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La science désenchante, alors rêvons un peu. Imaginez une histoire d'amour digne d'un conte de fée : passion dès la première rencontre, mariage, enfants et vie heureuse ensemble jusqu'à la mort. Ne souriez pas. Qui n'a pas eu ce rêve ? Malgré les tribulations du couple moderne, ne reste-t-il pas un idéal pour beaucoup ? Et pour cause ! Il représente exactement ce que veut la vie : se reproduire et durer. Bien sûr, vous avez votre libre arbitre et la possibilité de changer le film à tout moment. Mais la cascade d'hormones qui se met en œuvre dans votre organisme fait tout pour que vous suiviez le scénario.
Dès le début, à votre insu, vos corps ont échangé de multiples informations. Grâce aux fameuses phéromones, bien sûr, ces composés volatils hérités de votre passé reptilien, qui en disent long sur vous. Echappées de glandes situées sous les aisselles, autour des organes génitaux et des mamelons, vos phéromones ont atteint l'autre en plein organe voméro-nasal, une glande logée sous le nez, directement reliée au bulbe rachidien. C'est donc à son cerveau le plus archaïque qu'elles ont transmis votre empreinte olfactive, personnelle et unique... et vous parlerez un jour de vos " atomes crochus " ! Les femmes semblent les mieux armées pour les décoder. Selon " l'expérience du t-shirt " d'une étude suisse reproduite au Brésil, vous seule, lectrice, savez choisir à l'odeur - si l'on peut dire, les phéromones étant inodores - le partenaire dont le profil immunitaire s'avère, génétiquement, le plus favorable à votre union.(1)
L'attraction se confirme. Son regard ! Son sourire ! Quelque chose fait tilt, réveillant une impression de plaisir enfouie au plus profond de votre mémoire affective. Le coup de foudre survient. Vous frissonnez, vous rougissez, votre cœur accélère. Elle vous trouve presque brillant ! Il vous découvre piquante. Normal : une décharge d'adrénaline a activé vos fonctions cérébrales, vous mettant au mieux de votre forme. Et si la faim vous quitte, si l'euphorie vous gagne, si l'optimisme règne, c'est l'effet de la phényléthylamine (ou PEA), une amphétamine encéphalique naturelle produite au cœur du système limbique, siège de l'affectif - on la trouve aussi dans le chocolat. Sensation de plaisir à nulle autre pareille : énergie des grands jours, sentiment d'allégresse, exultation, exaltation ! Mais l'effet ne dure pas. Vite, une autre dose ! Vite, lui téléphoner, lui parler, se revoir. Hélas, vos récepteurs neuronaux saturés perdent leur capacité à répondre, tous ces bonheurs ne suffisent bientôt plus. Si vous êtes comme don Juan, accroc à la PEA, l'heure de la rupture approche.
Seule, la sexualité ne suffira pas non plus, malgré les aspects bénéfiques du ballet hormonal qu'elle sait si bien déclencher. Peu à peu, son corps vous fait moins vibrer. Vous sentez poindre " l'effet Coolidge " : chez certaines espèces, le mâle se montrera toujours partant pour des galipettes amoureuses... à condition que ses partenaires se renouvellent sans cesse. Ce n'est pas que le désir soit mort, puisque pour d'autres, il vous arrive d'en éprouver !
Mais la nature veut que le conte se poursuive. Elle vous propose un autre cocktail, plus émotif, plus durable : dopamine, bien sûr, neurotransmetteur du bonheur et hormone tonifiante à large spectre, mais aussi vasopressine et surtout, ocytocine, élue Miss Hormone de l'amour ! Elle mérite bien ce titre. Projetée massivement dans l'organisme lors du premier rapport amoureux, l'ocytocine est également responsable des contractions pendant l'accouchement, ou de l'expression du lait durant l'allaitement. C'est l'hormone du premier attachement, de la première empreinte, son taux augmente dans votre organisme lorsque vous vous sentez en confiance.(2) C'est enfin la première hormone à avoir montré que sa production pouvait avoir des causes physiologiques aussi bien qu'émotionnelles. Un câlin la déclenche, mais aussi le son de la voix aimée, une pensée amoureuse ou un simple regard. Elle vous liera affectivement l'un à l'autre comme vous l'avez été à votre mère. Quant au cocktail, toujours varié, il vous accompagne de l'orgasme au repos, et vous incite à de nouveaux projets : une relation durable, des voyages en commun, un enfant...
Faut-il donc que ça change toujours ? Pour rester amoureux, il faut en tout cas garder une dynamique. Avec le temps, l'accoutumance neuronale entraîne une baisse de dopamine, et le plaisir d'être ensemble devient moins intense - comme tout plaisir. Pour le raviver, faites parler votre imagination, réveillez votre créativité ! L'ocytocine ne vous lâchera jamais tout à fait : elle peut revenir à tout moment, pour peu que vous sachiez rallumer la flamme. Dans notre conte, qui finit bien, vous saurez passer le cap. Vous entrerez alors, votre complice à vos côtés, dans les eaux rieuses de l'amour mûrissant, grâce à la sérotonine, hormone du sommeil et de la régulation de l'humeur, et pour les neurobiologistes, du véritable attachement.

(1) Manfred Milinski and Claus Wedekind : Evidence for MHC-correlated perfume preferences in humans, Behavioral Ecology 12: 140-149, mars 2001.
Santos PS, Schinemann JA, Gabardo J, Bicalho Mda G : New evidence that the MHC influences odor perception in humans: a study with 58 Southern Brazilian students, Hormones and Behavior, avril 2005, 47(4):384-8
(2) Michael Kosfeld & al. : Oxytocin increases trust in humans, Nature, Vol. 435, No. 2, pp. 673-676, juin 2005

L'effet Coolidge : don Juan et jeunes coqs
L'affaire remonte à la visite d'une ferme modèle par le couple présidentiel américain, dans les années 1920. Mme Coolidge, invitée la première à visiter le poulailler, découvre l'exceptionnel appétit sexuel du coq. " Dix fois par jour ! s'étonne-t-elle. Vous devriez raconter ça à mon mari ! " Peu après, c'est le tour du Président. " Dix fois par jour avec la même poule ? " demande-t-il. Informé de la réponse - négative - il s'exclame : " Vous devriez raconter ça à ma femme ! "

A Lire :
Petits arrangements avec l'amour, de Lucy Vincent. Après Comment devient-on amoureux ?, la neurobiologiste poursuit sa dissection "sans pincettes" du désir et de l'amour, s'attardant sur les raisons de l'échec (Odile Jacob, 2005).
L'ocytocine, l'hormone de l'amour, de Kerstin Uvnas Moberg. Spécialiste mondiale de l'ocytocine, la chercheuse suédoise en explique les bienfaits et plaide pour les câlins et massages, qui favorisent sa production (éditions Le Souffle d'Or, 2006). 
Biologie des passions, de Jean-Didier Vincent. Elargissant le champ, le docteur en neurobiologie montre que l'amour et la haine, la faim et la soif, le plaisir et la douleur sont inséparables, empruntant les mêmes hormones, neurotransmetteurs et voies neuronales (Odile Jacob, 1999).

                                                                                     Un article pour Psychologies Magazine

 

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