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LA CARTE DE L'EUROPE des médecines non-conventionnelles, commentée par Isabelle Robard
Isabelle Robard, docteur en droit et avocat, est non seulement l'auteur avec Thierry Souccar de Santé, mensonges et propagande (éd. du seuil), un pavé dans la mare des autorités sanitaires françaises, en passe de devenir un best-seller. Elle est également l'égérie juridique des médecines non-conventionnelles en Europe. Spécialiste du droit comparé en ce domaine  et surtout, cheville ouvrière de nombreuses réformes, en Belgique, au Portugal et en France, elles a écrit  La santé hors la loi, les hors-la-loi de la santé, éditions Ancre, 1991, 92 et 94; Médecines non-conventionnelles et droit, éditions Litec, 2002

Communauté européenne
"Après un premier rejet en 1991, le Parlement européen a voté le 9 mai 1997 une "résolution" en faveur de sept médecines non-conventionnelles : acupuncture, chiropraxie, médecine anthroposophique, médecine traditionnelle chinoise, ostéopathie, naturopathie et phytothérapie. Je me souviens de négociations au début très houleuses entre deux camps bien marqués, mais au bout de deux jours, sous l'influence du député européen Paul Lannoye - à l'initiative de la proposition -, les choses se sont pacifiées, réglées, chacun a compris que la place de l'autre n'empiétait pas sur la sienne, et la résolution l'a emporté. Hélas, elle a beaucoup été dénigrée, des communiqués de presse ont même prétendu qu'elle n'avait jamais été votée. Elle a pourtant eu un impact sur de nombreux pays membres, France et Luxembourg exceptés."

Belgique
"Votée le 22 avril 1999, une loi-cadre prévoit la réglementation de quatre disciplines : acupuncture, chiropraxie, homéopathie et ostéopathie. L'agrément des organisations professionnelles, encore en cours auprès du Conseil d'Etat, permettra la formation des commissions nécessaires - il reste par exemple à déterminer les conditions de formation. Les "arrêtés royaux" d'application n'ayant pas encore été pris, on a beaucoup désinformé sur cette loi, en disant notamment qu'elle avait été abrogée, alors qu'elle a été confirmée par des lois en 2002 et plus récemment encore, par le nouveau ministre Magda Algoot*. Sur le terrain, c'est le statu quo. La Belgique n'a pas vu fleurir les plaques de praticiens non-médecins - ce n'est d'ailleurs pas le but -, mais les professionnels qui exercent déjà ne sont pas inquiétés, comme chez nous, pour exercice illégal de la médecine. Une circulaire a été émise à l'intention du ministère de la justice pour demander l'arrêt des poursuites dans ces disciplines - et ce calme semble s'étendre aux autres -, à condition évidemment qu'il n'y ait pas dommage pour la personne consultante."

PAYS-BAS
"Le processus législatif paraît souvent long : aux Pays Bas, il s'est écoulé douze ans entre le moment où le ministre a commandé un premier rapport sur les médecines non conventionnelles et la loi qui a légalisé les non médecins (en 1993). Entre temps, un moratoire avait vidé de son contenu le monopole médical - similaire au nôtre et datant de 1865 -, en établissant que, si aucun patient n'avait subi de préjudice, il n'y aurait plus de poursuites."

Portugal
"Le Portugal, où régnait un monopole médical à la française, avec conseil de l'ordre et interdits divers, s'est lancé depuis 2000 dans un processus auquel j'ai participé de près, par des interventions, des rapports et aujourd'hui un travail juridique de suivi. C'est que les Portugais en sont déjà aux réunions ministérielles et aux décrets d'application ! La loi, votée en juillet 2003 après une première tentative infructueuse en 2000, porte légalisation de six des sept nouvelles professions de santé mentionnées dans la résolution du Parlement européen - la médecine anthroposophique n'ayant pas été retenue.
Reste à déterminer si l'enseignement sera privé, entrera en faculté ou dépendra d'un système mixte, ce qui à mon sens serait une bonne chose. Les pouvoirs publics ont d'ailleurs l'intention, pour définir les critères de formation, de prendre comme interlocuteurs aussi bien la structure professionnelle correspondant à chaque discipline que des représentants de la faculté de médecine."

Royaume-Uni
"En vertu de son droit coutumier (la common law), le Royaume-Uni se passe de droit écrit. Son système juridique prévoit qu'il n'est pas obligatoire d'être médecin pour dispenser des soins. Il n'y a donc pas de monopole médical. Pour aller plus loin dans la gestion du système de santé, les pouvoirs publics ont cependant voulu des textes - la pratique continentale du droit écrit finit par déteindre ! Ainsi, en 1993 les ostéopathes, suivis en 94 des chiropracteurs, ont été légalisés par deux décrets royaux. Aujourd'hui les praticiens de médecine traditionnelle chinoise et de phytothérapie sont en cours d'organisation de droit écrit; et des négociations sont ouvertes pour l'acupuncture."

Pays scandinaves
"La Norvège a réglementé la pratique des soins par des non-médecins en 1936, la Suède en 1960, le Danemark en 1970."

Nouveaux pays de la communauté (baltes, pologne, tchéquie, slovaquie, hongrie, croatie, slovénie, malte)
"Difficile de parler des dix nouveaux pays de l'Union, car la situation n'y est ni simple ni homogène. Je suis encore en cours d'investigation et, comme je vais chercher à la source directe du droit, c'est un processus très long. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, leur entrée n'est pas forcément la porte ouverte à beaucoup de "progrès" dans le domaine des médecines non conventionnelles, il semble que dans certains pays, elles n'aient pas droit de cité - mais je ne voudrais pas mette l'accent sur le côté négatif, il faut en savoir plus."

Allemagne
"Beaucoup connaissent la loi de 1939 sur les Heilpraktiker, définissant les droits des praticiens non-médecins - ou plutôt ce qui leur est interdit. On sait moins que la liberté de soigner fut instituée en 1873 sous l'impulsion des médecins eux-mêmes. On parle aujourd'hui d'un statut juridique à part entière pour les ostéopathes, qui ne veulent plus se fondre dans la profession de Heilpratiker."

Luxembourg
: "Monopole médical. Rien ne bouge."

Italie
"Fausse joie en octobre 2002 : une loi est votée dans la région piémontaise en faveur des médecines non conventionnelles mentionnées par la résolution européenne. Rejetée par le tribunal constitutionnel, elle sera abrogée. Les non-médecins italiens travaillent maintenant de façon plus unie, dans l'espoir d'obtenir un texte d'envergure nationale. Ils sont rarement poursuivis, mais par contre le climat est très "chaud", les journalistes doivent se montrer très prudents, il y a encore de la répression."

Grèce
"Aucune réglementation ne vise les médecines non conventionnelles, essentiellement pratiquées par des médecins."

Espagne
"Le système juridique étant particulièrement décentralisé, des propositions de loi ont été déposées dans différentes provinces. Aucune n'a encore abouti. Cependant, le Tribunal suprême espagnol - qui correspond à notre Cour de cassation - relaxe généralement les médecins poursuivis."

France
"Le monopole médical remonte à 1892, et la définition - plutôt large - de l'exercice illégal de la médecine n'a quasiment pas changé depuis. L'esprit franco-français de nos milieux académiques et conventionnels a l'impression que nous avons la meilleure médecine et législation du monde, pendant que les dysfonctionnements s'accumulent. Résultats : des contradictions absurdes. Mais tout n'est pas bloqué."

Un article par En.marge publié dans Nouvelles Clés  (n° 44, 2004)              

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