RETOUR AU SOMMAIRE DU DOSSIER THÉRAPIES ET SANTÉ RETOUR A REPORTAGES ET ARTICLES
Corinne Adrion, naturopathe, et Ronald Mary, producteur radio et journaliste, assistés d'une équipe de professionnels de la santé, viennent de lancer sur Internet le premier site français consacré aux médecines alternatives (www.almarome.com).
En.marge : Est-ce parce que vous prévoyez de grandes avancées en aromathérapie que vous lui faites tant de place sur votre site ?
Ronald Mary: Il ne faut s'attendre à des percées spectaculaires dans aucune des médecines alternatives, pour une raison très simple : ces thérapies s'appuient sur de véritables traditions. L'homéopathie a deux cents ans, l'acupuncture plus encore. Quant aux plantes, leur connaissance est ancestrale, même si l'aromathérapie est relativement récente.
E.m: Pourquoi dans ce cas lui accorder une préférence ?
Corinne Adrion: La culture française, qui attache une grande importance au goût et à l'odorat, a conduit notre pays àdevenir la patrie des huiles essentielles. Parallèlement àleur emploi dans la cosmétologie, l'alimentation ou la parfumerie, les recherches sur leur utilisation thérapeutique ont débouché sur des pratiques qui font de la France le pays phare en ce domaine. R.M.: L'aromathérapie pourrait grandement améliorer le système de santé mondial. Elle serait un bienfait pour les pays pauvres : les huiles essentielles s'obtiennent par des techniques simples et peu onéreuses, s'administrent facilement et remplaceraient avantageusement les produits de synthèse occidentaux. Leur efficacité a été prouvée par de multiples études, comme l'a montré par exemple l'association Médecins au Pieds Nus en éradicant au Cambodge une épidémie frappant la volaille.
C.A.: Leurs principales propriétés, anti-virales, immuno-stimulantes et régulatrices nerveuses, permettent de résoudre de graves pathologies sans provoquer d'effets secondaires.
R.M.: Ce sont les médicaments de l'avenir. Mais leur introduction ne se fera pas selon la logique du rouleau compresseur (pub, lobbying, etc). Elle viendra par une pénétration progressive du monde de la santé, au sens large du terme, c'est-à-dire aussi bien par le biais des professionnels que par celui d'individus qui, désireux de prendre leur santé en charge, auront essayé l'aromathérapie et, convaincus de son efficacité, l'adopteront.
C.A.: Ou bien, comme le font de nombreuses personnes, ils utiliseront d'abord les huiles essentielles par agrément, en diffusion ou en massage, avant de s'intéresser à leur aspect thérapeutique.
E.m: Croyez-vous que l'aromathérapie soit la seule thérapie alternative promise à un bel avenir ?
R.M.: L'homéopathie en est une autre. Je n'en suis pas expert, mais le processus de pénétration est le même : on essaye l'homéopathie, souvent d'abord pour soigner un enfant, puis constatant que cela marche on en vient à l'employer pour soi-même et à la conseiller à ses proches. Le troisième secteur qui va se développer concerne la sphère psy, c'est-à-dire toutes les pratiques énergétiques de développement personnel et d'éveil de la conscience. C'est un phénomène intéressant, parce qu'en grande partie souterrain. La mauvaise cote dont souffre dans de nombreux milieux tout ce qui pourrait être qualifié de New Age a conduit les gens à ne jamais mentionner en société leur pratique personnelle. Elle a pourtant des effets. L'homme d'affaires stressé et impitoyable devient peu à peu plus humain, plus souriant. Parce qu'il a acquis des valeurs humaines il va s'efforcer, lors d'une négociation commerciale, d'entraîner son adversaire dans une stratégie du "win-win" dont chacun sortira gagnant. Toute une philosophie humaniste est en train de s'imposer par des biais auxquels on ne s'attendait pas.
C.A.: Et comme elle résulte d'un travail des gens sur eux-mêmes, elle conduit lentement à une évolution qui touchera tous les éléments de la vie, et bien sûr en premier lieu la santé. Celui qui se sent responsable de sa santé sait que la plupart des maladies ont un sens, qu'elles signalent un dérèglement immunitaire qu'il faut soigner tout autant que la maladie elle-même.
E.m: Et les médecines alternatives vont prouver de plus en plus leur efficacité face à ce type de dérèglement ?
C.A.: Tout dépend de l'état d'avancement de la maladie. Le succès des thérapies alternatives commence à provoquer un repositionnement plus équilibré des différentes médecines. L'allopathie reste indispensable pour les urgences, les lésions traumatiques et les pathologies lourdes. Mais elle occupe aussi un terrain sur lequel les médecines douces seraient plus appropriées. Prenons un parcours classique. Dès sa naissance ou presque le bébé est vacciné, soigné aux antibiotiques pour des affections bénignes. On l'empêche de faire les maladies infantiles qui servent à construire son système immunitaire et son énergie vitale, si puissante au début, commence à faiblir. Enfant ou adolescent, il en subit les conséquences. Son énergie reste forte mais il souffre parfois de douleurs aiguës. Anti-inflammatoires, anti-ci, anti-ça, les éliminent sans attaquer leur cause. A l'âge adulte, les douleurs deviennent chroniques, avec des phases aiguës au printemps, pendant les vacances, ou au moindre stress. Si l'on continue à les traiter avec l'arsenal conventionnel, le corps s'affaiblit et l'atteinte organique apparaît. Il est alors trop tard pour faire intervenir une thérapie alternative, il ne reste plus que la chirurgie ou la chimiothérapie à hautes doses. L'allopathie a fabriqué un malade qu'elle seule pourra soigner, et vu les enjeux économiques on peut se demander si ce n'est pas voulu par certains. Le processus d'une maladie est comparable. Au début on se sent mal, puis on a vraiment mal, sans pour autant qu'il y ait d'atteinte organique. Jusqu'à ce stade, les médecines alternatives sont les plus appropriées : elles s'adressent au terrain, renforcent le système immunitaire, aident le corps à se soigner lui-même. Mais si l'on ne soigne que les symptômes ou si l'on ne fait rien, lorsque l'atteinte organique survient l'énergie est au plus bas. Plus question d'essayer une thérapie douce, seule l'allopathie peut être efficace. C'est la grande leçon du partage du territoire de la santé entre allopathie et médecine douce : chacune a sa place. La seconde demande une écoute de son corps, une prise de responsabilité et une hygiène de vie qui constituent au fond les meilleurs garants d'une bonne santé.
Un article publié dans Nouvelles Clés (n°18, 1998)
Retour haut de page Retour Reportages & Articles Retour au dossier Thérapies et Santé