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Les symboles sont les paraboles de notre corps 
Entretien avec le docteur Olivier Soulier

En.marge : Comment décrire votre démarche, où il est question de symbolisme du corps et de langage des maladies ?
Olivier Soulier : Nos sociétés cultivent, pour la plupart, une conception matérielle et cartésienne du corps. Elle n'est pas fausse ! Notre corps possède un niveau mécanique de fonctionnement, avec ses organes, ses articulations, sa pompe, etc..., et notre médecine a acquis ses lettres de noblesse dans ce domaine, en développant notamment des outils techniques admirablement performants. Mais le corps, et ses maladies, ne fonctionnent pas seulement à ce niveau, ce n'est pas aux lecteurs de Nouvelles Clés que je vais l'apprendre. L'importance du facteur psychologique, par exemple, est aujourd'hui bien documentée. Parler d'un lien entre la maladie et un vécu psychologique, ou une difficulté dans la vie, est à peu près admis par notre médecine. Mais l’abord de l’homme dans sa globalité est une idée connue… qui doit sans cesse être redécouverte ! Et de leur côté, les approches psychologiques sont trop souvent séparées des nécessités techniques et physiologiques. C’est dans la réunification de tous les niveaux de l’être que nous prendrons la dimension spirituelle dont le 21ème siècle a besoin. Médecin homéopathe, acupuncteur - désireux, donc, de pratiquer une médecine plus complète -, ma spécificité a été de chercher à aller plus loin : n'importe quel problème ne donne pas n'importe quelle maladie. Il faut tenter d’approcher au plus près le lien difficulté-maladie pour se rapprocher d’une compréhension point par point.
En.marge : Et vous en êtes venu aux "symboles des langages du corps" - sujet de vos séminaires - parce que le corps fonctionne aussi au niveau symbolique ?
Olivier Soulier : Bien sûr ! C'est un niveau de fonctionnement et de compréhension fondamental. La médecine chinoise l'avait bien vu, avec son système en cinq éléments : le cœur/l'amour, le foie/la colère, le rein/la peur, etc... Les symboles sont les paraboles de notre corps. Leur finesse, c'est de renfermer déjà au départ toute l'information et de s'ouvrir au fur et à mesure que nous sommes prêts à l'entendre. Comme un livre dont les phrases, tout en étant toujours les mêmes, changeraient, non pas de sens, mais de profondeur de signification dès que nous sommes capables de les accueillir. 
En.marge : Notre corps nous parle de façon symbolique ?
Olivier Soulier : La vie nous parle de nombreuses manières par des symptômes, par des symboles. Avec une merveilleuse subtilité, dès le départ, elle nous fait repasser par tous les stades de l'évolution des espèces pendant notre gestation. De l'œuf fécondé jusqu'au nouveau-né, nous revisitons en quelque sorte toute la création. Bien sûr, nos chromosomes, déjà humains donc différents, nous poussent à aller plus loin, mais on voit bien que nous sommes issus d'un tronc commun, partageant 70% de nos chromosomes avec les simples filaires (parasites longs) et 90% avec le rat. La vie est un tronc commun, avec les espèces qui s’en écartent au fur et à mesure, l’humain étant la voie qui va le plus loin pour tenter d’accomplir le plus complètement possible son patrimoine génétique. Annick de Souzenelle, qui m'a beaucoup inspiré, a une phrase magnifique à ce sujet : elle dit que l'ADN, c'est Adonaï ("le Seigneur" en hébreu) qui vient s'incarner pour tenter de se réaliser. C'est une vision mystique qui correspond bien, symboliquement, à une réalité : l'humain est celui qui prend son barda - son patrimoine génétique - et qui vient sur la Terre pour le travailler et le réaliser, avec son humanité. Et il se retrouve en quelque sorte "sous une tunique de peau", c'est-à-dire caché à lui-même, ne voyant pas ce qu'il est. Bernard Werber le dit très bien, avec sa saga sur les anges, de façon imagée et non plus mystique. Nous sommes cachés, donc nous voyons uniquement ce qu'il est facile de voir, le communément conscient, l'organique et le psychologique. Le symbolisme permet d'aller plus loin.
En.marge : Admettons : mon corps a une dimension symbolique, les maladies ont un langage. Mais à quoi ça m'avance, quand je suis malade, de connaître le symbole que représente cette maladie ou l'organe affecté ?
Olivier Soulier : C'est une bonne question. Tout dépend d'abord de votre état organique, qu'il faut toujours considérer en premier. Plus largement, vous posez le problème de la connaissance : elle n'est efficace que si elle est à la mesure de votre capacité à la recevoir. Mais elle est aussi le propre de la vie humaine, comme le montre le fameux arbre dans la Bible. Vivre, c'est entrer dans la connaissance. Celle des fondamentaux de l'évolution, dont je parlais, puis toute celle qu'apportent l'expérience de la vie, les rencontres, les situations. Et c'est justement l'intérêt des symboles, car ils parlent à tous les niveaux de culture ou de conscience. Lorsqu'un médecin se penche sur le symbolisme du corps humain, il réalise très vite qu'il est en train de s’ouvrir à une autre dimension de l’aide thérapeutique. Avec un double risque, cependant : trop générale, cette connaissance n'est pas efficace ; trop précise, elle est enfermante, limitante et donc, un jour ou l'autre, fausse. Il faut l'utiliser comme un canevas, comme une grille de lecture.
En.marge : Un canevas donnant des directions de recherche ?
Olivier Soulier : Exactement, je le qualifierais par la notion de mouvement, je pense que chaque organe a une fonction et un mouvement. 
En.marge : Prenons un exemple concret, et disons que je souffre du foie.
Olivier Soulier : Les problèmes de foie sont très souvent liés à la famille, mais il faut une lecture symbolique un peu plus approfondie pour comprendre pourquoi. Le foie est un organe extrêmement important, plus encore que le rein il intervient dans pratiquement tous les métabolismes. Il constitue notre usine énergétique. Il nous permet de gérer notre vie matérielle et quotidienne. Il représente donc notre "économie", dans laquelle la famille est fortement impliquée, la famille terrestre mais aussi la maison, l'argent, la nourriture, la façon dont nous survivons pratiquement. Voilà le cadre général.
Pour illustrer comment ce cadre fonctionne pour chacun, j’emploie souvent cette image : les maladies, c'est paroles et musique. La musique est la même pour tous - par exemple, le foie est l'organe de notre économie - mais les paroles diffèrent pour chacun, selon son histoire, selon son bagage génétique aussi. L'économie peut souffrir de mille maux différents : problèmes d'approvisionnement, mauvaise gestion, direction déficiente, distribution anarchique... La famille ne signifie pas la même chose à 2 ans et à 40 ! Quand on aborde le symbolisme sous cet angle, on permet de faire apparaître à la conscience, au niveau où elle peut le recevoir, les systèmes de croyances et les différents types de difficultés rencontrées. Car au fond, comment le vécu s'inscrit-il symboliquement dans le corps ? L’être humain est dans une double dimension. A la naissance, disons que l’enfant sait de façon innée ce qu'est l'amour, et qu’il rencontre un corps qui lui offre toutes les fonctions fondamentales pour assurer sa vie. Entre les deux - sa connaissance de l’amour et sa survie animale - il va créer des ponts. Il va interpréter ce qu'il rencontre en fonction à la fois de cette connaissance humaine innée de l'amour, et de sa capacité physique, encore faible. Et en interprétant, il "inscrit", il apprend. Et toute la question de cet apprentissage, c'est de savoir ce qui est juste, dans les sens à la fois de réel et d’efficace. Avoir peur de sortir dans la rue à un an, c'est juste. A 20 ans, c'est un problème ! 
En.marge : Concrètement, ça veut dire quoi : "il inscrit" ?
Olivier Soulier : Quand l'enfant, sortant de son incapacité, fait quelque chose, il y a deux issues. S'il réussit (pour attraper un objet sur la table, je fais ceci, ça marche, j'ai l'objet, je suis content), tout va bien. Comme l'a montré André Laborit, quand il y a activation de l'action et réussite, je fais fonctionner les grands faisceaux spéciaux moyens antérieurs du cerveau, le cerveau endorphinique, ça part directement du tronc cérébral, et la satisfaction est au rendez-vous. Maintenant, si je veux quelque chose et que je n'y arrive pas même après plusieurs essais, je me retrouve en échec. Je vais alors essayer de trouver une solution, une interprétation : je ne peux pas parce que je ne suis pas assez bon, ou toute autre raison me permettant d'intégrer mon échec. Et je l'intègre dans un organe qui va correspondre à ce problème. Et ainsi, mes croyances prennent une forme organique. 
Un exemple, très physiologique : si je marche pieds nus sur des rochers agressifs, je fais de la corne. Mais je peux aussi faire de la corne aux pieds tout en marchant avec des chaussures, si la vie me fait peur. Toute réaction basée sur une croyance aura pour s’équilibrer une traduction organique. Il est encore difficile d’expliquer comment se produisent, au niveau moléculaire, ces inscriptions, qui semblent se faire à la fois sur la base de la fonction, de la situation, et du symbole de l’organe. Nous découvrons des pistes tous les jours. L’herpès, par exemple, est une maladie qui renvoie à la sensibilité à la séparation inhérente à toute relation. Des études récentes ont montré qu’un virus de la famille de l’herpes sécrète une substance qui diminue la souffrance dans le cerveau émotionnel. Nous en viendrons sûrement un jour au : « de la parole comme d’une molécule » de Boris Cyrulnik. Ou à : « de l’émotion comme d’une molécule » !
En.marge : Vous rejoignez ceux qui parlent de l'humain comme d'un bio-ordinateur ? 
Olivier Soulier : Ce terme témoigne encore d’une vision trop mécaniste et réductrice à mes yeux. L’être humain a plusieurs niveau de compréhension et de fonctionnement. D’un côté, il s’appuie sur sa physiologie, qui assure son fonctionnement au quotidien. C’est une part animale, relativement déterminée, qu’on peut en effet qualifier de bio-ordinateur. Mais une autre part de l’homme dépasse totalement ce niveau. Elle relève de la conscience, et c’est elle qui, depuis la nuit des temps, a inspiré les mythes et le sentiment religieux.
Ce niveau de la conscience est le véritable chef d’orchestre de notre fonctionnement. Entre les deux se trouve une part « non écrite » où l’être humain pose ses choix de vie, sa liberté d’être qui lui est si spécifique.
Ce sont les trois niveaux de la vie en nous : l’animal, l’homme et l’ange.
Cela correspond aussi aux trois niveaux de l’embryologie (voir encadré). Le cerveau apparaît comme le lieu ou ce plan de vie se joue. Les Chinois l’avaient compris en le nommant le « logis de l’âme ».
En.marge : Savoir ce qu’une maladie exprime est donc bien avant tout un travail de prise de conscience personnel, individuel ?
Olivier Soulier : D'autant plus que la question n'est pas seulement de savoir quel problème vient signaler la maladie, quelle incohérence entre les différents niveaux de l'être elle dénonce. Il s'agit aussi de trouver le mouvement, en moi-même, qui est en difficulté : qu'est-ce qu'il faut travailler, faire évoluer, changer - ou ne pas changer ? Beaucoup d’écrits, ces derniers temps, ont abordé le sens des maladies, mais ils nous limitent souvent à une vision animale « biologique » qui nous ramène encore à ce niveau physiologique de survie. La question centrale - et spécifique à notre époque me semble-t-il - est selon moi, plutôt celle-ci : qui parle quand je suis malade ? Et quand nous guérissons, qui guérit ? Notre part animale qui cherche à survivre ? Notre histoire personnelle et notre héritage transgénérationnel ? Notre être essentiel qui tient à s'exprimer au travers de tout cela et vient nous proposer une initiation ? Je pense que nous sommes malades de ne pas être ce que nous sommes vraiment, de ne pas nous accomplir totalement. Le corps le supporte pendant un temps, puis il envoie des messages. C'est ainsi qu'il faut comprendre la phrase de Jung : "Vous ne guérirez pas de vos maladies, ce sont vos maladies qui vous guériront." Tout se passe comme si à un endroit de nous se trouvait la conscience de ce que nous pouvons être, et, quand nous nous en éloignons trop, elle nous parle et elle nous fait tomber malade. J'appelle cela "le saint homme qui marche dans le symptôme" : quel accomplissement notre être profond vise-t-il ?
En.marge : C'est le propre de l'humanité : chacun a quelque chose à écrire ?
Olivier Soulier : L'animal n'a rien, ou très peu, à écrire : il ne change pas dans le cadre d’une génération, les pattes du kangourou ont mis des milliers d’années à rétrécir. Il est lion ou souris, ni méchant ni gentil, il est comme ça, c'est tout. Vous connaissez l’histoire de l'homme qui se retrouve sur le point de se faire dévorer par un ours, et qui prie le Seigneur d'accorder des sentiments chrétiens à son agresseur ? Il voit alors l'ours faire le signe de croix et remercier Dieu de lui avoir procuré un bon repas ! Un ours reste un ours et c’est normal. Ni bien, ni mal. L'être humain, lui, est libre, il peut remettre en question la justesse de ses actes, la pertinence de ses croyances. 
Je crois en l’idée de la page blanche, qu’il faut cependant nuancer. L’être humain a une part libre qu’il lui appartient d’écrire et qui lui permet d’avancer à l’intérieur de sa génération. Cette part est communément appelée la liberté humaine ou libre arbitre. Cependant, elle est déjà à la naissance partiellement envahie par les règles qui ont été écrites par l’histoire et les générations précédentes. L’homme a la mission personnelle de se réapproprier ces pages pour les changer ou les rechoisir et augmenter ainsi l’espace libre.
En.marge : Mais donner un sens aux maladies, n'est-ce pas très culpabilisant ? 
Olivier Soulier : Quand on s'engage dans cette réflexion, on rencontre forcément le problème de la culpabilité et de la responsabilité. Parce qu'il n'a pas toute l'information, le malade tend à déléguer les responsabilités à ceux qui savent, le personnel médical, le médecin. La tentation est grande de se dire qu’il n’y a rien à comprendre. Certaines personnes souhaitent ne pas aborder d’autres sens de la maladie, et la médecine répond parfaitement bien dans sa prise en charge à leur demande. Pour d’autres personnes, c’est psychologiquement et ontologiquement insatisfaisant. De plus, la véritable prévention, celle qui permettra un jour d’enrayer la progression des coûts médicaux, relèvera probablement d’une attention et d’un soin à soi-même, et à sa lignée. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais une idée à redécouvrir, les Chinois en ont parlé il y a 3000 ans : « attendre d’être malade pour se soigner, c’est attendre d’avoir soif pour creuser un puits ». On retrouve le problème de la connaissance dont nous avons parlé : si je peux l'entendre, elle me responsabilise, me donne une autre possibilité. Chacun doit pouvoir aller chercher le sens au fur et à mesure de son besoin, et de sa capacité à entendre pour ne pas être écrasé par la culpabilité - la médecine assurant, elle, le maximum de moyens techniques pour chacun et quoi qu’il en soit.
En.marge : Comment franchir le pas entre être conscient de quelque chose et en prendre vraiment conscience, entre conscient et conscience ?
Olivier Soulier : Nous avons en nous des ressources de vie et de conscience, notamment dans notre cerveau, qui a plusieurs niveaux : instinctif reptilien, dominant/dominé paléolimbique, émotionnel néolimbique. Cette dernière partie agit de concert avec la part consciente, le cortex. Au grand dam des cartésiens, notre conscient et nos émotions sont en interaction permanente(1). Il faut aussi dépasser la classique séparation entre cerveau droit et gauche, intuition et raison. La vraie clef est dans la partie antérieure des deux hémisphères : le préfrontal, où s'élaborent les processus les plus complexes. C'est le siège de la conscience, cette partie de nous qui sait avant que nous sachions, cette petite voix qui nous dit quand nous sommes sur la voie juste, qui nous fait faire des découvertes... et qui s'agite quand nous sommes angoissés, nous envoyant le signal que nous sommes en train de nous tromper, de nous mentir, de nous fourvoyer. Mieux vaudrait alors l'écouter, plutôt que de la faire taire avec des tranquillisants, qui agissent à ce niveau en déconnectant le cerveau préfrontal. Mieux vaudrait développer celui-ci - car il existe des méthodes pour cela - plutôt que de saboter cette tête chercheuse par des injonctions comme "surtout ne fais pas plusieurs choses à la fois, ne change pas tout le temps de sujet, etc.". L’humour, le jeu, la création spontanée nourrissent la conscience et le préfrontal. Se laisser guider par ce qui arrive, écouter son intuition, découvrir des liens surprenants, voilà des démarches tout aussi créatrices et génératrice de solutions et de conscience. Car si l'ange habite en nous quelque part, c'est dans le préfrontal !

(1) Voir L’erreur de Descartes, Pr. Antonio Damasio, éd. Odile Jacob, 1995. Antonio Damasio est professeur de neurologie à l’université de l’Iowa.


En savoir plus : le site d'Olivier Soulier

Un article pour Nouvelles Clés  

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