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Les Amanins, vitrine de l’écologie
Niché sur 55 hectares au cœur des collines drômoises, le domaine des Amanins comprend une ferme agrobiologique, une école primaire et un lieu d’accueil. Eco-construit jusqu’aux toilettes sèches high tech, autonome alimentairement et énergétiquement, il propose des séjours de vacances différentes, où l’on peut s’initier à l’agriculture et à la construction écologique, à la fabrication du pain ou du fromage… ou à la coopération.
Les Amanins, 26400 La Roche sur Grâne, tél. : 04 75 43 75 05, site : lesamanins.com

Un trio improbable pour un centre écolo pas comme les autres
Considérant leur projet comme une « aventure collective avant tout », ils trouvent injuste qu’on fasse leur portrait. Tant pis ! Tous les autres le reconnaissent : sans le trio de ses fondateurs - Pierre Rabhi pour lancer l’idée, Michel Valentin pour financer et diriger, Isabelle Peloux pour apporter sa touche -, ce projet n’eût jamais vu le jour. Et s’il a abouti, donnant naissance au premier lieu d’accueil pleinement écologique en France (voir encadré), c’est parce qu’ils ont su garder le cap contre vents et marée.
L’idée, donc, venait de Pierre Rabhi. Est-il besoin de présenter ce Français d’origine algérienne, agriculteur bio dès 1960, devenu écrivain et conférencier à succès, animateur de l’association d’aide au développement Terre et Humanisme et inspirateur du Mouvement des Colibris ? Quiconque connaît son œuvre se doutera qu’avec lui, l’ambition était haute, la qualité des rapports humains devant l’emporter, à ses yeux d’écologiste humaniste, sur la recherche des solutions techniques.
Michel Valentin en était-il conscient, quand il sauta sur l’idée ? « Pas complètement », admet-il. « C’était un self made man autarcique pour qui le relationnel n’avait rien d’évident, confirme le réalisateur Marc Heydenreich, qui filme l’aventure depuis le début. De plus, il n’était pas habitué à travailler avec les gens du milieu écolo, au caractère souvent aussi rebelle que prononcé. » A le voir aujourd’hui encore, trapu et costaud, donner des ordres sur un ton parfois sec, on comprend en effet qu’il venait d’un horizon opposé, où l’humain compte peu. Mais à entendre son histoire, on mesure le chemin parcouru. « Entre une mère paysanne et un père commerçant, j’ai été élevé avec le travail et l’argent pour valeurs. J’ai donc repris l’affaire paternelle, l’ai développée et me suis retrouvé, à 40 ans, avec une dizaine d’entreprises et beaucoup d’argent. Et tout ça pour quoi ? Pour voir ma femme me quitter ! Le choc a été rude. Je me suis rendu compte que pendant des années, je m’étais éloigné des êtres humains, confondant réussir sa vie et réussir dans la vie. J’ai transmis l’une des affaire à mes enfants, vendu les autres et quitté l’entreprenariat. C’est alors que j’ai rencontré Isabelle, puis Pierre deux ans plus tard. »
Isabelle est devenue sa compagne, heureusement pour lui comme pour le projet. Car Isabelle Peloux, « digne fille de la bourgeoisie catholique lyonnaise » comme elle se définit elle-même, consacrait sa vie aux autres depuis toujours. Professeur des écoles et pédagogue formée en psychologie, ses compétences ne lui ont ainsi pas seulement permis d’ajouter une école au lieu d’accueil prévu - un apport d’importance. Elles l’ont aussi aidée à prévenir ou résoudre les conflits qui immanquablement, réflexes de patron contre milieu écolo libertaire, ont opposé Michel à l’équipe au cours du temps. Nul doute qu’elle compte pour beaucoup dans le résultat actuel : Michel Valentin a renoncé aux dividendes et même au titre de propriété, légué à une association, et l’entreprise aujourd’hui viable est devenue une SCOP (société coopérative ouvrière de production) où les salaires sont égaux, les décisions prises en commun, les méthodes de résolution de conflit mises en œuvre, l’autonomie et la responsabilité de chacun privilégiées. Le succès, qui se profile, viendra-t-il confirmer que la formule a de l’avenir ?