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Encyclo perso
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17 novembre 2006
Finalement, le blog c'est pas notre truc. Allez plutôt voir ici.
23 octobre
Comme tous les jours ou presque quand on est à Paris, je passe sur le
site NRV de Guy Birenbaum
et j'ai eu envie de réagir - le boulot est de nouveau en attente, et pour
une fois ça valait le coup de réfléchir (je n'ai rien contre G.B. mais
bon, ce qui le fait réagir n'est pas souvent ma tasse de thé - c'est
d'ailleurs un peu pour ça que je le lis).
Si vous n'êtes pas encore allé voir, voici les propositions de Madame
Ségolène Royal qu'il reprend sur son blog.
...""Souvent il y a, dit-elle, des insuffisances pour des élus
qui ne prennent pas suffisamment en compte les aspirations de leurs
collectivités, que ce soit dans les mairies, les départements, les régions…
ou les parlementaires"."C'est pourquoi dans une réforme
institutionnelle, il faudra clarifier et préciser la façon dont les élus
pourraient être obligés de rendre des comptes à intervalles réguliers,
avec des jurys de citoyens tirés au sort et qui évaluent les politiques
publiques, non pas forcément dans un sens de sanction, mais pour améliorer
les choses". Ces jurys assureraient "une surveillance populaire
sur la façon dont les élus remplissent leur mandat par rapport à la
satisfaction des besoins, ou par rapport au juste diagnostic des difficultés
qui se posent". Ségolène Royal semble donc compter sur ce qu'elle
nomme carrément une "révolution démocratique" pour répondre
à la "crise politique, démocratique, voire même morale", qui
touche la France."
Et hop, on s'est fendu d'une ptite réponse :
Cher Monsieur Birenbaum
Permettez-nous de prendre part à vos débats.
Ces propositions montrent que la classe politique française fait subir à la démocratie participative le lissage que la traduction de " sustainable " par " durable " a fait subir au concept d'un développement respectueux de la planète et des générations futures.
Merci à Ajamais de nous avoir rappelé la 1ère phase, consistant en une déclaration d'intention fort générale. (" Sa refondation suppose, outre des engagements clairs et des promesses tenues, l'intervention active des citoyens et pas seulement leur bulletin pour les jours d'élection. ")
Voici maintenant la seconde : sous l'apparence d'une précision, un ou plusieurs glissements permettent de vider le concept de son sens.
Si l'on reprend les propos que vous citez...
(" C'est pourquoi dans une réforme institutionnelle, il faudra clarifier et préciser la façon dont les élus pourraient être obligés de rendre des comptes à intervalles réguliers, avec des jurys de citoyens tirés au sort et qui évaluent les politiques publiques, non pas forcément dans un sens de sanction, mais pour améliorer les choses ". Ces jurys assureraient " une surveillance populaire sur la façon dont les élus remplissent leur mandat par rapport à la satisfaction des besoins, ou par rapport au juste diagnostic des difficultés qui se posent. ")
... on voit qu'un problème réside notamment dans " rendre des comptes ", " citoyens tirés au sort ", " juste diagnostic ".
La démocratie participative ne consiste pas tant à contrôler les élus qu'à permettre aux citoyens de faire des propositions - voire des expériences de solutions proposées - et de participer au processus de décision. Ceci, notamment, par le biais d'une
première mesure très concrète : le vote d'une partie du budget.
Dans un processus de décision participative, ce n'est pas le sort qui décide, mais la participation. Celle-ci s'exerce sur des sujets et des dossiers précis. On peut ainsi envisager, par exemple, des jurys composés de citoyen(faut-il ajouter : (ne) ?)s " responsables ", dans le sens de " habilités à répondre ", soit parce qu'ils auront participé à des débats contradictoires, ou répondu à un questionnaire mis au point en accord avec plusieurs experts (ce qui ramènerait ces derniers à leur place). Il faut alors des modalités permettant d'éviter la surparticipation d'une profession concernée par le sujet.
Enfin, le " juste diagnostic " mérite en lui-même toute une élaboration.
Ce que Madame Royal propose est une démocratie tout au plus consultative, sans initiative citoyenne ni exercice de la liberté. Les ambiguïtés de ces propositions donnent envie de mentionner
également la description plus cynique faite par Monsieur Alain Juppé dans les mêmes lieux et circonstances*, montrant peu ou prou que lorsqu'il tentait d'associer les gens à ses décisions, on lui répondait de prendre ses responsabilités d'élu !
Pardonnez-nous d'avoir été un peu longs.
* dixint nos sources. Il semble qu'on ait beaucoup parlé de démocratie participative en cette occasion (Cité de la Résussite, Sorbonne, Paris, ce week-end). Quant à l'arrivée de Monsieur Nicolas Sarkozy, quel étalage de puissance !
4 octobre 2006
Au blues de la rentrée s'ajoute beaucoup de boulot et voilà le moral
en berne ou presque. Ce serait pire si du boulot, yen avait pas, aussi
réjouissons-nous, que diable, de gagner toujours plus difficilement notre
misérable vie. Les baby boomers, tétanisés, regarde leur propre
impuissance les conduire à leur perte. Quant aux plus jeunes, ils avalent
la pilule : dur, dur de n'être qu'un pion aux mains de l'appareil
industrialo-militaire quand on a été enfant-roi !
28 juin 2006
Hier, comme à Verdun, les Français pétris d'orgueil ont relevé haut
la main le défi (battant au football l'Espagne qu'on donnait
victorieuse). Mais qu’est-ce donc que cette coupe du monde qui s’impose
à tous, qu’on le veuille ou non ? Une suprême occasion de se livrer à
un orgasme asexué mais public ?. La dernière expression possible de
notre nationalisme ? L’engouement pour ce spectacle, que symbolise-t-il
?
La décadence de notre civilisation ? On songe à Juvénal
et à son célèbre « du pain et des jeux » : « Le peuple romain, qui
distribuait autrefois pleins pouvoirs, faisceaux, légions, tout,
maintenant se replie sur lui-même et ne s’inquiète plus que pour les
deux choses qu’il souhaite : du pain et des jeux » (Satires, 10, 78-81)
La fête est nécessaire à toute société. Un match de foot serait
donc, comme une rave party légalisée, l’une des manifestations
du retour de Dionysos dont parle Michel
Maffesoli, mais un Dionysos bien tempéré, adapté à notre société
contrôlée. Les règles de conduite sont aussi codifiées dans les
tribunes que sur le stade. Parfois, des bagarres éclatent, les hooligans
se défoulent. Mais avec l’aide de la police (nécessaire désormais à
toute manifestation collective), l’explosion est le plus souvent
maîtrisée - même si parfois le drame arrive. Tancée de s’exprimer, l’agressivité
à laquelle le sport moderne sert d’exutoire est dominée par la
virtualité propre au spectacle et à tout, puisque notre représentation
du monde se confond aujourd’hui au spectacle. Ici pas de combats de
gladiateurs, pas de morts, pas de cruauté, tout est virtuel - tout est
vrai, même son contraire.
Sur le terrain s’affrontent des amis dans la vie, joueurs
professionnels membres d’une même équipe lors de la « saison »,
devenus adversaires le temps d’un match, brièvement enrôlés sous les
bannières opposées de leurs pays respectifs. Comment croire à leurs
accès de rage, leurs coups de pied en douce, leur hargne, leurs
empoignades parfois ? Tout est vrai et bidon à la fois.
Dans les tribunes, il en va de même. Le peuple se défoule, déguisé
en troupeau de mabouls barbouillés comme des Peaux-Rouges, heureux, fier
et conscient d’avoir payé de sa poche l’enrichissement d’une mafia
institutionnalisée dont les méfaits régulièrement dénoncés ne
font que le réjouir. Comme il vote pour des corrompus pourvu qu’ils
soient connus, le peuple accepte d’être trompé alors même qu’il s’émeut.
Nous, le peuple, sommes de grands imbéciles. Nous nous moquons de savoir
que les cyclistes se dopent pourvu qu’ils pédalent en ayant l’air d’en
baver.
Faut-il que nous soyons naïfs, et désintéressés de la chose
publique, pour confier ainsi notre sort à toutes sortes de manipulation !
Sport-spectacle et jeu politique, les deux facettes de la décadence du
moment. Dans mille ans, s’ils existent encore, les humains verront cela
comme nous voyons les jeux du cirque romain.
Il faudrait aborder l’obscénité de son fonctionnement
économique, mais là-dessus tout est su et tout a été dit. Il y a
plus encore. Dans un monde dévolu au dieu argent, le foot joue désormais
le rôle d’une religion.
C’est le signe que nous n’avons encore rien vu !
Alors, avant de faire silence quelque temps, permettez ceci, lu sur le
site De Defensa
:
Modernes et antimodernes
"Que reprochent les antimodernes aux modernes? D'être devenus les
esclaves du Progrès dans ses aspects les plus mécanistes, les plus systémiques,
les plus niveleurs. Avec eux, la querelle des anciens et des modernes qui
était courue d'avance puisque les anciens étaient ridiculisés ou “démonisés”
sous des termes comme “réactionnaires” ou “archaïques” retrouve
tout son sens. Ce n'est plus une bataille de la vertu (les modernes,
partisans du mouvement et de la vie) contre le reste, mais une bataille
autour du sens de la vertu. Les antimodernes ont cette particularité
d'avoir été modernes et de le rester en partie. Leur critique n'attaque
pas ce qu'on pourrait raisonnablement accepter comme étant la substance
de la vie (le progrès de la civilisation) mais l'enfant monstrueux sous
forme d'une dégénérescence affreusement déformée qui en est né."
"La querelle n'est pas entre la Raison et l'irrationnel mais entre la
Raison déformée jusqu'à n'être plus qu'un enchaînement à un système,
contre une vision de l'esprit où la raison à sa place à côté d'autres
caractères du bon fonctionnement de l'esprit. La raison, dans leurs
mains, est devenue déraisonnable et folle, et transformée en pathologie.
En 1929, Robert Aron et Arnaud Dandieu écrivaient: « De Descartes à
Ford, cela veut dire: de l’individu isolé forgeant avec passion
l’outil rationnel de compréhension et de conquête, aux individus
encasernés, répétant dans des usines rationalisées les mêmes gestes
machinaux d’un labeur qui les dépasse. Cela veut dire que Descartes est
à l’origine d’une épopée humaine dont nous voyons l’aboutissement
gigantesque mais dégradé. Cela veut dire que l’esprit de conquête, la
volonté révolutionnaire qui permit et légitima la naissance des règles
méthodiques, a complètement disparu chez ceux qui en font maintenant une
application intensive et routinière. »"
Allez
les Bleus, bon et bel été à toutes et à tous !
7
juin 2006
Zihang demande à Confucius ce qu'il faut faire pour bien gouverner.
Le Maître : Il suffit d'honorer les Cinq Qualités et bannir les Quatre Défauts.
Zihang : Qu'appelez-vous les Cinq Qualités ?
Le Maître : L'homme de bien est capable d'être généreux sans
gaspillage, de faire travailler le peuple sans susciter rancune, d'avoir
des aspirations sans convoitise, d'être grand seigneur sans prendre de
grands airs, d'être imposant sans être intimidant. (...)
Zihang : Qu'entendez-vous par les Quatre Défauts ?
Le Maître : Punir de mort au lieu d'instruire, c'est de la tyrannie ;
attendre qu'un travail soit fait sans donner de préavis, c'est de
l'oppression ; être lent à émettre des ordres et prompt à exiger leur
exécution, c'est de l'arbitraire ; donner à quelqu'un son dû tout en le
faisant avec parcimonie, c'est de la mesquinerie de petit employé."
Extraits des "Entretiens de Confucius", XX, 2 (traduction Anne
Cheng, éd. du Seuil, 1981)
1er
juin 2006
Bizarre ?
Une étude menée à l’université de Géorgie (USA) en 1996 a montré
que les hommes qui se déclarent comme opposés à l’homosexualité sont
plus excités sexuellement par un film porno homo que ceux qui n’ont
rien contre. (ici, l’étude
en détails et en anglais) Une nouvelle illustration du « syndrome
du vendeur de bagnole d’occasion » ? Kesako ? C’est très simple :
quand on achète une voiture d’occasion, il arrive très souvent que le
vendeur vous dise, sans le savoir, les ennuis que vous allez avoir avec
son carrosse. Simplement, il le dit « à l’envers » - ou a
contrario, comme on voudra. « Elle est impeccable, elle bouffe pas
une goutte d’huile », dira-t-il et vous pouvez être certain que
c’est au contraire le cas. Idem pour « Elle chauffe pas »,
ou toute autre exemple de son bon fonctionnement. Bizarre, non ?
30 mai 2006
L'état du pays et du monde, en ce moment plus que
jamais, nous fout les boules. Il semble que rien ne viendra changer
l'inéluctable déroulement des événements. La bêtise, la médiocrité
et la courte-vue l'emportent (pas un article sur la géothermie dans un
cahier spécial de Libération sur l'avenir énergétique !). Et le pire,
c'est que nous n'avons encore rien vu : la déliquescence chiraquienne
n'en est qu'à ses débuts ! Un brin de crise économique, un vote encore
plus 'crache dans la soupe', une tension internationale, et alors, oui, ce
confort pour lequel l'Occident a renié ses valeurs va en prendre un bon
coup. Tant pis ? Tant mieux ?
La révolution qu'il faut faire
"La caste dirigeante s'oppose à toutes les réformes. Pour donner le change, elle a eu l'idée d'employer le mot «réforme» à tout bout de champ. Il faut le prendre au pied de la lettre et imposer les réformes. Contre elle."
24 mai 2006
Pour enfoncer le clou du dernier post, en disant
mieux les choses que je ne le fais, quelques
citations glanées sur le site Périphéries
:
«Dans le bastion purement éditorial, chacun aura remarqué l’importance des quinqua- et sexagénaires ayant été imprégnés par ledit soixante-huitardisme, soit politiquement (en tant que frères ennemis mao-trotsko-libertaro-situs), soit existentiellement (par le biais de l’underground rock et black, du psychédélisme stupéfiant made in Goa et Ibiza ou du libre-échange sexuel sans entraves, etc.). Parmi cette multi-beat generation – ultraminoritaire à son époque, rappelons-le, et déjà scindée entre petits chefs arrivistes et explorateurs sans retour ni profit de terra incognita –, beaucoup sont morts ou survivent dans une fidélité anonyme à ce qu’ils ont été, certains oeuvrant d’ailleurs sans tapage ni lauriers dans l’édition d’aujourd’hui. D’autres ont vite conquis des places de choix dans la presse, la publicité ou les industries culturelles. Aux commandes du secteur éditorial, ces hommes-sans-passé abondent, icônes d’un âge révolu (et plus jamais révolutionnaire d’aucune manière, c’est promis...), à l’apogée finissante de leur gloire.
La plupart ont fait carrière à l’image même de leur repentir, par réajustements successifs ou virages plus brutaux. Ils ont d’abord fait allégeance aux lois impérieuses du marché, puis, jetant l’eau du bain avec leur propre baby-boom contestataire, fait alliance au milieu des années 80 avec leurs pires ennemis d’adolescence, ces têtes molles du business et ces peine-à-jouir du bilan comptable. Pour avaler l’austère couleuvre de leur normalisation libérale et panser les petites blessures narcissiques de l’ancien temps, il a aussi fallu qu’ils légitiment a posteriori les volte-face de leur parcours avec un discours de façade.
Yves Pagès, «L’édition vue du ciel», revue «Lignes», «Situation de l’édition et de la librairie», mai 2006
Oui, mais comment ont-ils trahi ? En prêchant la fin des utopies. C'est
l'un des éléments de cette traître démarche, l'autre étant la fin des
idéologies et de la morale en politique, annoncée comme un bien, tout au
long des années 70-80, par nos soi-disant "nouveaux
philosophes" :
«Même si ce discours de haine de l’utopie n’est pas vraiment connu, il est néanmoins présent, il fonctionne de façon quasiment anonyme et d’autant plus qu’il a été réactivé par la critique du totalitarisme, qui n’hésite pas à identifier de façon abusive utopie et totalitarisme. La présupposition à la base de cette accusation est une identification entre le mythe de la société réconciliée et l’utopie. Or c’est bien mal connaître l’utopie, car dans la diversité de ses traditions, on peut rencontrer des utopies où est soigneusement préservée la pluralité de la condition humaine, au point de conjurer le fantasme de la société homogène et une, chez Fourier par exemple. D’un point de vue historique, il en va de même. Prenons le cas de l’Union soviétique, on remarque que tout ce qui pouvait avoir une valeur d’utopie a été liquidé, que ce soient les idées sur l’émancipation sexuelle ou l’éducation des enfants. Il faut plutôt penser une scène agonistique entre le totalitarisme et l’utopie: quand l’utopie décroît, le totalitarisme croît. Quant au nazisme, mieux vaut refuser d’en discuter. Le nazisme n’a rien à voir avec l’émancipation, ni avec l’utopie. Scandaleuse dans l’exposition sur l’utopie était la présentation du nazisme au motif qu’il aurait conçu une utopie du corps. Encore faudrait-il apprendre à distinguer entre utopie et mythe.»
Miguel Abensour, entretien à la revue «Mouvements», «Le nouvel esprit utopique», no 45-46
5 mai 2006
Au traditionnel "mercredi des pâtes" qu'En.marge/Elle organise
depuis toujours chaque premier mercredi du mois (porte ouverte à qui
veut, menu prévisible), En.marge/lui s'est retrouvé accusé par un
militant écologiste trentenaire d'être un "68ard uniquement
négatif et critique qui ne fait jamais rien". Comme cette accusation
revient volontiers dans la bouche des membres de cette génération, voici
la réponse dont En.marge/lui s'est fendu (tout en reconnaissant
volontiers que son caractère est plus noirâtre que de raison !) :
Réponse à un ami trentenaire sur les 68ards et
la génération dite "de 68"
Avant que ne
se joue entre nous la complainte de Rutebeuf (" Ce sont amis que vent
emporte, et il ventait devant ma porte... "), voire pour l'éviter,
permets-moi de réagir à tes attaques d'hier soir afin de clarifier
quelques points de nos discours respectifs.
Tout
d'abord, je reconnais aisément qu'il doit t'être peu agréable
d'entendre critiquer le parti politique dont tu es membre, alors même que
nous partageons des points de vue comparables. J'espère cependant que tu
voudras bien reconnaître que je ne me suis jamais livré à une attaque
personnelle du choix que vous avez fait, ta compagne et toi, d'agir sur ce
terrain - même si je m'efforce souvent d'en faire apparaître les
limites, et même si, l'occasion se présentant, je n'hésiterais pas non
plus à en relever les contradictions.
En
critiquant les actions de votre parti et la pensée qui les sous-tend à
mes yeux, j'essaye essentiellement de vous inviter à en remettre en
question certains présupposés trop facilement admis. Je prendrais comme
exemple la stratégie qui conduit à défendre le " mieux que rien
" comme mode d'action sans comprendre qu'il dessine aussitôt, aux
yeux de ceux qui n'y sont pas directement engagés, un horizon politique.
Piètre horizon ! C'est le fruit d'une vision technocratique de la
politique, réduite à la gestion des interactions entre agents sociaux,
qui fait aujourd'hui le malheur des partis de gauche dans tous les pays
dits développés - ce qu'ont très bien compris les néo-conservateurs
qui ont su, hélas, insuffler une nouvelle dynamique à leur discours,
sinon à leurs actes, en prônant une " révolution conservatrice
".
Une
digression me conduirait ici à vous inviter à méditer les leçons véritables
de la crise de 1929 aux Etats-Unis : 8 mois après le crash boursier,
l'indice de la bourse était revenu au niveau d'avant. La cascade de
faillites et de catastrophes qui pourtant continua n'est donc pas
uniquement le fruit de mécanismes économiques ou financiers, et l'image
donnée du New Deal comme solution technique au problème est fausse. Il
suffit de lire les discours de l'époque pour se convaincre que l'enjeu
principal, le moteur de l'effondrement comme celui du rétablissement, était
de nature psychologique, la campagne de Franklin D. Roosevelt s'appuyant
avant tout sur un appel au dynamisme et aux retrouvailles avec l'esprit du
" tout est possible " qui fait le rêve américain - ici, la
conviction que la démocratisation du luxe entreprise pendant les années
20 pouvait, sous d'autres formes et règles, être poursuivie.
Pardon.
Je reviens à notre affaire : l'accusation contre laquelle je voudrais réagir,
est celle, personnelle, qui m'a valu d'être qualifié de "
soixante-huitard uniquement critique qui ne fait jamais rien ",
appartenant (je résume) à la génération qui va vous laisser ce
merdier. Je dois bien sûr m'efforcer de ne pas en être blessé, et y réagir
autrement que par une défense de ma conduite présente ou passée, en
tentant là encore de privilégier l'analyse. Je ne te fournirai donc pas
une présentation de mon action politique, ni même une explication de ses
évolutions : il faudrait du temps et du talent pour décrire ce parcours.
Pour en rester à ce qui nous occupe - l'écologie politique - je répéterai
seulement ce que j'ai dit : je pense effectivement m'être toujours efforcé
de réduire au maximum mon empreinte écologique (une notion qui me fut
indirectement transmise par un père écolo avant l'heure membre de la
bande à Giono, et qui me parut évidente dès mon premier séjour en Amérique,
et plus encore après l'Afrique !). Maintenant, s'il faut donner détails
et montrer patte blanche, l'exercice vaudrait en effet d'être tenté !
J'en proposerais un autre en retour : déchiffrer ma démarche dans la sphère
publique à l'aulne de mes écrits, et y trouver, j'espère, ce que qui en
fait l'essentiel (voir les livres portant ce nom) : ma tentative de
remettre en question, certes sans oublier mon propre camp, mais en ouvrant
des perspectives et en présentant, surtout, les discours et actions de
tous ceux qui me semblent avancer dans la bonne direction.
Mais
l'important, comme toujours, est ailleurs que dans ces tentations égotiques.
Il concerne l'idée sous-jacente à tes accusations, selon laquelle il
existe une génération de 68ards responsable de tous nos maux. Trois
points :
1/
Il n'existe pas de génération 68 et l'image qui en est cultivée,
aujourd'hui comme hier, est fausse (et même de + en +). Les "
soixante-huitards ", si l'on entend par là ceux qui ont activement
participé au mouvement de mai, étaient une minorité que je qualifierais
volontiers d'infime, comme la suite l'a montré. Moins nombreux encore
furent ceux qui, ensuite, acceptèrent d'y réfléchir vraiment, et
d'accorder leur vie future à ce qu'ils avaient cru vivre alors. Il
convient de rappeler également le contexte (Vietnam, été des ghettos
67, assassinats de Martin Luther King, de Bob Kennedy, remise au pas de la
Tchécoslovaquie par l'Armée Rouge...).
2/
Il existe, par contre, une génération du baby-boom. Je m'insurge contre
l'amalgame fait entre les deux, qui permet d'affirmer par exemple que les
premiers sont aujourd'hui " aux bonnes places ". Primo, le
pouvoir dans ce pays est resté et reste encore aux mains des membres des
deux générations précédentes (celles de guerre mondiale puis de la
Guerre d'Algérie) et sur les bases d'accords plus anciens puisque conclus
à la Libération (autre moment de l'histoire dont l'image a été floutée).
Secundo, les baby boomers qui se sont accolés à ces pouvoirs l'ont fait,
précisément, en reniant toutes les convictions des 68ards sus-cités.
3/
Il y a donc bien eu de multiples trahisons, individuelles et collectives,
dont la principale à mes yeux fut celle de 1974 qui conduisit, au moment
même où l'énergie se révélait l'enjeu fondamental de l'avenir, un
peuple entier à accepter d'être démis de tout contrôle sur la
politique la concernant. " Que les Français le veuillent ou non,
nous construirons des centrales nucléaires ", proclama Giscard sans
provoquer de réaction.
Voilà,
amigo, comme tu l'imagines j'aurais encore bien des choses à dire. J'espère
que cela contribuera à tes réflexions, et même à notre amitié. Nous vous apprécions beaucoup. Quant à ton invitation à
être plus positif, sache que je m'y efforce, notamment (comme je l'ai
dit) dans mes papiers. Cela explique d'ailleurs en partie ma véhémence
d'hier, car en abordant le tri sélectif, et compte tenu du travail
d'information accompli par Martine et moi sur les déchets, on était mal
tombé ! Sache aussi qu'en matière de propositions " positives
" de tout ordre, y compris dans la sphère politique ou stratégique,
nous ne sommes pas en reste, même s'il nous semble plus que jamais être
bien isolés. Que s'ouvrent donc entre nous des échanges toujours
amicaux, mais peut-être plus productifs !
Amicalement,
3 mai 2006 L'homme spécialisé s'éloigne de
la "nature" et avec lui, l'humanité
Retaper une maison s’avère plus facile mais moins enthousiasmant que construire un bateau - on rêve beaucoup moins. Que transmettre de ces quelques semaines au chantier ? L’étonnement devant le fossé qui s’est creusé en une génération dans l’esprit des jeunes formés pour devenir des intellectuels, et qui s’imaginent aujourd’hui que construire quelque chose de leurs mains est totalement au-dessus de leurs compétences, sans jamais avoir essayé. En.marge/lui, en souvenir d’une anecdote américaine, appelle cela le syndrome du « je ne peux pas faire du vélo aujourd’hui car je n’ai pas mon casque ». L’idée qu’en prenant quelques risques on puisse apprendre à faire en faisant n’effleurait pas, semble-t-il, l’esprit de mon jeune interlocuteur très sérieux, avide d’apprendre la différence entre béton et mortier.
Une occasion s’est offerte aussi ( merci Claude !) de rager une fois de plus contre l’illusion qui domine dans le milieu écolo, selon laquelle l’être humain en étant venu à la détruire, la nature se chargera - par le biais tantôt de catastrophes naturelles, tantôt de pénuries en pétrole ou matières premières - de le ramener à une prise de conscience et à de meilleures dispositions. Sentiment, un fois de plus, de jouer le rôle de l’affreux schtroumf qui tarabuste ses propres amis. Les données collectées tout près du pouvoir pensant industriel par En.marge/Elle ne font pourtant que confirmer l’intuition d’En.marge/lui : le formidable appareil technique que nous avons mis en place n’a pas du tout pour agenda le retour de l’harmonie avec la nature, ni même la correction des erreurs déjà prouvées. Au contraire, stimulé par la machine économique, il ira jusqu’au bout de sa logique : la recherche du profit par l’innovation technique immédiatement exploitable. La mise au point d’autres systèmes de transport, d’autres logiques de développement, peut encore attendre. Nous userons du pétrole (à partir de maintenant, le pétrole lourd le plus polluant) jusqu’à la dernière goutte, mais aussi toutes les matières premières ( y compris le charbon, qui revient dans les cartons), et l’atome malgré les accidents (on sait grâce à Tchernobyl que les conséquences sont solubles dans l’oubli). Pollution et réchauffement planétaire s’assimileront d’eux-mêmes (et avec vos médias) aux catastrophes « naturelles » dans l’esprit des populations, et achèveront de persuader l’humanité qu’il est temps d’arracher définitivement l’homme à la nature, résolvant ainsi une fois pour toutes le débat entre nature et culture sur lequel notre philosophie moderne s’est fondée (voir
l’entretien avec Michel-Antoine Burnier, dans Reportages
& Articles). L’homo technico-economicus triomphera enfin, en créant des « écosystèmes » faits de cités-bulles, d’immeubles autonomes et de villes sous-marines - pour ceux qui survivront. Il suffit de voir les réactions au texte de
Judith Bernard sur sa grossesse pour savoir que les femmes - souvent sollicitées comme avenir par des hommes effrayés de leurs propres résultats - n’ont aucune raison d’apporter le salut, tant sont nombreuses celles qui paraissent prêtes pour l’utérus artificiel, tant porter la vie les rebute, effraie ou révolte par son côté « obligatoire » donc par définition insupportable. « Et au nom de quoi le leur interdiriez-vous ? » ont répondu deux sommités de la biologie (Henri Atlan et Hervé
Chneiweiss) quand on leur posa la question.
La direction prise par la civilisation depuis deux siècles était dans la logique d’un appel bien antérieur, invitant à posséder et soumettre la nature. Cette volonté de confort et de puissance, que rien ne vient remettre en question, explique pourquoi la destruction de notre vaisseau autorégulé apparaît comme inéluctable. « Tu crois au scénario Soleil Vert !», accuse presque l’ami Claude, mentionnant un film déjà ancien où l’avenir était de ce tonneau. Quels signes, dans l’évolution observée depuis, montrent-ils que nous prenons une autre direction ? Même les enfants élevés à la campagne n’ont plus grand contact ludique avec la nature - ils jouent aux jeux vidéo. Pour eux, ou leurs petits-enfants, la ville-bulle sera la « nature ». Plutôt que de s’attacher à défendre une nature qui n’a déjà plus de sauvage que le fortement technicisée, peut-être devrions-nous nous atteler surtout à ce que le scénario ne soit pas aussi celui de 1984 : la mécanisation de l’homme lui-même, par le jeu conjugué de structures sociales de plus en plus coercitives, de médias et de systèmes éducatifs de plus en plus abêtissants et de manipulations et sélections génétiques de toutes sortes - car n’est-ce pas déjà ce que l’on voit au coin du bois ?
3 avril 2006
L'étroitesse d'esprit et l'engrenage des événements
Deux choses frappent dans l'actualité, pour qui regarde depuis la marge
ou tente d'avoir l'œil de Sirius.
La première est l'étroitesse d'esprit de tous les acteurs et commentateurs. Chacun oublie de replacer ses décisions, ses révoltes ou ses analyses dans le cadre plus vaste de la mondialisation, et notamment de ses deux influences majeures sur la population : le triomphe de l'idéologie économiste et la destruction écologique de notre vaisseau. Cette mondialisation ne sert que d'excuse ou de bouc émissaire, alors qu'elle est un processus vécu.
On comprendrait mieux, pourtant, la crise de régime actuelle en France si l'on prenait en compte la crise politique mondiale, témoin d'une crise de civilisation. Ainsi, on a tort de prétendre, comme
Alice Rufo dans
l'Express, qu'" il est très nouveau dans l'histoire de l'humanité qu'une génération fière de sa réussite se détourne des problèmes de la génération suivante et supporte que la situation soit pire que ce qu'elle a
connu". C'est au contraire une caractéristique des périodes de décadence, et de nombreux moments de l'Histoire, comme en témoigne l'expression "après moi le déluge". Et l'on se trompe encore, si l'on oublie la désaffection des peuples envers les diverses parodies de démocratie aujourd'hui disponibles sur la Terre, désaffection dont témoignent les errements électoraux et l'abstention massive dans presque tous les pays où des élections libres ont lieu. Et l'on se trompe, enfin, en ignorant systématiquement l'angoisse créée par les sombres perspectives écologiques.
Faute de vision, faute d'emprise sur le réel, nous sommes tous condamnés à tenter d'imposer aux autres des solutions favorables à notre seul intérêt personnel immédiat. Le débat politique et social devient le seul reflet de la lutte que chacun mène, contre tous, pour survivre ou vivre encore mieux. Le délire actuel autour du CPE en France est une bulle de plus dans un système qui ne cesse de faire
psschhitt.
Le nez dans le guidon, l'humanité fonce vers le mur, épousant un mode de fonctionnement social qui l'entraîne à se soumettre au seul jeu des événements
et à leur emballement - deuxième caractéristique marquante de l'actu. Plus que jamais, ces événements donnent l'impression de s'enchaîner avec une logique implacable.
Comment Chirac pouvait-il penser que Sarkozy ne profiterait pas de la bêtise de Villepin ? L'engrenage des combines politiques suffit à expliquer toute l'affaire du CPE, y compris à gauche. Normal : pour les uns comme pour les autres, il n'est plus question d'agir sur la réalité. Agir sur la réalité, si l'on veut s'arrêter sur cet aspect politique des choses, signifierait pour la droite réussir à se convaincre que la flexibilité qu'elle pense devoir imposer ne saurait aller sans des dispositifs de sécurité capables d'assurer la paix sociale. Manque d'ampleur, manque de contreparties. Il y a bien plus de
donnant-donnant et de stratégie win-win
dans les réformes canadiennes ou scandinaves, souvent citées en exemple
! Agir sur la réalité, ce serait pour la gauche comprendre que l'on n'avancera pas en se regroupant seulement autour de la défense des avantages acquis : elle peut y gagner le pouvoir, mais pas les moyens de gérer le pays. Tout ce petit monde devrait jouer au
jeu du tao !
31 mars 2006
Il y a quelque chose de tragique dans cette agitation
qui gagne, à propos aujourd'hui du CPE cautère sur jambe de bois, comme
l'an passé à propos du Traité européen ou en 2002 à propos de
l'élection présidentielle : tous les ingrédients d'une légitime
révolte sont là, mais la révolte elle-même tape complètement à
côté de la plaque.
Ainsi, en 2002, pourquoi fallait-il voter massivement
Chirac ? Qui a sincèrement cru que Le Pen allait le battre au second tour
? Fallait-il donc soulever les foules ? Réponse : oui, s'il s'agissait
avant tout de sauver le PS.
Il en va de même aujourd'hui : le CPE n'est rien
d'autre qu'un prétexte permettant au PS de se refaire une clientèle, aux
syndicats de cacher qu'ils ne défendent plus personne, à la foule de se
défouler, et à ceux du camp adverse de montrer qu'ils savent confondre
courage et opiniâtreté, et de gagner la sympathie de ceux qui pensent
qu'un peu d'ordre musclé serait un bon remède à tous les ennuis.
Difficile de savoir si la France a encore les moyens
de conserver son prétendu 'modèle social' (qui n'a jamais servi de
modèle à personne). Sans même aborder le fait que ce modèle est
fondé, tout comme l'ultra-libéralisme, sur des prémisses
écologiquement insupportables, il semble évident qu'un pays ne peut
jouer solo de nos jours et conserver des avantages sociaux que les autres
pays n'ont pas. Nous sommes dans une économie que l'on ne cesse de nous
décrire comme libérale (entendez : capitaliste) et mondialisée
(entendez : soumise aux diktats d'une classe de possédants internationaux
et aux coups de force des administrations américaines). Combien de
crashes boursiers, combien de guerres, économiques ou réelles, va-t-il
falloir subir avant que l'économie soit soumise à un cadre global à son
échelle, instaurant des règles communes et des barrières aux délires
spéculateurs ? Est-on seulement conscient des risques importants d'une
crise ?
Pendant ce temps, la jeunesse proteste pour un
contrat d'embauche ! Le Français d'aujourd'hui n'est plus qu'un homo
economicus avant même sa sortie de l'école. Il se bat pour la défense
de ses intérêts égoïstes, sans se soucier du scandale institutionnel
permanent dans lequel nous vivons depuis quelques années, symbolisé par
le non respect par les élites des règles qu'elles ont pourtant
elles-même instituées. Ainsi, tout le monde accepte comme légitime une
décision du Conseil Constitutionnel, alors que ses membres ont presque
tous dérogé aux règles de neutralité politique à laquelle ils sont
soumis par statut, comme le fit Simone Weil en menant campagne pour le
traité européen l'an dernier.
Beaucoup de bruit pour rien : l'enjeu n'est pas de
résoudre le chômage des jeunes, mais de marquer des points en vue de la
prochaine élection. D'un côté comme de l'autre (et chaque côté ayant
ses divergences), le seul but est le pouvoir, le pouvoir pour lui-même,
et la seule ambition de la lutte est de pouvoir un jour en profiter. Les
réformes audacieuses menées au Canada ou au Danemark, qu'on nous
présente comme nouveau modèle (très maternel) d'une "précarité
protégée", ont commencé par une remise à plat des avantages de la
classe politique, notamment financiers.
25 mars 2006
A certaines heures, les rues de Paris sont pleines d'employés. On voit alors combien les femmes sont nombreuses à trimer dans les bureaux et les boutiques. Hommage aux femmes, qui font tourner la machine !
Normal ! proclame En.marge/lui chaque fois que, se sentant nul face à tant de compétences, il essaye de s'en tirer par un couplet misogyne. "On se moque de nous, avec la sacro-sainte course masculine au travail et au profit ! Croyez-vous qu'elle
aurait pu fabriquer des humains réduits à être consommateurs ? Ce sont les femmes qui ont inventé la société de consommation ! Le grand projet de l'époque, le confort, la 'démocratisation du luxe' comme dit Sloterdijk, tout ça c'est un truc typiquement lié au surmoi maternel : le plaisir pour tous tout de suite - pourvu qu'il soit dans la norme. "
En.marge/Elle ne se prive pas de parler des hommes et de leurs autos, tracteurs et autres gadgets coûteux, et de lui fermer le caquet en l'accusant d'étaler sa culture et de se croire protégé par un refus de la course qui lui donnerait le droit de critiquer tout. Est-ce qu'il ne se lèche pas les babines, parfois, en regardant ses beaux outils ? N'est-il pas le premier à se réjouir du travail accompli ? Allez, au boulot, En.marge à la noix, il faut gagner ta vie !
14 mars 2006
C'est un débat toujours renouvelé :
quand il arrive une chose bizarre, quoique porteuse de sens, est-ce juste
une coïncidence étrange ou est-ce une synchronicité
? (A ce propos, Eliane
Gauthier, l'une des intervenantes du dossier
intuition, vient d'écrire un livre passionnant avec Jean Sandretto
"Le psychiatre et la voyante", éditions Almora.)
En quittant la maison familiale, j'ai
embarqué le premier livre qui me venait sous la main dans la grande
bibliothèque de l'entrée. Au hasard. Curieux
hasard ! Dans ce "Journal 1942-1949", d'André Gide, des
phrases résonnent avec l'humeur des derniers jours.
"15 juin 1944. Sans
trop d'impolitesse, je voudrais prendre congé de moi-même. Je me suis
décidément assez vu. Je ne sais même plus si je souhaiterais encore ma
vie; ou alors, ce serait avec un peu plus d'audace dans l'affirmation.
J'ai beaucoup trop cherché à plaire aux autres, beaucoup trop péché
par modestie."
Pécher par modestie
? Voilà qui m'a fait penser à Jean-Roger et à quelques amis, qui en
d'autres temps, comme le firent leurs pères, se seraient levés pour
reprendre le flambeau, mais que le dégoût a détourné des affaires
publiques.
André Gide était un curieux bonhomme
: il proposait de mettre Dieu devant nous plutôt que derrière. La survie
de l'âme, hélas, il n'y croyait pas, pas plus qu'au moindre saut
d'intelligence qui l'obligerait à accepter des vérités qu'aucun fait ne
corrobore ou que la science n'explique pas. Pas d'esprit sans corps, donc,
mais dans le corps, avant tout, l'esprit. "Dieu, c'est vertu. Mais
qu'est-ce que j'entends par là ? Il faudrait définir; je n'y parviens
pas. Je n'y parviendrai que pas la suite. Mais déjà j'aurai beaucoup
fait si j'enlève Dieu de l'autel et mets l'Homme à sa place.
Provisoirement je penserai que la vertu, c'est ce que l'individu peut
obtenir de soi de meilleur. Dieu est à venir. Je me persuade et me redis
sans cesse que : Il dépend de nous. C'est par nous que Dieu
s'obtient." (novembre 1947)
10 mars 2006
Dans le genre coup de blues, on fait fort chez
En.marge/lui.
Dévasté par la mort d’un ami. Trop entouré par
la mort, ces temps-ci.
On en vient à se demander si l’on ne va pas crever
de tristesse, à chercher ce que cela veut dire (tout le monde va si mal ?),
à trouver toute nouvelle douleur suspecte, à s’inquiéter :
who’s next on the list ? Réponse : everybody, of course.
Après l’amie Anne-Marie, avocate des causes extrêmes
bien mal évoquée l’autre jour, Jean-Roger l’ami d’enfance meurt
d’un cancer foudroyant révoltant de précocité. Entre les deux, l’un
des seuls écrivains valables de l’époque (malgré ou grâce à son
outrance ?), Philippe
Muray, y passait lui-aussi.
Mais je me fous de Philippe Muray, malgré ses
percutantes formules !
C’est Jean-Roger que mon cœur pleure avant tout
aujourd’hui.
Il faudrait chanter notre enfance, c’est d’elle
que nous tenions notre amitié.
Te ramener par le souvenir, et rattraper le temps
passé.
Les champs alors portaient des noms car ils servaient
aux vaches, et nous, nous pédalions, ramions, courions, hirsutes et mécontents
d’être toujours trop petits ou interdits de sortie aux îles. Te
souviens-tu des blockhaus, te souviens-tu de l'entrée secrète au château
sans souci, des bêtises grosses, moyennes et petites ? J’en ferais
des romans si j’avais le talent !
Au lieu de cela, il nous faut t’enterrer.
L’église était toute pleine sous sa voûte
nouvellement plaquée de bois clair, en ce froid et crachineux mercredi
après-midi. A la consolation du cérémonial chrétien répond la sobriété
d’un portrait rapide et simple dressé par un cousin assez fort pour ne
témoigner son émotion qu’à la fin. Nous sommes en Bretagne, pays où
l’on cache ses larmes, où les sentiments se taisent ou se crient…
seulement quand on est saoul, fou, poète ou très très en colère.
Chapeau, le cousin ! Moi, qui ne suis pas tout à fait de cette race,
j’ai le mouchoir sorti depuis longtemps.
La meneuse de chant en rajoute d’une voix de
stentor, l’abbé propose son prêche et dit sa messe, les réponses
suivent, un peu éparses, la tradition est respectée, même si
l’assemblée semble vibrer de tristesse plus que de foi. Ami, si tu
sentais l’émotion de cette foule – et tu la sens peut-être – tu
n’en croirais pas tes yeux et réviserais ta modestie bien connue !
Peu communient, mais malgré la procession dans l’église
qui permet à chacun de bénir ton cercueil « en raison du mauvais
temps », tous te suivent jusqu’au cimetière, derrière la haute
croix traditionnelle, le curé et ses sbires, la famille affligée; tous
marchent sous les coups de boutoir d’une pluie venteuse que nul Breton
n’a jamais dit aimer.
Ami, je tremble de froid et de chagrin, et de la
peine d’avoir si mal entretenu notre amitié. Pudeur stupide et réciproque,
vies qui séparent, idée qui s’installe selon laquelle, pour l’autre,
on ne compte plus vraiment… C’était l’enfance, tout a changé,
a-t-on jamais compté ?
Tu as su, au moins mais beaucoup trop tard, que pour
moi ce fut oui. Ce fut comme je te l’ai écrit : depuis l'enfance,
chaque fois qu'il est question d'en appeler au bon sens plutôt qu'aux
connaissances savantes, c'est à toi que je pense en premier, pour me
demander ce que tu dirais. Plutôt bête, hein, quand on pense qu'on n'a
plus vraiment discuté depuis l'âge de 18 ans ? Et ça me semblait hier !
Tu prouves que c'était il y a longtemps.
On sait bien qu’on pleure avant tout sur soi-même,
sur ses souvenirs, sur ses regrets. Et quel meilleur exemple pourrais-je
en trouver : c’est mon enfance qui disparaît avec Jean-Roger. Il
n’en va pas de même pour sa famille. Mais peut-être me
comprendront-ils, ceux qui ont partagé ce temps-là avec nous ? Ne
prouvent-ils pas chaque jour – et aujourd’hui par leur nombre – que
les liens restent forts dans notre Bretagne profonde explosée par la
modernité ?
Enpointmarge mon cul ! Une existence trop
vagabonde brise presque toutes les attaches. Ces morts qui le rappellent
font de la vie comme une tenture effilochée.
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27
février 2006
En.marge/lui
éprouve parfois de la nostalgie pour les Etats-Unis d’Amérique, qui
furent son pays pour un temps. Alors il clique, clique, clique, et revient
avec une moisson qui,
quand elle s’en tient à l’actualité, prend au fil des années un goût
amer de plus en plus alarmant.
Si
vous voulez renvoyer à cet article mais pas à ce site, le premier est
sur le site d'infos gratuit Bismi.net.
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21 février 2006
Au retour de deux semaines en Creuse, il faut d'abord
se réadapter à la pollution atmosphérique citadine. Et pourtant, ce
n'était pas l'air pur des montagnes ! L'oppression au retour est presque
la même, et en plus du souffle, ce sont les mots qui manquent.
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3 février 2006 L'intellectuel
réformiste musulman Tariq Ramadan lançait en mars dernier un appel à un
moratoire immédiat sur les châtiments corporels, la lapidation et la
peine de mort.
http://oumma.com/article.php3?id_article=1443
Son article éclaire admirablement le contexte des
tensions qui s'accumulent entre le monde occidental et le monde musulman,
et la récente "explosion" contre les caricatures danoises.
Il conduit à une réflexion : il semble que nous soyons
engagés dans une relation systémique, où les positions se radicalisent
en réaction à la radicalisation de l'autre. On voit ainsi que le monde
musulman joue à sa manière le même scénario que nous : une crispation
devant l'obligatoire évolution de conscience et de moeurs qu'il faut
accomplir, renforce les comportements au lieu de les changer. L'autre sert
alors de bouc émissaire à la rage de voir quand même le monde bouger.
Nous consommons de plus en plus, pendant que
d'autres s'enferment dans la perpétuation de lois religieuses inhumaines.
Les intérêts croisés des potentats, mafia politico-économique ici et
dictateurs et ulama' là-bas, font que ce ne sont certainement pas les
élites qui apporteront des solutions : leur pouvoir dépend au contraire
de ce renforcement de nos comportements néfastes. Ils nous conduisent,
dans une atmosphère générale d'impuissance et de jem'enfoutisme, à
l'affrontement qui donnera raison à tout le monde, et que tout le monde
attend.
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31 janvier 2006
J'allais faire part ici de ma crise trimestrielle de rage contre les patrons qui tirent sur la corde,
quand est venu l’appel redouté depuis quelques semaines, annonçant la mort de mon amie
Anne-Marie. Elle fut avocate du FLN, des étrangers et autres pauvres au barreau de
Paris, mais aussi éleveuse de moutons au Larzac, sur sa ferme de la
Trivalle, commune de La Vacquerie (Hérault).
Elle n’était pas si vieille, mais elle n’en pouvait plus. Maigre à faire peur, le nez relié en permanence à sa machine à oxygène, elle vivait depuis des mois sans y croire, son univers
philosophique et idéologique en miettes, attendant la fin sans croire non plus qu’il y ait un après.
Que dit la symbolique de cet essoufflement ? Le diagnostic fonctionnel lui-même laisse à désirer : soignée depuis des années pour un emphysème, par un
ponte de la caste médicale parisienne, il semblerait qu’en réalité, elle ait souffert d’une tuberculose, dont la découverte tardive ne laissait aucune chance au traitement, affaiblie comme elle l’était. Il faut donc en rester au général : Anne-Marie s’est éteinte d’une longue maladie qui lui a peu à peu coupé le souffle, puis qui lui a bouffé les poumons de l’intérieur en deux ans.
Comment ne pas relier cet essoufflement avec sa vie elle-même, vie de lutte contre l’injustice, de militantisme ne menant guère à la victoire, mais marquée par bien des déceptions, surtout ces derniers temps ? Une lutte commencée dans une clandestinité qui tourne vite à la gloire, comme courrier à bicyclette pour son père, magistrat et Résistant. Une
lutte qui s’achève dans le combat en faveur des immigrés clandestins, combat dérisoire dans un pays qui ne rêve que de les voir disparaître, en victime expiatoires de l’écrasement social que lui-même subit. Alors, autant il faudrait écrire tout un livre contant ses aventures, autant ici les résumer paraîtrait indécent. Car au fond c’est bien simple : depuis la guerre,
comme avocate ou comme militante, Anne-Marie a été, Anne-Marie fut, de toutes les luttes. Et c’est
bien un livre entier que j’aimerais écrire du récit de sa vie.
« Des conneries, tout ça », estimerait-elle sans doute comme elle le disait de mes autres travaux. Elle n’appréciait pas non plus mon doute quant à l’impossibilité de la survie de l’âme et l’absence absolue de l’au-delà,
auxquelles elle croyait fermement. Elle était en effet une athée convaincue, et trouvait absurde mon questionnement sans réponse
d'agnostique - où elle voyait le signe d’une faiblesse que d'ailleurs je ne récusais pas.
J’aime, j’ai aimé et j'aimerai Anne-Marie comme aucune autre femme. En tout bien tout honneur, il convient donc de parler d’amitié pour évoquer cet amour sans érotisme. J’ai pour elle cette estime et cette admiration que savent provoquer les femmes actives et fortes de caractère, cette tendresse pour les faiblesses qu’elle savait montrer, j’aimais en elle cet élan toujours dirigé vers l’action, à laquelle elle savait ajouter plus qu’un brin de réflexion. Intello et active, avocate et paysanne ! Facile à apprécier, non, un être aussi complet, quand de plus il se montre généreux, intelligent, hospitalier et plutôt positif ? La louange pour une fois l’emporte sur la critique : un esprit incisif et révolté peut aussi être bon. Reste le sel qui faisait de cette amitié un cadeau : sur quelques points d’importance, nous étions étrangers. Voilà peut-être, outre son impressionnante personnalité, pourquoi je penserai à elle
jusqu’à mon dernier jour. Quant à perpétuer son souvenir, la tâche sera facile : elle nous laisse à chacun une moisson d’anecdotes, de leçons et d’exemples où nous pourrons puiser, pour que résonne longtemps encore le doux nom d’Anne-Marie
Parodi.
16 janvier
2006
Décroissance et nouvel an
Voici En.marge en 2006 avec un rhume plein la tête et celle-ci, pleine de questions. Comment souhaiter en ce début d'année, par exemple, le succès aux proches, aux amis, à soi-même, à des projets communs, tout en étant sensible à l'idée qu'il faudrait amorcer une décroissance de notre empreinte écologique ? L'idée est commune aujourd'hui : les ressources s'amenuisent, la pollution augmente, la planète aurait besoin de souffler ; mais nous semblons emportés par une dynamique incontrôlable. Et le concept de décroissance fait sens, plus que jamais, au moment des Fêtes, devenues le symbole de notre asservissement à la déesse consommation. Arrêtez de consommer autant, arrêtez de consommer pour compenser, arrêtez de vivre pour consommer !
Entièrement d'accord. Faut-il pour autant prôner la décroissance ?
En.marge croit que se serait contre-productif, et ferait le jeu de l'adversaire (les promoteurs de la croissance infinie). Car voilà : au niveau individuel autant que collectif, la décroissance pose un sérieux problème, dès lors qu'elle devient mot d'ordre, résolution morale ou slogan antimondialement correct. Elle demande immédiatement un corollaire : la justice. Plus encore, et pour dire les choses rapidement, décroître
semble aller à l'encontre du projet humain, qui est d'explorer et de transformer son environnement au mieux de ses intérêts. Elle peut donc être une conséquence d'un nécessaire changement de priorités, mais ne constitue pas un but pour une société.*
Qui se montrerait taoïste au point de souhaiter un succès "décroissant" à un ami qui se lance, ou une "bonne décroissance" à tous ceux qui galèrent ou meurent de faim ? On se retrouve devant le problème que pose le développement de l'Inde et de la Chine : qui leur interdira de vouloir accéder à notre niveau de vie ? Nous, qui courons après celui des Américains en nous déplaçant de plus en plus, activité hautement polluante ?
"Ah mais, direz-vous, nous, pays riches, pouvons décroître un peu". Certes. Et tout est question de passer du culte de la quantité à une recherche de la qualité ! Vrai également.
Et c'est précisément la raison pour laquelle le terme "décroissance" devrait être oublié au lieu de se voir prôné comme mot d'ordre : au lieu d'avancer l'argument qualitatif, il joue sur le terrain négatif ; en refusant la croissance pour le plaisir d'en montrer les limites, il sème le doute au lieu d'emporter la conviction. Une fois de plus, la bataille des mots se retourne contre les écologistes pisse-froids. Si nous voulons cesser d'osciller entre fascination pour la catastrophe et solutions irréalistes, parlons simplicité volontaire, progrès technique non polluant et durable, équilibre avec notre vaisseau, élargissement de l'homo economicus à la dimension psychologique ou spirituelle !
Qui adhérerait avec enthousiasme à un avenir limitant ?
Ici quelques développements et des
citations des auteurs cités
Le 30 décembre 2005
Un blog se doit-il de réagir à l’actualité ?
C’est prendre le risque d’annoncer, bien vite et sans pouvoir prendre
le temps d’en expliquer tous les rouages, une marginalité qui touche
parfois à l’indéfendable. Exemple récent : l’appel aux urnes
lancé auprès des jeunes de banlieue par de sympathiques figures du
paysage médiatique, artistes de surcroît. Comment s’y opposer ?
Et comment, pour le plus marginal d’en.marge, justifier sa propre décision
de persister à refuser de voter ?
Il y faudrait un pur discours anarchiste, qu’il ne
se sent pas le courage d’offrir, ne s’y reconnaissant que très
partiellement.
Il renoncera à s’expliquer, plutôt. Pour
l’instant en tout cas. Pour lui, d’ailleurs, la raison principale du refus est là : à quoi bon s’expliquer, puisque c’est
ailleurs que tout se passe ?
Car, au moment où Djamel et ses potes lançaient leur
appel, en.margerâleur se fadait la lecture de Capitalisme Total, écrit
par le grand patron « socialiste » Jean Peyrelevade. Dommage,
le livre (genre pamphlet enfonçant des portes ouvertes) est déjà reparti entre d’autres mains, il faudrait en citer
des passages entiers - et l'éditeur !
En.marge est bien content d’apprendre de la plume
d’un expert que le système financier mondial verrouille absolument
toutes les décisions politiques et que, face à ce pouvoir, la démocratie
n’en a pas : il le dit depuis 1968 et peut même vous raconter comment
il l’apprit. Il dit aussi, mais depuis moins longtemps, que cet aspect
du problème mondial repose sur notre schizophrénie postmoderne de
consommateurs sans citoyenneté. Peyrelevade dit qu’il n’y a rien à faire, qu’il
faudrait des changements qu’il juge impossibles. Est-ce assez donner la
mesure du problème ? Et l’on voudrait influer sur ça par la magie
de l’accession au pouvoir d’une dirigeante du PS ?
Résultat : l’appel à la citoyenneté est une
belle idée, mais dans les circonstances présentes, ça ne fera
qu’embarquer une génération dans une illusion funeste (style
Mitterrand en 81), et on ne peut s’empêcher de penser que, si
l’objectif principal est de regagner les banlieues pour la gauche ou
soit-disant telle, le coup de boomerang qui suivra la déception sera
rude.
Une seule solution : le retrait, la démission,
comparable à ce qu’a connu le système soviétique – car ce fut la
raison principale de son écroulement. Voilà, en quelque sorte, résumée
à coups de serpe la position d’en.marge mâle. En.marge femelle a
toujours dûment voté. A cause de Louise Michel et de toutes les sœurs
qui ont lutté. Il est d’accord : il n’est pas une femme.
Après de telles raccourcis, on comprend que ce blog
ne s'ouvre pas aux commentaires d'autrui, comme il le devrait. Il se
ferait incendier ! Alors, à quoi bon ?
Le 15 décembre 2005
Emeutes de banlieusards, intellos enragés.
Au milieu de ces empoignades, parmi tant de lettrés,
En.marge reste sur sa faim et tout plein de questions.
En 1998, déjà, un couple d'amis sortis de
la cité pour la marge et un prof dans un lycée de banlieue nous en
parlaient pour Nouvelles Clés. LIRE
leurs propos.
Pourquoi, par exemple, est-il fait si peu cas de l’âge et de la
psychologie des « émeutiers » ? Les commentateurs ne
laissent aucune part au plaisir que l’on peut trouver à
faire cramer des choses, ou à l’émulation entre gamins quand ils font
des bêtises. Il ne s’agit aucunement d’excuser des actes répréhensibles,
contre-productifs et stupides, mais dit comme ça, on se souvient de
l’excitation que provoque le feu chez l’homme, et ça prend un autre
aspect que la peur distillée à coups de « jeunes incendiaires »
et de « phénomènes de bandes». Ne sont-ce pas avant tout - et
surtout avant toutes ces identités collées ou revendiquées - des
humains, des jeunes gens, voire des gosses ?
Pourquoi aucun des nouveaux moralisateurs, néoréacs
ou néocons, n’a-t-il proposé d’en appeler aux pères, mères, frères
aînés ou éducateurs de ces voyous pour qu’ils brûlent les i-pod,
portable ou autres gadgets de leurs chers petits sauvages, histoire de leur montrer ce que ça fait de voir
détruire son jouet ?
Pourquoi ces penseurs ne font-ils aucun lien avec les
dizaines de milliers de jeunes partis à l’étranger l’an passé, les
10 000 tentatives de suicides, les jeunes Français et leur mal être dans
toutes les classes, races ou étiquettes ? Et avec leur formidable
lucidité, énergie et espoir ?
Qui sont véritablement ces jeunes gens ? Que
disent-ils ? Que veulent-ils ?
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