Retour à
Margino blog Vies en marge
|
Au
cours du XVIIIe
siècle, l’Angleterre, les Pays-Bas, puis la Belgique et la France
commencèrent à connaître de profondes évolutions technologiques qui
transformèrent les conditions de production et de transport. La
révolution industrielle L’invention
de la machine
à vapeur
(1711 : Newcomen et 1769 : les améliorations de Watt) permit de
faire un bond en avant économique, révolutionnant l’industrie textile,
et démultipliant la production de charbon, matière première qui fut la
base énergétique de cet élan industriel. L’application de la vapeur
au secteur des transports incita à réaliser des mutations essentielles
qui, à leur tour, favorisèrent la découverte de nouvelles inventions,
comme l’illustre l’utilisation progressive de bateaux à vapeur
(Fulton : 1807), du chemin de fer (Stephenson : 1814), de la sidérurgie. Cette
dynamique modifia le capitalisme marchand, celui du commerçant, qui
s’orienta vers un capitalisme industriel, où il devint nécessaire
d’accroître sans cesse la production pour diminuer les coûts afin de
rester performant et de pouvoir rémunérer les propriétaires des
entreprises. Cette tendance à la fuite en avant explique la démultiplication
des inventions : 1837 - l’hélice
marine, par Sauvage; 1843 - le télégraphe électrique, par Morse; 1876 - le
téléphone, par Bell; Bien
d’autres encore apparurent, il suffit de penser à la médecine et à la
chimie (les vaccins, l’emploi du goudron, les résidus du charbon
transformé en coke, etc.). Cette augmentation cumulative d’inventions
et de leurs applications obligea à rechercher les capitaux nécessaires
dans toute la société, ce qui explique l’émergence, puis le développement
des banques, bien que l’activité dominante restât l’industrie et que
toutes les autres lui fussent liées (commerce, finances, communications).
Cette révolution industrielle permit l’édification et l’accumulation
d’immenses fortunes et la concentration de capitaux
en cartels
et en trusts. Les
évolutions de la société La
prolifération des manufactures
et des fabriques,
engendra d’importantes concentrations ouvrières, dans lesquelles les
conditions matérielles de travail et la rémunération étaient très précaires.
À la différence des paysans, les ouvriers ne possédaient rien, sinon
leur force de travail qu’ils vendaient quotidiennement pour un salaire.
Pendant près d’un demi-siècle, la société repoussa les plus démunis,
les enfermant, les faisant travailler de force (lois contre le
vagabondage), sans limitation du temps de travail. En cas de protestation,
le licenciement était la règle alors que les droits de grève et de
manifestation étaient refusés, les dirigeants ouvriers poursuivis et
emprisonnés (voir Germinal
d’Émile Zola). Ces conditions de vie alimentèrent les mouvements
mutualistes, en principe destinés à organiser l’entraide pour les
travailleurs face à l’absence d’une législation du travail protégeant
les intérêts ouvriers. Ces initiatives se traduisirent par la création
de coopératives
et de syndicats
qui proliférèrent. Face
aux revendications ouvrières et en regard des conditions de vie
lamentables des couches laborieuses, des changements apparurent à partir
du milieu du siècle. Peu à peu, les divers Parlements nationaux adoptèrent
l’interdiction du travail de nuit pour les femmes et les enfants, du
travail des enfants de moins de 12 ans, puis de moins de 14 ans, etc. L’évolution démographique La
révolution industrielle eut aussi pour conséquence de profonds
bouleversements dans la répartition de la population. L’exode rural,
c’est-à-dire le départ de ruraux vers la ville, de paysans qui se
transformèrent en ouvriers, eut lieu pleinement en Angleterre, et en
Allemagne de l’Ouest. En France, il se prolongea jusqu’aux années
1950. Mais partout, les villes poussèrent comme des champignons : la
population urbaine anglaise passa de 58% en 1851 à 78% en 1911, celle de
la France de 25% à 44% (sachant que la population globale augmenta considérablement
dans le même temps). Les premières banlieues naissaient. Dans les
campagnes, la production agricole profita des apports de la révolution
industrielle avec la propagation d’innovations, comme la sélection des
espèces de bétails, le fumage de la terre et l’emploi d’engrais
comme la potasse. Avec les nouveaux transports rapides, les régions se spécialisèrent.
Ainsi la Normandie devint le fournisseur en produits laitiers de
l’immense capitale parisienne. Cette
révolution industrielle entraîna aussi la fin des famines dans toute
l’Europe occidentale (la dernière eut lieu en Irlande en 1848). De
fait, les hommes mieux nourris, mieux soignés, furent plus nombreux ;
l’Europe passa d’environ 180 millions d’habitants en 1800 à 400
millions en 1900. Les
nouvelles idées politiques La
révolution industrielle, l’essor de la bourgeoisie et de la classe
ouvrière combinés avec les idées passées, nées pendant les Lumières
et la Révolution française, expliquent le développement de trois grands
courants de pensée : le libéralisme, le socialisme (anarchisme et
communisme s’y apparentaient au XIXe
siècle) et le nationalisme. Seul ce dernier courant ne disposait pas
d’une réflexion autonome sur les problèmes économiques et sociaux. Le libéralisme Le
libéralisme
fut présenté par Adam Smith dès le XVIIIe
siècle et adopté rapidement par les couches les plus aisées de la société.
Pour les libéraux, les hommes naissent libres et égaux. En fonction de
leur talent, de leur choix, et de leur capacité, ils deviennent plus ou
moins inégaux car les hommes s’orientent dans la vie en fonction de
leur intérêt. Le rôle de l’État et de la société est d’assurer
cette liberté de l’individu et donc de protéger la propriété privée.
Ainsi, les corporations furent supprimées en France comme en Angleterre,
le commerce du blé devint libre. Le socialisme Pour
le socialisme,
cette liberté et cette égalité à la naissance, que les libéraux
postulent, n’existent pas puisque certains naissent riches et d’autres
pauvres. Les principales idées des socialistes furent développées par
Karl Marx (1818-1884) et Joseph Proudhon (1809-1865) Selon eux, le but du
capitalisme n’est pas le bien-être de la société, mais le profit des
seuls propriétaires d’entreprises appelés les capitalistes. Ceux-ci ne
pourraient réaliser de profit que par l’exploitation de prolétaires
(les ouvriers). Il faut donc organiser ceux-ci en syndicats, en partis, en
sociétés secrètes (les avis divergèrent selon les courants) pour que
les ouvriers puissent échapper à l’exploitation en collectivisant les
usines (les biens de production). Certains prônaient la grève générale,
d’autres la violence, et, jusqu’aux attentats terroristes contre l’État
et les “ capitalistes ”. Paradoxalement,
cette doctrine eut d’autant plus de succès que la condition ouvrière
s’améliora au cours du XIXe
siècle. Le nationalisme Le
nationalisme
ne naquit qu’à la fin du XIXe
siècle des révolutions et des guerres. Ne possédant pas de pensée économique,
ni même de réels projets de société, son seul choix résidait dans le
rejet de l’étranger (à l’époque, principalement des Belges, des
Polonais et des Italiens), c’est-à-dire la xénophobie
ou l’antisémitisme
(l’affaire Dreyfus 1898). Les
mouvements nationaux et libéraux 1815-1914 En
dépit de la réaction monarchique qui suivit le congrès de Vienne, la
bourgeoisie libérale s’imposa peu à peu comme la classe dominante en
Europe durant tout le XIXe
siècle. Avec la Révolution française, les nations s’étaient réveillées,
soit contre, soit en faveur de leur souverain, mais elles n’avaient pu
être maintenues hors du champ politique. Un cycle culturel propre à
cette époque, le romantisme, inspira les idéaux d’unité aux nations
qui n’avaient pas encore dépassé le stade du morcellement de leur
territoire (cas de l’Allemagne), et des idéaux d’émancipation aux
peuples soumis à la domination étrangère (Italie du Nord, Grèce,
Belgique...). Le
retour à l’absolutisme fut incarné en Espagne par le règne de
Ferdinand VII et imposé par la force par les cent mille fils de saint
Louis qui écrasèrent les libéraux espagnols à la bataille du Trocadéro. La Restauration À
la suite de la défaite de Napoléon Ier,
la monarchie fut restaurée en France. Louis XVIII (1814-1824), frère de
Louis XVI (le Dauphin ne régna jamais, bien qu’il fût considéré
comme étant Louis XVII) ne mena pas une politique de farouche contre-révolution.
Il était difficile, sinon impossible de réclamer aux Français
possesseurs de biens nationaux (les biens d’Église confisqués) de les
restituer. La noblesse d’Empire avait par ailleurs en partie fusionnée
avec l’ancienne noblesse. La modération de Louis XVIII le conduisit à
octroyer une charte encourageant un libéralisme modéré en établissant
une monarchie constitutionnelle où le suffrage censitaire permettait d’élire
les seuls notables (moins de cent mille électeurs). À sa droite, le roi
fut contesté par les ultras, c’est-à-dire les nostalgiques de l’Ancien
Régime qui prônaient une politique réactionnaire en accord avec la
Sainte-Alliance. La contestation démocratique demeura sans voix dans les
premières années de la Restauration
à la suite de la Terreur blanche (contre les républicains). Dès 1820,
les ultras accédèrent au pouvoir, réalisant une expédition pour écraser
un soulèvement libéral en Espagne (la bataille du Trocadéro).
L’accession de Charles X (1824-1830) accentua le caractère réactionnaire
du régime, favorisant indirectement la recomposition d’un courant libéral.
Les décisions de réduire la liberté de la presse et le nombre des électeurs
poussèrent les Parisiens à manifester dans la rue, érigeant des
barricades du 27 au 29 juillet 1830 (“ les Trois Glorieuses ”). De Louis-Philippe au Second Empire Le
souverain abdiqua et Louis-Philippe d’Orléans (1830-1848), issu d’une
branche cadette des Bourbons, fut porté sur le trône par des Français
encore méfiants envers la république. Louis-Philippe
renforça la monarchie constitutionnelle et élargit le suffrage
censitaire. Durant la monarchie
de Juillet,
le développement économique du royaume atteignit des niveaux jamais
connus. Louis-Philippe fut surnommé, de manière significative, “ le
roi bourgeois ”. Pourtant à partir de 1846, une crise économique
fragilisa le régime. Face aux difficultés matérielles, le souverain
refusa d’assouplir le système politique en élargissant le droit de
vote. Le 23 février, une fusillade éclata dans Paris à la suite de
l’interdiction d’une réunion, le lendemain la population se souleva.
L’armée et la police ne pouvant restaurer l’ordre, Louis-Philippe
abdiqua. La
IIe
République dura peu, bien qu’elle souleva beaucoup d’espoirs,
proclamant la liberté de la presse et de réunion, l’instauration du
suffrage universel, l’abolition de l’esclavage dans les colonies et créant
des ateliers nationaux pour assurer aux chômeurs un minimum vital.
Pourtant, les élections allaient donner la majorité à un gouvernement
conservateur qui ferma ces ateliers, trop coûteux et trop proches de
l’opposition socialiste. Les journées insurrectionnelles de juin 1848
furent la réponse ouvrière à cette décision. Ecrasés par la garde
nationale et par l’armée, des milliers d’ouvriers furent fusillés ou
déportés. Aux élections présidentielles de décembre 1848, les Français
élurent le prince Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier,
mais aux élections législatives du printemps suivant, les campagnes
envoyèrent une majorité de royalistes à la Chambre dont la première décision
fut de restreindre le suffrage universel. Le 2 décembre 1851, par un coup
d’État, le prince-président supprima l’Assemblée et rétablit le
suffrage universel. L’année suivante, il fut plébiscité comme nouvel
empereur des Français : le Second Empire était né. Les révolutions de 1830 en Europe Certains
mouvements populaires préludèrent aux révolutions de 1830. En Amérique
latine, s’inspirant en partie du modèle des États-Unis, en partie du
modèle de la Révolution française, les colons américains hispaniques
se séparèrent de l’Espagne après plusieurs années de guerre. Les
principaux États d’Amérique latine apparurent dans les années 1820
sous la conduite de libérateurs tels que Bolivar (1783-1830) ou Sucre
(1795-1830). En
Grèce, le mouvement national fut soutenu par presque toute l’Europe. Il
fournissait des thèmes faciles de propagande aussi bien au tsar qu’aux
Anglais. Cette lutte aurait été celle de l’Européen asservi par le
Turc, ou du chrétien orthodoxe opprimé par le musulman. Après des
combats sanglants, la péninsule Hellénique acquit l’indépendance en
1829. À la suite de la révolution de Juillet, les Belges engagèrent une
brève lutte contre la domination hollandaise et l’indépendance de la
Belgique fut proclamée en 1830. En
Pologne, espérant un soutien du nouveau régime de Louis-Philippe,
l’insurrection nationale eut moins de succès puisqu’elle fut réprimée
avec une violence inouïe par les troupes du tsar, les survivants étant déportés
en Sibérie. Les révolutions de 1848 en Europe La
nouvelle de la révolution de février 1848 inspira des mouvements
similaires dans le reste de l’Europe. Selon les lieux, il ne
s’agissait pas seulement de revendications sur le caractère démocratique
du régime en place (la liberté de la presse et de réunions, le suffrage
universel étant demandés), mais surtout d’exigences nationales, les
peuples aspirant à la libération et à l’unité. Ainsi, on ne trouva
pas uniquement des ouvriers ou des individus de condition modeste dans ces
insurrections. L’ensemble des populations, bourgeois et ouvriers réunis,
souhaita ces unités nationales. En Prusse, Frédéric-Guillaume IV
(1840-1861) fut obligé d’accepter un régime constitutionnel, mais il
n’y eut pas tout de suite de rapprochements avec les autres États
allemands. En Autriche, le chancelier Metternich, l’âme du congrès de
Vienne, fut contraint de démissionner sous la pression de la rue. Les
Hongrois se soulevèrent contre l’autorité de l’empereur d’Autriche,
exigeant leur reconnaissance comme nation souveraine. Parmi les États
allemands, l’idée de l’unité nationale commença à prendre corps,
comme en Italie où la question se doublait de la domination autrichienne.
Cependant, les groupes révolutionnaires ne montrèrent pas la cohésion nécessaire
à la permanence de leurs actions, et les monarchies autoritaires
l’emportèrent. Le nouvel empereur autrichien, François-Joseph
(1848-1916) commença un long règne et, dans une première étape,
parvint à dompter les aspirations sécessionnistes des Hongrois, des Tchèques,
des Vénitiens et des Lombards. L’unité italienne Le
renforcement des monarchies autoritaires (Naples, Rome, Parme, etc.) et la
division permanente de l’Italie en petits États avaient convaincu de
nombreux Italiens du besoin d’unifier la péninsule. Cette unification
devait en plus mettre un terme aux occupations étrangères, qui se succédaient
depuis le Moyen Âge. Le romantisme et le développement d’une pensée
commune placée sous le signe de l’émancipation, le Risorgimento,
apportèrent les fondements théoriques de l’unité italienne. Après
l’échec de l’idéal de république unitaire et démocratique proposée
par Mazzini et les libéraux en 1848, les efforts visèrent à s’appuyer
sur la monarchie la plus puissante d’Italie, celle de Savoie, pour
former le noyau du futur État italien. Victor-Emmanuel II de Savoie
(1849-1878), d’inclination libérale, et son ministre, Cavour
(1810-1861), acquirent le soutien de Napoléon III dans leur lutte contre
l’Autriche, dont les armées furent vaincues à Magenta et à Solférino
(1859). La Lombardie s’unit au Piémont, alors que l’Empire français
reçut Nice en remerciement. En
1861, le royaume d’Italie fut officiellement constitué, avec sa
capitale, Turin. Si Cavour fut l’artisan politique de l’unité,
Giuseppe Garibaldi (1807-1882) le fut sur le terrain militaire. Il chassa
du trône de Naples le dernier Bourbon (1860). En 1870, toute l’Italie
fut réunie sous un même régime, celui de Victor-Emmanuel, premier roi
d’Italie. Le pape, dépouillé de ses États, demeura reclus dans le
palais apostolique jusqu’à ce qu’en 1929, selon les accords du
Latran, qui résolurent définitivement ce que l’on a appelé la
question romaine, la souveraineté du Vatican lui fût reconnue par
l’Italie. L’unité allemande La
rivalité entre le royaume de Prusse et l’empire d’Autriche orienta
toute la politique dans les territoires de langue allemande. Les désirs
d’unification avaient été suscités par l’occupation napoléonienne,
qui avait fait prendre conscience aux Allemands de leur communauté
culturelle. Cependant, la marche vers l’unité ne passa ni par la
politique, ni par la culture, mais par l’économie. En 1834, une
union douanière (Zollverein) fut conclue entre les États allemands du
Nord, centrée sur la Prusse. Afin de cimenter l’identité allemande et
d’obtenir l’adhésion autour de Berlin, Bismarck, chancelier du roi de
Prusse Guillaume Ier
(1861-1888), exclut l’Autriche du nouvel ensemble et s’opposa aux
volontés d’hégémonie continentale de Napoléon III. Pour cela, la
Prusse livra une série de guerres de portée limitée, qui lui permirent
de délimiter les frontières du futur empire et qui étaient financées a
posteriori, par l’imposition de réparations aux vaincus. Après s’être
rendue maître de territoires jusque-là sous contrôle danois, l’armée
prussienne battit l’Autriche à Sadowa (1866), la chassant définitivement
d’Allemagne. Par cette défaite, Vienne devenait une puissance de second
rang. Sous différents prétextes, Bismarck déclencha la guerre
franco-prussienne de 1870 et écrasa les troupes impériales, occupant
l’Alsace-Lorraine et, depuis Versailles, humiliation suprême, le roi de
Prusse Guillaume Ier
fut proclamé kaiser
d’un IIe
Reich (État allemand). Le Second Empire et la guerre franco-prussienne Avec
la proclamation du Second Empire, Napoléon III tenta en partie de renouer
avec les pratiques impériales. Dans un premier temps, il réprima
durement les tentatives d’expression, qu’elles fussent royalistes ou républicaines,
révoquant les fonctionnaires indociles, pourchassant la presse hostile.
Mais, après 1860, l’empereur souhaita rallier les opposants en adoptant
des mesures sociales. Les droits de grève et de réunion furent reconnus,
une libéralisation de la presse eut lieu. Cependant
le principal apport de l’empire fut les deux décennies de forte
croissance économique. Les premières grandes banques se mirent en place
avec le soutien du pouvoir. Les frères Pereire, du Crédit mobilier et du
Crédit foncier, bénéficièrent de ces aides. Ils participèrent aux
diverses opérations promues par le régime impérial. Le chemin de fer
connut une grande expansion, les concessions à des entreprises privées
furent octroyées, alors que les industries minières et métallurgiques
prenaient leur essor. En 1867, les sociétés anonymes étaient autorisées,
incitant les concentrations de capitaux par le biais de la diffusion d’actions.
Dans les villes, la rénovation urbaine prit un envol, avec les nombreuses
créations de ceintures et de grands boulevards, l’élargissement des
rues et l’amélioration de l’hygiène et de la sécurité (eau, éclairage...).
Enfin, malgré les échecs italien, allemand et mexicain dans la politique
extérieure de l’empire, Napoléon III continua la politique
coloniale léguée par la monarchie de Juillet (1830 : conquête d’Alger),
Faidherbe fonda Dakar entre 1854 et 1865 et Ferdinand de Lesseps se trouva
à l’origine de la construction du canal de Suez entre 1858 et 1869. Pour
parvenir à ses fins, Napoléon III eut recours plusieurs fois durant son
règne au plébiscite. Son régime est généralement considéré comme
conservateur et populiste. Quant à la personnalité de l’empereur, on
ne peut affirmer que ses capacités politiques étaient grandes. Ainsi,
son aversion envers l’ordre établi par le congrès de Vienne le poussa
à appuyer les unités nationales en Allemagne et en Italie, sans se
rendre compte qu’il soutenait ses propres ennemis et affaiblissait dans
le même temps son empire. La
IIIe
République Le
4 septembre 1870, à la nouvelle de la capitulation de Napoléon III,
les députés proclamèrent sa déchéance et l’instauration d’une république.
Gambetta (1832-1892) anima la défense nationale contre les Prussiens
alors que le front était déjà enfoncé. Après quatre mois
d’encerclement de Paris, le gouvernement signa la capitulation (28
janvier 1871), le territoire étant envahi. Parmi les conditions
prussiennes, la volonté de s’imposer à un gouvernement légitime
aboutit à des élections sous occupation sur le territoire français :
la majorité des votes se prononça en faveur des partis royalistes, et le
gouvernement de Thiers alla siéger à Versailles, symbole de la réaction
politique. Or, Paris et ses députés, radicaux et socialistes, refusèrent
l’armistice et le résultat des élections. Il s’y instaura une
commune “ républicaine et sociale ”, selon les termes de
l’époque. Les communards, socialistes, communistes, libertaires et
anarchistes refusaient de se soumettre. Avec le soutien des autorités
prussiennes, les Versaillais reprirent la ville par la pointe des armes.
La semaine sanglante (21-28 mai 1871) se solda par 20 000 fusillés,
38 000 arrestations, et 10 000 déportations (en Algérie, en
Guyane ou en Nouvelle-Calédonie). Le nouveau régime débutait une fois
encore par la répression à l’encontre des couches sociales les plus défavorisées. Il
fallut attendre 1875, de nouvelles élections, pour que le nouveau régime
devînt la IIIe République. Avant cette date, la majorité
royaliste se déchirait entre légitimistes (partisans du successeur de
Charles X) et orléanistes (favorables au successeur de
Louis-Philippe). Ce
régime ancra la culture démocratique et la république dans la tradition
française autour de quelques principes et de quelques décisions
importantes. Un fonctionnement parlementaire fut mis en place, le législatif
contrôla l’exécutif et les élections occupèrent un rôle central grâce
au suffrage universel. Les grands symboles révolutionnaires de 1789-1795
furent adoptés, la Marseillaise devint l’hymne national, le 14 juillet
la fête nationale, etc. Parmi les mesures díimportance, les années 1880
1884 virent naître une nouvelle conception de la société sous la
direction de Jules Ferry (1832-1893) et de Jules Grévy (président de la
République de 1879 à 1887). L’école primaire devint obligatoire, laïque
et gratuite. Les lois de 1881 et 1884 élargirent les libertés de réunion
et d’expression (sur la presse). Enfin, les syndicats furent autorisés
par la loi Waldeck-Rousseau. Contestée par les anarchistes (assassinat du
président Sadi Carnot en 1894), par les nationalistes (affaire Dreyffus
1894-1906), par les monarchistes, la IIIe République sut
maintenir les orientations démocratiques et opéra une percée laïque en
établissant le principe de la séparation de l’Église et de l’État
en 1905. L’Europe
et le monde Entre
1870 et 1914, plusieurs puissances extra-européennes émergèrent et
concurrencèrent peu à peu le vieux continent. Les puissances montantes
des États-Unis, du Japon et de la Russie (si on la considère comme
asiatique) correspondent à la fin de l’hégémonie européenne sur le
globe. Paradoxalement, c’est aussi pendant la deuxième moitié du XIXe
siècle que les empires coloniaux se mettent en place. Les
grands empires coloniaux Le
XIXe
siècle marque l’apogée de la colonisation et la fin des grandes
explorations. En effet, les missions européennes pénétrèrent en
Afrique, découvrant les sources du Nil et les grands lacs, “ pacifiant ”
les peuples en les dominant et en les incorporant dans les vastes
ensembles géopolitiques que constituèrent les empires coloniaux. L’empire de la Grande-Bretagne En
1914, le plus vaste empire était celui de la Grande-Bretagne. Elle
conserva ses possessions d’Amérique : le Canada et d’autres
territoires plus petits dans l’aire caraïbe. Elle posséda en Afrique
de vastes régions, dont des territoires sur la côte occidentale, la
colonie du Cap, l’Égypte, une partie du Soudan, le Nigeria, l’Ouganda
et le Kenya. En Asie, les Indes étaient composées de l’Inde actuelle,
de la Birmanie, du Népal, du Pakistan, du Bangladesh. Plus à l’Est, la
Malaisie et Hongkong servaient de bases de relais vers les possessions océaniennes
d’Australie, de Nouvelle-Zélande, auxquelles s’ajoutaient différents
archipels. La pénétration en Afrique à partir de la colonie du Cap fit
l’objet d’un conflit avec les colons d’origine hollandaise, les
Boers, qui avaient fondé les républiques d’Orange et du Transvaal. Ce
différend aboutit à la guerre des Boers entre 1899-1902, et à
l’annexion de ces territoires à l’Empire britannique. Au début du XXe
siècle, les grandes colonies de population majoritairement blanche se
transformèrent en dominions
(Canada, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande). L’Empire français Par
ordre d’importance, l’Empire français se plaçait au deuxième rang.
Outre les anciennes possessions antillaises et la Guyane, le grand
mouvement d’expansion débuta au XIXe
siècle. À partir de 1830, la conquête de l’Algérie s’effectua sous
la direction de Bugeaud (1784-1849), “ par l’épée et la charrue ”.
La domination s’étendit, sous forme de protectorat,
à la Tunisie (1881) et au Maroc. Savorgnan de Brazza (1852-1905) et
Faidherbe (1818-1889) explorèrent et organisèrent les régions de l’Afrique
équatoriale et tropicale, pendant qu’à la fin du siècle, de grandes
conférences eurent lieu en Europe entre les principales puissances pour
terminer le partage du “ gâteau colonial ” (1884-1885 :
conférence de Berlin sur le Congo, 1906 : conférence d’Algesiras
sur le Maroc). La IIIe
République
encouragea vivement ce mouvement qui permit de cimenter l’unité
nationale autour de l’idée d’une mission civilisatrice de la république.
Les conquêtes de l’Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge) et de Madagascar
complétèrent ce dispositif. Les colonies du reste de l’Europe L’Allemagne
ne vint que tardivement à la notion de répartition coloniale, et
Bismarck ne voulut jamais se lancer à l’aventure en outre-mer. Par la
suite, les gouvernements allemands, poussés par l’opinion publique, désireuse
d’imiter l’Angleterre et la France, favorisèrent les établissements
au Togo, au Cameroun, au Tanganyika et sur plusieurs archipels océaniques.
L’Italie échoua dans sa tentative de s’emparer de l’Éthiopie, mais
prit aux Turcs la Tripolitaine et la Cyrénaïque (1911). Le Portugal et
la Hollande conservaient une grande partie de leurs empires coloniaux, et
la Belgique possédait la riche colonie du Congo. La
décomposition de l’empire turc À
la fin du XVIIIe
siècle, l’Empire ottoman entra en décadence. Son imperméabilité à
la modernisation, la sclérose du système, autrefois si efficace, et l’émergence
des nationalismes chez les peuples soumis le plongèrent dans une crise
structurelle. La
Grèce s’en détacha en 1829, avec l’appui de l’Angleterre, de la
France et de la Russie. Puis la Turquie fut obligée de concéder son
autonomie à la Serbie et aux principautés de Valachie et de Moldavie,
ces dernières constituant les germes de ce qui devait devenir la
Roumanie. Cet éveil des nationalités balkaniques, de religion orthodoxe,
poussa la Russie de Nicolas Ier
(1825-1855) à se proclamer leur protectrice, en vue de constituer une
entité politique qui pût faire revivre les gloires de Byzance. En effet,
parmi les objectifs qui étaient les siens figurait la prise de
Constantinople. Ainsi, en 1853, le tsar déclara-t-il la guerre à la
Turquie. La
France, l’Angleterre et le Piémont de la maison de Savoie, vinrent en
aide à la Turquie et attaquèrent la Russie en Crimée, raison pour
laquelle cet épisode guerrier s’est appelé, précisément, guerre de
Crimée (1853-1854). Ce soutien européen s’expliquait par la crainte
anglaise et française d’un trop grand développement de la Russie.
Celle-ci vaincue, les alliés de la Turquie lui garantirent son intégrité
territoriale (paix de Paris, 1856). Ainsi, la Méditerranée continua d’être
dominée par les Anglais et les Français, ces derniers ouvrant le canal
de Suez (1867), par lequel la route de l’Inde se voyait considérablement
raccourcie. La
Russie ne cessa pas d’encourager le nationalisme des pays orthodoxes,
bien secondée dans cette tâche par son alliée inconditionnelle, la
Serbie. Lorsque, en 1876, le tsar Alexandre II déclara la guerre au
sultan, l’épisode de Crimée ne se répéta pas, et les Turcs furent
battus. Cependant, les puissances occidentales, craignant toujours le géant
russe, endiguèrent la situation au congrès de Berlin (1878). L’indépendance
fut reconnue pour la Serbie, le Monténégro et la Roumanie, dont les
royaumes furent proclamés postérieurement, et l’autonomie fut concédée
à la Bulgarie, qui devint beaucoup plus tard (1908) un royaume. Les rois
à la tête de ces pays furent dans leur majorité d’origine germanique. L’Empire
chinois Gouvernée
depuis le XVIIIe
siècle par la dynastie mandchoue des Qin, la Chine impériale était entrée
en décomposition. Cette décadence de l’Empire s’accéléra au XIXe
siècle. À cette époque, les Européens pénétrèrent dans le pays à
la recherche de matières premières et de nouveaux marchés alors que
jusqu’à présent le commerce extérieur avait été entre les mains de
l’État chinois. La guerre
de l’opium
entre 1840-1842 illustra les méthodes occidentales pour exploiter les
Chinois. Il s’agissait pour Londres d’obliger le gouvernement impérial
à autoriser l’importation d’opium vendu par les Anglais. La défaite
militaire chinoise conduisit à une détérioration de l’autorité impériale
sous les coups de boutoirs européens : le traité de Nankin en 1842
remit à Londres le territoire de Hong Kong et des traités “ inégaux ”
transférèrent la souveraineté chinoise aux puissances occidentales dans
des concessions. À chaque incident, ces puissances humilièrent la Chine,
comme le souligna l’expédition franco-britannique de 1856-1858 contre Pékin
ou le saccage de Canton. La Russie en profita pour s’accroître au nord
(1860), la France obtint la reconnaissance de sa domination sur le Tonkin
(1885) et la guerre nippo-chinoise de 1894-1895 permit au Japon
d’occuper Formose (Taïwan). L’une des conséquences de la politique
occidentale fut le développement de la xénophobie, souvent encadré par
des sociétés secrètes. En 1900, la révolte
des Boxers
aboutit au massacre des chrétiens. Si la Chine ne fut pas démembrée,
elle ne le dut qu’à la division des puissances impérialistes,
incapables de se partager l’Empire chinois. Cependant en 1901, le
principe de la “ porte ouverte ” fut conclu ; chacun put
aller exploiter, commercer librement. Dans ce contexte, la révolution de
1911, teintée de socialisme et de beaucoup de nationalisme, déboucha sur
la chute de l’empire et la proclamation de la république (1911). L’Empire
russe Devenue
une grande puissance européenne depuis la victoire sur Napoléon Ier,
la Russie tsariste maintint jusqu’en 1917 un gouvernement autocratique,
relativement imperméable aux transformations libérales qui s’opéraient
en Europe occidentale. Le tsar Alexandre II (1855-1881) affranchit les
serfs (1861) et institua des assemblées provinciales d’élection
populaire, mais le sort de l’immense masse paysanne ne changea guère,
la terre appartenant toujours à la noblesse. Cependant, dans les dernières
années du siècle, la situation commença à s’améliorer. La qualité
de l’enseignement, l’industrialisation et la modernisation des
communications, ainsi que les investissements étrangers (les fameux “ emprunts
russes ” des Français), autorisèrent certains progrès et élargirent
les classes moyennes. Le développement fut désordonné et insuffisant,
mais il s’agissait déjà d’un processus que l’on ne pouvait arrêter
et qui, nécessairement, devait se traduire par des transformations
politiques. Avec le tsar Nicolas II (1894-1918) et après l’humiliation
de la défaite face au Japon qui avait pris le contrôle de la Mandchourie
(guerre russo-japonaise, 1904-1905), un système parlementaire
s’instaura, mais il restait encore loin de la représentativité de type
occidental. L’évolution du régime fut compromise par les attentats
anarchistes de la fin du XIXe
siècle. Quant à la modernisation, elle s’arrêta et échoua avec le déclenchement
de la Première Guerre mondiale. La
modernisation du Japon L’intervention
occidentale au Japon se fit de manière très différente. Isolé pendant
des siècles dans son insularité, le pays rejetait tout contact avec
l’extérieur. Depuis longtemps, la figure de l’empereur avait été
effacée par l’influence des shogun,
Premiers ministres tout-puissants qui appartenaient de longue date à la
famille Tokugawa. Lorsque
les États-Unis forcèrent l’ouverture des ports japonais (1858),
l’empereur Mutsu Hito (1867-1916) sut réagir de manière à éviter que
les structures féodales archaïques ne cèdent face à la domination
occidentale. Il imposa son pouvoir aux shogun, qu’il écarta du
gouvernement, et il se lança dans une modernisation accélérée, en
copiant les modèles de l’Occident et en introduisant dans son pays la
science, la technique et l’organisation militaire les plus avancées :
cette période est appelée l’ère
Meiji (1862-1912).
Mais la vertigineuse industrialisation qui suivit transforma l’empire en
une puissance expansioniste qui manquait de matières premières et de
marchés afin de vendre les produits de ses manufactures. Le Japon ne
pouvait plus se satisfaire de son isolement d’autrefois. De fait, le
gouvernement impérial considéra l’Extrême-Orient comme son aire
naturelle d’expansion. Cela mena à l’occupation de la Corée et au déclenchement
de la guerre contre la Chine (1895), que remporta le Japon. Ses visées se
dirigèrent alors vers la Mandchourie, très riche en ressources. En
1904-1905, la guerre russo-japonaise fut un cataclysme dans les rapports
internationaux : la victoire japonaise signifiait la fin de la
toute-puissance de l’homme blanc, vaincu dans ce cas par des Asiatiques
qui avaient adopté ses propres armes. Cette défaite face au Japon
aboutit en Russie à une première révolution en 1905, que le pouvoir sut
dompter. Les
États-Unis Durant
la première moitié du siècle, la fédération consolida son assise
territoriale, la frontière se déplaçant progressivement à l’ouest du
Mississipi, au détriment des peuplades indiennes. Un des éléments clefs
de la politique extérieure des États-Unis fut la doctrine Monroe, formulée
par le président du même nom. Il s’agissait d’une réponse à la
Sainte-Alliance, constituée en Europe après le congrès de Vienne, qui
aurait pu servir à combattre l’émancipation de l’Amérique
espagnole. La devise “ l’Amérique aux Américains ”,
cautionnée par la puissance croissante des États-Unis, dissuada les
puissances européennes de se lancer dans de nombreuses aventures néo-coloniales,
mais elle servit aussi à justifier l’impérialisme des États-Unis au
sud du Rio Grande. La
forme particulière de l’agriculture de plantation,
développée dans la partie méridionale du pays, alimentait le système
esclavagiste. À mesure que de nouveaux États se trouvaient incorporés
à l’Union, il était établi s’ils pouvaient ou non permettre
l’esclavage. Une limite fut tracée (compromis du Missouri, 1820) au
nord de laquelle il ne pouvait y avoir d’esclavagisme. Par ailleurs, les
contrastes entre le Nord et le Sud étaient importants. Outre la
divergence sur l’esclavage, le Nord était plus industrialisé, plus
peuplé, recevait des immigrants européens, et possédait une agriculture
diversifiée alors que le Sud était démographiquement faible, son économie
fondée principalement sur les plantations et l’exportation du coton.
Enfin, la puissante économie du Nord était attirée par le potentiel
d’un nouveau marché au Sud. Les désaccords aboutirent à la
constitution d’une Confédération par les seuls États sudistes, selon
une option qu’envisageait la Constitution. L’élection d’un président
de l’Union, Lincoln (1809-1865), clairement opposé à ces intérêts
fut la réponse à cette décision. Les confédérés élurent leur propre
président, Jefferson Davis (1808-1889), et ce que l’on a appelé la guerre
de Sécession (1861-1865) éclata. Ce fut la première guerre
contemporaine. Elle préluda à la guerre de 1914-1918 car l’ensemble de
la société, l’économie, la propagande, furent utilisés en vue de la
victoire. La victoire du Nord après cinq années de conflit se solda par
le triomphe de l’industrie sur un ancien régime économique, dépassé
par la vitalité du capitalisme. Cette guerre eut pour conséquence la
domination économique et politique du Nord des États-Unis jusqu’à nos
jours. Après cet affrontement, le pays connut un développement économique
et industriel qui, en peu de temps, lui permit de dépasser les principaux
pays européens. Si Londres conserva sa domination financière jusqu’en
1914, elle se vit supplantée dès la fin du siècle dans le domaine industriel par son ancienne
colonie. Les premiers gratte-ciel furent les symboles de cette réussite
économique américaine. |
LIENS
| |||||
|