En.marge                     SANTÉ, CORPS, ESPRIT

Retour

Thérapies et santé

Accueil

Margino blog

Reportages et articles

Marginal Newsletters

Vies en marge
(en construction) 

Encyclo perso
(en construction)

Le développement personnel n'est pas une thérapie
Propos de Christophe André recueillis par En.marge

"A première vue, séparer développement personnel et thérapie semble facile : le premier s'adresse à des personnes "normales", qui ne présentent pas de troubles et désirent simplement augmenter leur bien être ; alors que la thérapie est destinée à des patients vivant dans une souffrance qu'ils veulent réduire. En réalité, les rapports entre les deux démarches sont plus compliqués. Je me suis souvent surpris, en tant que psychothérapeute, à faire du développement personnel avec mes patients. Car la démarche thérapeutique ne s'attache seulement pas à réduire la souffrance, elle cherche aussi à éviter que celle-ci ne revienne. On vise forcément, au bout d'un moment, à prévenir la récidive et à maintenir le bien être reconquis, ce qui peut ressembler à du développement personnel. Les frontières ne sont donc pas si tranchées - comme souvent dans la vie. 
Pourtant je suis psychiatre, et les psychothérapeutes - psychologues ou médecins - savent faire la différence, ils ont même parfois tendance à prendre le développement personnel de haut. On peut les comprendre : pour soigner de vraies souffances, des états dépressifs ou phobiques, il faut une formation approfondie en psychologie ou en médecine. Dans le développement personnel, on a moins d'exigence - sinon celle, rudimentaire, de vérifier où l'on met les pieds. Les spécialistes se recrutent dans toutes les professions : soignants, mais aussi philosophes, enseignants, ingénieurs, profs de gym ou de yoga. De plus, nombre de leurs méthodes sont des adaptations simplifiées de démarches psychothérapiques : l'analyse transactionnelle, avec ses trois "états du moi" (parent, adulte, enfant), est clairement dérivée de la psychanalyse (Surmoi, Moi et Ça) ; la programmation neurolinguistique (PNL) emprunte ses fondements aux approches comportementales et cognitives… 
Nous autres thérapeutes aurions tort d'en conclure que les "développeurs personnels" sont moins fiables que des psychothérapeutes, ou qu'ils pratiquent une sorte de sous-thérapie. Une simplification n'est pas un crime en soi, si elle est réfléchie et opérationnelle; et il est aussi utile - et parfois même aussi difficile - d'aider des gens bien portants à le rester que de soigner des malades. Les deux démarches sont simplement différentes, dans leur ambiance générale comme dans leur finalité. Un cadre-sup mécontent de ses prestations devant sa direction parce qu'il a le trac, parle trop vite, n'est pas assez convaincant ou crédible - même si, par ailleurs, il va bien -, cherchera à acquérir par le développement personnel plus de recul et de flexibilité à l'oral. A l'autre extrême, la mère de famille qui ne peut pas parler dès qu'elle est en présence de plus de deux personnes, qui n'ose pas dire bonjour à ses voisins, aura besoin d'une thérapie pour guérir de sa phobie sociale. On voit là que le développement personnel et la psychothérapie sont aux antipodes l'un de l'autre, le premier s'adressant à des gens en mouvement, et la thérapie, à des gens bloqués dans leur évolution. 
Mais il y a aussi tous ceux qui naviguent un peu entre les deux, avec une souffrance dans leurs relations aux autres - une souffrance qui ne leur coupe pas toute possibilité de bonheur, qui ne les empêche pas totalement d'aller vers les gens, mais qui leur fait quand même rater beaucoup d'occasions. Changer, pour eux, relève-t-il du développement personnel ou de la thérapie ? A mon avis, celle-ci se justifie quand la souffrance impose de vraies limites aux comportements, ou en tout cas un empêchement quasi concret : on ne peut pas faire des choses que l'on devrait faire, on n'arrive pas à se sentir bien, à ressentir certaines émotions - ou à s'en débarrasser. Le développement personnel, lui, pose une question plus philosophique : est-il possible de continuer à croître, à se bonifier, à murir tout au long de la vie ? Ces apprentissages se font parfois sans qu'on le sache, grâce aux événements et aux rencontres qui nous marquent et nous font grandir. Mais ils peuvent être aussi le fruit d'une démarche personnelle mêlant la foi, la volonté, et une méthode : je ne laisse pas seulement à la vie et au hasard le soin de me changer et de me tirer vers le haut, mais j'essaie, moi-même, d'adopter une démarche active. Une démarche tournée - autre différence avec la thérapie - vers une plus grande finalité sociale : au risque de devenir une sorte d'entreprise de narcissisation et de normalisation, le développement personnel doit rendre l'individu plus utile, plus tolérant, plus autonome, et pas seulement plus efficace ou plus content de lui-même."

 Propos recueillis par En.marge pour Psychologies

Retour haut de page

Retour Thérapies et santé

Accueil

Retour à Reportages et articles