En.marge                            Hommes - femmes : différents mais jusqu'où ? 

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Les différences entre hommes et femmes sont évidentes, mais... jusqu'où vont-elles ? Dans quelle mesure influencent-elles notre fonctionnement, nos comportements, nos façons de penser ? Sommes-nous, au fond, si différents ? 

Poser ces questions à la science, c'est atterrir au milieu d'une terrible dispute. D'un côté, certains estiment que les recherches, ces dernières décennies, ont amplement démontré l'étendue des différences - génétiques, cérébrales ou comportementales - entre les hommes et les femmes. La nature et l'évolution en seraient la cause : le cocktail d'hormones propre à notre sexe et les activités spécialisées de nos ancêtres (chasse pour les hommes, cueillette pour les femmes) auraient formaté différemment nos cerveaux. Voilà pourquoi les femmes trouvent plus vite qu'un homme la mayonnaise dans le frigo, et pourquoi les hommes sont plus agressifs ! 
De l'autre côté, les défenseurs de l'égalité des sexes dénoncent le sexisme des interprétations données aux études. Ils accusent celles-ci d'être biaisées ou de ne rien prouver. Ils affirment que le regard de nos parents, l'éducation, la société comptent bien plus que notre héritage génétique ou que notre lointain passé préhistorique. Le cerveau ne serait pas sexué mais " plastique ", fait pour apprendre. Pour preuve : dans la plupart des tests, les différences constatées entre hommes et femmes sont bien moindres qu'entre personnes du même sexe. Une méta-analyse de 46 études a également démontré, en 2005, qu'il y avait plus de similitudes que de différences entre hommes et femmes, dans tous les aspects de nos psychologies (Hyde, 2005). 
Entre nature et culture, inné et acquis, le débat est loin d'être clos. Il a provoqué, en quelques décennies, une explosion de recherches scientifiques sur notre identité sexuelle. Tant mieux ! Connaître nos différences n'est-il pas le meilleur moyen de nous comprendre, de nous compléter... et de rire ensemble de nos forces et faiblesses ?

Les points forts des femmes
Les femmes ont de meilleurs résultats que les hommes aux tests de perception, aussi bien en rapidité qu'en capacité de reconnaissance. Elles identifient mieux les sons, et voient plus vite les différences de détail dans un lot d'images comparables, ou qu'un objet a été déplacé sur un présentoir. Elles sont meilleures que les hommes dans les tâches de précision manuelle demandant une bonne coordination motrice. Elles sont plus rapides, par exemple, pour combler avec des chevilles une série de trous percés dans une planche. (Kimura, 2001, 2004)
Mais leur véritable domaine d’excellence, c’est la communication. On compte trois fois moins de femmes que d’hommes qui bégayent et deux fois moins de dyslexiques (Halpern, 1989). Les femmes sont meilleures en orthographe et en mémoire verbale, et se montrent en outre beaucoup plus aptes à lire les expressions faciales ou corporelles (Kimura, 2004). Elles se souviennent mieux des mots dont on vient de leur lire une liste, trouvent plus rapidement ceux qui commencent par la même lettre ou qui en comptent le même nombre. Elles sont, enfin, plus nombreuses dans les métiers impliquant la communication (Halpern, 2000). 
L’imagerie cérébrale permet-elle d’expliquer cet avantage féminin par un fonctionnement différent du cerveau ? Prudence, car le sujet est polémique et notre connaissance de cet organe, encore précaire. On sait néanmoins que les femmes, pour communiquer, mobilisent leurs deux hémisphères cérébraux, alors que les hommes emploient surtout le gauche – c’est pourquoi ils retrouvent moins souvent l’usage de la parole après une attaque cérébrale (Kimura, 2004). En outre, selon une étude menée par l'université de Pennsylvanie (Etats-Unis), le cerveau féminin serait plus riche en neurones et ceux-ci, plus riches en dendrites (points de jonction entre neurones), conférant aux femmes une meilleure aptitude à associer et combiner des informations diverses (Gur et al., 1999). 
Alors, bravo les femmes, pour leur cerveau plus multifonctionnel ? Pas si vite ! D’abord, ces études sont souvent controversées. La dispute fait ainsi rage au sujet du corps calleux, qui fait la jonction entre les deux hémisphères : certains affirment qu'il est plus gros chez la femme (de Lacoste-Utamsing, 1982), les autres le nient (Shin & al., 2005) ou affirment l'inverse (Bishop, 1997) ! Ensuite, dans la gestion des émotions par exemple, la multifonctionnalité du cerveau n’a pas que des avantages. Ainsi, la dépression frappe deux fois plus de femmes que d’hommes. Les spécialistes l’expliquent par une meilleure mémoire des événements émotionnels et une plus grande tendance à ressasser les mauvais souvenirs (Canli, 2002). Comme quoi, associer ou combiner des informations peut conduire à la confusion et devenir un handicap ! Surtout si vos cortex paralimbiques, impliqués dans la gestion des émotions, s’avèrent plus développés, comme une étude de l’université Harvard (Etats-Unis) l’attribue aux femmes (Goldstein et al., 2001). 

Les points forts des hommes
Comme par un jeu de miroir, forces et faiblesses s’inversent selon que l’on est femme ou homme. Ce dernier sera donc, en moyenne, moins doué pour la communication. On notera cependant qu’à l’âge adulte, les deux sexes ont autant de vocabulaire et d’intelligence verbale (Kimura, 2004).
L’essentiel de l’excellence masculine reste lié à de meilleures capacités visuo-spatiales, apportant aux hommes un avantage pour les activités techniques. Ils ont ainsi tendance à mieux réussir les tests d'aptitude spatiale, tels que trouver la sortie d'un labyrinthe, imaginer la rotation d'un objet en 3D, comparer l'inclinaison de plusieurs traits sur un dessin, ou déterminer où des trous, percés dans une feuille de papier pliée, se trouveront quand on aura déplié la feuille. Ils sont également plus habiles à lire les plans ou les cartes, quoique se souvenant moins bien des points de repère et des détails remarquables d’un parcours ou d’un paysage. Ils sont plus adroits pour lancer un projectile vers une cible ou pour l'intercepter. Moins rapides que les femmes pour les opérations arithmétiques, ils résolvent mieux les problèmes impliquant des raisonnements mathématiques, comme le calcul de pourcentages, et sont meilleurs en géométrie. (Kimura, 2001, 2004 ; Halpern, 2000) 
Selon l’étude de l'université de Pennsylvanie qui a trouvé le cerveau féminin plus riche en neurones, le cerveau masculin contiendrait, lui, davantage de liquide céphalorachidien et de cellules nerveuses longues (axones), conférant à l’homme cette meilleure orientation dans l'espace (Gur et al., 1999). Mais là encore, prudence quand il s’agit de relier performances cognitives et fonctionnement du cerveau. Pour avoir suggéré que des prédispositions cérébrales pourraient expliquer la faible présence des femmes dans les disciplines techniques, le président de l’université Harvard (Etats-Unis) a dû présenter des excuses ! A juste titre : on sait depuis longtemps qu’à taille et corpulence égales, l'homme a un cerveau plus gros. Il n’est pas pour autant plus intelligent, les deux sexes ayant en moyenne des Q.I. identiques. 
Enfin, rien ne prouve que ces différences cérébrales, même quand elles sont confirmées, soient programmées par la nature ! Comme le rappelle la neurobiologiste Catherine Vidal, directrice de recherche à l'Institut Pasteur et auteur de plusieurs livres sur le sujet, seuls 10% de nos connexions neuronales existent à la naissance, le reste se construisant en fonction des stimulations venues du monde extérieur. Dans leur immense majorité, les différences cérébrales entre hommes et femmes seraient donc acquises. « On ne naît pas femme, on le devient », disait Simone de Beauvoir. Il semble qu’on ne naisse pas vraiment homme non plus .

À Lire :
Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ? de Catherine Vidal. Bref, clair et sérieux petit guide pour comprendre comment se forgent nos identités d’hommes et de femmes (Le Pommier, 2006). 
Cerveau, Sexe et Pouvoir, de Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys. Pour les auteurs, notre identité sexuelle n'est pas inscrite dans le cerveau, car ce dernier est programmé pour une seule chose : apprendre et s'adapter (Belin – Regards, 2005).
Cerveau d'homme, cerveau de femme de Doreen Kimura. Le bilan d’une vie entière de recherches sur nos différences, par une spécialiste mondiale du sujet (Odile Jacob, 2001).
L'homme nouveau expliqué aux femmes de Gérard Leleu. Un voyage au cœur de l’intimité masculine, expliquant aux femmes tout ce qui fait vibrer les hommes (Leduc.s, 2006).

Références
Bishop (1997) : Bishop, K.M. and D. Wahlsten : Sex Differences in the Human Corpus Callosum: Myth or Reality ?, Neuroscience and Biobehavioral Reviews, Vol. 21, 1997, No. 5, pp. 581-601
Canli (2002) : Turhan Canli, John Desmond, Zuo Zhao, John Gabrieli, Departments of Psychology and Radiology, Stanford University : Sex differences in the neural basis of emotional memories, PNAS | August 6, 2002 | vol. 99 | no. 16 | 10789-10794 
de Lacoste-Utamsing (1982) : de Lacoste-Utamsing, C., Holloway, R. L. "Sexual dimorphism in the human corpus callosum." Science n° 216, 1982, pp. 1431–1432
Goldstein & al. (2001) : Jill Goldstein, Larry Seidman, Nicholas Horton, Nikos Makris, David Kennedy, Verne Caviness, Stephen Faraone and Ming Tsuang, Harvard Medical School : Normal Sexual Dimorphism of the Adult Human Brain Assessed by In Vivo Magnetic Resonance Imaging, Cerebral Cortex, Vol. 11, No. 6, 490-497, Juin 2001, pp 490-497
Gur & al. (1999) : Gur RC, Turetsky BI, Matsui M, Yan M, Bilker W, Hughett P, Gur RE (1999), Sex differences in brain gray and white matter in healthy young adults: correlations with cognitive performance. Journal of Neuroscience 19, pp 4065-4072
Halpern, Diane F. (1989) : The disappearance of cognitive gender differences: what you see depends on where you look. American Psychologist, 44, 1156-1158.
Halpern, Diane (2000) : Sex Differences in Cognitive Abilities, Lawrence Erlbaum Associates, 2000
Hyde, J. S. (2005). The Gender Similarities Hypothesis. American Psychologist, Vol. 60, No. 6.
Kimura, Doreen, Cerveau d'homme et cerveau de femme ? Odile Jacob, 2001
Kimura, Doreen, : Human sex differences in cognition: fact, not predicament, Sexualities, Evolution & Gender, 2004, 6, 45-53 
Shin Yong-Wook & al. (2005) : Sex differences in the human corpus callosum : diffusion tensor imaging study, Neuroreport 2005, vol. 16, no8, pp. 795-798
                                                                                     Un article pour Psychologies Magazine

 

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