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CHARLEMAGNE (768-814)
En voilà un grand roi, enfin ! Et d'abord par la taille. Fils aîné de Pépin-le-pas-si-bref-que-cela et de sa concubine Berthe, dite Berthe-au-grand-pied, c'est un véritable géant de plus d'un mètre quatre-vingt-dix, taille incroyable pour l'époque. D'où son nom de "le magne", du latin magnus=grand. Il s'appelle en effet Carolus Magnus. Il est grand et costaud, porte les cheveux longs et une grande barbe, il a une santé de fer et vivra jusqu'à l'âge de 72 ans, ce qui est très vieux en ce temps-là. Voici comment le décrit Eginhard, qui a écrit le récit de sa vie :
" Il avait le sommet de la tête arrondi, de grands yeux vifs, le nez un peu plus long que la moyenne, de beaux cheveux qui blanchirent tôt, la physionomie gaie et ouverte. Aussi donnait-il, extérieurement, assis comme debout, une forte impression d'autorité et de dignité. On ne remarquait même pas que son cou était gras et trop court et son ventre trop saillant, tant étaient harmonieuses les proportions de son corps. Il avait la démarche assurée, une allure virile. La voix était claire, sans convenir cependant tout à fait à son physique. Doté d'une belle santé, il ne fut malade que dans les quatre dernières années de sa vie, où il fut pris de fréquents accès de fièvre et se mit même à boiter. Mais il n'en faisait guère qu'à sa tête, au lieu d'écouter l'avis de ses médecins, qu'il avait pris en aversion parce qu'ils lui conseillaient de renoncer aux mets rôtis auxquels il était habitué et d'y substituer des mets bouillis. Il s'adonnait assidûment àl 'équitation et à la chasse. Il aimait aussi les eaux thermales, ce qui l'amena à bâtir son palais à Aix (toutes les villes qui s'appellent Aix ont des sources chaudes), et il arrivait qu'il y eut dans l'eau avec lui jusqu'à cent personnes ou même davantage, car il aimait la compagnie." 
Comment s'habillait-il ? Costar-cravate ? Bermuda-teeshirt ? Peau de bête et manteau de vison ? D'ailleurs, comment s'habillaient-ils, ces fameux Francs ? Bonne question, preuve d'une louable curiosité que ce cher Eginhard va satisfaire derechef : "Il portait le costume des Francs, sur le corps une chemise et un caleçon en toile de lin; par dessus, une tunique bordée de soie et une culotte (sorte de bermuda très large); des bandelettes autour des jambes et des pieds (pour le pantalon, il va falloir attendre la Révolution et ses célèbres "sans-culottes"); un gilet en peau de loutre ou de rat lui protégeait en hiver les épaules et la poitrine; il s'enveloppait d'une saie (à mi-chemin entre la cape et le manteau) bleue et avait toujours suspendu au côté un glaive dont la poignée et le baudrier étaient d'or ou d'argent. Les jours de fête, il portait un vêtement tissé d'or, des chaussures décorées de pierreries, une fibule (sorte d'agrafe) d'or pour attacher la saie, un diadème du même métal orné de pierreries; mais les autres jours, son costume différait peu de celui des hommes du peuple ou du commun."
D'ailleurs c'est un homme simple. Il boit surtout de l'eau et oblige ses proches à en faire autant. Passionné de justice, il interdit aux évêques et aux comtes de boire ou de manger avant d'entendre les plaintes et de rendre les jugements. Il aime sa famille. Il aura cinq épouses, plus on ne sait combien de concubines. Il a donc beaucoup d'enfants, qu'il aime avoir auprès de lui sauf lorsqu'il part en guerre. Il refusera de marier ses filles pour pouvoir les garder avec lui. Il vit donc entouré de sa famille, de ses conseillers et des grands du royaume (la Cour).
Il a hérité d'un territoire pas facile à gouverner, parce qu'étiré comme une demi-lune autour du royaume de son frère Carloman qui lui (le royaume, pas Carloman), forme un bloc compact. Tout ceci aurait pu très mal tourner, car les deux frères ne s'entendent pas très bien. Lorsque, un an après la mort de Pépin, une révolte éclate en Aquitaine (le sud-est de la France), Carloman refuse son aide en disant que cela ne le regarde pas puisqu'il s'agit de territoires appartenant à Charles. Heureusement, Charles est un grand guerrier et il mate la révolte sans problème.
Pendant presque tout son règne, Charlemagne va faire la guerre, sur tous les fronts: au sud, au sud-est, à l'est, à l'ouest et aussi de temps en temps à l'intérieur.
- Au sud-est, c'est l'Italie, et ces Lombards décidément bien agités qui veulent la peau du pape. Au début de son règne, Berthe aux grands pieds conseille à Charles de faire la paix avec eux, et il accepte car il ne se sent pas trop sûr de son pouvoir. Il se dit que s'il part faire la guerre en Italie, son cher frérot Carloman pourrait bien en profiter pour l'attaquer par derrière ! Pour faire la paix avec les Lombards, Berthe va appliquer une méthode qui sera utilisée par les rois de toute l'Europe des dizaines de fois: on organise un mariage. Le jour de Noël 77O, acclamé par le peuple qui espère une paix longue et solide, Charles épouse donc dans la cathédrale de Mayence la fille du roi des Lombards, Désirée, qu'il n'aime pas du tout. Lui, il aime Himiltrude, avec qui il s'était d'ailleurs marié plusieurs années auparavant. Mais Pépin le Bref les avait forcés à divorcer parce qu'il n'aimait pas Himiltrude, ni surtout leur enfant. En effet, ils avaient eu un fils, Pépin le Bossu, mais à cause de cette infirmité considérée comme diabolique celui-ci ne pourra jamais hériter du royaume. Cependant Charles garda Himiltrude auprès de lui comme concubine et fit de son fils un prince. Le 4 décembre 771, Carloman meurt. Quelques jours plus tard, Charlemagne expédie la veuve et les enfants de son frère dans un monastère, se proclame roi de tout le royaume, répudie sa femme Désirée et la renvoie chez son père, Didier, roi des Lombards. Pauvre Désirée, avec un nom pareil, se faire dire qu'on ne l'est plus ! Le papa, naturellement, se met en colère. Il envahit les uns après les autres tous les territoires que Pépin avait donnés au pape, et le pape envoie un ambassadeur à Charlemagne pour lui demander l'aide des Francs. L'ambassadeur part par la mer, fait naufrage, est fait prisonnier par des pirates arabes, s'évade, repart, et met finalement plus d'un an pour arriver jusqu'à la cour de Charles à Thionville (nord-est de la France). En 774, l'armée franque franchit les Alpes et assiège Didier à Pavie pendant 6 mois. Voici comment un moine inconnu de l'abbaye de Saint Gall raconte l'arrivée des Francs devant Pavie :
"Quelques années auparavant, un des grands de la cour de Charlemagne, Oger, avait encouru la colère de ce prince redoutable et s'était réfugié auprès de Didier. Lorsqu'on leur annonça l'approche de Charles, ils montèrent tous les deux sur une tour très élevée, d'où l'on pouvait voir venir de loin. D'abord apparurent les chariots et les bagages.
" - Charles est-il dans cette grande armée ? demanda le roi des Lombards.
" - Non, répondit Oger, pas encore.
" A la vue de la foule armée des gens du peuple rassemblés de tous les points de l'Empire, Didier s'écria:
" - Certainement; l'orgueilleux Charles est au milieu de ces troupes.
" - Pas encore, il n'est pas près de paraître.
" Alors le roi fut pris d'une sueur froide et dit:
" - Que ferons-nous, si d'autres viennent encore avec lui ?
" Oger lui répondit:
" - Tu verras comment il s'avance. Mais, de nous, je ne sais ce qu'il adviendra.
" Pendant qu'il parlait ainsi, ils aperçurent la garde du roi qui n'a jamais connu le repos:
" - Voilà Charles, s'écria Didier frappé de stupeur.
" - Pas encore.
" Ensuite apparurent les évêques, les abbés, les clercs de la chapelle avec leurs suivants. A cette vue, Didier, également effrayé de vivre ou de mourir, éclate en gémissements et en sanglots :
" - Descendons, cachons-nous dans les profondeurs de la terre, loin du regard furieux d'un si terrible adversaire !
" Oger, qui avait connu dans un temps meilleur la puissance et l'éclat de l'incomparable Charles, lui dit alors en tremblant :
" - Quand tu verras une moisson de fer se dresser dans les champs, quand les flots du Tessin et du Pô (rivières du nord de l'Italie), pareils à ceux de la mer, s'élèveront tout noirs de fers au dessus des cités, alors il faudra s'attendre à voir paraître Charles.
" Il n'avait pas achevé, qu'on aperçut du côté de l'Occident une nuée ténébreuse qui changea le jour le plus brillant en une nuit effrayante. Mais, à mesure que le prince s'approchait, l'éclat des armes faisait luire aux yeux des assiégés un jour plus noir que la nuit la plus sombre.
" Alors ils virent Charles qui semblait un homme de fer: un casque de fer couvrait sa tête; des manches de fer couvraient ses bras; une cuirasse de fer protégeait sa poitrine de fer et ses larges épaules; une lance de fer était dans sa main gauche, car sa main droite ne quittait pas son invincible épée. Il avait des cuissards et des jambières de fer. Le fer seul paraissait sur son bouclier. Devant lui, autour de lui, derrière lui, tous avaient le même aspect et portaient si possible la même armure; les rayons du soleil étaient reflétés par le fer. " On entendit une clameur confuse dans la ville :
" - Oh ! que de fer ! Hélas ! que de fer !"
" Oger embrassa ce spectacle d'un coup d'oeil rapide.
" - Voilà, dit-il au roi Didier, voilà celui que tu as tant cherché.
" Et il tomba, privé de sentiment."
Remarquons deux petite choses dans ce texte: la première, c'est comment ce brave moine nous raconte l'histoire comme si c'était déjà une légende. La deuxième, qui explique une bonne partie du succès de Charlemagne, c'est l'importance qu'il donne au fer: le métal est en effet encore assez rare à l'époque, et les armées franques sont incroyablement mieux équipées que leurs adversaires qui n'ont souvent que des cuirasses et des boucliers en cuir, des lances en bois à opposer aux coups des Francs protégés par leurs armures et armés de glaives effilés.
- Au sud il y a l'Espagne, occupée par les Arabes. En 777, le Wali (gouverneur) de Gérone et Barcelone, Soliman Ben Arabi, décide de se révolter contre son roi, l'émir de Cordoue Abd Al Raman. Il envoie à Charlemagne un message lui demandant son aide, en échange de laquelle il lui promet plusieurs villes, dont la place forte de Saragosse. En Avril Charlemagne passe les Pyrénées avec une immense armée, prend Pampelune et Gérone, pendant que Soliman prend Saragosse. Charlemagne marche sur Saragosse pour se faire donner comme convenu la ville par Soliman. Hélas, Soliman a été trahi et renversé, et lorsque l'armée franque arrive devant la ville, elle doit l'assiéger. Au même moment la nouvelle d'un soulèvement des Saxons, à l'autre bout de son royaume, parvient à Charlemagne: les Saxons se sont révoltés, pillent les villes et détruisent les églises, et ils sont déjà arrivés au Rhin. N'oublie pas que le royaume franc s'étend loin à l'intérieur de l'Allemagne actuelle, puisqu'il va grosso modo de la Hollande à l'Autriche. Aussitôt, Charlemagne donne l'ordre à son armée de se replier. Ce n'est donc pas une fuite devant l'ennemi, mais une course pour en rejoindre un autre avant qu'il ne fasse trop de dégâts. L'arrière garde est commandée par le duc Roland, ami et fidèle compagnon du roi, marquis de Bretagne. Alors là, puisqu'on commence à voir apparaître des titres de noblesse qui existent encore aujourd'hui, il faudrait bien sûr en expliquer l'origine. Finissons d'abord avec les aventures de Charlemagne en Espagne. L'armée franque, donc, se retire. Pour franchir les gorges étroites qui montent vers les cols pyrénéens en traversant le pays basque, elle est obligée de s'étirer sur des lieues et des lieues (le kilomètre n'existera pas avant longtemps, on mesure la distance en lieue, une lieue = environ 4 kilomètres. Il ne faut pas confondre une lieue (féminin) avec un lieu qui est soit un endroit, soit un poisson). Les Basques, cachés dans les bois épais qui couvrent cette région, tendent une embuscade et, dévalant du haut des montagnes, précipitent dans les ravins toute l'arrière-garde de l'armée franque. Roland regroupe autour de lui quelques amis fidèles et tente de bloquer les Basques beaucoup plus nombreux et surtout moins encombrés que les Francs, dont les lourdes armures gênent sacrément les mouvements dans un combat en montagne. L'un après l'autre, ses compagnons sont décimés. Roland se bat comme un lion avec son épée Durandal au fer si solide qu'elle tranche même le roc. Voyant que tout est perdu et qu'il va périr, victime de ces petits Basques agiles et acharnés qui le harcèlent comme des moustiques, Roland souffle dans son cor (trompette en corne). Une sonnerie retentissante résonne dans la montagne. Roland s'écroule dans le tonnerre fracassant de Durandal et de son armure frappant les roches du défilé. A-t-il sonné un appel à l'aide, ou est-ce le signal convenu disant que tout va bien ? Essaie-t-il d'appeler son ami, son roi Charles à son secours ? Sans doute plutôt veut-il lui éviter de revenir en arrière et de précipiter le reste de l'armée ventre à terre dans ce funeste guet-apens. La mort héroïque de Roland, qui n'est au fond qu'une petite histoire pas très importante, sera racontée de château en château pendant des années, et deviendra ce qu'on appelle une "chanson de geste" (légende, histoire de France, et pièce de théâtre à la fois). Vers l'an 11OO, elle sera même écrite, en changeant les brigands basques en "invincible armée des Sarrasins" parce que ça fait mieux que de vulgaires bandits, et surtout parce qu'à ce moment-là c'est meilleur pour la propagande, car on est en guerre contre les Arabes. La "Chanson de Roland", écrite en vieux français, est considérée comme la première oeuvre littéraire française. En attendant, grâce au sacrifice de son ami Roland, Charlemagne peut échapper aux Basques et rejoindre la frontière à l'est du royaume, et ces satanés Saxons dont il va faire un massacre. 
Mais d'abord puisqu'on assiste à la naissance de la fameuse noblesse qui dirigera l'Europe pendant des siècles, nous allons maintenant en raconter l'origine. 
Au départ, toute la noblesse est "d'épée", c'est à dire que ses titres sont acquis à la guerre. Plus tard on verra apparaître la noblesse dite "de robe", acquise soit en servant le roi comme conseiller ou comme gouverneur d'une province, soit en assumant de hautes charges dans Église 
Au départ aussi les titres ne sont pas héréditaires, c'est à dire pas automatiquement transmis de père en fils. Parfois ils le sont, parfois non. Cela dépend du bon vouloir de celui qui les accorde, c'est-à-dire du roi qui est le chef de toute sa noblesse. En tout cas, en Europe un titre héréditaire passe du père au fils, pas à la fille.
Tout en bas de l'échelle noble il y a l'écuyer, qui est généralement un jeune homme valeureux mais pauvre, et qui se met au service d'un autre guerrier noble. Ce n'est pas vraiment un titre de noblesse, mais c'est la première marche. Il porte le bouclier de son maître sur lequel est dessiné "l'écu", l'insigne de son maître avec sa devise, qu'on appelle les "armes". A l'époque de Charlemagne, d'ailleurs, les "armes" n'existent pas encore. L'écuyer s'occupe du cheval de son maître, de son équipement, il lui sert un peu d'homme à tout faire.
Ensuite, premier vrai titre de noblesse, vient le Chevalier. Comme son nom l'indique, il a le privilège de servir et de combattre à cheval. Les soldats pour la plupart vont à pied. Voici ce qu'en dit l'Encyclopédie Larousse: "Les guerriers armés chevaliers au cours de la cérémonie de l'adoubement mettaient leur épée et leur force au service du droit et de la défense des faibles et de Église Le chevalier devait respecter un idéal de loyauté, de vaillance et de fidélité. Mais seule une minorité assez riche pour se consacrer entièrement aux maniements des armes et posséder un équipement coûteux pouvait accéder à la chevalerie. La terre étant l'unique source de richesse, aristocratie guerrière (du grec aristos, excellent, et kratos, pouvoir, littéralement: le pouvoir des meilleurs) et aristocratie foncière (qui vient de la terre) se confondirent bientôt en une seule classe, qui tendit à se fermer sur elle-même." Certes tout ceci n'est pas faux, mais court-circuite un peu les choses. En fait, surtout au début, un soldat courageux mais pauvre pouvait très bien être fait chevalier, alors qu'à la fin, certains riches qui n'avaient jamais touché une épée achetèrent leur titre pour avoir l'air de vrais nobles. Il advint aussi souvent qu'en même temps que le titre, soient données des terres permettant de "tenir son rang".

Au dessus du Chevalier vient le Baron, qui est un titre qui ne sera créé que plus tard, lorsque qu'il faudra mettre un peu d'ordre dans une noblesse devenue trop nombreuse. Le mot vient du francique (la langue des Francs) baro qui veut dire homme libre.
Puis le Vicomte et le Comte. Du latin comes, compagnon. Ce sont des titres surtout accordés à des hommes chargés par le roi de s'occuper de l'administration d'un territoire (le vicomté, le comté) et d'en être les gouverneurs militaires.

Plus haut encore vient le Marquis. A l'origine, cela vient de "marches", mot qui désigne les territoires situés à la frontière du royaume et dont on n'est pas trop sûr. Le marquis était l'homme désigné pour s'en occuper et pour faire en sorte qu'ils ne se révoltent pas et ne deviennent pas non plus une partie du royaume voisin, les "marches" de l'un étant forcément... les "marches" de l'autre.

Enfin, tout en haut et juste au dessous du roi, le Duc, du latin dux, chef. C'est principalement et surtout au début, un grand chef militaire commandant une partie de l'armée, ou toute l'armée si le roi n'est pas là. 
Ainsi Roland est à la fois duc, c'est-à-dire chef d'une partie de l'armée, et marquis de Bretagne, c'est-à-dire chargé de faire rentrer la Bretagne dans le royaume. Mission assez mal remplie, d'ailleurs, la Bretagne et ses Celtes têtus et mal christianisés, conduits par leurs druides moitié prêtres-moitié sorciers, ne seront jamais battus par les rois carolingiens et ne se soumettront vraiment au roi de France que beaucoup plus tard, lorsque celui-ci épousera leur reine. 
Voilà donc pour la noblesse, sur laquelle tous les rois de France vont s'appuyer pour gouverner le royaume et se battre contre leurs ennemis pendant une dizaine de siècles. On imagine sans peine qu'en une aussi longue période il y aura beaucoup de changements, mais grosso-modo le schéma restera à peu près le même. Avec le temps, l'hérédité des titres provoque inévitablement que le "pouvoir des meilleurs" devient le pouvoir des "bien-nés".
Revenons en 778 et à Charlemagne, aux prises avec ces Saxons irréductibles. La guerre va durer longtemps, et sera incroyablement féroce. Charlemagne, dont l'histoire nous a laissé l'image d'un homme fort, juste et bon, va se conduire contre les Saxons comme le pire des barbares, sans que l'on sache vraiment pourquoi. Peut-être est ce parce qu'à l'époque il est marié avec sa quatrième épouse, Fastrade, une femme cruelle et brutale qui sera très impopulaire et mourra, sans doute empoisonnée, en 794. En tout cas, peut-être pour décharger la mémoire du grand empereur, c'est elle que les chroniqueurs rendront responsable des massacres de Saxons et du génocide des Avars dont nous parlerons plus loin. La Saxe, c'est en gros le nord et l'est de l'Allemagne Fédérale actuelle, dont les Francs possèdent déjà la Bavière et la région du Rhin (la rivière qui fait aujourd'hui la frontière entre France et Allemagne Fédérale). Les Saxons se sont regroupés sous la conduite d'un chef puissant et sauvage, Widukind, qui refuse le christianisme et veut chasser les Francs de son pays. Dans le passé les Saxons se sont déjà révoltés, mais cette fois ils ont marché vers l'ouest et Charles décide d'en finir une bonne fois pour toutes. En 779 il envahit, pille et brûle la Westphalie, en 78O il avance vers l'est, s'arrête en 782 sur les bords de la Lippe (centre de l'Allemagne), rivière dans laquelle il fait baptiser de force des milliers de Saxons. Les Francs se croient victorieux: ils s'enfoncent plus loin vers l'est pour attaquer les Sorabes (à l'est de l'Allemagne). Grave erreur: aussitôt, Widukind et ses Saxons les attaquent par derrière. C'est la panique dans l'armée franque, qui se regroupe tant bien que mal, revient en arrière et se fait entièrement décimée par Widukind dans la grande bataille du mont Sünthal, qui reste un jour de gloire dans l'histoire allemande. C'est de loin la pire défaite de tout le règne de Charlemagne. Roncevaux, où est mort Roland, est un petit accrochage à côté de la pilée monumentale que les Francs ont reçu à Sünthal. Charlemagne devient fou furieux. Il se remet lui-même à la tête de sa nouvelle armée. Quelques mois plus tard il prend en otage la ville de Werden (vers Brème) et comme les Saxons refusent toujours de se soumettre à sa loi, il massacre tous les habitants de la ville, fait prisonniers les paysans de la région, les déporte à plus de 1OO lieues de là, et brûle toute la région vidée de ses habitants. Pendant 3 ans il ne quitte plus la Saxe. Il y reste même tout un hiver alors que d'habitude en hiver chacun rentre chez soi, les armées sont dissoutes. Finalement au début de 785, Widukind se soumet et demande le baptême. Charlemagne accepte de faire la paix et devient même son parrain. Il a gagné, il est presque le maître de l'Europe. Il ne lui reste plus que quelques petits problèmes à l'intérieur et, loin à l'est la présence des Avars, un peuple barbare et sauvage dont il craint la menace.

A l'intérieur le problème c'est que pendant qu'il fait le guerre, bien évidement il ne peut pas gouverner tout seul cet immense royaume. Il est obligé de s'appuyer sur des princes locaux qu'il charge de gouverner à sa place, de faire rentrer les impôts et de lui procurer hommes et argent dont il a besoin pour son armée. Ces chefs ont parfois tendance à oublier qu'ils ne sont pas les rois de royaumes indépendants et qu'ils lui doivent fidélité et obéissance. Il décide de faire un exemple et choisit son cousin Tassilon, duc de Bavière. En vérité, Tassilon est, comme son peuple, un bonhomme pacifique et loyal, qui cède à toutes les demandes de Charles, même lorsque celui-ci lui ordonne de lui livrer son fils en otage pour prouver sa fidélité. Finalement, au cours d'un procès monté de toute pièce, Charlemagne accuse en vrac Tassilon de s'être lié avec les Grecs de Constantinople, avec Didier et ses Lombards, avec les Avars même, pour lui prendre son trône et détruire le royaume franc. Tassilon est condamné à quitter son trône et à entrer au monastère. On ne sait pas vraiment pourquoi Charles a choisi son cousin. Peut-être parce que pendant la guerre de Saxe, celui-ci a cru bon de l'aider en attaquant les tribus du sud-est de la Saxe, et que Charles est jaloux des victoire rapides des Bavarois alors que lui-même patinait depuis 4 ans contre ces Saxons infernaux. En tout cas le message est bien reçu par les autres ducs qui désormais se tiennent à carreau et multiplient les signes de fidélité au grand roi.

Avec les Avars, c'est un autre problème. C'est un peuple complètement différent, non pas germanique comme les Francs, les Lombards ou les Saxons, ni bien sûr latin ou celte comme ce qui reste des Romains et des Gaulois, à ce moment-là complètement intégrés dans les populations germaniques qui les ont envahis il y a si longtemps. Les Avars sont des Mongols, des Asiatiques, petits, aux yeux bridés, vêtus de peaux de bêtes inconnues, parlant une langue étrange que personne ne reconnaît. Ils ont des coutumes bizarres, ne construisent pas de ville mais vivent dans un grand camp mobile, le "Ring", où leurs tentes de peaux encerclent la grande tente de leur chef, le Khan, dans laquelle est entassé un immense trésor, fruit de leurs conquêtes. Pour les Francs, ces hommes sont trop mystérieux : ils sont donc une menace. Comme lui a appris son père, comme il l'a fait avec Didier et Tassilon, Charlemagne commence par faire la paix avant d'attaquer. Il invite des ambassadeurs du Khan à une grande réunion des chefs francs en 79O et leur propose le Danube comme frontière entre les deux royaumes. Malgré la différence de langues, on arrive à se comprendre et les Avars acceptent. 
Toute l'année, les Francs préparent leur armée, qu'ils divisent en deux. En août le fils de Charlemagne, Pépin le Bossu, qu'il a nommé roi d'Italie, attaque et met les Avars en déroute. Charles achève le travail en septembre, massacrant tout sur son passage. C'est la panique chez les Avars, qui fuient vers l'est. Finalement pas si terribles, ces barbares-là. Charlemagne qui a compris que la menace n'était pas réelle, laisse tomber et rentre dans son royaume pour terminer d'écraser les Saxons qui se sont réveillés une fois de plus.
Cinq ans plus tard, il reçoit la visite d'un chef avar qui a décidé de trahir son khan, comme Soliman Ben Arabi avait trahi son émir quelques années plus tôt en Espagne. "Aidez-moi de vos troupes et le Khan, son trésor et ses terres seront à vous, disait le traître, et terminée la menace avare sur les bords du Danube !" Charlemagne se souvient-il à ce moment-là que l'affaire d'Espagne et le traître Soliman l'ont conduit au funeste défilé de Roncevaux et à la perte de son ami Roland ? Qu'à cela ne tienne : Roncevaux après tout n'est plus que le mauvais souvenir d'une petite défaite. Il accepte et envoie à la conquête du Ring un autre ami, Eric duc de Frioul. Celui-ci n'a aucun mal à écraser les Avars et s'empare d'un énorme butin. Eginhard, dans sa "Vie de Charlemagne" raconte:
" La noblesse des Huns Avars périt toute entière au cours de la lutte, toute leur gloire y sombra. Tout leur argent, leurs trésors, amassés au cours des âges, tombèrent aux mains des Francs; pas une guerre, de mémoire d'homme ne rapporta à ces derniers un pareil butin et un pareil accroissement de richesses: eux qui, jusque là, pouvaient presque passer pour pauvres, ils trouvèrent dans le palais du Khan tant d'or et tant d'argent, tant de dépouilles précieuses conquises par la force des armes, qu'on ne se tromperait guère en disant que ce fut une juste reprise (ben voyons!) de ce que les Huns avaient injustement enlevé aux autres peuples. Il fallut quinze énormes chars tirés chacun par quatre boeufs pour emporter les richesses ainsi conquises." Seule ombre au tableau, et curieux hasard de l'Histoire: comme Roland, Eric de Frioul meurt dans une embuscade au retour.

Les douze dernières années de son règne, Charlemagne va les passer à consolider son pouvoir, et va pouvoir se consacrer entièrement à gérer son royaume. 
En 8OO, il va à Rome mettre de l'ordre dans des bagarres entre les grands chefs de Église (les cardinaux) et en profite pour se faire couronner Empereur par le pape. 
Son empire s'étend maintenant de l'Ebre en Espagne à la Hollande, de l'Atlantique à la Pologne, de l'Italie au Danemark. 
Pendant son long règne, et surtout ces douze dernières années de paix, Charlemagne s'efforce d'unifier son empire et déclenche une véritable renaissance : 
Pour faciliter le commerce et la circulation de ses messagers, il établit de nouvelles routes à travers tout l'empire, faisant reconstruire les anciennes voies romaines là où il en reste quelques traces et taillant dans la forêt là où il n'y a plus rien. Grâce à ces routes, le commerce refleurit. C'est d'abord celui des produits agricoles (la nourriture mais aussi les peaux, la laine et le lin dont on fait les tissus). Ensuite les produits étrangers, comme les peaux venues du nord, les épices, la soie, les remèdes qui arrivent d'Orient, et que les marchands ont échangé là-bas contre des esclaves, un commerce qui rapporte gros. En plus des routes il crée de grands marchés, ouvre des ateliers pour la fabrication d'armes et d'outils en fer. Les Arabes tiennent la Méditerranée, on ne trouve plus de papyrus sur lequel écrire: il lance l'industrie du parchemin, peau d'animal spécialement préparée pour servir de "papier" (le vrai papier, fabriqué à partir de pulpe de bois ou de tissus, apparaîtra beaucoup plus tard). Il favorise les artistes, organisant entre eux des concours et leur passant des commandes. Pour les besoins du commerce il a créé une monnaie commune à tout l'empire, et la gravure des pièces devient une des plus grandes réussites de l'art carolingien, avec l'enluminure des textes (sorte de petits dessins qu'on rajoutait dans la marge). J'ai parlé du parchemin: en plus de rendre plus facile l'enluminure des textes, cela permet aussi l'invention du livre. Les textes écrits sur papyrus, matériau fragile, étaient regroupés en rouleaux, qu'il fallait traiter avec beaucoup de précautions pour ne pas les plier, les froisser ou les écraser. Les Romains, eux, utilisaient beaucoup les tablettes, plaques de bois couvertes de cire sur lesquelles on écrivait avec un stylet, petit bâton en bois ou en os avec un bout pointu pour écrire et l'autre plat pour effacer. C'est costaud mais lourd, et surtout facile à falsifier: il suffit d'effacer et d'écrire par dessus. Avec le parchemin, voici qu'apparaît le livre: le parchemin est solide, donc on peut coudre les pages ensemble sur un bord, mettre une couverture en peau plus dure, et on a un joli bouquin, qui peut être lu et relu, et surtout transporté, sans risquer d'être détruit.
Charlemagne installe des évêques dans toutes les grandes villes, des gouverneurs (les comtes) dans toutes les provinces, qu'il charge de rendre la justice en son nom. Chaque année, il leur envoie deux "missi dominici" ("envoyés du maître"), un laïc et un clerc (un civil et un prêtre), qui règlent les conflits, contrôlent leur travail et lui font au retour un rapport sur leur gestion.
Pour Charlemagne, rendre la justice est une part très importante de l'administration, et il met beaucoup de soin à nommer ces comtes, évêques et juges qu'il envoie un peu partout, sachant qu'une justice équitable et respectée est indispensable s'il veut maintenir l'unité de son immense empire fait de peuples différents et souvent ennemis. N'oublions pas que personne ou presque ne sait lire, il n'y a ni journaux, ni radio, ni télé. Pour que la paix règne, il faut que le peuple ait confiance dans ceux qui les dirigent et font marcher la justice. On juge encore les conflits, comme sous les Mérovingiens, selon la vieille tradition germanique. Cela rend la tâche des juges très compliquée. La coutume qui régit la justice montre bien la grande différence entre les Romains (et donc nous, car c'est au droit romain que nous reviendrons vers la fin du Moyen-Age, pour ne plus le quitter), et les Francs, Saxons, Goths et autres peuples germaniques dont nous descendons pour une part. En droit romain, il y a une loi, valable pour tous, que tous les habitants de l'empire doivent respecter, et selon laquelle ils seront jugés s'ils font des bêtises ou s'ils se disputent avec leur voisin. Dans la tradition germanique, on applique à chacun le droit de sa propre tribu. Imagine le travail ! D'abord il faut connaître les lois de chaque peuple, et ensuite il faut être capable de rendre un jugement équitable alors que parfois les deux adversaires ne sont pas jugés selon la même loi ! Charlemagne ne peut pas instituer un droit unique: ce serait aller contre les traditions germaniques, et lui-même est un Franc et n'en aurait pas l'idée. Par contre il s'efforce de nommer des juges cultivés et honnêtes, n'hésitant pas à chasser de leurs postes les nobles paresseux ou incapables.
Il met aussi de l'ordre dans les affaires de Église Il va à Rome pour arrêter une dispute entre les cardinaux (et se faire sacrer empereur au passage). Il a aussi obtenu le droit de nommer les évêques Mais un peu partout il constate de sérieux abus, dans ces fameuses abbayes qui couvrent le royaume. Il y a de multiples raisons à ces abus, et il oblige toutes les abbayes à se donner et à respecter des règles, inspirées des règles de Saint Benoit (voir plus haut).
Il donne à Église la tâche d'ouvrir des écoles. Ah, les voilà ces fameuses écoles, qui font que tous les petits enfants de France et de Navarre connaissent le grand roi Charlemagne et le maudissent en cachette, les soirs de devoirs ennuyeux ! C'est qu'en plus il organise cela bien, le bougre. Il fait établir un programme et un langage uniques (une sorte de latin abâtardi, qu'on appellera par la suite "latin de cuisine"), et des examens qu'il faut avoir réussis pour obtenir une place dans l'administration. Lui-même ne sait ni lire ni écrire, et il a compris que la direction des affaires du royaume a besoin de gens cultivés. Il s'entoure d'ailleurs de savants, souvent étrangers ou juifs, qui l'instruisent, le conseillent, et qu'il paye pour étudier. Certes, l'école est réservé aux fils de nobles, aux clercs et aux riches. Mais Charlemagne privilégie les jeunes de talent, même s'ils sont pauvres. A noter aussi que l'époque est très tolérante envers les juifs, un fait rare pour ce peuple souvent persécuté. 
Charlemagne envoie des ambassadeurs chez les Arabes, devient l'ami et l'allié du Calife de Bagdad, Haroun al Rachid, le fameux calife des "contes des mille et une nuits", qui le proclame "protecteur des lieux saints" de Jérusalem, un fait important pour l'avenir. En signe d'amitié, Haroun lui envoie un éléphant blanc, qui traverse l'Europe sous les yeux ahuris de la foule.
Charlemagne installe sa capitale à Aix la Chapelle (aujourd'hui en Allemagne), où il fait construire un immense palais dans lequel il établit sa Cour. Comme la plupart des constructions de l'époque, le palais est en bois et il n'en reste rien aujourd'hui, sinon les plans qui ont été conservés. Avec l'installation à Aix, l'empire a un centre, à partir duquel l'administration s'organise. C'est un changement important : jusque là, comme les Mérovingiens, le roi et sa cour voyageaient de château en château, vivant sur le pays et les paysans, et changeant de résidence lorsqu'ils en avaient épuisé les vivres et les ressources. Voici d'ailleurs ce qu'écrit à un noble de l'époque l'évêque d'Orléans Théodulf:
" C'est leur sueur et leur travail qui t'enrichissent. Le riche devient riche grâce au pauvre. La nature vous a soumis à la même loi. Vous êtes semblables par la naissance et par la mort, la même eau sacrée vous a bénis, vous avez tous deux besoin de vous nourrir l'âme autant que le corps."
La société est divisée en trois grands groupes: ceux qui dirigent et combattent, ceux qui prient, ceux qui travaillent.
Au moins 9O pour cent des gens sont paysans, ne l'oublions pas. On a vu que le collier d'attelage permet à ceux qui l'ont adopté de labourer plus vite, donc de cultiver plus de terre. Cependant on utilise surtout des boeufs, car le cheval sert avant tout à la guerre. Les paysans s'installent autour des grandes abbayes (il y en a des milliers en Europe) et défrichent l'immense forêt qui couvre la campagne. Les rendements sont faibles, il faut laisser la terre en jachère (ne pas cultiver) un an sur deux pour qu'elle se refasse. On n'a pas d'engrais, le fumier sert pour les jardins. Un dixième de la récolte va au seigneur ou à l'abbaye, en plus des impôts qu'il faut payer à l'empereur. Les outils sont en bois (le fer est rare et cher). Par exemple, à l'époque on ne ferre pas encore les animaux: on leur met au pied des sortes de semelles en paille tressée. On laboure avec un outil en bois, l'araire, qui ne retourne pas la terre: il faut en plus la retourner à la main avec une bêche tous les trois ou quatre ans. Peu à peu on commencera à se servir de la charrue à versoir, qui retourne la terre en sillons, ramenant à la surface une terre moins usée, et qui vient des grandes plaines du nord, à la terre trop lourde pour l'araire. Mais cette charrue doit être en fer et reste rarement utilisée. On se repose le dimanche, c'est un ordre de Charlemagne. L'activité principale, c'est d'abord l'élevage, et ensuite la culture des céréales (la pomme de terre n'existe pas), puis de la vigne (l'eau est souvent polluée et donne la dysenterie). La forêt sert pour la chasse, mais souvent les paysans n'ont pas le droit de chasser: ils pêchent et mangent surtout des haricots, de la bouillie et du pain. Une mauvaise récolte et c'est la famine.
Les villes sont petites, Paris a trois mille habitants, Aix la Chapelle cinq mille, Rome qui sous l'empire romain comptait plus d'un million d'habitants n'en a plus que dix mille. Les maisons sont groupées autour de leur cathédrale (ce n'est pas encore vraiment l'époque de la construction des grandes cathédrales que nous connaissons maintenant, mais ça vient), ou autour du château de leur seigneur. Les constructions sont en général en bois. En ville vivent les marchands, les évêques et les membres de l'administration. Chaque région doit payer des impôts, calculés en fonction du nombre d'habitants et de leur richesse, et fournir l'"Ost", c'est-à-dire des soldats pour l'armée du roi. Chaque homme doit en faire partie une fois au moins dans sa vie, à moins de payer 2O chevaux ou d'être moine. 
Bref, il semble bien qu'avec Charlemagne l'Europe soit définitivement sortie des temps barbares et entrée dans la deuxième partie de ce fameux Moyen Age qui n'est moyen que par ce nom, donné beaucoup plus tard. Charlemagne a créé un grand empire. Mais cet empire, comme tous les empires de conquête, a une grande faiblesse: il est basé sur la force plus que sur le droit, sur l'armée plus que sur l'administration. Les Romains eux-aussi étaient de grands conquérants, mais avant tout ils étaient de grands administrateurs, qui savaient s'appuyer sur les peuples conquis, les intégrer à l'empire et les encadrer par un système de lois rigide et compliqué. Comme Alexandre le Grand avant lui, et Napoléon ou Hitler beaucoup plus tard, Charlemagne a conquis un grand empire qui repose sur sa force de chef et la puissance de ses armées. Il faudrait maintenant des gens sages, unis et forts pour le diriger et pour achever de l'unifier vraiment. Hélas, hélas ! Les quatre dernières années du règne sont marquées par des malheurs de toute sorte. La peste éclate en 81O, ravageant l'Italie et l'Europe Centrale, une peste bizarre qui décime les hommes mais aussi les animaux. La fille préférée de Charles, Rotrude, meurt sous ses yeux impuissants, de même que son fils aîné Pépin. Les Vikings menacent les frontières du nord. L'empereur regroupe son armée à Werden, ville de sinistre mémoire dont il avait massacré les habitants lors de la révolte des Saxons. La guerre s'enlise, les Vikings n'attaquent pas vraiment car leur roi vient d'être assassiné par ses propres sujets. On attend tout un hiver à Werden, dans la boue. L'empereur prend froid et tombe malade. Puis il perd un autre fils, Charles. Il ne lui reste plus que Louis comme héritier, le plus faible, le moins apte, selon Charlemagne lui-même, à le remplacer. Il passe les deux dernières années de sa vie à lui enseigner "l'art de régner en maintenant l'ordre du royaume". Petite satisfaction: Byzance le reconnaît enfin empereur de l'Occident. Byzance, c'est Istanbul, ce qu'il reste en Orient de l'empire romain. En septembre 813, Charles le Grand, étincelant d'or -tel qu'on le retrouvera deux siècles plus tard en ouvrant sa tombe -couronne Louis empereur et l'associe au trône. Il est maintenant très malade: en plus de la goutte (la maladie des gens qui mangent trop de viande rôtie, dont vont pâtir de nombreux rois et grands du royaume), il souffre toujours de ce refroidissement attrapé à Werden, qui a tourné à la pleurésie. Le 28 janvier 814, il s'éteint dans son palais d'Aix.
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