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LES RÈGLES D’OR DE LA COMMUNICATION NON VIOLENTE

Toute évidente qu’elle soit, la première règle du bien dire risque fort de rester, pour longtemps encore, de s’exprimer avec clarté. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », écrivait Boileau au 17e siècle. Thomas d’Ansembourg, auteur du best-seller Cessez d’être gentil, soyez vrai !, ne dit pas autre chose aujourd’hui, quand il prône « la sobriété et la précision » comme règles générales de la Communication Non Violente ou CNV – méthode venue d’Amérique dont il est le porte-drapeau européen. « Nous parlons trop et mal, proclame-t-il. Il ne faut nommer que ce qui doit être nommé – surtout en cas de conflit. Devant le verbiage et l’abstrait, l’attention s’affaisse. Et quand on vide sa coupe, l’autre est submergé. La rigueur de la structure en quatre points adoptée par la CNV assure la sobriété et la précision, et augmente la qualité de la connexion. » Reste à expérimenter le processus lui-même, et ces quatre points – observation, sentiment, besoin, demande – qui ont apporté à la CNV son efficacité dans la résolution des conflits.

Observer les faits objectivement
J'observe un comportement concret qui affecte mon bien être : le désordre dans la chambre de mon fils, l'homme ou la femme de ma vie qui rentre en retard sans prévenir… En CNV, je dois m’efforcer de considérer cette situation objectivement et sans jugement. Difficile ? En effet : pour le philosophe indien Krishnamurti, « l'observation sans évaluation est la plus haute forme de l'intelligence humaine » ! Marshall Rosenberg, le fondateur de la CNV, prévient contre les pièges des « fausses observations », qui sont autant de jugements déguisés : du désordre dans la chambre je passe à la paresse de cet enfant, je vois le retard comme un manque de respect. Heureusement, à ce stade je ne suis pas obligé d’en parler, l'observation sans jugement peut se faire mentalement. Peut-être cela vaut-il mieux, car je dois aussi me poser la question : pourquoi ce désordre ou ce retard me gêne-t-il ? C’est le premier des nombreux retours sur soi auxquels cette méthode fait appel. Quand il sera temps de communiquer, je pourrai en rester à la situation – avec sobriété et précision ! – et éviter les jugements, ces « tu, toujours, jamais, tout le temps » qui accusent et blessent, sans refléter vraiment la réalité.

Reconnaître ses sentiments
Cette réflexion sur moi-même va également me permettre d’identifier mes sentiments face à la situation, puis de les exprimer. Je dois me demander ce que j’éprouve - colère devant le désordre, tristesse face à l’oubli – et non ce que je crois que les autres pensent en agissant ainsi – mon enfant se moque de moi, mon conjoint me méprise… La difficulté, ici, réside dans le tabou qui existe dans de nombreuses cultures ou familles, où parler de soi et de ses sentiments est inconvenant, narcissique. Pourtant, explique Thomas d'Ansembourg, « si notre vision est toujours partielle, nous n’existons comme sujet qu’en disant « Je ». Exprimer ses sentiments est une façon de clarifier ce qui est vivant. Et cela donne à l’autre la possibilité d’être sujet lui aussi. » Quand je m’accepte comme vulnérable, j’accepte la vulnérabilité de l’autre. Dire mon sentiment, c’est inviter l’autre à dire le sien. « Je souffre de voir l’état de ta chambre », « je m’inquiète quand tu ne me préviens pas » : autant de phrases qui permettront à l’autre de donner sa position (« Mais enfin , c’est ma chambre ! » « Je n’ai pas toujours le temps d’appeler ! »).

Exprimer ses besoins
Mais pas question d’en rester là, car derrière ces sentiments se tiennent les désirs, les besoins ou valeurs qui les ont éveillés. Là encore, on identifie souvent l'expression d'un besoin à égoïsme et narcissisme. Or, souligne Thomas d'Ansembourg, « je ne peux pas comprendre l'autre si je ne comprends pas quels sont mes propres besoins dans la relation. Inversement, la clarté avec laquelle je comprends mes propres besoins me permet d'identifier ceux de l'autre. » La conscience de nos besoins nous rassemble : tous les êtres humains ont les mêmes besoins fondamentaux. « J'ai besoin d'ordre, de beauté, de propreté dans la maison », dira le parent. « J'ai besoin de savoir que je compte pour toi », ajoutera le ou la partenaire. « En CNV, la première réflexion est toujours dirigée vers soi-même », rappelle Thomas d’Ansembourg. Nous voici conduits à nous interroger sur nos propres peurs et nos véritables besoins. Ce besoin d'ordre vient-il de ma propre enfance ? Ce désir d’être rassuré(e), de quelle peur est-il la projection ?

Exprimer sa demande
Il est temps d’en venir au fait : demander à l'autre des actions concrètes qui contribueront à mon bien être. Attention à ne pas faire des propositions négatives. « Je ne veux plus voir de désordre dans cette chambre » donnera rarement de bons résultats. Le mieux est encore de demander ce qu'on pourrait faire ensemble pour que les choses s'arrangent pour les deux. En bref : négocier.
C’est alors, en CNV, une deuxième phase, celle de l'écoute où l'autre va d'abord exprimer ce qu'il a compris de notre demande, puis formuler son propre point de vue en respectant le code - observation, sentiment, besoin, demande. Tout l'art du discours CNV est de vérifier si on se comprend sur ces quatre points, ce qui dénoue bien des malentendus. C'est la partie la plus pénible de la méthode, avec ses paraphrases elle peut paraître artificielle, voire carrément lourde. « Je te remercie de m'avoir dit ce que tu as entendu de ce que j’ai dit… je constate que je ne me suis pas exprimé assez clairement… je vais reformuler mon discours… j'entends bien ce que tu veux dire... » sont des classiques qui, lorsque la véritable empathie n'est pas au rendez-vous, peuvent produire un effet d'agacement. Thomas d'Ansembourg, à la suite de tous les maîtres de la CNV, ne cesse de le souligner : « L'intention dans laquelle nous abordons l'autre est essentielle. Pour éviter les rapports de pouvoir, il est précieux de considérer l’autre comme un allié et non en ennemi. L'autre fait partie du nous, même si nos besoins divergent ou si ses réponses nous irritent. On peut oublier toute la technique de la CNV, dès lors que l'on est dans cette intention. » Et pour la cultiver, rien de mieux que la méthode elle-même ! Appliqué au dialogue intérieur, le processus en quatre points permet de développer de l’empathie pour soi-même, préalable à l’empathie pour les autres.

A LIRE
Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), de Marshall Rosenberg, est le livre fondateur de la CNV (La Découverte, 1999-2005).
Cessez d'être gentil, soyez vrai !, de Thomas d'Ansembourg, a valu sa renommée à l’auteur par son succès (Éd. de l'Homme, 2001).
La Communication Non Violente au quotidien, de Marshall Rosenberg, applique à la vie de tous les jours la méthode de résolution des conflits (Jouvence, 2003).

ACNV (association française pour la Communication Non Violente) : www.nvc-europe.org/France

La Communication Non Violente

La CNV est le fleuron du vaste mouvement qui, au cours du 20è siècle, visa à faire évoluer les modes de communication afin d’améliorer les relations humaines et promouvoir l’épanouissement de l’être. Inventée dans les années 70 par le psychologue américain Marshall Rosenberg, elle s’inspire de la philosophie de Gandhi et des recherches sur l'empathie de l'Américain Carl Rogers. Son terrain d’expérience fut, des prisons américaines à l’Afrique du Sud ou à la Palestine, la résolution des conflits. Avec succès, souvent. Parfois l’empathie réciproque s’avère impossible à maintenir. Mais quel que soit son champ d’intervention, du couple aux nations, la CNV poursuit le même but, clé de sa méthode : inciter chacun à exprimer clairement ses besoins sans blesser l’autre.

La règle d’or de Carl Rogers : être authentique avec empathie

Professeur d’université dans les années 50-70, Carl Rogers fut le père spirituel – mais souvent méconnu - de la psychologie positive. Son credo ? « L’individu possède en lui de vastes ressources, qui lui permettent de se comprendre et de changer ». Mais pour pouvoir y faire appel, il faut « créer un climat bien défini ».(1) Mis au point par Rogers dans le cadre de la thérapie, ce climat repose sur « l’écoute active », une pratique valable dans toute situation, de la famille à l’entreprise. Seulement voilà ! L’écoute active ne se décrète ni ne se proclame : il faut la vivre, réellement, en soi-même, car elle repose sur notre capacité d’empathie. On ne peut donc la pratiquer qu’en étant authentique, dans l’accord entre ce que l’on éprouve, dit et fait. Sans cette « congruence », disait Rogers, il est impossible de comprendre les émotions de l’autre et d’entrer en relation véritable avec lui. Sans authenticité, toute expression d’empathie sera comprise pour ce qu’elle est : une tentative de manipulation visant à amadouer pour obtenir ce que l’on veut.
(1) Préface de Carl Rogers, dans Présence de Carl Rogers, d’André de Peretti (érès, 1997).

La règle d’or de Thomas Gordon : faire preuve d’autorité ET de respect

Datant des années 60 mais toujours enseignée dans des dizaines de pays, la méthode Gordon est une école où les parents apprennent une nouvelle façon de communiquer avec leurs enfants. Elle peut également être appliquée dans de nombreux autres domaines où l’autorité entre en jeu (enseignement, entreprise…). Fondée sur l’empathie et l’authenticité prônées par Carl Rogers, elle repose sur quatre principes : l’écoute active et bienveillante de l’enfant, l’affirmation de soi en tant que parent (le « message ‘’je’’ »), l’identification des problèmes (sont-ils ceux de l’enfant ou des parents ?) et la recherche de « solutions sans perdant » où tout le monde trouve satisfaction. L’écoute active sonne souvent faux au début, prévient Gordon, et il ne faut pas confondre la méthode sans perdant avec la permissivité (1): s’il est légitime d’affirmer son autorité avec authenticité, cela exige que l’on fasse preuve de respect envers l’autre, ses sentiments et besoins. Être constant dans nos exigences et interdictions, par exemple, lui montrera que l’on a à cœur de ne pas le désorienter.
(1) Dans Etre parent, ça s’apprend (Marabout, 1995).