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L'avenir des médecines alternatives est ouvert

Pierre Crépon est directeur de la revue "Énergie Santé"

En.marge : A votre avis, où en sont aujourd'hui les rapports entre médecine conventionnelle et thérapies alternatives ?

Pierre Crépon : L'évolution amorcée dans les années soixante-dix continue. Le mouvement alternatif s'est approfondi et touche de plus en plus de gens. Parallèlement l'autre conception médicale, qui coupe l'être humain en tranches, s'est accentuée elle aussi ! Son pouvoir, notamment économique, s'est encore renforcé, comme le montrent l'exemple des antibiotiques ou des vaccins, dont on connaît l'utilisation abusive depuis longtemps sans que rien n'ait changé. C'est un point important, entre autre parce que le relais dans les médias est littéralement aberrant de servilité. Disons-le clairement : les rubriques santé des médias sont des pages publicitaires pour les grands laboratoires pharmaceutiques.

En.marge: Comment expliquer pourtant le succès grandissant des médecines douces, dont l'homéopathie, en France ?

P. Crépon: Pour certains patients, c'est le signe d'une ouverture à une conception plus globale de l'être humain. Mais une part de ce succès est aussi due à la mode du "shopping médical". On va essayer l'acupuncture, par exemple, pour arrêter de fumer, sans pour autant tendre ensuite vers une conception énergétique du fonctionnement de l'être.

En.marge: Quels sont d'après vous les secteurs de la santé dans lesquels on peut s'attendre à des changements ?

P. Crépon: Dans la recherche en acupuncture, je n'observe pas de mouvement de fond. En Chine même la grande tradition a été perdue. Elle reste vivante à Taiwan, à Hong Kong et... en France, où entre les années trente et soixante avait fleuri une école de grande qualité sous l'impulsion de médecins qui avaient exercé en Indochine, traduit les textes chinois et approfondi l'approche traditionnelle. Cette école française s'est fractionnée depuis. Il y a plus d'acupuncteurs, mais sont-ils aussi bons que leurs aînés ?

D'intéressant travaux théoriques sont réalisés en homéopathie. Ceux de Benveniste bien sûr, mais aussi de Conte, Lasle, Vernot et Berliocchi, une équipe regroupant médecins, mathématiciens, ingénieurs et économistes. Ils ont développé une théorie mathématique donnant un cadre scientifique à l'action des hautes dilutions, sans aboutir à l'électromagnétisme comme le fait Benvéniste. Ces recherches de fond vont apporter une caution scientifique à l'action de l'homéopathie. De plus en plus de médecins deviennent homéopathes, pour répondre à l'engouement de la clientèle et parce que c'est une médecine efficace, mais je ne suis pas persuadé qu'ils acquièrent véritablement une vision énergétique et globale du corps. A l'autre bout de la chaîne on assiste, parallèlement à une banalisation des produits homéopathiques qui n'a pas beaucoup à voir avec la véritable homéopathie, à l'introduction en France des dilutions Korsakov.

En.marge: En quoi est-ce important ?

P. Crépon: Cela reflète l'arrivée d'un nouveau type d'homéopathie anglo-saxonne, plus uniciste. Sur le plan théorique, ces dilutions compliquent encore le problème, puisqu'elle sont réalisées à l'eau courante. Mais le grand mouvement depuis dix ans, et cela va continuer, porte sur l'alimentation. Les travaux scientifiques ont largement prouvé la corrélation qui existe entre l'alimentation et la santé, ou la maladie (cardio-vasculaire, cancer, etc.). Ils montrent d'autre part l'efficacité thérapeutique de certains nutriments (vitamines A, E, sels minéraux) dans le rétablissement des équilibres biologiques. Aujourd'hui, même si quelques irréductibles prétendent encore que notre alimentation n'est pas carencée parce que nous mangeons de tout, on assiste à une prise de conscience générale de l'importance de l'alimentation comme vecteur primordial de santé. Curieusement, c'est allé de pair avec l'apparition des fast-food, avec la détérioration de la qualité des aliments et des comportements alimentaires. Mais la tendance est réelle, comme l'indique la croissance du déficit commercial en produits biologiques. Les aberrations de la production massive de viande conduisent les gens réaliser qu'une alimentation plus végétarienne serait meilleure à la fois pour leur santé et pour celle de la nature. Et donc qu'il existe un lien entre santé de l'environnement et santé intérieure. On commence à donner des aides à la reconversion vers l'agriculture biologique. La France est en retard, mais le mouvement s'affirme et se fait reconnaître, poussé autant par les désastres écologiques que par la demande des consommateurs.

En.marge: Quels changements ce mouvement va-t-il provoquer ?

P. Crépon: Les chaînes de fast-food ont déjà dans leurs cartons des gammes de produits bios, sains et équilibrés. Toute l'industrie agroalimentaire attend que la demande soit plus forte pour en lancer, ce qui va poser la question des contrôles. On ne sait pas trop ce que cela va donner. Pour l'instant, on assiste au développement des aliments dits de "???", à base de graines germées et de micro-algues, très riches en vitamines, minéraux, ou chlorophylle. Et il semble que soit accordé de plus en plus d'importance aux synergies.

En.marge: C'est-à-dire ?

P. Crépon: On ne remplace jamais la nature ! Des études ont montré qu'il existe entre les différents nutriments de certaines plantes une synergie qui rend leur action beaucoup plus forte que s'ils étaient pris isolément.

En.marge: En dehors de l'alimentation, quels sont les domaines dans lesquels vous prévoyez des évolutions importantes ?

P. Crépon: Un secteur en pointe aujourd'hui est celui du système hormonal, sur lequel, d'ailleurs, l'alimentation joue beaucoup. On connaît depuis longtemps son importance dans le fonctionnement du corps humain. Les recherches actuelles concernent surtout l'équilibre de ce système. On s'aperçoit que le cholestérol sert à sa régulation, qu'un certain nombre de maladies (cancers du sein, de l'abdomen, ostéoporose, etc.) sont dues à des déséquilibres hormonaux. Ceux-ci peuvent être corrigés par une nutrition appropriée ou par la prise d'hormones végétales naturelles, à ne pas confondre avec les hormones de synthèse génératrices d'effets secondaires, que les laboratoires développent en changeant un peu la molécule pour pouvoir déposer un brevet.

En.marge: A propos d'endocrinologie, que pensez-vous des recherches en psycho-neuro-endocrino-immunologie ? Leur aspect transdisciplinaire ne va-t-il pas à l'encontre de ce que vous disiez à propos de la science qui découpe ?

P. Crépon: Certes, à ceci près que cinq ou six personnes au maximum travaillent en France sur ce sujet. C'est vraiment peu, même si cela reflète une prise de conscience de l'influence du psychisme sur la santé. Les gens savent qu'ils sont malades parce qu'ils sont stressés, les médecins tiennent compte de l'état psychologique des patients dans l'analyse de leurs troubles somatiques, les hôpitaux s'ouvrent à l'accompagnement des grands malades et des mourants. Mais comme pour l'homéopathie ou l'alimentation, tout ceci est très paradoxal, car dans le même temps l'accent continue à être mis sur la maladie plus que sur le malade, on cache la mort, les médias nous présentent toute la recherche médicale comme une sorte de quête du vaccin contre la mort. Comme si l'éradication ou le traitement de toutes les maladies devaient conduire à nous rendre immortels !

En.marge: Mais alors, quels effets a cette prise de conscience que vous mentionnez ?

P. Crépon: En dehors de ceux dont j'ai parlé, qui ne sont pas négligeables, elle rejoint un autre domaine dans lequel se produisent autant de changements d'ordre pratique que de découvertes scientifiques, et que j'appellerai le secteur énergétique (magnétisme, radiesthésie, géobiologie, etc.). La découverte de l'importance des vibrations électromagnétiques à l'intérieur même de nos cellules fait prendre conscience des dangers de la "soupe" électromagnétique de plus en plus épaisse dans laquelle nous vivons. On n'en mesure pas précisément les effets, mais on s'attend à ce que cela devienne un gros problème de santé publique.

En.marge: Un problème auquel il ne semble pas exister de solutions alternatives ?

P. Crépon: La prise de conscience est déjà un premier pas. Il faut faire de la prévention électromagnétique : promouvoir les transmissions câblées plutôt que par antenne, interdire la construction près des lignes à haute tension, fabriquer des appareils diffusant moins de champs électromagnétiques, etc.

Au niveau thérapeutique, nous en sommes au premier stade, où le pire côtoie le meilleur. Des machines complètement délirantes sont proposées sur Internet, des charlatans ou des gens plus perturbés que leurs patients s'installent comme magnétiseurs ou médecins énergétiques. Mais je pense que l'avenir appartient à ce travail sur les énergies, à la fois grâce aux recherches scientifiques, à la prise de conscience, au témoignage de ceux qui ont travaillé sur eux-mêmes, à l'aide thérapeutique qu'ils pourront apporter, et à la redécouverte des médecines traditionnelles.

En.marge: On parle beaucoup de cette redécouverte. Est-elle réelle et effective ?

P. Crépon: Pour certaines traditions, indubitablement. La médecine tibétaine, par exemple, a émigré avec la diaspora. Elle accompagne l'expansion actuelle du bouddhisme tibétain, qui lui apporte un cadre structuré et sérieux. Pour d'autres, c'est moins évident. N'importe quel charlatan venu de loin peut se prétendre détenteur d'une tradition médicale.

En.marge: La redécouverte des médecines traditionnelles a-t-elle des conséquences sur la médecine occidentale ?

P. Crépon: Oui, par le biais de la pharmacologie. L'ethnopharmacologie est un secteur en pleine expansion et conduit à la découverte de nouvelles substances thérapeutiques. On peut seulement déplorer que très souvent les laboratoires s'en servent uniquement pour développer des molécules de synthèse. Il ne faut cependant pas oublier que les praticiens de ces médecines traditionnelles, sorciers, guérisseurs ou autres, jouaient aussi un rôle social qui ne peut être exporté à d'autres cultures. C'est un facteur à ne pas négliger, lorsqu'on pense par exemple aux travaux en psycho-neuro-immunologie : l'esprit d'un individu a certes une influence sur son métabolisme, mais son entourage familial ou social aussi. Dans une société de plus en plus déboussolée, les gens sont de plus en plus malades. Et la visualisation n'apporte guère de solutions aux problèmes sociaux.

En.marge: Quel est selon vous le grand apport de la médecine énergétique ?

P. Crépon: Il est trop tôt pour le savoir sur le plan thérapeutique. Je crois plus essentiel aujourd'hui l'apport préventif de pratiques énergétiques au succès grandissant, comme le Tai Shi ou le Chi Cong. Grâce à elles, des centaines de milliers de personnes ont commencé, concrètement, à faire bouger leurs énergies. Les recherches fondamentales doivent bien sûr continuer, elles permettront un jour de distinguer théories sérieuses et idées farfelues. Mais le fait que dans mon village tout le monde sache et puisse vérifier que le guérisseur local soigne mieux les brûlures que le médecin, qui d'ailleurs lui envoie parfois des patients, me paraît aujourd'hui plus important.

En.marge: Pourquoi ?

P. Crépon: D'abord, parce que les gens sont guéris ! C'est concret, réel. En ce sens, former de bons homéopathes compte plus que savoir si leurs médicaments ont une action chimique, énergétique ou autre. Ensuite, parce que cela met l'accent sur l'aspect humain et relationnel, que l'on sait essentiel dans toute thérapie, et qui manque le plus dans notre société. Je ne parle pas du relationnel dans le sens "il faut parler, s'exprimer, etc.", mais de la présence d'une personne vraie, entière, avec qui la relation thérapeutique sera d'ailleurs en grande partie inconsciente. Comme l'expansion du Bouddhisme et des pratiques méditatives ou énergétiques en Occident, c'est un mouvement de fond, une prise de conscience, qui réunit toutes choses : une connaissance inconsciente du monde invisible, qu'une tentative d'analyse rationnelle ne pourrait que dénaturer, et une pratique, qui fait appel à la Voie du Milieu. Cela signifie adopter une alimentation à la fois équilibrée, saine, et adaptée à notre culture et à nos goûts personnels. Ou chercher la pratique énergétique qui nous conviendra personnellement. Ou choisir un thérapeute pour ses qualités humaines et relationnelles plutôt qu'en fonction de la médecine qu'il pratique.  

Un article par En.marge publié dans Nouvelles Clés (n°29, 1998)

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