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    L'ARBRE DES POSSIBLES DE BERNARD WERBER ET ASSOCIES

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Le site de B. Werber

L'arbre des Possibles

DE L'ARBRE DE POSSIBLES A LA MACHINE QUI PRÉVOIT LE FUTUR

En deux ans d'existence sur Internet, L'Arbre des Possibles a grandi. Lancé sur l'initiative du romancier Bernard Werber, le site a reçu 200 000 visiteurs et engrangé près de 3 000 scénarios pour l'avenir, écrits par des internautes et mis en ligne par une fine équipe. 

Un Arbre des Possibles, fait de nos scénarios pour l'avenir ! L'image est d'autant plus belle qu'elle convient aussi bien à l'objet, pourtant virtuel, qu'à son histoire elle-même. Pour servir d'humus, une nouvelle rend le terme célèbre - elle s'impose à Bernard Werber jusqu'à devenir le titre d'un recueil qui devait s'appeler Hors d'œuvre. Pour graine, une idée : créer un site où les internautes pourraient s'exprimer sur l'avenir, en textes d'une page maximum que l'on assemblerait bout à bout. Et pour mettre tout cela en œuvre, bien sûr, des jardiniers, tous bénévoles et rassemblés dans une association officielle quoique sans cotisation ni subvention : Dominique Charabouska, amie de longue date du romancier, son mari Alain, informaticien et auteur du site, et Sylvain Timsit, le créatif hors-norme. 
Dominique répond aux mails et organise les conférences qui, tous les deux mois environ, réunissent l'équipe et une centaine d'aficionados dans une salle prêtée par la FNAC-Digitale, dont Bernard Werber est le parrain. Sujets dernièrement abordés : l'humanité en procès, le changement des rapports homme-femme. Alain, lui, règne sur la technique. Il reçoit les textes, corrige leur orthographe (aidé parfois de quelques volontaires) et les intègre dans son programme de gestion. Truffé d'outils de répartition automatique, celui-ci lui permet de ne consacrer désormais qu'une heure par jour à "modérer" le site - après combien passées en développement ! "Je mets en ligne plus des 2/3 des textes reçus, dit-il, écartant ceux qui sont trop délirants pour être plausibles et ceux qui contreviennent à notre charte - propagande, vindicte, pamphlets racistes ou politiques. Les scénarios retenus, classés en fonction de leurs thèmes, viennent grossir les branches maîtresses de l'arbre ou deviennent de nouveaux rameaux en eux-mêmes lorsqu'ils déclenchent de nombreuses suites et réactions. Trop courts ou trop flous, ils vont rejoindre le tronc commun. Mon travail permet ainsi à chacun de lire les idées de tout le monde." 
Pour apporter nouvelles branches et feuillage, ainsi qu'un certain recul, Sylvain Timsit intervient depuis sa retraite entre mer et forêt landaise, relié au monde par modem. Il reprend les scénarios les plus construits, les met en images et les intègre, dans sa Galerie du Futur, à d'autres textes de visionnaires célèbres ou d'auteurs familiers de Nouvelles Clés, comme Sheldrake ou Jean-Pierre Petit. Ainsi naît une nouvelle image de l'arbre, structurée selon d'autres critères, avec une "Carte des Futurs" où commencent même à apparaître en relief les scénarios que le présent est en train de confirmer. Ce sont donc plusieurs arbres que l'on peut contempler sur le site, d'autant que sont venues s'y greffer, sous le contrôle de Sylvain Timsit, d'autres branches qui, sur des sujets précis, ajoutent de nouvelles ramures : science-fiction, psychologie, innovation, évolution, métaphysique, mais aussi espace ou le très sérieux Futuroscope, ou encore l'Ecole des Projets, qui propose une "aide à la construction et réalisation de projets personnels". 
En feuilletant (effeuillant ?) l'arbre principal, selon la logique d'Internet qui permet d'aller et venir sans cesse entre sommaires et textes, le visiteur se penchera tout naturellement vers ses thèmes de prédilection… et accumulera les avis éclairés, les trouvailles, les amorces de solution. L'éducation ? Voici l'ordinateur cartable ou l'école du futur, interactive et ouverte à tous les âges. L'alimentation ? Le choix s'offre entre l'usage généralisé de la pilule qui satisfera bientôt nos besoins quotidiens, la disparition des canines chez l'humain en raison de ses habitudes alimentaires et l'arrivée prochaine, sur les étals, de viande de bœuf cloné. Le passionné de voyage devra se préparer au moteur à plasma, voire à la téléportation; tandis que le casanier pourra faire de sa "maison" son seul lieu de vie nécessaire, rassemblant jardin, bureau et loisirs dans un même espace, que certains voient s'adapter bientôt à l'humeur de ses occupants grâce à des capteurs sensoriels à distance. Au chapitre travail, les machines semblent promettre encore, de l'avis presque général, une libération de temps propice à la sagesse et à l'enrichissement personnel.
La rubrique environnement, hélas, tempère cet enthousiasme : on nous y promet au mieux, si rien de radical ne change, des bulles de protection au-dessus des villes et au pire, la destruction totale de la planète. Mais le plus grand nombre de scénarios semblent cultiver un optimisme décalé; considérant comme probable voire sans gravité que Gaïa, la biosphère terrestre, se débarrasse de l'humanité à l'aide de cataclysmes qui permettraient à l'évolution de redémarrer à zéro. Aussi trouve-t-on ailleurs sur le site, dans le Labo des Futurs, un Tribunal de l'humanité au vote plutôt sévère (non coupable 72, coupable 129, circonstances atténuantes 89). Quant aux Histoires à Succès, scénarios commencés par certains et poursuivis par d'autres, elles nous entraînent vers des lendemains peu réjouissants : RobRobert, le surhomme équipé d'implants pour le doper et le rendre intelligent, vit les affres de la compétition sociale pour laquelle il a été programmé; et Melle Kim, inventrice de l'hypnose pour tous, donne naissance au chaos. Le doute sur la capacité des humains à assurer leur avenir se retrouve dans la plupart des scénarios soumis à d'autres découpages thématiques : évolutions géopolitiques et démographiques, mutations économiques, sociales et politiques, découvertes scientifiques, fiction et textes courts portant sur tous sujets.
Ce pessimisme des internautes constitue le premier élément du bilan dressé par l'équipe après deux ans d'existence, mais il est contredit par une croyance tout aussi partagée dans la possibilité d'y remédier. "Personne ne défend l'idée d'une belle planète, explique Dominique Charabouska. Rares sont ceux, par exemple, qui voient une solution dans le progrès technique, même si certains, le plus souvent des scientifiques, soulignent que le passé était pire encore et promettent l'énergie gratuite grâce à la fusion froide. Les scénarios révèlent une inquiétude largement majoritaire. Cependant, la plupart des internautes comptent sur une issue positive reposant sur un changement venu de notre prise de conscience. Soit lorsque, proche du point de non-retour, l'humanité se verra obligée de respecter la nature pour simplement respirer, boire ou se nourrir. Soit par l'éducation qui formatera de nouvelles générations. Soit encore, par obligation pour les derniers survivants. Mais on trouve finalement peu de solutions concrètes."
"A mon avis, elles ne viendront que si on les sollicite", estime son mari Alain. Dans ce but, l'équipe fourmille de projets, tout en rêvant de contributions d'experts qui stimuleraient les imaginations au lieu de les éteindre ou, comme Dominique, "d'enrichir cette base de données avec l'aide de psychologues, pour reprendre chaque texte et le qualifier de façon plus précise, en dégageant des tendances, géographiques par exemple". Alain prépare des listes de mots-clés qui parcourront tous les textes, permettant de circuler transversalement dans un thème et faisant ressortir de nouvelles branches - une tâche considérable pour laquelle il sollicite l'aide de volontaires. Dominique voudrait que l'aventure "débouche sur des choses tangibles, des événements, des fêtes". Faut-il conserver l'anonymat auquel sont soumis les scénarios ? La question oppose le couple à Bernard Werber, les premiers estimant que cet anonymat évite les réponses adressées à l'auteur plutôt qu'au texte et oblige à rebondir sur le fond, et le second trouvant qu'une signature stimulerait la créativité, comme une récompense. Mais il accepte que prévale le choix de ses amis puisque ce sont eux les jardiniers du site, même s'il ne renonce pas à prôner une sélection plus sévère - autre sujet de débat -, avec pour critères l'originalité de l'idée et sa cohérence. "Un scénario devrait affirmer un principe puis indiquer par enchaînement logique ce qu'il en découlera. Par exemple, annoncer que les armées vont appartenir aux entreprises privées ne suffit pas : il faut en dérouler la logique, qui peut conduire les nations à être remplacées par des multinationales, et voir ce que cela donnera." Ainsi se rapprocherait-on de l'arbre dont l'auteur rêve depuis le début, capable de prévoir le futur en utilisant les scénarios. Comme un ordinateur actuel, qui, pour jouer aux échecs, calcule les probabilités lointaines de tous les coups possibles, ce véritable outil d'aide à la décision permettrait de choisir le meilleur avenir. Un projet digne de Prométhée ? 

Un article pour Nouvelles Clés  (automne 2004)

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L'arbre des Possibles

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