En.marge                          Trois jours en Provence

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Interminable compte-rendu d'un stage sur la conscience collective

 -         Il faut abschfolument que tu faschfe schfe schftage avec Noubel ! a dit Patrice en schfoschfotant d’émotion. Non, je te jure, celui du mois d’août a bouleversé ma vie. Je sais tout ce qu’il faut faire, maintenant !

-         Ben dis-donc, c’est cool, ya plus qu’à suivre ! On les signe quand les contrats ? Parce que ton stage, tu vois, je crois que ce sera pour une autre fois, because $$$$.

-         Ah, tu vois, ça t’intéresse ! D’ailleurs, c’est pas toi qu’as fait une interview de Jean-François Noubel l’an dernier dans Nouvelles Clés ? Bon, alors c’est d’accord, j’arrange tout et tu viens. En échange, tu nous feras le compte-rendu.

 Et voilà le doux piège refermé, sur une petite auto noire nous transportant vers le Sud, et une belle demeure aux linteaux de pierre jaune..

A tout seigneur tout honneur ! C’est donc à Laetitia, maîtresse des lieux, qu’ira d’abord notre gratitude, pour nous avoir ouvert ce petit paradis, géré avec une cohérence qui fait honneur à sa beauté. Merci Dame discrète, vous resterez mystérieuse comme une fée.

Merci aussi à Marc qui nous offrit, après le gîte, un couvert dans le ton, aussi riche en saveurs que son regard en humanité et son discours, en poésie.

La liste s’arrêtera là. S’il fallait louer tout le monde, chacun, en détail, pourrait y avoir droit. Le rapporteur craindrait de faire quelques jaloux.

 

Nos deux maîtres de cérémonie sont entrés dans le vif du sujet lundi vers 14 heures. Mais déjà des rencontres avaient pu avoir lieu, déjà les détails techniques avaient été réglés. Certains disent que c’est ainsi, dès le premier contact, que se tissent les relations. Par l’échange de quelques subtiles phéromones, les atomes crochus crochent ou non. Des comportements deviennent des habitudes avant même d’être répétés. Ainsi chacun a-t-il souvent tendance, dans un groupe ou autour d'une table, à occuper une place fixe choisie dès le début. Certains ici auront à cœur de briser ce schéma – est-ce le signe qu’une autre énergie circule, ou une nouvelle adaptation ?

 Présentations

Officiellement, tout commence toujours par les présentations. Ici la sobriété l’emporte. Nous avons là une brochette typique de Créatifs Culturels (CC ou aussi Créaculs), tendance intervenants en entreprise, formateurs ou coach. Beaucoup se disent venus sur  l’insistance de Patrice (PL dorénavant), l’intérêt pour ce qu’il leur a communiqué des thèses de Jean-François Noubel (JFN) quant à l’intelligence collective. Chacun – est-ce bon signe ? – semble animé autant par l’intérêt personnel que par le désir de participer à une œuvre commune, définie par PL comme « le grand jeu collectif » et par JFN comme « l’accession à la conscience collective ». Ainsi soit-il ! Joindre l’individuel et le collectif, n’est-ce pas un résumé du défi de notre siècle ? Rendez-vous dans trois jours !

 Une petite détente s’impose. Tous en cercle, nous nous agitons sur le tatami. Bouger ensemble permet de se relier à soi-même et aux autres sur d’autres plans que le mental. Gigotez un peu, et le vital s’exprime et se nourrit. Un pas de plus, et les émotions affleurent, voire fleurissent.

Résumé (JFN) :

Pour qu’un groupe se forme, il faut créer un « espace sacré ».

Comment faire société avec des individus ayant travaillé sur eux-mêmes ?

Plus l’individu est individué, plus le collectif est riche.

Le Jeu du Tao (JdT) offre une expérience hors-norme de « spiritualité ».

La question est de tisser ce jeu en global

 

Groupes et empowerment

Force est de constater en effet que nous savons peu de choses sur la façon dont nous fonctionnons lorsque nous sommes en groupe. Le grand mouvement de développement personnel auquel nous assistons depuis quelques décennies semble avoir oublié, chemin faisant, que nous sommes des animaux sociaux dont (presque ?) tous les actes ont une dimension collective. Que savons-nous, par exemple, de l’architecture des groupes dont nous faisons partie ?

Pas grand chose, car nous avons tendance à ne pas y prêter attention. « Si l’on nous mettait tous en prison, donne en exemple JFN, nous oublierions en quelque temps que beaucoup de problèmes sont le fruit de cet emprisonnement. »

Faut-il enfoncer plus avant cette porte ouverte ? Nous savons tous, semble-t-il, que les comportements et les échanges, individuels et collectifs, diffèrent selon les lieux. Une réunion autour d’une table n’aurait rien à voir avec ce que nous vivons ici, assis en cercle dans cette grande salle aux murs kitch. Il n’est pas difficile de rejoindre Pierre, quand il fait remarquer que dans une structure hiérarchique, chacun sait que les comportements ne peuvent pas être « naturels ».

L’occasion est trop belle pour nos deux acolytes, qui en profitent pour pousser le bouchon plus loin, PL en proclamant la nécessité, justement, de penser l’architecture en fonction du problème à résoudre et JFN proposant pour cela de toujours chercher celle qui permet d’augmenter l’expression des capacités individuelles et collectives. « Empowerment », dira JFN en anglais pour désigner cette posture (intérieure vis à vis d’autrui et collective vis à vis de chacun et du groupe), que le mot « potentialisante » ne traduit qu’en partie : « L’empowerment est tout ce qui permet à l’individu de se sentir plus libre et plus autonome, tout ce qui augmente sa puissance créatrice. »

L’empowerment est, en un sens, l’idéal de l’humanisme. On pourrait sans peine la relier aux philosophes du Siècle des Lumières ou aux instituteurs hussards de la République, voire au surhomme de Nietzsche, ajouterai-je aujourd’hui.

Cette notion est évidemment essentielle, car nos comportements changeraient grandement si nous cherchions toujours à potentialiser l’autre, voire à le « puissantiser », à travers nos rapports avec lui. Mais à s’arrêter là, il ne resterait plus qu’à formuler des vœux pieux. Il y a comme un saut de conscience dans la décision d’entretenir des rapports d’empowerment avec autrui. L’égoïsme naturel ou ambiant ne nous y incite guère. Empoweriser l’individu n’est pas non plus un but pour la plupart des organisations que nous connaissons.

 

Architectures du langage et de l’argent

Et nous les connaissons bien mal, car l’architecture sociale est souvent invisible. Certains ont plus de pouvoir qu’il n’apparaît dans l’organigramme. Plus fondamentalement encore, il y a de l’architecture invisible – c’est à dire une détermination de nos comportements et rapports – dans la plupart des choses que nous manions ou qui nous entourent : langage, hiérarchie, codes sociaux, vision du monde et croyance, argent… Exemple d’architecture invisible déterminée par le langage : dire « je suis Français » conduit à mettre de l’essence (l’être) dans une réalité sociale (la nationalité). Le langage constitue d’ailleurs, avec l’argent, les architectures sociales invisibles les plus résilientes et résistantes au changement.

L’argent ! Un frisson passe… Nerf de la guerre, nœud de tous les problèmes ? Comme le montre l’effet Pareto, explique JFN, 80% de tout revient à 20% des gens, qu’il s’agisse d’ailleurs d’argent, des richesses ou du travail effectué dans une entreprise. Nos monnaies actuelles reflètent les valeurs victoriennes de l’époque de leur création. Elles sont fondées sur le monopole de l’émission attribué à des institutions extérieures aux circuits économiques, et se caractérisent par la rareté, le court-terme et le secret. L’intérêt ou l’usure renforce leur condensation et l’accélère. La rareté est catalyseur des hiérarchies, les systèmes monétaires ont des durées de vie courtes (monnaies « fiat » comme dans « fiat lux », que la lumière soit), la capacité d’échange est limitée par le fait que l’émetteur est extérieur au jeu.

Peut-on cependant imaginer une architecture monétaire différente, telle que celle des SEL, systèmes d’échanges locaux ? Il faut sortir des objections en forme de « oui mais », où l’on fait valoir ses réticences à partir de sa propre idée, et s’efforcer de faire des propositions (« oui et »), défend JFN devant quelques sourcils froncés. Il n’hésite d’ailleurs pas à affirmer : « La plus grande révolution à venir est celle de la monnaie. Il se créera des centaines de monnaies dans les prochaines années. »

Dans les SEL et autres formes de crédit mutuel, la banque est interne au système, il n’y a plus de banque, chacun démarre à zéro. La masse monétaire augmente avec les échanges. L’effet Pareto existe toujours, mais au lieu d’être renforcé comme avec la monnaie normale, des mécanismes de contrôle peuvent le réduire dans le système SEL (par ex. en disposant qu’on ne peut dépasser un certain crédit, ou débit). Ce système favorise les échanges, son principe étant oscillatoire plutôt qu’accumulatoire. La régulation se fait par choix collectif des normes (limites haut et bas des dépenses et crédits), l’éventail pouvant être indexé sur le nombre d’années occupées dans le SEL par l’individu. « Parler d’écologie sans parler de monnaie, c’est parler du corps en oubliant le sang », insiste JFN en mentionnant les travaux auxquels il participe, sur l’open money et le wealth acknowledgment system. Pour plus de détails, suivre ce lien : http://fr.ekopedia.org/Monnaie_libre_ou_open_money

ou celui-ci : http://www.thetransitioner.org/wikifr/tiki-index.php?page=Open+money

ou celui-là : http://www.thetransitioner.org/wikifr/tiki-index.php?page=WAS

 

 

Principes de communication

On n’en saura pas plus ici, car le but de cet exposé sur les architectures visibles et invisibles était surtout d’en venir à la nécessité, pour tout groupe, de s’interroger sur ses codes sociaux. De grandes questions s’ensuivent. Comment gérer collectivement la conversation ? La volonté d’empowerment conduit à chercher d’autres codes permettant à chacun d’être et de s’exprimer sur tous ses niveaux : corps, émotion, mental, mais aussi conscience supérieure demandée par l’empowerment et par le « oui et » qui le rend possible.

Il faut essayer d’autres architectures pour se mettre en « état de sagesse ». La société n’a pas eu besoin de ça jusqu’à maintenant parce qu’elle n’avait pas besoin de faire appel à la conscience supérieure. Il ne s’agit pourtant pas de s’enfermer dans un nouveau dogme. La nouvelle architecture est là pour un but précis.

Six principes ou accords de comm. sont alors proposés :

1/ Prendre une longue inspiration avant de répondre ou de prendre la parole.

            Argumentaire : respecte ce que l’autre a dit, évite le réflexe réactif, offre le cheminement intérieur de ce qui a été dit (chacun pige à son rythme), permet d’observer les états de notre être (réaction physique et émotionnelle), de sortir de la zone connue (réponse immédiate), de laisser parler le grand moi (higher self) pour voir le vrai, le beau et le bon

2/ Parler vers le centre. Dépolarise la conversation. L’objectif n’est pas de répondre à l’autre mais de poser une pierre à l’édifice commun.

3/ Recevoir du centre. Ecouter et essayer d’entendre ce qui a envie d’émerger du groupe permet précisément cette émergence.

4/ Se faire offrir la parole et non la prendre.

5/ Parler de son expérience directe. Partage de vulnérabilité : au lieu de grandes théories, l’expérience qui les a incitées.

6 Chacun peut, à tout moment, inviter au silence pendant une minute, pour des raisons collectives ou individuelles qui n’ont pas à être expliquées. La clochette au centre en sera l’outil – ce compte-rendu ne mentionnera pas toutes les fois où elle a servi.

 

Aparté 1

Il ne rendra pas compte non plus des échanges et de l’ambiance, des repas, discussions ou parties de Jeu du Tao. On pourrait faire œuvre d’entomologiste, mais ce serait bien long. Tant pis pour la langue des oiseaux maniée par Marc en cuisine, pour les regards échangés, pour les contacts virant progressivement aux embrassades, tant pis pour le corps à corps et le cœur à cœur, tant pis si les âmes aussi virevoltèrent. Une langue plus poétique en ferait une description enchanteresse. Plus acerbe, elle donnerait une caricature anti new-age.

L’échauffement sur tatami, en ouverture du mardi matin, pourrait ainsi s’offrir aux rires, ou à l’attendrissement. Tout comme le tour de parole en début de séance, qui permet à chacun d’affirmer se sentir bien ici, et à JFN d’en appeler, à propos des retards, à « conscientiser les processus ».

 

Cartographier la conscience

Il nous propose pour cela de revisiter quelques grands concepts issus des traditions et sagesses spirituelles, qui tendent à converger au-delà des différences de leurs rites et mythes. L’exercice permet au passage de comprendre (mesurer ?) où en est l’ « être » aujourd’hui.

-         Connais-toi toi-même

-         La respiration est centrale

-         Reliance – ouverture

-         Un – multiple (façon d’appréhender la réalité)

-         Etre – faire

-         Intérieur (sujet) – extérieur (objet)

-         Mouvement / Transformation

-         Masculin / Yang – Féminin / Yin

-         Visible – Invisible

-         Terre : source, mère

-         Gratitude / Don / Echange

-         Prière / Méditation

-         Rituels

-         Accueil ./ Humilité

Dans l’ensemble, il y a un cheminement allant du Un vers le Yin/Yang vers le Vrai-Beau-Bon, le It ou ça correspondant au Vrai, le Je au Beau, le Tu au Bon. « Pourquoi le Je est-il relié au Beau ? » demande Gilles. On le sent en soi, l’expérience du divin en soi est esthétique, défend JFN. Le chemin spirituel est l’harmonisation de ces trois éléments (TU/JE/IL, VRAI/BEAU/BON).

Ces affirmations provoquent quelques remous chez les mécréants de l’assistance, dont Pierre se fait le porte-parole en exprimant sa gêne de voir « Dieu débarquer dans cette histoire ». En son for intérieur, l’agnostique trouve bien vain de renchérir, mais n’en pense pas moins que parler du Juste au lieu du Bon serait peut-être plus socratique, et moins philosophiquement neutre.

Après une minute de silence demandée par JFN, PL rappelle que la spiritualité, envie d’être le meilleur de soi, n’implique pas de dieu. JFN enfonce le clou : nous voyons émerger là des « réactions ». Il faut faire la différence entre la carte et le territoire. Il n’y a pas de raison de débattre sur l’expérience personnelle de l’invisible que chacun peut faire – ou non. Ce qui importe ici est de créer un langage partagé, y compris de l’invisible.

« Aucun groupe ne peut faire aujourd’hui l’économie de forger un langage commun de l’expérience intérieure », affirme JFN.

Dans une structure pyramidale, nul besoin de faire se rejoindre être et faire – sinon pour améliorer son rendement. L’intelligence collective globale, par contre, a besoin d’un langage commun pour parler du faire (ce que la structure pyramidale apporte), mais aussi pour parler de l’être. Il ne s’agit que de trouver des mots (la carte) tout en sachant que l’expérience (le territoire) reste individuelle, personnelle et en partie indicible. Et de s’interroger sur ce qui fait que dresser une carte puisse déclencher des réactions vitales au plus profond de soi.

Comme le relève Alexis, il faut faire la différence entre cause et stimulus.

 

Aparté 2

Sans doute y aurait-il matière à relever ici de la part de JFN, comme en d’autres occasions, une habile stratégie de contrôle de la parole, par l’accusation de lien avec le « vital » lancée à chaque réplique n’ayant pas respecté le protocole. Respirer un grand coup ? Pierre frisait l’hyperventilation, tout au long de l’énumération citée plus haut  C’est ici que le rapporteur se doit de relever un mode de fonctionnement souvent remarqué dans les groupes réunis autour d’un message et de son messager. Ce dernier aura naturellement tendance, en cas de réticences posées à son discours, à disqualifier l’argument au nom de sa présentation – trop incisive ou comme ici, trop « vitale » et ne respectant pas le protocole. Parfois fondée, parfois moins, cette affirmation tend à occulter le vraibeaubon qui peut se trouver néanmoins dans une telle réaction à chaud : ici, par exemple, il gagne à être précisé que tout appel aux sagesses traditionnelles demande aujourd’hui de poser les principes d’une spiritualité profondément laïque, dégagée des références religieuses et des dogmes. L’époque l’exige. Plus largement, le problème reste posé de la souplesse dans le respect des protocoles.

 

Avancer en conscience collective

C’est comme un exercice physique accompli en duo, plaide JFN : l’autonomie de chacun est respectée, et chacun est en même temps acteur et observateur de ce qui se passe. Dans l’architecture du verbal qu’il propose, « rester observateur de ce qui se passe permet de mettre ensemble un langage de l’être et un langage de l’action ». C’est comme la posture bonne à prendre quand on est sous un arbre qui tombe : si on a construit son être (par exemple par la pratique d’un art martial apprenant à juger du danger au lieu de céder à la peur), on gardera son sang-froid et on s’écartera, au lieu de se plier en deux en un geste réflexe mais inefficace.

 

Trois conditions sont essentielles pour qu’une intelligence collective émerge :

-         une richesse partagée

-         une fragilité ou vulnérabilité partagée

-         un langage partagé

PL lit un texte de Ken Wilber sur les 3 sociétés traditionnelle, moderne, post-moderne.

http://www.wie.org/FR/j22/gurupandit.asp

 

De même que Piaget a montré que le développement de l’enfant suivait une progression, commente JFN, Ken Wilber a montré que différentes étapes, dans un certain ordre, marquent le cheminement de l’expérience intérieure.

Le but de la création d’un langage partagé (la carte) est de mettre en valeur ce qui va créer de l’empowerment.

L’orateur enchaîne sans remarquer l’appel de parole de Marc. Leslie propose une minute de silence. Marc demande : comment parler d’absolu avec des mots relatifs ?

Il faut toujours partir de l’expérience, répond JFN. Partir de l’ici et maintenant avant de s’entendre sur les mots – peu importe le mot, l’essentiel est l’expérience.

 

Sans doute JFN ressent-il alors le besoin de préciser sa cartographie de l’être :

-         Vital : ensemble des dynamiques simples de la vie (se nourrir, se reproduire, vivre, mourir)

-         Emotions : postérieur au vital

-         Mental : symbolisme, immatériel

-         Conscience supérieure : cheminement spirituel

Il y a évolution – involution, circulation entre les quatre. Chaque niveau englobe le ou les précédents, dessinant un chemin d’évolution que l’on retrouve dans le cosmos, qui semble aller du plus matériel au plus immatériel.

Ces stades se retrouvent dans les organisations. Même si individuellement chacun en est au niveau mental, les organisations s’occupent en priorité du vital. Du coup, elles agrandissent la différence entre l’être et le faire, débouchant sur la souffrance de l’employé ou du citoyen.

Il faut noter à ce propos qu’il existe également une différence entre le « plan d’expression » et le « pilote » : chacun souvent croit parler en mode mental, alors que le pilote est en mode vital.

L’intelligence collective demande donc de se poser toujours la question suivante : où est le plan d’expression, où est le pilote ? D’essayer que le pilote soit le plus élevé possible. De vérifier l’accord entre le niveau où l’on parle et le pilote. De désenfermer les gens de leur mode d’expression (empowerment, of course). Le travail de l’intelligence collective est de créer des espaces ou chacun va pouvoir conscientiser le niveau du mode d’expression et du pilote.

Il ne reste plus qu’à l’expérimenter.

« Ça va se faire dans la douleur ? » demande l’iconoclaste Pierre.

 

Au théâtre cet après-midi

S’il est facile d’accueillir Bastien parmi nous, quel compte rendu donner des exercices de l’après-midi ? Inventer des situations de vie qui illustrent les stades présentés ce matin, puis les présenter en spectacle, voilà qui offrit l’occasion de franches rigolades, en sous-groupe comme en public. Est-ce l’humain moderne, habitué au spectacle, ou cette brochette de Créaculs ? Un petit air de talent soufflait. En duo ou en troupe, nous avons vu à l’œuvre le  grand mélange des plans d’expression dans diverses situations courantes et les masques pris par leurs pilotes : groupe de travail aux prises avec son projet, couples en harmonie périlleuse, dieux perdus. L’humour pimente les scènes et frôle la caricature. Nous n’en garderons ici que quelques feed-backs des uns et des autres.

On mesure les limites de l’architecture en 6 points : sont-ils appropriées à la situation ? (Alexis)

La question qui doit présider à leur choix : est-ce que cela permet l’empowerment ? (JFN)

On a tendance à poser les choses en oui ou non sans penser qu’on peut imaginer une autre architecture. D’autre part, les grands types (vital, etc.) ne sont pas clear-cut : du vital peut s’exprimer sous forme d’émotion. (Marianne)

Une heure à gamberger booste la créativité lors de l’improvisation. (Sybille)

Les règles sont un cadre dont la vie réelle ne tient pas compte, surtout si on joue : la vraie pédagogie, c’est d’arriver à libérer des ancrages figeants. (Olivier)

 

Conditions collectives

Parce qu’on devient observateur, commente JFN, la conscience supérieure (immobilité-conscience) fonctionne  avec le jeu. Les grands mystiques sont pleins d’humour (vertu du jeu). Une personne complète va bien connaître ses différents plans (verticalité) mais elle s’adapte au réel (horizontalité), portant l’action de l’être vers le faire. Symbolisme de la croix : involution-évolution.

On sait créer des groupes de sagesse, c’est facile, il faut s’entraîner. Mais il y a une limite : le nombre et la distance. Nombre : tout est possible en petit groupe. Distance : si les gens ne se perçoivent plus les uns les autres et ne perçoivent plus le groupe, il faut trouver d’autres modes de fonctionnement. De nouvelles « espèces sociales » destinées à aller plus loin.

Pour cela, il faut déjà reconquérir l’homme originel, capable d’apporter son intériorité dans le champ social.

Un collectif se crée quand l’individu n’entre pas en mode sacrificiel pour coller au modèle (en isme). Le vivant fonctionne par émergence. Il y a émergence si chacun garde son unicité. « On va se donner un idéal ! » = c’est foutu !

 

Une vision partagée, ajoute PL, ne demande pas de partager la même vision, mais de s’entendre sur des différences acceptées par tous. Des projets différents peuvent devenir un seul, par acceptation naturelle des priorités. Emergence du bons sens et réconciliation.

 

Hervé demande le silence, constatant que l’attention dissipée du groupe ne permet pas de partager l’enthousiasme de PL. D’autres opinent. Agitation. On rebondit trop tôt.

 

Gilles reprend le fil : il semble difficile de sortir des ismes, qui sont après tout des systèmes de valeurs, grâce auxquels des tas de gens vivent en accord avec eux-mêmes. Que serait une conscience supérieure sans système de valeurs ? questionne-t-il.

PL : mais c’est plein de valeur, la conscience supérieure, un groupe se forme toujours autour de valeurs communes.

Clochette !

Il faut, rappelle JFN,  laisser le temps à la réponse de maturer et de se mettre en place, éventuellement plus tard. Toute réponse doit être mise au centre.

D’où la nécessité de cartographier le langage permettant d’aborder les notions sur lesquelles nous avons buté.

Polo : il y a plusieurs niveaux qui permettent à un groupe de fonctionner : valeurs, ce n’est pas pareil que conscience supérieure.

PL : le jeu comme moyen privilégié d’entrer en conscience supérieure, ça me parle beaucoup.

 

L’holoptisme

La nécessité se fait sentir de continuer à entendre JFN expliquer ces notions.

C’est, dit-il, tout le problème de l’interprétation des mots. Une règle, c’est bridant, mais ça peut aider l’élévation. Il n’y a pas émergence sans règles qui apparaissent, les deux ne sont pas antagonistes. La discipline peut permettre l’empowerment, ou devenir dogmatique en se vidant de sens et de contenu.

Une organisation peut donc élever au titre de pratique la construction de règles adéquates à ses fonctionnements. L’autre problème est alors de vérifier que le groupe est prêt à travailler pour apprendre l’intelligence collective. Par exemple, il faut vérifier que les gens sont prêts à y passer du temps, à s’entraîner. (Peter Senge montre qu’il faut y consacrer ½ journée par semaine, ajoute PL).

Il y a une différence entre délibérer et négocier. Négocier : chacun tire la couverture à soi. Ce mode opératoire oblige le collectif à se comporter dans la dynamique archaïque. Délibérer : chacun essaie de voir où le groupe a envie d’aller. C’est l’holoptisme : chacun à une idée précise et informée du tout (ex : le joueur de foot). Comme indicateur du type de contrat qui lie avec les autres, on peut poser la question suivante : « qui continuerait ce projet s’il gagnait au loto demain ? » Si la réponse est négative, on sait que le lien est d’ordre vital, il y a dépendance. A l’inverse, un Gandhi qui ne promet que peine et effort rencontre l’adhésion : c’est un autre type de contrat. Dans les contrats où il y a dépendance, tout un ensemble de mécanismes permettent la régulation.

En résumé, forces endogènes = dépendance = intelligence pyramidale = rareté, forces transcendantes = vrai/beau/bon.

Toute organisation doit s’interroger sur la nature des contrats qui lient ses membres.

La question ici est plutôt : comment peut-on intégrer le vrai/beau/bon ?

Réponse : il faut développer des indicateurs permettant de mesurer leur présence et leur efficacité dans le groupe.

 

Urgence ?

Mercredi marquera bien sûr le tournant du match.

Déjà, hier soir au repas, une incompréhension est apparue quant aux attentes de PL, qui voudrait que le groupe s’embarque vraiment. « L’embarquement pour Cythère », dont parlait le psychanalyste Didier Anzieu dans son analyse des groupes ?

Danièle nous quitte pour la journée, après une initiation au JdT qui lui laisse une impression qu’elle n’en voudra pas au rapporteur, qui en fut témoin, de qualifier de mitigée.

Le tour de parole rituel « moi j’me sens », résumons-le avec Leslie : à la fois en attente (fébrile) et apaisée. Plus fébrile qu’apaisé si l’on en croit PL, qu’un sentiment d’incompréhension agite. Chacun peut mesurer la variété des ressentis, Sybille invoquant le calendrier maya du jour et son rappel à soi (« pour évoluer je dois sentir pour moi ») et Gilles témoignant qu’au moment de silence méditatif qui a précédé, il a vu s’écrire devant lui « Sacré Graal » !

L’urgence évoquée par PL n’est pas sans rencontrer quelque écho.

Quelques choses sont à considérer, intervient JFN :

- Le problème des bâtisseurs et pionniers. Explorer la consc-coll c’est être pionnier. Il faut apprendre les techniques. Il faut aborder les contrats et intentions de chacun.

- D’un autre côté, il est nécessaire aussi de mieux comprendre les grands principes de l’intelcoll.

JFN propose un instant de silence consacré à « connecter à la fois le maternant et le guerrier en soi ».

Il voit deux enjeux : la personne de PL et l’enjeu du pionnier.

Son « non-conseil » va à PL : il faut toujours vérifier si on est en offrande (ressource) ou si l’on cherche à influencer l’autre. PL est à la croisée entre son intention et l’impersonnalité du projet. Une part de lui est totalement dépendante, une autre est un projet qui n’a rien à voir avec lui. Il faut apprendre à dérouler un projet. Etre comme un arbre : il ne demande à personne de prendre ses fruits. Ne pas forcer les processus, mentalement, laisser les choses venir.

Or il y a paradoxe : la lumière, ici, l’attrait du projet passe par lui. Il rassemble les gens, il les imprègne aussi de ses propres croyances ou peurs. Il faut laisser aux autres leur souveraineté, laisser le principe organisateur opérer. Entrer en « bliss-scipline », contraction de bliss (béatitude) et de discipline. Bref, lâcher prise. Un message, gageons, que PL a souvent entendu !

Mais c’est au fond à un changement des contrats que ce changement aboutit :

- clarté d’être, d’intention, permettant aux autres de s’impliquer de façon plus autonome, de répondre en liberté, sans peur de blesser. Bref, dissociation.

- placement juste.

Ces deux clartés vont permettre l’émergence des véritables positions de chacun.

La force du pyramidal est justement de faire le contraire : on planifie tout au maximum, ce qui coupe toute chance d’émergence.

Problème : la forme d’expression de PL ne lui permet pas de ficeler le projet, il a besoin d’interactions, mais il y a difficulté à passer dans le plus structuré. (Celle-là aussi, gageons que PL l’a déjà entendue !)

PL témoigne avec émoi de son sentiment d’une mission réclamée par l’urgence.

La discussion rebondit sur la différence entre la mission et le projet. L’urgence de la situation mondiale prêche pour le désespoir. L’ampleur du projet JdT nécessite le dynamisme. Tout autant que l’humilité !, rappellent aussi bien Yohann qu’Anne-Laure.

N’entrons pas, avertit JFN en ajoutant que c’est fractal, dans la résolution du problème par la réaction, comme si les problèmes causaient nos états d’âme. Trouvons d’abord notre « art », et alors nous ferons le boulot. Là encore, il y a un rapport avec l’art martial : un danger arrive, si je ne vois que lui, je suis pris par lui. Finalement, les deux systèmes se nourrissent l’un l’autre : réenchanter le monde peut être le cadet de mes soucis, je sais que si je fais de ma vie une œuvre d’art, cela contribuera à ce réenchantement.

On veut toujours contrôler, mais il y a forcément dans la vie un moment où on réalise qu’il y a un principe à l’œuvre - une main tendue, une nouvelle donne - qui nous dépasse. Se relier à ce principe permet à un groupe de se construire autour d’un contrat plus global, avec le principe supérieur du vrai/beau/bon, permettant ensuite des contrats entre membres qui sont moins personnels, moins psychologiques.

 

Stratégies possibles ou « de l’intention à l’incarnation » :

1/ INTENTION (en anglais « vision »). Une intuition qui nous vient que nous avons quelque chose à faire. Ce n’est pas intellectuel ou désincarné : pour qu’une intention existe et transforme les choses, elle doit s’incarner dans des faits.

2/ HOMEOSTASIE. Equilibre entre l’intention et l’extérieur, capacité du visionnaire à rester tel qu’il est et de marcher dans son sens quels que soient les sceptiques. Résilience : capacité à résister aux problèmes qui surgissent.

3/ SOIGNER. C’est évidemment l’empowerment. Le visionnaire peut facilement, à cause de son isolement, développer des stratégies qui le desservent. Il lui faut trouver le moyen de se soigner de toutes les trahisons subies. (Le développement personnel comme préalable à la transformation sociale ?). Cela va de l’être au faire.

4/ PASSER DES CONTRATS avec le monde ordinaire, comme Colomb ou Gutenberg, en fonction du vrai/beau/bon. Pas facile : le mondordinaire bloque ou demande des résultats attendus (de l’or en Amérique) là où l’incertitude règne, en se servant de sa propre logique ancienne. Solution : se désincarner, se dissocier de sa vision permet d’entendre les objections sans souffrir et de maintenir le cap grâce à un appel au vrai/beau/bon chez les interlocuteurs puissants, sans souffrir de leur éventuel refus.

5/ CONSTRUIRE la forme, le projet, tel Colomb faisant construire des bateaux hauturiers. La socialisation du projet commence, il devient attracteur d’énergies extérieures, prend place dans la société.

6/ CONSTRUIRE le ou les véhicules, l’ingénierie du projet.

7/ S’ENTRAINER, pour voir sur soi-même ce que ça donne, confronté au principe de réalité.

Avertissement : il faut voir si les gens ont vraiment envie de participer : beaucoup disent oui mais refusent de s’entraîner.

8/ SE LANCER dans l’aventure.

Les points 7 et 8 sont liés au contrat passé avec le mondordinaire, contrat qui doit offrir un ventre protecteur pour l’entraînement et la mise en forme du projet, tandis que le mondordinaire a tendance à sécréter des anticorps contre lui, à le remettre en question.

Ce cheminement n’est évidemment pas tout à fait linéaire.

Il faut aussi faire attention à la différence entre un projet classique et un projet pionnier, pour lequel on ne peut pas prévoir.

Brève discussion de désaccord avec Pierre, qui affirme quant à lui l’obligation toujours présente de planifier les processus. Clochette ! Une fois de plus il est question de ne pas réagir pour censurer, mais pour élever.

Rappelons également la différence entre innovation et projet. L’innovation demande toujours une rationalisation de l’idée dans les termes du paradigme du mondordinaire. Mais cette rationalisation ne doit pas dénaturer le projet. C’est tout l’enjeu de la recherche des formes de contrat possible.

Gilles soulève le problème des pionniers, qui est précisément de n’être pas faits pour la réalisation (souvent, il y a changement de leader au point 8).

Polo, celui du passage de la vision d’un homme à l’œuvre collective. Quand on intègre d’autres personnes dans le projet, il faut d’abord se centrer sur ce qui porte l’autre vers et dans ce projet, et voir ce qu’il va apporter… et comment ça peut, ou va, changer le projet.

Réponse de JFN à Gilles : c’est en fait le 9ème point où il y a arrivée de nouvelles personnes pour gérer. C’est pour cela que les grandes entreprises financent les pionniers : elles ne peuvent pas changer elles-mêmes, ça coûterai plus cher. La bonne nouvelle, c’est que ça laisse une place pour les pionniers. (Youpi ! penseront tous ceux qui crèvent la dalle en pensant à ces chose-là depuis 30 ans !)

 

Questions sur le Jeu du Tao

L’après-midi sera dense. A propos du Jeu du Tao, et du projet d’en agrandir les horizons, JFN propose de considérer que le jeu contient encore certaines architectures qui demandent à être explorées. Par exemple : le fait d’être assis autour d’une table coupe le joueur en 2 ; les 6 principes de comm. ne sont pas explicites ; l’espace sacré n’est pas formalisé. C’est un jeu destiné à fonctionner en intelcoll originelle. Comment faire pour le rendre plus mobile, nomade, omniprésent ? D’autre part, le don de taopoints, qui ne sont ni beaux ni de l’open money, incite à réfléchir à l’idée d’un passage à une monnaie Tao. Enfin, le jeu demande à être revu dans son architecture globale, pour son passage en ligne.

 

Question d’Alexis : comment sortir des structures pyramidales, alors qu’elles sont ancrées en moi ?

JFN : La strucpyr n’est pas forcément négative, et ne confondons pas pyramidal et hiérarchique. Tout est question du rapport avec l’intention : que veut-on faire de ce jeu ? Le changer ? En faire un autre ?

Olivier fait remarquer que sans respiration commune, on ne peut rien faire. L’enthousiasme est vital dans l’engagement. Si le JdT doit comporter une intention gouvernante s’adressant à tous, il faut que s’y ajoute un engagement.

Anne-Laure témoigne d’un sentiment de lourdeur qui lui donne envie d’une exercice physique pour ranimer cet engagement.

Gilles résume l’intitulé des intentions : collectivement, construire un jeu qui conduise à l’enchantement du monde ; individuellement : mesurer l’engagement de chacun vis à vis du projet.

A1ea jacta est !

 

Déception encore ! Il ne sera pas rendu compte du déroulement des parties. Par délicatesse autant que manque d’infos, le rapporteur ne peut témoigner que des conseils qui lui ont été personnellement donnés : Pose les 1ères étapes, raccorde-toi dans le physique, tiens bon !

Quant à savoir comment réussir tout ça, motus !

Accord général de notre petit groupe : le JdT doit être un JEU : joie, légèreté, souffle, pas d’emprisonnement dans les règles.

 

Jeudi matin, l’empereur, sa femme et le petit prince…

Tandis que Polo nous a quitté hier, Danièle est de nouveau parmi nous.

JFN démarre ce dernier jour par un plaidoyer pour la liberté. Depuis hier, selon lui, le groupe est entré dans une nouvelle phase. Laisser les alchimies se mettre en place, ce qui s’est dit pendant la partie de JdT d’hier, et lors des discussions informelles. Qu’est-ce qui a envie d’émerger dans ce cercle ? On va le savoir, promet-il. En essayant aujourd’hui de continuer cette création, avec des contraintes matérielles qui offrent l’occasion de faire fonctionner l’intelcoll.

Rituelle tournée de « moi j’me sens ». Ça frise la grande forme. « On va éclabousser le monde de nos richesses », résume Anne-Marie. JFN rappelle que le vrai/beau/bon sont à vivre ensemble, un seul ne rendant pas heureux. Mais aussi qu’on a naturellement tendance à communiquer de façon polaire, par petits manquements à l’holotropisme. Il projette la vision d’un monde social où nous serions tous dans l’être. Il parle du symbole yin yang : le JdT aurait besoin de nous faire danser tous ensemble, plutôt que par interactions d’un à un.

Il ne faut pas s’emprisonner dans l’architecture, défend-il encore. Un groupe peut avoir besoin, à un moment, de se mettre en strucpyr pour une action précise.

S’ensuit une discussion sur notre emploi du temps !

Pierre défend que mieux vaut faire confiance à la compétence de JFN Celui-ci précise que le passage à la souplesse se fait en fonction des tâches et des compétences, on travaille en intelcoll globale, en sociocratie, en intelpyr selon les besoins. Il décide donc de faire son exposé.

 

Cartographie des intelligences collectives

Les principes sont simples, résumons-les à grands traits.

Il existe trois formes d’intelligence collective, quatre si l’on compte l’intelligence en essaim, étrangère aux hommes.. Ces trois formes ont évolué au cours du temps, passant de l’intelcoll originelle (ICO) à l’intelcoll pyramidale (ICP), avec l’intelligence collective globale (ICG) en gestation, maintenant appelée de nos vœux.

En ICO, l’individu a la conscience du tout. La technologie est le corps, investi par tous les peuples premiers. Les limites : nombre et distance. L’économie : échange.

En ICP, l’individu est assigné à sa tâche, l’information lui parvient filtrée par les besoins de celle-ci. Technologie : l’écriture. Limites : tue la diversité, accumule les déchets. L’économie est fondée sur la rareté et la propriété, selon les schémas abordés plus tôt.

En ICG, l’individu est ô merveille un magnifique compromis des deux, grâce aux moyens de communication postmodernes qui lui offrent en même temps vision globale et faculté de focalisation. Technologie : le socialware ou logiciel sociétal, la métalangue de Pierre Lévy, etc. L’économie est libre, encore balbutiante, on peut l’imaginer fondée sur l’interpénétration d’open money, mais tout cela reste mystérieux, et pour cause…

Les éléments à garder en mémoire :

L’ICO correspond à un besoin de contact direct parce que l’humanité s’est forgée là-dessus.

L’ICP n’a que 7000 ans (première révolution néolithique).

Chaque IC a ses champs de possibilités et ses limites, et il existe des gradations entre elles, les frontières ne sont pas hermétiques.

En ICO le corps est investi dans le corps social. Abandonné dans l’ICP, il pose problème lorsqu’on repasse en ICO, en petit groupe au travail par exemple.

Une erreur épistémologique courante, avertit JFN, consiste à stigmatiser les dirigeants des structures pyramidales, alors que choisir des dirigeants vertueux  donnerait le même résultat collectif.

Le rapporteur se gardera de « réagir » ici, mais grâce à l’absence de clochette, il peut se permettre de rappeler que ce dédouanement de la responsabilité des élites par la structure est l’un des fondements (avec la réussite personnelle, preuve du bon chemin suivi) de la bonne conscience post-moderne version bourge-bouddhiste - cf. Weber et la morale protestante comme fondement du capitalisme.

Faut-il évoquer en détails les limites de l’ICP ? Qui ne les a subies ? Impossibilité de maîtriser la complexité, de changer l’architecture selon le contexte, inertie, problème du middle management, de la raréfaction de la monnaie, du pouvoir ou de l’information, qui pousse l’ICP à développer des process capables de traiter le maximum de choses, constituant un attracteur de simplification de la ressource qui conduit à beaucoup de déchets, humains et matériels.

On est donc au point où la course à l’amélioration des process a conduit les structures ICP à évoluer, à demander des gens de + en + qualifiés, des systèmes d’information de + en + performants, mettant sur pied les outils du changement vers l’ICG.

Le problème majeur reste celui de l’être. La séparation entre l’être et le faire, induite par l’ICP, conduit à n’envisager l’individu que sous l’angle de ses résultats. L’être est invité à rester au vestiaire. La réalité est extériorisée, augmentant la scission entre l’être et le faire. Faire grandir son être, en conséquence, se fait en dehors de l’entreprise. Le travail n’épanouit plus.

Toutes ces limites sont intrinsèques. Il faut se garder de raisonner dans la logique du système. Oublier par exemple l’importance de la monnaie rare interdit de penser à des solutions alternatives. La monnaie rare, en soi, n’est pourtant pas une limite : elle est la cause des limites.

Danièle fait remarquer que le nombre semble responsable de la plupart de ces limites.

Marianne « réagit ».

Clochette !

L’interaction à deux au sein du groupe, rappelle JFN, conduit à perdre l’holotropisme pour faire avancer son argument, et à privilégier le mental permettant de développer son argumentation.

Enfin, l’ICP pose aujourd’hui de graves conflits internes entre loyauté et intégrité. La loyauté au système va à l’encontre de l’intégrité. L’une des raisons : ayant beaucoup développé le faire, les gens n’ont pas de lien avec leur intégrité.

 

L’intelligence collective globale

La pierre blanche qui marquera la naissance de l’ICG, c’est Linux, soutient JFN. Chacun connaît ce programme open source, fruit de la collaboration de milliers de programmeurs, sans structure hiérarchique. Tandis que Windows représente le nec plus ultra de ce que peut produire l’ICP, collant au paradigme masculin de la rareté, la réponse de l’ICG est dans l’énergie diversifiée, plus individuelle, permettant plein d’initiatives allant vers un autre paradigme, marqué par la diversité des ressources et l’interdépendance.

Le problème, c’est que l’argent rare continue de dominer.

 

Le logiciel social de l’ICG vient de l’internet et des systèmes informatiques permettant aux groupes de s’organiser et de gérer leur communication, leur histoire, leurs projets.

(Puisse ce texte participer à la rédaction d’une histoire commune !, pense le rapporteur.)

« Code is law » (le code est la loi) : le logiciel est l’élément structurant de la régulation des flux et de la complexité. Il n’est pas plus « virtuel » que l’écriture pour ceux qui s’en servent. Il démultiplie les avantages de l’ICG : souplesse et reliance.

Chercher de l’information, par exemple, conduit à percevoir un avant-goût de l’ICP : en réalité, on entre en résonance avec certaines infos ou personnes, déclenchant des rencontres sur le champ du sens. C’est la 1ère fois dans l’Histoire : auparavant limitée à la proximité physique dans l’ICO et à la proximité sociale dans l’ICP, la rencontre sur le sens devient possible sans limite. Triple conséquence : intrusion du principe de synchronicité dans le champ technique et social, accélération des synchronicités, potentialité de sagesse.

La question reste de savoir comment entrer en ICG.

- par l’utilisation judicieuse des architectures et outils. JFN propose que son épouse, Fernanda Ibarra, spécialiste de la question, nous fasse en ligne une visite guidée de ces outils destinés à nous relier aux autres sans être inondés de courriels et d’infos.

- par l’apprentissage de l’écriture : il faut être concis (c’est raté, sorry, folks !) et s’adresser aux bonnes personnes.

- par l’apprentissage des outils de comm. directe, donc des protocoles de prise de parole (etc.) permettant de communiquer différemment.

Le piège est de ne pas réguler le flux, de se laisser solliciter par tout. Il faut une discipline permettant de trouver la bonne chose à suivre et à prendre. Par exemple, utiliser le filtre de ce qui renvoie à l’être, seul organe de choix du pas juste à faire. « Ni le pas du désir, ni celui de la peur. Entre les deux, le pas de la grâce. »

 

Symposium un peu foireux

 Jeudi après-midi, avant de nous séparer en sous-groupes, nous sommes invités à réfléchir sur comment se servir du JdT pour faire émerger la consglob, en prenant soin de trouver un mode opératoire  permettant de s’exprimer en conscience et en écoute de soi et des autres.

Les rapports de ces réflexions seront ici présentés en vrac, en ayant à l’esprit la fatigue du lecteur et son envie d’en terminer. Ces propositions pourraient notamment faire l’objet d’un développement à part, assuré par les rapporteurs de chacun des sous-groupes

Parmi les idées abordées, parfois contradictoires, le rapporteur d’aujourd’hui, aidé du story-board tenu par Sybille, a noté ceci :

Partir de fondamentaux de l’ICG et du JdT

Impliquer le corps

Instaurer le mouvement (spirale)

Instaurer des niveaux de jeu (pas hiérarchie, des couleurs, dans, etc…)

Parcours initiatique personnel pour se positionner (avec les kius ?)

Place de l’animateur ? (selon les niveaux ?)

Souveraineté : assouplir le moment du feed-back (aléatoire ?)

Engagement concret selon les niveaux (éviter l’injonction paradoxale)

Remise de points selon le plan de la réponse (vital, émotionnel, mental, consc supérieure, adéquation du projet), pour s’entraîner au WAS (wealth acknowledgment system, syst de reconnaissance de richesse).

Respecter respiration et vision

Engagement suite aux oracles peut donner lieu à un contrat bi-partie entre joueur et buddy.

Clarifier niveau et durée de l’engagement de début de partie, dissocier pendant et après la partie.

Inviter à plus de discipline dans l’énoncé de la quête (« moi, ce dont j’ai besoin pour atteindre ce que je veux », ça va de être à faire).

 

Sous-groupe 1

- Imaginer un questionnaire en parallèle avec les kius (ou états d’ouverture de la conscience), qui déterminerait plusieurs niveaux de Jeu. Comme dans l’art martial, la hiérarchie existe mais n’est pas ressentie ou vécue comme pyramidale (la ceinture noire n’est pas bâton de commandeur).

- Garder les fondamentaux du JdT (maïeutique, Yi Ching…).

- Engagement non obligatoire (cette question fait débat).

- Fiche-profil ne donnant pas le niveau de la personne.

- Rendre les joueurs plus mobiles, moins assis.

- Nécessité d’une implication physique avant de jouer sur internet (cf. les protocoles de méditation utilisés par les groupes d’internautes selon JFN).

- Choix aléatoire d’un feed-backeur et/ou possibilité de passer son tour de feed-back, pour raccourcir les tours de table et rendre la partie plus rapide. Ceux qui veulent apporter un feed-back devraient payer en taopoints.

Yohann retient l’idée du déplacement physique des joueurs, selon le monde où ils sont par exemple.

Sybille se demande comment intégrer là-dedans les concepts de l’ICG.

Alexis est O.K. pour le déplacement physique et le parcours initiatique, mais pas pour l’animateur non-joueur.

 

Sous-groupe 2

- Quête claire pour que chacun puisse s’engager

- Métarègle vrai/beau/bon permettant de clarifier la quête + autres règles & dynamique

- Quêtes multiples assemblées pour jouer en petit cercle, reprenant le schéma de l’ICG (réseau de réseaux), en une métaquête vers le vrai/beau/bon

- Trouver un contrat faisant lien entre individuel et collectif

- Développer le « savoir demander »

- L’engagement => demande ?

- Préparer les gens (corps, être, faire) en fonction des différents niveaux de jeu. Question : comment ?

- Règles et rituels nécessaires.

- Question des dons-rétributions-participations en fonction des mondes.

- Richesse des complémentarités et des miroirs. Comment le Jeu doit-il faire vivre toute cette richesse ?

- Prendre conscience des difficultés du process de création du jeu : faire face et voir la mécanique sous-jacente aux phases d’enthousiasme-désillusion-émergence.

- Rôles importants à définir : maître du temps, des process,  de la comm., etc.

-         Comment chacun peut s’approprier l’ICG : étapes, discipline personnelle…

-          

Sous-groupe 3

- Rapport mal noté en raison d’un petit cafouillage colllectif et privé

- Possibilité de contractualiser l’engagement individuel et la participation des autres

 

Retour du Jedi

Dans son feed-back global, JFN mentionnera entre autres choses un manque de clarté dans le JdT quant à l’engagement des joueurs, qui pourrait se résoudre par une dissociation de l’engagement à être présent dans la partie et de l’engagement pour la suite, par plus de discipline dans la formulation de la quête personnelle (« comment aider l’open money » devenant par exemple « que puis-je faire pour… »), par l’usage de formulations solennelles sur les buts du Jeu, la création de l’espace sacré, l’appel au beau/bon/vrai.

Le « moi à ta place » pourrait être remplacé par « si j’étais à ta place, je ferais… »

Le Yin et Yang devraient être clarifiés, en créant un espace pour qu’ils s’expriment, sachant que le Yin est moins dans la parole.

L’engagement – n’étant souvent pas tenu – pose un problème de frustration ou de culpabilité qui va à l’encontre de l’empowerment. En visant la blisscipline (discipline de la béatitude), il faudrait trouver ce qui va combler ou nourrir le joueur qui s’engage. Exemple : une intervention gagne à partir non d’une souffrance personnelle mais du désir d’apporter au groupe.

La triangulation des contrats, où les deux parties au contrat passent contrat avec le beau/bon/vrai, aiderait à sortir du karma personnel.

L’idée d’un parcours initiatique permet de faire sentir qu’on peut évoluer dans le jeu. Comment faire pour que le joueur puisse capitaliser ses acquis dans différentes parties et mesurer son parcours ? La solution, technique, passe par l’installation d’une « mémoire de la hiérarchie naturelle ».

Attention, proclame JFN, l’ICG fait entrer dans le transpersonnel, et est constituée de plusieurs étapes et phases. « Ce n’est pas un plan, c’est un autre niveau. »

Explication : quand on est sur un certain plan (de conscience), le plan au-dessus n’existe tout simplement pas pour soi. Il existe ainsi des « hiérarchies naturelles », à gérer.

 

Adios

Le vital revient au moment des adieux. Il faut rechercher la qualité et résoudre le problème. Un rituel sera fait par ceux qui restent, chargés de faire plus tard la synthèse pour ceux qui partent. Dont votre serviteur.

Un dernier mot en cercle, comme le propose Sybille ? Ah flûte, le rapporteur ne les a pas tous notés. Voici ce qu’il en reste.

Marc : Merci à tous.

Hervé : Harmonie. Beauté. Faste.

Pierre : Merci.

Gilles : Intelligence, intelligent.

Danièle : Merci. Au revoir.

Bastien : Merci pour votre présence.

JFN : Merci d’avoir apporté le jeu dans mon travail.

Anne-Marie : Merci à la grâce d’être présente.

Alexis : Amdullillah !

Marianne : Rire. Joie. Encore et encore.

Yohann : Amour et présent.

Leslie : Amour et vigilance.

Anne-Laure : Merci la vie !

Olivier : Don’t worry, be happy !

Gilberte : Bonjour à vous.

Sybille : Danse la magie

 

 

Note : "Le psychanalyste D. Anzieu lit dans les métaphores courantes concernant le groupe,  représenté comme un corps dont les individus sont les membres, une défense contre l’angoisse de morcellement. Il a proposé l’analogie du groupe et du rêve : la situation de groupe stimule chez les membres l’accomplissement imaginaire des désirs, sous forme de découverte d’un eldorado, de reconquête d’un lieu saint, d’un embarquement pour Cythère. Il a mis en évidence divers processus dans l’inconscient des groupes dont l’illusion groupale, ou tendance à un état fusionnel collectif exaltant, accompagné de fantasmes destructifs ou de fantasmes organisateurs. " Source

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