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La
paix d’Augsbourg (1555) consacrait la division de l’Allemagne en États
catholiques et en États protestants, impliquant dans une certaine mesure
un retour à l’époque médiévale. Une guerre religieuse et politique,
la guerre de Trente Ans (1618-1648) ravagea l’Europe. La
Guerre de Trente Ans et la ruine de l’empire germanique Les causes de la guerre En
Allemagne, on assiste à une évolution à contre-courant de ce qui se
passait dans les grands États européens : fragilisation du pouvoir
central (l’empereur) et essor des intérêts particularistes des princes
et des seigneurs. Cependant, l’équilibre se maintint jusqu’à la montée
sur le trône de Rodolphe II (1576-1612), date à partir de laquelle les
rivalités entre les deux confessions religieuses s’envenimèrent de
nouveau. Les grands États catholiques de l’Empire, l’Autriche et la
Bavière principalement, exerçaient une influence qui apparaissait
excessive aux yeux des protestants, lesquels s’unirent dans ce qui fut
appelé l’Union évangélique (1608). Il y avait de surcroît un conflit
larvé entre la Bohème et la maison d’Autriche, car les Tchèques
protestants désiraient se soustraire à l’autorité des Habsbourg,
tandis que les catholiques se montraient partisans de l’empereur. En
novembre 1618, la défenestration
de Prague,
durant laquelle des conseillers catholiques furent jetés des balcons de
l’hôtel de ville, fut le signal d’un soulèvement général en Bohème.
Cette révolte enclenchait la dynamique d’une série d’affrontements,
de batailles qui prirent le nom de guerre
de Trente Ans.
Ce conflit finit de précipiter la ruine de l’Empire. Il contribua aussi
de manière décisive au déclin de la puissance espagnole. Les premières phases de la guerre À
la tête de la ligue catholique allemande, l’empereur, Ferdinand II
(1619-1637) vainquit les Tchèques à la bataille de la Montagne Blanche
(1620), mettant fin pour longtemps aux aspirations autonomistes de la Bohème.
Cependant, l’expédition punitive impériale visant à châtier l’Électeur
palatin Frédéric, gendre du roi d’Angleterre et chef des protestants,
d’avoir soutenu et aidé les Tchèques, constitua une des grandes fautes
politiques qui entraîna un cycle de guerres. Les troupes espagnoles y
participèrent, éveillant la méfiance des puissances protestantes du
Nord. Christian IV de Danemark se présenta un temps comme le champion de
la cause protestante. Mais il fut vaincu par les généraux Tilly et
Wallenstein. La
victoire des Impériaux menaçait l’équilibre dans la région de la
Baltique. Une série de villes commerçantes, souvent aux mains des
protestants, jouissaient d’un commerce prospère dont une partie se
regroupait dans l’association d’origine médiévale appelée la Hanse.
La défaite du Danemark entraîna le roi de Suède, Gustave-Adophe
(1611-1632), un luthérien, à intervenir dans les luttes. Il créa une
armée véritablement moderne, d’une grande mobilité et d’une grande
discipline, pourvue d’un nouveau fusil à pierre, qui rendait désuètes
les autres armes à feu (l’arquebuse à mèche, le mousquet, etc.). Avec
l’aide de Richelieu, craignant la résurgence du pouvoir de la maison
des Habsbourg, il fit irruption en Allemagne et récolta une série de
victoires qui l’encouragèrent dans son dessein de créer un empire
protestant. Dans son affrontement avec Wallenstein, la bataille de Lützen
fut bien sa victoire, mais elle l’engouffra puisqu’il mourut au combat
(1632). L’entrée en guerre de la France Lützen
remettait en selle la maison d’Autriche. Les fantômes de Charles Quint
réapparaissaient. Le royaume de France pouvait être de nouveau encerclé
par les positions des Habsbourg. Une seconde victoire des puissances
catholiques à Nordlingen (1634) confirma cette poussée, provoquant
l’entrée en guerre de la France de Richelieu
et de Louis XIII. Les
pays protestants, dont les Provinces-Unies (la Hollande), continuèrent le
combat aux côtés de la France. La flotte néerlandaise se chargea de détruire
la flotte espagnole lors de la bataille des Dunes (1639). N’ayant pas
intégré les nouvelles avancées technologiques, l’armée espagnole
avait cessé d’être la meilleure du monde. Rocroi
(1643), remportée par les Français sous le commandement de Condé, le démontra.
Les batailles successives soulignèrent l’infériorité des Espagnols et
des Allemands face aux Français et aux Suédois. La
guerre de Trente Ans prit fin avec la paix de Westphalie, signée en 1648.
L’Empire germanique, où les principaux affrontements eurent lieu, se
trouvait ravagé et totalement marginalisé en Europe. Il subit un
handicap important qui le pénalisa durant plus d’un siècle, expliquant
en partie les retards économiques de l’Allemagne jusqu’au XIXe
siècle. On estime que les pertes démographiques consécutives à ce
conflit représentent entre 30 et 50% de la population. L’allemand cessa
d’être utilisé comme langue de culture. Le pays se trouvait morcelé
et fragmenté en États sans cohérence territoriale et politique, suivant
des évolutions divergentes. Troubles
et révoltes en Espagne et en France En Espagne À
la fin du XVIIe
siècle, la maison des Habsbourg était donc en pleine crise. Pourtant, en
dépit de cinquante années de guerre, de dépenses militaires inconsidérées
et de l’importante dépendance à l’égard des revenus tirés de l’Amérique
latine, l’Espagne produisit l’une des plus brillantes cultures, celle
du Siècle
d’or.
Elle s’épanouit alors avec Velazquez, Lope de Vega, Murillo, Zurbaran
et, bien entendu, Miguel Cervantes. La fortune de la couronne espagnole
suivit les traces de son héros, Don
Quichotte, génial et pitoyable, redoutable dans ses projets mais
trop humain dans ses réalisations. Jusque dans les années 1640, le roi
d’Espagne continua la lutte sur tous les fronts, dans le Saint Empire,
contre les princes protestants de 1618 à 1648, dans les Provinces-Unies
de 1621 à 1648, contre les rebelles qui se surnommaient eux-mêmes les
“ Gueux ” mais dont les flottes terrorisaient les mers.
Enfin, contre la France de Richelieu et de Louis XIII après la bataille
de Nordlingen (1634). Dans
ce dernier conflit, les couronnes espagnole et française faillirent se désagréger
totalement dans le chaos des armes. La
péninsule Ibérique ne connut pas moins de deux révolutions qui évoluèrent
en sécession. En 1640, le Portugal, absorbé par Philippe II depuis 1580,
prenait les armes pour obtenir son indépendance, sous la direction de
Jean IV de Bragance, pendant qu’à l’autre extrémité de la Péninsule,
les Catalans se soulevaient. Barcelone refusait d’obéir au comte-duc
d’Olivares (1587-1645), Premier ministre du roi Philippe IV (1621-1665),
et préférait se donner au roi de France. La signature des traités
de Westphalie
(1648) soulagea financièrement Madrid qui n’obtint réellement la paix
avec la France qu’en 1659, et en 1668 avec le Portugal. En France La
France de Louis XIII (1610-1643) et de Richelieu (1585-1642), affermie par
l’assise que lui avait donnée Henri IV, renoua avec la politique de
François Ier :
tout faire pour gêner la monarchie des Habsbourg, tant en Espagne que
dans l’empire. Jusqu’en 1635, le royaume resta officiellement hors des
champs de bataille. La question de la présence des huguenots français,
à l’abri derrière les places fortes que leur avait concédé Henri IV
par l’édit de Nantes, restait le grand problème. Il ne fallut pas
moins de trois nouvelles guerres de Religion à Louis XIII pour imposer
totalement son pouvoir aux huguenots. La dernière guerre (1627-1629) fut
symbolisée par la résistance opiniâtre et coûteuse en vies humaines de
La Rochelle que le cardinal encercla par la construction d’une digue. Après
cette victoire royale contre les sujets huguenots, Richelieu soutint plus
ou moins discrètement les ennemis de Vienne et de Madrid jusqu’à ce
que la balance penchât trop en faveur des Impériaux (Nördlingen 1634).
La France entra alors dans le conflit de la guerre de Trente Ans. À son
tour, le royaume connut révoltes, soulèvements et révolutions face à
l’extraordinaire augmentation du poids des impôts et des taxes, nécessaire
au financement de la guerre. En 1633, le Vivarais refusa les mesures
royales. Les Croquants du Périgord s’agitèrent entre 1633 et 1638,
obligeant le cardinal à différer certaines décisions. En 1639, ils
furent relayés par les Nu-Pieds de Normandie qui, à leur tour, refusèrent
de nouvelles taxations. Les révoltes s’enclenchèrent au fur et à
mesure de la hausse des demandes royales : en 1639-1645 dans le
Languedoc, en 1641-1645 dans le Dauphiné, en 1643-1645 en Auvergne, en
Picardie... En dépit de ces contestations permanentes, le pouvoir royal
maintint ses orientations, espérant toujours une victoire décisive
contre une Espagne qui apparaissait moribonde. Pourtant, en 1643, Louis
XIII mourut et le gouvernement de régence d’Anne d’Autriche (la sœur
de Philippe IV d’Espagne) s’appuya sur un autre cardinal, Mazarin
(en italien, Giulio Mazarini : 1602-1661). En 1648, malgré
certaines victoires, la contestation s’étendit à la capitale : ce
fut la Fronde, l’une des plus graves crises politiques. Une grande
partie de la noblesse, du parlement de Paris, et de la population, obligea
la Cour à s’enfuir de la capitale. La régence, sinon la monarchie, était
rejetée. Il fallut toute l’agilité et la souplesse politique de
Mazarin pour permettre au gouvernement d’imposer ses vues : le
jeune Louis XIV (1642-1715) rentra triomphalement dans Paris en 1652. Si
les rois de France et d’Espagne furent menacés par les troubles
populaires et régionaux, leur situation dut apparaître confortable à
Charles Ier
d’Angleterre (1625-1649) Guerre
civile et révolutions en Angleterre À
la mort de la reine Élisabeth Ire,
Jacques Stuart, roi d’Écosse monta sur le trône (1603-1625). Il cumula
en sa personne les couronnes d’Angleterre et d’Écosse, mais les deux
pays restèrent distincts jusqu’à l’union de 1707. Partisan d’une
monarchie de droit divin, Jacques Ier
aurait pu avoir des difficultés avec son Parlement. Cependant, ce
souverain pacifique et attaché à l’étude, particulièrement de la théologie,
préféra se consacrer à la rédaction d’un ouvrage théorisant son
pouvoir absolu de roi plutôt que de tenter de l’imposer. Son
fils Charles Ier
(1625-1649), fut pétri des idées de son père quant à la monarchie de
droit divin, mais il n’eut pas la bonhomie paternelle. S’appuyant sur
son fidèle Buckingham, il se convertit en ennemi farouche du
parlementarisme, dans lequel il voyait une survivance médiévale
anachronique. En tant que roi, le souverain se devait de dépenser,
d’entretenir une cour brillante, d’intervenir à l’étranger. Néanmoins,
il ne disposait d’aucun moyen financier puisque le vote des impôts
appartenait au Parlement. Par son attitude, il cristallisa les mécontentements.
Le favori Buckingham fut assassiné en 1628. Multipliant les atteintes aux
droits du Parlement, le roi leva des impôts, comme le ship
money destiné à lutter contre la piraterie. Sa politique
religieuse intransigeante envers les non-anglicans conduisit à la rébellion
de l’Écosse en 1637. Or, la monarchie ne pouvait rien sans l’appui du
Parlement. Tentant de passer outre en 1640-42, Charles Ier
affronta une armée parlementaire menée par Oliver Cromwell
(1599-1668), un puritain, ennemi des anglicans, et excellent militaire.
Une fois vaincu, après plusieurs années de guerre civile, Charles Ier
fut arrêté, jugé et décapité en 1649. La république de Cromwell La
république proclamée, Cromwell adopta le titre de lord
protecteur
et gouverna de façon autoritaire en s’appuyant sur l’armée et
certaines franges protestantes en marge de l’anglicanisme (puritains et
presbytériens). Il favorisa l’expansion coloniale (Inde, Amérique du
Nord, Antilles) et renforça la puissance navale britannique. Outre
les complots, d’origine papiste, royaliste ou anglicane, contre
Cromwell, les Britanniques furent rapidement las d’un régime qui,
s’il avait favorisé la prospérité, étouffait toujours les libertés.
Toutefois, Cromwell s’appuyait sur l’armée
et restait soutenu par les protestants les plus intransigeants. Il
disposait d’une réelle popularité qui rendait difficile tout
changement politique. À sa mort en 1658, une restauration en douceur,
avec la complicité des chefs militaires, rétablissait la monarchie en
appelant sur le trône Charles II (1660-1685), fils du défunt Charles Ier. Le retour du parlementarisme Le
parlementarisme s’épanouit quelque temps, mais des conflits avec le
souverain apparaissaient à nouveau. D’importantes lois furent votées,
comme l’Habeas
Corpus, afin d’éviter le renouveau de tentatives absolutistes. La
formation de partis à l’intérieur du Parlement s’esquissa avec le
parti conservateur (tory),
schématiquement favorable au souverain, et le parti libéral (whig),
plutôt partisan d’un renforcement du Parlement et de l’anglicanisme.
Sans postérité, Charles II transmit la couronne à son frère Jacques II
en 1685. Mais, le Parlement procéda à la glorieuse révolution (1688)
laissant le roi s’enfuir sur le continent, et appelant un nouveau
souverain sur le trône. Guillaume III jura de respecter la Déclaration
des droits, fondement du parlementarisme anglais. Commerce et culture L’essor
du commerce maritime et colonial permit à l’Europe du Nord,
principalement à l’Angleterre et aux Provinces-Unies, de profiter des
ressources commerciales américaines (importations de matières premières :
café, tabac, sucre...). Des bourgeoisies commerçantes influentes s’y développèrent,
les marchands londoniens appartenant généralement au courant puritain.
Ils approuvèrent en leur temps les décisions de Cromwell. Au milieu du
XVIIe
siècle, le Portugal, l’Espagne et la France étaient incapables de
concurrencer et de rivaliser avec ces puissances, ne possédant pas de
marine suffisante et se trouvant dans des situations intérieures
inextricables. Seules l’Angleterre et la Hollande avaient les capacités
d’imposer leur volonté sur les mers. Ainsi, cette dernière réussit à
s’implanter en Afrique du Sud, dans l’océan Indien, en Amérique du
Nord et dans les Antilles, entrant en compétition avec les commerçants
londoniens. Bientôt le gouvernement de Cromwell en vint à interdire de
transporter des marchandises sur des navires étrangers (en 1651 : Navigation
Act),
mesure décisive pour protéger le commerce britannique. Trois guerres
anglo-hollandaises se succédèrent (1652-1654 ; 1665-1667 ; 1672-1674)
jusqu’à ce que l’Angleterre arrivât à arrêter la progression néerlandaise
et à garantir sa suprématie maritime. Les
domaines philosophiques et artistiques attestent les places accrues de
l’Europe du Nord dans la culture européenne. Shakespeare (1564-1616)
manifesta des angoisses humaines face à la puissance du pouvoir. Son théâtre
fut relayé par la brillante philosophie politique anglaise de penseurs
tels que Francis Bacon (1561-1626), John Locke (1632-1704), ou Thomas
Hobbes dont le Leviathan
(1651) demeure toujours d’actualité. Pays de refuge et d’accueil, les
Provinces-Unies hébergèrent Spinoza (1632-1677) et Descartes (1596-1650)
alors que dans le même temps Franz Hals, Veermer ou Rembrandt (1606-1669)
peignaient leurs chefs-d’œuvre. |
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