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Du 15 au 16 septembre 2005, s'est tenu à Paris un colloque international sur la réduction des émissions et le stockage géologique du CO2. La manifestation, organisée par l'IFP, l'ADEME et le BRGM, a rassemblé plus de 400 personnes venues de plus de 25 pays. Elle a été l'occasion de faire le point sur les enjeux internationaux du réchauffement climatique, mais surtout de débattre de réduction des émissions de CO2, à travers des exemples pris dans le secteur de l'énergie et des transports. La dernière journée a été consacrée aux avancées technologiques dans la capture et le stockage géologique du CO2 et à leurs implications réglementaires et économiques.


C'est en saluant les "NTE" - entendez les "nouvelles technologies de l'énergie" - que François Loos, Ministre-délégué à l'Industrie, a ouvert la rencontre. Parmi ces technologies nouvelles concourant à la production d'énergies renouvelables ou aux économies d'énergie, figurent aujourd'hui la capture et le stockage du gaz carbonique. Le ministre a rappelé que deux agences avaient été récemment créées; l'Agence nationale de la Recherche et l'Agence nationale de l'Innovation industrielle, afin d'amplifier l'effort public et privé dans le domaine. "La capture et le stockage pourraient contribuer à réduire les émissions de CO2 dans de nombreux secteurs industriels, et en particulier dans la production d'électricité, surtout si le recours au charbon doit se développer dans le monde au XXIème siècle", a conclu le ministre.

Une prévision confirmée par Jacek Podkanski, de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) : la demande en énergie étant en augmentation constante sur la planète - le pic de production du charbon se situe autour de 2050 et les réserves en pétrole et gaz commenceront à baisser aux alentours de 2020-2030 - il ne faut pas compter à moyen terme sur la réduction de la consommation des combustibles fossiles pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Présenté par Jacek Podkanski, le dernier scénario énergétique élaboré par l'AIE table sur une augmentation de la production d'énergie allant, entre 2002 et 2030, de 3% pour les pays de l'OCDE, à 12% pour les pays en transition économique (Europe de l'Est, Amérique latine) et 85% pour les pays en développement, essentiellement la Chine et l'Inde - dont la production est encore minime. Les énergies fossiles devant satisfaire encore plus de 80% des besoins, les émissions de CO2 dépasseront 38 milliards de tonnes par an à l'horizon 2030. Elles sont aujourd'hui de 30 milliards, soit deux fois ce que les puits naturels de carbone (biosphère et océans) peuvent résorber, le reste s'accumulant année après année dans l'atmosphère. Jacek Podkanski explique que des efforts à l'échelle planétaire (augmentation de l'efficacité énergétique, du parc nucléaire, des énergies renouvelables...) permettraient un scénario alternatif, qui réduirait les émissions de 6,5 milliards de tonnes de CO2 par an. Le recours à la capture du gaz carbonique à la source d'émission sur 5% seulement des installations industrielles mondiales supprimerait encore 1,75 milliards de tonnes. 

Ce scénario alternatif est-il suffisant pour éviter une catastrophe climatique de grande ampleur ? Dominique Dron, professeure à l'Ecole des Mines, en doute : "Nous devons arriver à diviser par quatre nos émissions de gaz carbonique pour limiter la hausse des températures à 2° C et éviter les pires catastrophes", prévient-elle. Pour appuyer ses craintes, elle dresse rapidement le tableau de la situation climatique mondiale. Depuis le début de l'ère industrielle, la température de la planète est montée de 0,6° en moyenne et le niveau des mers s'est élevé de 10 à 20 cm. Six dixièmes de degré semblent peu, mais nous en constatons déjà les effets négatifs : climat désordonné, canicule, inondation, feux de forêts, sécheresse, fonte des glaciers, augmentation de l'intensité des cyclones, perturbation des courants marins, modification de la flore et de la faune. "C'est un problème écologique mais aussi économique", explique-t-elle. Entre les années 1950 et les années 1990, par exemple, les pertes financières mondiales résultant de catastrophes liées au climat ont été multipliées par dix (après ajustement pour inflation), une hausse qui s'explique par l'augmentation constante des catastrophes naturelles : treize phénomènes extrêmes recensés entre 1950 et 1960, soixante-douze entre 1990 et 1998. Aux Etats-Unis, les pertes économiques provoquées par les catastrophes météorologiques sont passées de 5 à 11 milliards de dollars entre 1980 et 1990. A lui seul, le cyclone Katrina qui a ravagé la Louisiane en septembre 2005 devrait coûter plus de 125 milliards de dollars. Invitant tous les Etats à prendre en compte le facteur écologique dans leurs plans de croissance, Dominique Dron ajoute : "Les dommages causés par le réchauffement coûtent toujours plus cher à l'économie d'un pays que la prévention." 

David Reiner, de l'université de Cambridge, en est pleinement conscient. Ce chercheur, qui travaille en étroite liaison avec le MIT (Massachusetts Institute of Technology) rappelle qu'un Français émet en moyenne 6,5 tonnes de CO2 par an, un Américain 19,9 - la Louisiane battant le record mondial avec 45 t/an/habitant. Mais il y a de l'espoir ! Des initiatives pour lutter contre l'effet de serre commencent à voir le jour outre-Atlantique sous la pression des états (40 vont faire l'inventaire de leurs émissions, 25 ont adopté un plan climat), des maires (plus de 135 maires répartis dans 35 états ont décidé de mettre leur ville en conformité avec le protocole de Kyoto) et des industriels (fortement engagés dans la capture et le stockage du CO2). De leur côté, les Européens bénéficient d'une stratégie globale de lutte contre l'effet de serre et vont augmenter les aides dans ce domaine, annonce Philippe Dechamps, de la Direction de la recherche de la Commission européenne : "Le septième PCRD (Plan Communautaire de Recherche et Développement) mettra 2,9 milliards d'euros sur des projets liés à l'énergie, deux fois plus que dans le sixième plan." Les principales sources d'émission sont connues : 39% sont dues aux activités de production d'énergie, 22% à l'industrie, ces sources concentrées pourraient faire l'objet de capture. Les émissions dues au chauffage des bâtiments, au tertiaire et à l'agriculture (16%) peuvent être réduites par des économies d'énergie et l'usage d'énergies renouvelables. 

Restent les transports. A ce propos, Michèle Pappalardo, Présidente de l'ADEME, rappelle que tous les efforts de maîtrise de l'énergie doivent être poursuivis. L'option de la capture et du stockage du CO2 représente, certes, un enjeu important mais les technologies ne sont pas encore disponibles au plan économique et industriel et les installations de stockage doivent être expérimentées. Par ailleurs, il s'agit d'une solution transitoire et qui ne concerne que les grandes installations de combustion et non les émissions des secteurs comme celui des transports. Or la part de ces derniers (23%) ne cesse d'augmenter, comme le confirme Alain Morcheoine, Directeur du service Air, Bruit et Efficacité énergétique à l'ADEME : "Le transport aérien devrait tripler d'ici 2030 et le parc des véhicules à moteur doubler. La conséquence en sera une augmentation des émissions mondiales de CO2, et la part de responsabilité des transports passera de 23 à 25%." Les outils pour réduire les émissions dans le secteur sont multiples : amélioration technologique des moteurs, réduction des cylindrées, véhicules électriques, carburants propres. "Les solutions proposées sont pléthoriques, estime-t-il, mais elles ont des limites." Pour lui, le véritable problème se trouve dans le modèle de développement des pays développés, qui "devraient modifier leur comportement en matière de transport et inciter les pays émergents à en faire autant avant qu'il ne soit trop tard", conclut-il. Le conférencier suivant, Peter Wiederkehr, de la société autrichienne Est International, abonde dans ce sens en donnant un exemple de changement d'attitude face à l'automobile : une expérience de partage de voitures (car-sharing) qui mobilise 60 000 personnes et 1 800 véhicules en Suisse. Grâce à cette organisation, les usagers roulent 20% moins en voiture et émettent 60% de CO2 en moins dans leurs déplacements. Plus réaliste, Ian Drescher, de Volkswagen, pense que la solution pour les transports viendra de l'utilisation d'une palette de matières premières différentes dans la production du carburant, sans changement des stations services ni des véhicules. Il cite l'expérience du Sunfuel, un carburant de synthèse produit à partir de la gazéification de la biomasse et largement commercialisé en Allemagne. "La planète est en danger et nous avons besoin de solutions immédiates", défend-il.

En matière de capture et stockage du CO2, les options techniques sont également multiples, et aucune pour l'heure ne détient la panacée. En ouvrant la session consacrée à cette filière, le Président du BRGM, Philippe Vesseron, rappelle que nous devons aujourd'hui explorer toutes les voies. Aussi bien dans le choix des procédés de capture (capture postcombustion, oxycombustion, précombustion) que dans le choix des sites de stockage. Ainsi Lars Stromberg, de la compagnie d'énergie suédoise Vattenfall, explique que sa société a investi dans un projet pilote qui sera opérationnel en 2008 : une centrale au charbon à Schwarze, dans le bassin de la Ruhr, équipée d'un système de capture par oxycombustion. "L'entreprise Siemens s'intéresse quant à elle à la précombustion", annonce Gunther Haupt, son représentant. Elle a développé un nouveau système de brûleur pour les turbines à gaz, permettant la récupération d'hydrogène, "la voie la plus prometteuse, selon lui, mais aussi la plus ambitieuse technologiquement". Enfin, la capture postcombustion est défendue par Paul Feron de TNO (un organisme de recherche néerlandais). "Cette technologie, dit-il, est la plus facile à implanter dans les centrales existante et la plus économique, surtout si l'on intègre la régénération des solvants aux processus." Dès 2006, une centrale pilote de ce type devrait voir le jour au Danemark.

Après la capture, le stockage géologique pose ses propres problèmes. Niels Christensen, du GEUS (équivalent danois du BRGM), lance le débat consacré au sujet en dressant un rapide tableau des capacités d'enfouissement dans le sous-sol planétaire. Le CO2 peut être stocké dans les gisements de pétrole et de gaz épuisés. Ceux-ci ont l'avantage d'être bien connus et leurs capacités sont estimées (5 920 milliards de tonnes de CO2). Dans les veines de charbon inexploitées, l'injection peut s'accompagner d'une récupération de méthane, mais leur potentiel, encore mal connu, semble faible (une quarantaine de milliards de tonnes). Les aquifères salins profonds offrent l'avantage d'un potentiel immense (plus de 10 000 milliards de tonnes) et d'une présence dans tous les bassins sédimentaires de la planète. Pour Tore Torp, de Statoil, les expériences sur le terrain actuellement réalisées dans le cadre de programmes européens ou nationaux (CASTOR, GESTCO, SACS, CO2Store, etc.), sont autant de cas uniques, "mais chaque retour d'expérience est riche d'information pour tous les scientifiques qui s'intéressent au stockage du CO2", explique-t-il. Ainsi en est-il, par exemple, des expériences réalisées par Gaz de France et Statoil dans la mer du Nord (K-12B, Sleipner), et décrites par Jean Hartman, de GDF, qui estime qu'elles "ont augmenté nos connaissances et mis en relief les bénéfices et les inconvénients de la technique".

Mais le temps importe ici tout autant que l'espace, comme le montrent Pierre Le Thiez, de l'IFP, et Isabelle Czernichowski, du BRGM, en présentant les principales voies de recherche. "Dans ce domaine, la difficulté est dans la durée", expliquent-ils, car la sécurité du stockage doit être garantie pour des durées pouvant atteindre un ou deux millénaires. La maîtrise des impacts à long terme représente donc un verrou technique à faire sauter pour assurer le développement de la filière. Ce n'est pas son seul handicap, avertit John Roberts, du Ministère britannique de l'Environnement, en pointant que "la législation spécifique au stockage à long terme du CO2 n'existe pas". Ainsi, le stockage en mer du Nord est régi par deux textes traitant de la protection de l'environnement marin (la convention de Londres et la convention OSPAR), et le stockage souterrain dépend des lois en vigueur dans chaque pays. Un débat à l'échelle des conventions internationales de l'environnement est aujourd'hui en cours pour clarifier la situation, annonce cependant John Roberts. 

Le problème principal serait-il financier ? Quelle que soit la filière privilégiée de capture ou de stockage, tous les conférenciers sont d'accord sur la nécessité de diminuer son prix. Il est grevé aujourd'hui par la capture, qui représente 70% du coût total estimé, soit 50 à 70 dollars la tonne de CO2 évité. Et Guy Allinson, de l'université de New South Wales (Australie), fait remarquer qu'il ne s'agit que d'une estimation. "Le prix peut varier sensiblement en fonction du choix du procédé de capture, de la distance à parcourir pour stocker le CO2 et du site de stockage", explique-t-il. De plus, la mise en oeuvre des permis d'émission prévue par le protocole de Kyoto devrait encore changer la donne économique, soutient Jean-Michel Gires, de Total. Aujourd'hui, "tous les projets de Total sont analysés à l'aune de la quantité de gaz carbonique émise et de la pénalité actuelle de 20 euros la tonne de CO2émis", annonce-t-il, "et nous n'échapperons pas à la capture et au stockage du gaz carbonique". Un dernier point reste à débattre : son acceptabilité sociale. Après avoir rappelé que l'option capture et stockage n'est pas l'unique solution à la réduction des émissions de CO2, Gabriela von Goerne, de la section allemande de Greenpeace, insiste sur la nécessité d'informer les citoyens et de garantir la sécurité du stockage pour les générations futures. Et c'est sur une note d'espoir qu'Olivier Appert, Président de l'IFP, clôt le colloque, en affirmant : "La prévention des risques d'un changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre constitue un enjeu auquel la recherche doit pouvoir apporter des réponses." Un pari sur l'avenir ? 

Pour en savoir plus : le BRGM, en collaboration avec l'IFP et l'ADEME, vient de publier dans la collection Les Enjeux des Géosciences, une brochure consacrée à la capture et au stockage géologique du CO2. 

Une lente prise de conscience.
A l'échelle internationale, la prise en compte du réchauffement planétaire a commencé en 1988, avec la création d'un groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), à l'instigation de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement (PNUE). Ces 2 500 experts dûment mandatés par les Nations-Unies ont pour mission de rassembler les données scientifiques sur le sujet, d'en faire la synthèse et de formuler des stratégies de prévention. Leur dernier rapport (septembre 2005) intègre à la panoplie des mesures de réduction des gaz à effet de serre (économies d'énergie, énergies alternatives), la capture et le stockage du CO2 à la source d'émission. Selon les experts, 20 à 40% des émissions de gaz carbonique pourrait ainsi être enfouies. Pour permettre le développement de la filière, la capture et le stockage devraient maintenant logiquement intégrer le dispositif de permis d'émission mis en place par le protocole de Kyoto, qui prévoit pour les pays développés une réduction de 5,2% des émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport au niveau de 1990. Signataire du protocole, la France espère diviser ses émissions par 4 d'ici 2050, par le recours au nucléaire, aux économies d'énergie, aux énergies renouvelables, mais aussi à la capture et au stockage du CO2.

Chiffres clés :
Economies d'énergie : appareils électroménagers efficaces classe A ou B : 50%;
isolation des murs : 15%; des toitures : 20%; pompe à chaleur ou chauffe eau solaire : 70% 
Emissions mondiales annuelles de CO2 industriels - référence année 1996 : 3,482 GtC
production de fer et d'acier : 0,393 GtC 
production de ciment : 0,308 GtC
raffinage de pétrole : 0,142 GtC
autres industries : 0,360 GtC
centrales de production d'énergie : 2,081 GtC
(GtC pour gigatonne carbone; 1 Gt égale un milliard de tonnes) 

 

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