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À
la mort de Mazarin, en 1661, Louis XIV prit personnellement la direction
de la monarchie, choisissant d’identifier la personne du monarque à
l’État lui-même. Autrement dit, il se passa de Premier ministre qui
gouvernerait en son nom, même s’il sut choisir de brillants
collaborateurs placés à la tête des ministères décisifs ; il chargea
Colbert (1619-1683) des Finances, Louvois (1641-1691) de l’armée et
Lionne (1611-1671) de la diplomatie. De la même façon, il eut à ses côtés
deux grands généraux, Condé (1621-1686) et Turenne (1611-1675), qui
furent les artisans des principales victoires remportées par les armées
françaises. Le
Roi Soleil Pour
réduire la noblesse, il fit de la cour le centre politique et culturel du
royaume. Elle se devait d’être fastueuse et nourrie. La construction du
château de Versailles répondit à ce système de gouvernement qui
fut aussi un modèle de civilisation imité par toute l’Europe.
À Versailles, les nobles étaient contrôlés par leur simple présence.
Ils employaient une bonne part de leur énergie à se soumettre aux
obligations sociales et à observer une étiquette pointilleuse, élaborée
par le monarque lui-même, sorte de course aux honneurs et à la
distinction dont le dispositif central était le roi. Le pouvoir de l’État
et la centralisation qui valait aussi pour les autres institutions (non
seulement la noblesse, mais aussi les municipalités, les corporations et
les autres institutions) dépassèrent ce qu’avait obtenu Richelieu.
Pour renforcer l’unité religieuse du royaume autour de sa personne, Louis
XIV
signa à Fontainebleau la révocation
de l’édit de Nantes
en 1685, ce qui supposait l’interdiction de la liberté de conscience.
De fait, un grand nombre de protestants français émigrèrent en Suisse,
en Brandebourg et jusqu’en Afrique du Sud. Un
roi de guerre Assoiffé
de gloire, Louis XIV voulut “ être le premier des rois ”,
et exigea partout la préséance et le premier rang. Le roi, en tant que
premier noble du royaume, est “ un roi de guerre ” et il les
multiplia. À la différence du règne précédent, les révoltes furent
bien plus rares. Sur la frontière orientale, il déclara la guerre à
l’Espagne (guerre de Dévolution : 1667-1668) pour s’emparer de
la Franche-Comté. Mais l’alarme que suscitait cette politique impérialiste
parmi les autres puissances européennes, et qui les poussa à s’unir
dans la Triple-Alliance (Provinces-Unies, Angleterre et Suède), obligea
le souverain à renoncer à ses projets. Cinq ans plus tard, le “ Roi
Soleil ”
décida d’en finir avec la Hollande, son rival commercial et l’âme de
la Triple-Alliance, en s’étant auparavant assuré de la neutralité de
l’Angleterre, qui ne voyait pas d’un mauvais œil la disparition
d’un important concurrent dans le domaine maritime. La France envahit
les Provinces-Unies en 1672, mais les Hollandais préférèrent ouvrir les
digues qui protégeaient les terres gagnées sur la mer et inonder leur
territoire que de souffrir les pillages d’une occupation militaire. Les
troupes de Louis XIV ne parvinrent pas à abattre la puissance
hollandaise, mais, grâce à d’habiles négociations, le souverain réussit
à obtenir du traité
de Nimègue
(1678) la cession par l’Espagne, alliée des états généraux de La
Haye, de la Franche-Comté et de quelques places en Flandres et en
Hainaut. La politique d’intervention militaire ne cessa pas, la fonction
du roi et de sa noblesse étant la recherche de la gloire. La politique des réunions Entre
le traité de Nimègue et la guerre suivante, Louis XIV entreprit une
politique appelée “ la politique des réunions ”. Il
s’agissait, par pression et en jouant de la division des princes
allemands, d’occuper certaines places stratégiques. Ce fut ainsi que
Strasbourg devint française en 1681. Inquiets
de ces succès, les principaux États européens s’unirent de nouveau
contre les risques d’une hégémonie des Bourbons dans la ligue d’Augsbourg
(1689). Cependant, les armées de Louis XIV paraissaient invincibles tant
à cause des réformes militaires de Le Tellier et de Louvois, qui en
firent l’armée la plus puissante d’Europe (elle passa de 120 000 hommes
environ dans les années 1670 à 400 000 hommes vers 1705) qu’à
cause du système défensif mis en place par Vauban
(1633-1707) et ses ingénieurs, avec des forteresses imprenables aux
portes du royaume. Les troupes du “ Roi-Soleil ”
combattirent sur tous les fronts (Flandres, Allemagne, Italie, Espagne) et
ne furent battues que sur mer par l’Angleterre. On en vint à la paix de
Ryswick (1697) en raison de l’épuisement des contingents, mais aussi
parce que Louis XIV désirait la tranquillité pour se lancer dans son
projet le plus ambitieux : s’assurer le trône d’Espagne. La
guerre de succession espagnole (1701-1714) Le
fils de Philippe IV, Charles II l’Ensorcelé (1665-1700), régnait à
Madrid, mais la réalité du pouvoir appartenait à sa mère, puis à sa
femme et à des créatures plus ou moins dignes de confiance. Sans
descendance et de constitution chétive, le souverain était incapable de
gouverner. Dans cette perspective, la transmission de l’immense Empire
ibérique enflamma les ambitions des nombreux monarques apparentés à
divers degrés à la dynastie. Louis XIV, fils d’Anne d’Autriche,
elle-même fille de Philippe II, était marié avec sa cousine Marie-Thérèse
d’Autriche, fille de Philippe IV. Ainsi, grâce aux alliances
matrimoniales effectuées sur deux générations, sa parenté avec la
maison royale espagnole lui permettait d’aspirer à asseoir l’un de
ses fils sur le trône espagnol. L’Angleterre
et la Hollande, consternées face à la possibilité d’une étroite
union entre la France et l’Espagne, appuyèrent les prétentions de
l’archiduc Charles d’Autriche, second fils de l’empereur du Saint
Empire, Léopold Ier,
et lui-même cousin et descendant par les femmes de la dynastie espagnole.
Tandis que Madrid grouillait d’intrigues entre factions favorables à
l’un ou l’autre candidat, Charles II rédigea son testament en faveur
de Ferdinand de Bavière, mais la mort prématurée de ce prince le
conduisit à désigner comme héritier sur son lit de mort, Philippe de
Bourbon, le deuxième fils du Dauphin de France et, donc, le petit-fils de
Louis XIV. Les
puissances européennes s’allièrent à La Haye (1701-1703) pour faire
front au bloc des Bourbons : la guerre
de Succession d’Espagne
commença. Les armées de toute l’Europe, coalisées sous le
commandement d’Eugène de Savoie et de l’Anglais Marlborough, mirent
fin à la légende de l’invincibilité des troupes françaises et firent
échouer les desseins de Louis XIV d’obtenir la domination continentale.
Les paix d’Utrecht (1713) et de Rastatt (1714) signifièrent un retour
à l’ordre établi en Westphalie. Philippe V était accepté comme roi
d’Espagne, mais en échange de la perte de tous les territoires ibériques
en Europe hors de la péninsule (Flandres, Italie) et de concessions
commerciales à l’Angleterre en Amérique. L’expansion française en
outre-mer se voyait arrêtée ; l’Autriche émergeait comme
puissance continentale, et la Savoie et la Prusse étaient reconnues en
tant que royaumes. La
résurgence de l’Autriche La
ruine du Saint Empire au cours de la guerre de Trente Ans eut pour conséquence
la perte d’influence de Vienne dans l’ensemble germanique. Les années
qui suivirent furent consacrées à un recentrage de ses ambitions sur les
possessions ancestrales d’Autriche même et sur ses possibilités
d’agrandissement. En Europe occidentale, les empereurs affrontèrent
toujours la prédominance française, mais en tant que roi d’Autriche,
ils subirent aussi les assauts de l’expansionnisme turc renaissant. Après
une période de décadence, l’Empire ottoman fut dynamisé par
l’intervention résolue de la famille Koprülü, qui monopolisa à cette
époque la charge de Grand vizir. Elle imprima à l’Empire ottoman un
nouvel élan qui mena ses armées à assiéger Vienne en 1683. Grâce à
l’aide du roi de Pologne, Jean Sobiesky, le siège fut levé et une très
grave défaite fut infligée aux Turcs. Cet échec militaire eut de graves
répercussions pour la Sublime Porte, puisqu’il marqua non seulement le
début de la décadence définitive de l’Empire ottoman, mais aussi, et
surtout, son retrait du monde danubien et balkanique. Quant à l’Autriche,
elle s’empara de cette façon de la Hongrie et de sa vaste et fertile
plaine. Cette région allait devenir l’un des centres de gravité de
l’Empire. La poussée orientale de Vienne fut aussi confirmée par
l’occupation de la Transylvanie (région de l’actuelle Roumanie). Les
guerres du Nord Charles
X de Suède
(1654-1660) voulut renouer avec les hauts faits militaires de son aïeul
Gustave Adolphe, et l’objectif d’assurer l’hégémonie de son pays
sur l’aire de la Baltique, où s’affrontaient de puissants intérêts
commerciaux. La Baltique assurait à l’Europe une partie de son
ravitaillement en blé, en fourrure, en fer, en plomb. Les nombreux ports
allemands, danois, polonais et suédois entraient en concurrence pour
capter les trafics de marchandises. Le roi de Suède tira profit de la
situation chaotique en Pologne, un royaume électif qui ne put jamais se
consolider en raison d’une noblesse féodale et belliqueuse s’opposant
à tout renforcement du pouvoir royal. Charles X entreprit une série
d’actions plus connue sous le nom de première guerre du Nord. Les résultats
de celle-ci furent globalement négatifs pour le souverain suèdois
puisque les possessions russes (l’Ukraine orientale) et celles du
Brandebourg s’accrurent. La Suède traversa ensuite une profonde crise
due au conflit entre la noblesse et le pouvoir royal.
Finalement Charles XI renforça son pouvoir souverain, tendant à
s’inspirer de la monarchie de Louis XIV. Il réduisit la noblesse et prépara
le chemin pour la politique d’expansion de son fils Charles XII
(1697-1718). La seconde guerre du Nord La
seconde guerre du Nord (1700-1709) fut livrée contre tous les États
baltiques, cette fois unis pour freiner la puissance suédoise. Charles
XII, “ le dernier Viking ”, battit successivement le
Danemark, la Russie (bataille de Narva : 1700) et la Pologne, dont il
déposa le roi Auguste II. Mais en affrontant de nouveau le géant russe,
et bien qu’il avançât jusqu’en Ukraine, il subit la grave défaite
de Poltava (1709), face à Pierre le Grand (1689-1725). Ce revers mit fin
aux aspirations suédoises de maintenir l’hégémonie dans la Baltique
et ouvrit cette mer à l’influence russe. Russie :
entre Orient et Europe La
Russie fut fondée à partir de diverses principautés qui,
successivement, eurent une influence dominante. Au début du XVIe
siècle,
celle de Moscou prit le pas sur les autres. Peu à peu, elle agrégea les
autres principautés et domina l’ensemble des peuples russes. Dans son
histoire, la Russie alterna toujours les phases d’ouverture vers l’Occident,
et celle de repli sur son propre territoire, sur ses propres valeurs (le
courant slavophile). En général, elle demeura en marge des courants
historiques et intellectuels de l’Occident, ayant recueilli l’héritage
byzantin, et la culture chrétienne orthodoxe (l’alphabet
cyrillique est
proche de l’alphabet grec, puisque ce furent les moines grecs Cyrille et
Méthode qui évangélisèrent les Russes). Après la chute de l’Empire
byzantin en 1453, Ivan III le Grand (1462-1505) reprit de nombreux emblèmes
et valeurs de l’Empire romain d’Orient, justifiant l’autocratie,
tel que le mythe de Moscou “ troisième Rome ” (la première
fut Rome et la seconde Constantinople), le cérémonial de cour ou le
symbole de l’aigle à deux têtes. L’isolement et l’influence
orientale donnèrent à sa civilisation un caractère spécifique par
rapport à l’Europe ; elle ne connut pas la tradition scolastique, ni la
Renaissance, ni même les idées rationalistes qui se développèrent à
partir du XVIIe
siècle. Il existait une conscience de vivre dans un pays aux frontières
imprécises, à l’étendue trop vaste et aux structures particulières.
Les menaces tatares du Moyen Âge avaient créé des structures sociales
singulières, ne ressemblant pas à la féodalité occidentale et ne répondant
pas non plus aux schémas purement grecs. Ainsi, les XVIe
et XVIIe
siècles furent consacrés à une remise en ordre de la société et à
l’organisation d’un État par les élites dirigeantes. Ivan IV le Terrible Ivan
IV le Terrible
(1533-1584) imposa une réforme du droit, modifia les structures
militaires, confisqua de nombreux territoires aux Cosaques au prix d’une
politique sanglante de déportations de peuples, de destructions de
villes. Surtout, il mata les boyards (les nobles) par des exécutions
massives. Ivan le Terrible fut le premier à s’attribuer le titre de tsar,
d’origine bulgare (tsar provient du latin Cæsar, comme le terme kaiser
en allemand). C’est alors que commença l’expansion à l’est, qui
mena la Russie jusqu’à la Volga et la conduisit à pénétrer en Sibérie
(1592). Tandis que les États d’Europe occidentale durent orienter leur
expansion coloniale vers l’outre-mer, la Russie s’étendit dans ce qui
était son prolongement territorial. Cette prolongation de la Russie vers
l’est aboutit à un isolement accru. Par ailleurs, la violence fut une
nouvelle fois constitutive de la fondation politique. La dynastie des Romanov Après
la fondation d’une Russie tsariste par Ivan, l’établissement de la
dynastie des Romanov naquit d’une période de troubles entre 1605-1613,
avec ses usurpations, ses révoltes sociales, ses soulèvements de
Cosaques, confirmant la place quasi permanente de la violence dans la vie
politique. Ce furent les nobles, (les boyards) qui désignèrent un des
leurs pour tsar, Michel
Romanov
(1613-1645). Les entreprises d’expansion orientale occupèrent les règnes
suivants. En 1619, la frontière était repoussée jusqu’à l’Ienisseï,
la ville de Iakoutsk était fondée en 1638, et la mer d’Okhotsk était
atteinte en 1645, touchant ainsi la rive pacifique du continent asiatique. Pourtant
à l’aube du XVIIIe
siècle, le pays demeurait arriéré, avec son immense masse de paysans
serfs attachés à la glèbe, et une noblesse (les boyards) sans influence
après l’extermination massive dont elle fit l’objet. Pierre
Ier
le Grand En
1689, l’accession au trône de Pierre
Ier le Grand
inaugura une période de profondes mutations. Le tsar décida de
moderniser son empire en imitant les monarchies occidentales qu’il avait
visitées à plusieurs reprises. Ainsi, il organisa un Sénat, assemblée
suprême, des ministères spécialisés, il découpa de nouvelles
circonscriptions administratives. Cependant la centralisation
s’accompagna d’une discipline despotique : la noblesse fut classée
selon le tchin
(une Table des rangs), le port de la barbe et des vêtements traditionnels
furent interdits. Pour souligner l’ouverture à l’Occident, Pierre
fonda Saint-Pétersbourg, ville à l’architecture italienne, véritable
capitale culturelle occidentale coupée du pays. Influencé par le
Brandebourg, qui allait devenir la Prusse, il réorganisa l’armée et créa
une flotte. Enfin, le tsar soumit totalement l’Église orthodoxe en
abolissant le patriarcat moscovite et en adoptant le modèle des Églises
nationales protestantes, soumises à leurs monarques respectifs. Relayant
la puissance suèdoise, la Russie devint la couronne hégémonique de la
Baltique que Saint-Pétersbourg symbolisa. Culture
et société dans l’Europe de Louis XIV Si
l’art baroque se manifesta de manière grandiloquente, monumentale, par
un grand sens de la mise en scène, à l’image de la Réforme catholique
et des soubresauts des sociétés de la première moitié du XVIIe
siècle, un nouveau courant prit progressivement place avec la domination
de la culture française. Il est toujours difficile de poser des limites
précises, tant géographiques que chronologiques à des courants
intellectuels et artistiques. Quand commence “ l’art français ”
? (sous-entendu, celui du “ Siècle de Louis XIV ”). La
frontière est mouvante. Mais il faut retenir qu’à cette époque se dégagèrent
des penseurs, écrivains, dramaturges, peintres, musiciens, architectes
d’une qualité extraordinaire. Versailles fut l’œuvre de Le Nôtre
(1613-1700) pour le parc, de Le Vau (entre 1661 et 1674) puis de Jules
Hardouin-Mansart (1678-1708) pour l’architecture. Le Brun (1619-1690)
dirigea des bataillons de tapissiers, d’orfèvres, d’ébénistes, de
peintres... Dans le cadre du château, Lulli (1632-1687) introduisit
l’opéra en France, Molière (1622-1673) y représenta ses comédies,
Racine (1639-1699) ses tragédies, La Fontaine (1621-1695) ses Fables,
Boileau (1636-1711) et La Bruyère leurs satires. Bien d’autres artistes
furent mis à contribution pour servir la propagande royale. Les courants
intellectuels et artistiques dépassèrent les frontières
des royaumes à l’image de Descartes qui se rendit auprès de la
reine Christine en Suède. Si la Renaissance italienne était bien terminée,
des artistes de premier ordre demeuraient, tel que Le Bernin (1598-1680)
ou Borromini (1599-1667). |
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