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LES MÉDECINES NON-CONVENTIONNELLES EN EUROPE au tournant du siècle

UNE EUROPE DISPARATE
Dans l’Europe de la médecine, tout diffère : systèmes de santé, définitions et pratiques médicales, pharmacopées, influence des patients, des médecins et des industriels auprès des autorités, ouverture aux thérapies alternatives. Jusqu’au statut légal du médecin lui-même, qui reste pourtant le seul élément de comparaison ne demandant pas une redéfinition pour chaque pays. Car actuellement, tout change. Ainsi, ne dites plus “ médecines douces ” (certaines ne le sont pas), ni “ parallèles ” (elles peuvent se rencontrer), ni même “ alternatives ” ou “ complémentaires ” (cela reste à définir). Le terme officiel désormais : “ médecines non-conventionnelles ”.

SEULEMENT TROIS POINTS COMMUNS
Le premier fleure bon le Moyen Age : partout en Europe, la pratique de la médecine ambulante est expressément interdite. Qui veut soigner doit s’installer. Le second rappelle Molière : partout, la loi protège le titre de docteur en médecine. Le troisième dessine un avenir : partout, l’influence exercée sur la société par le lobby pharmaceutique et la pensée médicale allopathique semble faiblir.

PROGRÈS DES MÉDECINES ALTERNATIVES
La pression du public se confirme, dans les sondages d’opinion comme dans l’usage en constante augmentation. De plus, les considérations budgétaires incitent les autorités à prendre en compte les avantages de ces thérapies souvent moins coûteuses. Question : serviront-elles de cheval de Troie aux démanteleurs du système de prise en charge collective ou contribueront-elles à sa sauvegarde ?

DES PAYS DE TRADITION LIBÉRALE PLUS OU MOINS RÉGLEMENTÉE
En IRLANDE et au ROYAUME UNI, en vertu du droit coutumier, la liberté de soigner est totale. Seules interdictions : la pratique ambulante et l’usurpation du titre de medical doctor. En 1993 et 94, le ROYAUME UNI a réglementé l’ostéopathie et la chiropractie, avec protection officielle des titres et organisation de chaque profession. Un Conseil édicte un code de bonne conduite et contrôle les formations. Il en sera bientôt de même pour la phytothérapie et l’acupuncture. Cette politique d’intégration des thérapies alternatives dans le système de santé (“ integrated healthcare ”) bénéficie d’un soutien actif de la part du Prince Charles.

En SCANDINAVIE règne le principe suivant : tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé. Sont interdites aux non-médecins, depuis 1936 en NORVÈGE (outre la pratique ambulante et l’usurpation de titre), la chirurgie, l’anesthésie, les piqûres, la prescription de médicaments soumis à ordonnance. La SUD a imposé les mêmes interdictions en 1960, ajoutant le traitement de certaines maladies contagieuses et, en 1982, du cancer. Le DANEMARK a adopté des lois similaires dans les années 70, interdisant en outre la pratique de l’accouchement et le soin aux mineurs ou aux malades mentaux. Pendant les années 90, la chiropractie a été légalement reconnue comme profession de santé dans ces deux pays et en FINLANDE.

L’ALLEMAGNE a institué la liberté de soigner en 1873, mais se distingue par l’instauration, en 1939, du statut de “ Heilpraktiker ” (praticien de santé). Aucune formation spécifique n’est exigée, mais une autorisation d’exercer ( “ Erlaubnis ”) impose un examen devant une commission fédérale et des interdictions comparables à celles des pays nordiques. Les médicaments anthroposophiques et homéopathiques sont inclus dans la pharmacopée nationale et, depuis 1978, une commission spécifique à chacune de ces disciplines a été instaurée au sein du système fédéral de santé. Les ostéopathes, quant à eux, bénéficieront bientôt d’un statut particulier.

La SUISSE est un cas spécial. Chaque canton étant maître de sa réglementation médicale, elle est traditionnellement plus libérale en Suisse alémanique qu’en Suisse romande. Mais surtout, la chiropractie a bénéficié dès 1937 de statuts spécifiques. Elle est intégrée au système fédéral d’assurance maladie depuis 1964, au même titre que la médecine ou l’art dentaire. Diverses thérapies alternatives sont reconnues localement et remboursées par les assurances complémentaires. Depuis deux ans ce mouvement s’accélère dans les cantons francophones, qui avaient généralement abrogé le monopole des médecins au cours des précédentes décennies (1984 pour Genève).

DES PAYS DE TRADITION RESTRICTIVE PLUS OU MOINS CORPORATISTE

Il y a peu de temps encore, cette tradition atteignait son maximum en BELGIQUE où “ l’art de guérir ” réservé aux médecins ne comprenait pas seulement le soin et le diagnostic, comme en France, mais aussi le simple “ examen de l’état de santé ” ! Tout a changé en 1999 : sans abroger le monopole des médecins, le pays a institué un deuxième système de soins, en recourant à la notion de “ pratique ayant pour but d’améliorer et/ou de préserver l’état de santé ”. Il regroupe pour l’instant l’acupuncture, la chiropractie, l’homéopathie et l’ostéopathie en une commission paritaire chargée de les réglementer via leurs organisations professionnelles.

Aux PAYS BAS, la “ BIG wet ” ou “ loi sur les professions du secteur des soins de santé individuels ” a mis fin en 1993 au monopole des médecins instauré depuis 1865. Elle autorise en principe à quiconque la pratique médicale, mais énumère les actes réservés aux médecins et introduit une disposition pénale : nuire à la santé est passible d’une peine.

La plupart des pays d’Europe du Sud et de l’Est amorcent des changements. Soit par le biais d’une reconnaissance comme spécialités des disciplines alternatives pratiquées par des médecins (AUTRICHE en 2002, ITALIE et TCHÉQUIE concertations en cours), ou par la création de nouvelles professions libérales soumises à réglementation (organisation, formation, contrôle et protection du titre). En ESPAGNE, où la pratique illégale de la médecine s’appelle “ intruismo ” (intrusion dans une profession protégée), ces détails ont leur importance : la naturopathie et l’acupuncture ont été reconnues par le ministère des Finances en 90. Une autorisation d’ouvrir des centres de formation à la chiropractie a suivi en 91. Et au PORTUGAL, c’est le ministère du Travail qui reconnaît depuis 1994 les professions d’acupuncteur, d’homéopathe et de naturopathe, tous “ naturologistes ”. Boomerang ! : en 99, un loi interdisant toutes les médecines alternatives était votée. Le président portugais a mis son veto. Les consultations continuent.

La HONGRIE cherche à y voir clair. Elle dissocie depuis 1997 les techniques alternatives réservées aux docteurs en médecine (homéopathie, médecines manuelle, ayurvédique, tibétaine, chinoise et anthroposophique) et celles ouvertes aux non-médecins (acupression et massage, kinésiologie, physiothérapie, bioénergie, phytothérapie).

La FRANCE n’a pas changé, malgré les timides débuts de la commission Nicolas sur l’ostéopathie et la chiropractie (2002). Seules l’acupuncture et l’homéopathie sont reconnues comme orientations médicales, mais non comme spécialités. Pour l’Ordre national des médecins, elles font partie avec les autres médecines non-conventionnelles des “ pratiques médicales non-éprouvées ” qui méritent d’être, au gré des rapports et des institutions, tantôt dénigrées et bannies, tantôt soumises à des études… jamais prévues au budget.

A LIRE : Médecines non-conventionnelles et droit, Isabelle Robard, Ed. Litec, 2002.

Un article publié dans Nouvelles Clés  (n°37)

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