et méthodes, aussi rudimentaires et insuffisantes soient-elles. Mieux vaut tenter de les améliorer.

En.marge : Que préconisez-vous pour cela ?

Dr Willem : Les deux médecines doivent cohabiter. Si elle ne soigne pas tout, la médecine naturelle est cependant efficace, et en plus elle est simple, bon marché et disponible sur place. Pourquoi ne pas s'appuyer sur les tradipraticiens qui sont parfois, comme en Afrique, regroupés en ordres officiels ? Ils ont leurs recettes, ils sont spécialistes de certaines maladies, pourquoi ne pas expérimenter ? Il faut procéder àdes échanges de savoirs. Quand vous proposez à un guérisseur un médicament qu'il peut fabriquer lui- même et qui soigne, il l'adopte sans réticences comme le ferait tout médecin !

En.marge : C'est la tâche que s'est donnée votre association ?

Dr Willem : Il faut partir de ce qui existe. Ne rien imposer. Proposer aux tradipraticiens d'apprendre quelques rudiments de médecine. Dialoguer avec eux. Faire des analyses des plantes qu'ils utilisent, non pour voler leurs recettes mais pour les inciter à donner des posologies plus précises. Notre mission au Guatemala, par exemple, a formé depuis 199O des centaines de guérisseuses et de guérisseurs venus de toute l'Amérique Latine (Nlles Clés n°18). Là et ailleurs, nous enseignons les caractéristiques des différentes familles de plantes, comment remplacer la cueillette par des jardins médicinaux et fabriquer des médicaments sur place. Nous installons des alambics pour distiller des huiles essentielles, nous proposons l'implantation de plantes connues dans d'autres régions pour soigner les grandes pathologies tropicales (paludisme, amibiase, lèpre, etc.). 

En.marge : Malgré vos succès, vous êtes le "parent pauvre" des associations d'aide médicale. Une évolution se fait-elle sentir de la part des instances officielles ?

Dr Willem : Notre action est celle que préconisait l'OMS sous la direction d'Halphan Malher dans les années 7O, et dont on recommence àparler grâce à sa nouvelle présidente. L'acceptation des médecines naturelles par les autorités médicales ne peut venir que de leur efficacité sur le terrain. Nous sommes efficaces. De fait, la population adhère à notre démarche, tout comme elle sait que les structures sanitaires et d'urgence de la médecine occidentale sont indispensables. On commence à nous donner des moyens. Le grand changement ne viendra de toute façon pas des instances officielles ni des labos pharmaceutiques ! Il viendra des gens. Le véritable écueil àla progression des médecines naturelles est à l'intérieur. Il faut rapidement qu'il y ait des professeurs, et faire le ménage dans ce mouvement.

 

Les trouvailles des Médecins Aux Pieds Nus

Artemisa Annua, une armoise connue en médecine chinoise pour lutter contre le paludisme. MAPN l'a transplanté au Guatemala, au Burkina Fasso, dans la région des Grands Lacs africains,

Le Chénopodium, une plante herbacée, soigne les verminoses, à raison de 2 gouttes d'huile essentielle par jour pendant 1 semaine.

L'Euphorbia Hirta, qu'on trouve partout le long des pistes en Afrique. En 3 jours de décoctions une amibiase est finie.

La Tachetes Lucida, appelée Pericon chez les Indiens Maya, est une plante antidiarrhéique et anticholérique qui a permis d'éviter une épidémie de choléra, en 199O au Guatemala.  

Légende photo :

"Viet-Nâm, chute de Saïgon, avril 1975. Les réfugiés buvaient l'eau des marigots, se vidaient, tombaient dans le coma et mourraient bêtement. Je n'avais rien ! Je me suis souvenu d'un article d'une consoeur malgache qui faisait des perfusion de noix de coco pour réanimer. Grâce à cela, j'ai sorti des gens du coma. Ils m'ont pris pour Dieu !"

 

Témoignage

"J'ai créé il y a 14 ans la faculté libre de médecine naturelle à la Sorbonne. 4OO élèves. On nous mis dehors au bout d'un an. Nous apportions trop de concepts nouveaux : ethnomédecine, médecine chinoise, sophrologie, phyto-aromathérapie, homéopathie, tout ceci rassemblé pour créer des ponts interdisciplinaires. C'était trop novateur, et s'opposait à "certains pouvoirs", peut-être celui des labos, dont on sait combien ils financent de partis ou de médias, et à celui des patrons, qui n'ont jamais voulu plonger dans l'étude de ces médecines. Du reste, ils sont en porte à faux avec leur éthique scientifique, qui devrait les conduire à vérifier la réalité et l'efficacité de ces techniques. Ce qu'ils ne font pas, c'est cela que je leur reproche. Et pourtant, cette faculté libre n'était pas destinée à s'attaquer à une certaine nomenclature médico-scientifique, mais plus simplement à former des médecins pouvant travailler dans des contextes culturels différents du nôtre !"

 

Site Web : http://www.altern.org/mapn

e-mail   : mapnong@francemultimédia.fr

Minitel  : 3615 Mission Hum (2,23 F/min.)  L'actualité de Médecins Aux Pieds Nus, les formations nécessaires pour partir en mission (ethnomédecine et phytothérapie).

            3615 MEDNAT (2,23 F/min.) Programme de formation de la FLMNE, 25O pathologies traitées par les médecines naturelles.  

Un article par En.marge publié dans Nouvelles Clés (n°20)

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