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A l'origine du monde
Le couple est tellement ancré dans l'inconscient de nos sociétés que la plupart des traditions se sont servies d'analogies avec lui pour expliquer la création du monde, grâce à des mythes fondés sur la dualité des sexes, archétype de tous les dualismes. Le plus souvent, c'est le couple formé par le Ciel et la Terre. Avant lui règne un néant appelé "chaos" par les Grecs (de "chasma", abîme) et qualifié de "vide et béant" par la mythologie scandinave. – selon la Bible, la terre est "tohu-wa-bohu" (informe et vide) avant la création (Gen 1:2).
Dans la tradition sumérienne, Terre et Ciel, étroitement confondus au départ, sont séparés par le dieu Enlil. Pour les Maoris, ce sont leurs enfants qui, fatigués de tâtonner dans le noir coincés entre les deux, coupent les liens qui les relient et poussent le Ciel (Rangi) vers le haut, jusqu'à l'éloigner suffisamment de la Terre (Papa) pour que la lumière apparaisse. Ailleurs en Polynésie, on parle d'une plante qui, en grandissant, aurait fait le même travail.
Dans la tradition grecque, les choses se compliquent : la Terre ("Gaïa aux larges flancs, assise sûre, à jamais offerte à tous les vivants") engendre le Ciel (Ouranos), un "être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière", dit Hésiode dans sa Théogonie. Des amours de ce couple primordial naît une multitude d'enfants (dieux, cyclopes et autres êtres légendaires), mais Ouranos les déteste et les cache dans le corps de Gaïa, qui en souffre. Il faudra que leur dernier fils Kronos castre Ouranos (jetant, c'est psychanalytique, son sexe mutilé à la mer !), pour que Ouranos le ciel étoilé prenne enfin sa place... et que Gaïa, fécondée par les éclaboussures de sang, donne naissance à une multitude de géants, érynies, nymphes et autres mères de la race humaine.
Les rôles ne sont pas toujours aussi caricaturaux. Ainsi, dans la mythologie égyptienne, c'est un dieu (Geb) qui représente la Terre et une déesse (Nout) le Ciel, et c'est leur père (Chou) et non leur fils qui les sépare. La persistance, à travers toute l'ère pharaonique, d'un culte à la déesse créatrice (Isis) explique sans doute pourquoi, à la différence des autres peuples moyen-orientaux, les Egyptiens accordaient tant de droits aux femmes (choix du mari, métier, fortune personnelle, etc.).
Mais dans tous les cas, que le terre et la ciel soient mâle ou femelle, avant leur union, avant le couple, il n'y a rien. Tout naît par cette rencontre de deux êtres semblables et pourtant différents. Rien ne le montre avec plus d'évidence que le mythe de la création japonais : le chaos d'origine, comme dans la plupart des cultures asiatiques, est un œuf cosmique, au sein duquel se trouve un germe asexué qui finit par donner naissance au Ciel (Izanagi) et à sa sœur-épouse la Terre (Izanami). Le plus ancien texte rédigé en japonais (712), le Kojiki, raconte naïvement leurs ébats : "le mâle-qu'on-invite" et la "femelle qui invite" copulent sans honte après avoir tourné autour du pilier céleste. De leurs amours ne naîtront pas seulement soleil, lune, typhon, dieux (les kamis), hommes et même archipel nippon, mais également un culte de la fécondité et de l'amour ludique qui explique le regard que la culture japonaise traditionnelle (et beaucoup d'autres avec elle) porte sur la sexualité, exempte de péché originel et de toute culpabilité.
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