En.marge                         Paul Diel (1893-1972)

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Comment se motive-t-on ? Qu'est-ce qui nous pousse à avancer ? Entre égoïsme cynique et altruisme sanctifié, Paul Diel avance d'autres réponses. Portrait et résumé de l'oeuvre d'un psychologue philosophe bien injustement méconnu, dressés par En.marge pour le Jeu du Tao.

Né à Vienne (Autriche) de père inconnu, tôt orphelin d'une mère institutrice, il sera longtemps vagabond, infirme, comédien ou agent d'assurance, mais aussi bachelier et intellectuel. Les difficultés d'une vie mal servie par le sort le placent devant la nécessité de maîtriser les excès de son imagination. Pour y parvenir, il lit les philosophes (Kant l'influencera particulièrement), il étudie la psychologie moderne (spécialement Freud, Adler et Jung). Ce travail de recherche le conduit à la rédaction d'un ambitieux ouvrage qui ne sera jamais publié mais servira de base à ses futurs écrits (et dont le manuscrit sera fortement apprécié par Einstein). Familier de la précarité, antinazi notoire, Diel se réfugie en France après l'Anschluss, et se retrouve incarcéré pendant toute la guerre en tant que ressortissant étranger. A la Libération, les recommandations d'Einstein et de Joliot Curie lui permettent d'entrer au CNRS, dans le laboratoire de psychobiologie de l'enfant, où il applique ses idées sur de jeunes prédélinquants, se montrant d'autant plus efficace qu'il a lui-même connu l'errance et compris ses ressorts. "Psychologie de la motivation", son œuvre maîtresse, paraît en 1948. Consacrée à une question - comment se motive-t-on ? - que les psychologues ont préféré laisser aux philosophes, elle rencontre le mépris des premier et le dédain des seconds. C'est que Paul Diel dérange, en renvoyant dos à dos idées spiritualistes et pensée matérialiste. Malgré l'appui d'intellectuels éminents, une chaire au Collège de France lui sera toujours refusée. Il connaît pourtant un relatif succès dans les milieux étudiants. Cela sera moins vrai en 1968, quand Diel peinera pour faire entendre que "le progrès ne vient pas de l'extérieur, par les idéologies, mais que seul l'esprit de l'homme peut faire évoluer la vie par la connaissance de plus en plus scientifique et consciente du monde intérieur". Dix ans après sa mort, la revue Psychologie lui rendra hommage, dans un article dont le titre résume son parcours et son œuvre : "Penser sa vie, vivre sa pensée". 

Connais-toi toi-même ou la délibération intime
Dans les années 30, les psychologues s'intéressaient surtout aux comportements et se méfiaient de l'auto-observation, jugée trop subjective. Les psychanalystes, quant à eux, se concentraient sur l'inconscient (associations libres et analyse des rêves). L'originalité de Paul Diel est d'avoir rétabli l'introspection comme un moyen fondamental pour accéder à la connaissance de soi. Il en fait même l'outil principal de sa thérapie. Car pour lui l'esprit, loin d'être insaisissable, peut s'étudier scientifiquement comme la matière, avec méthode et logique. C'est dans ce cadre de pensée qu'il conçoit l'introspection. Il explique son origine à partir de sa manifestation la plus primitive : la faculté que possèdent les êtres unicellulaires à réagir au milieu ambiant, par un réflexe d'excitabilité-réactivité qui a un sens : celui de la satisfaction. L'amibe absorbe un corps étranger s'il peut lui servir, et se ferme devant celui qui risque de lui nuire. Au fil de l'évolution, cet acte réflexe s'est ralenti, il y a eu un décalage temporel entre l'excitation et la réaction. L'information venue de l'extérieur s'est transformée en images mentales chargées d'émotion, grâce à l'aptitude croissante du vivant à retenir volontairement l'énergie produite par les excitations du monde extérieur. L'imagination est née, faculté de se représenter mentalement le monde extérieur et d'en jouer (le chat rêve qu'il chasse une souris). Ce jeu imaginatif est appelé par Diel la " délibération ". Il est permanent et semi-conscient, va et vient entre le monde réel et le monde imaginé. Pour que la délibération deviennent consciente, il faut calmer la folle du logis et adopter une attitude lucide et honnête. Mais il est nécessaire aussi de savoir ce que l'on cherche. Pour Diel, le connais-toi toi-même rime avec connais tes désirs, puisque l'homme est porté comme tout le vivant par un élan vital de satisfaction. Au stade humain, la pleine satisfaction passe par l'harmonisation de nos désirs matériels et spirituels et par leur réalisation concréte. Ces objectif sont atteints grâce à la délibération consciente, considérée par Diel comme un moyen d'adaptation supérieur qui permet à l'homme de s'éveiller à la conscience de son identité.

Les dangers de l'imagination
Serait-ce, provoquée par un retard grandissant entre besoin et satisfaction, l'émergence de l'imagination consciente qui a permis à l'humanité de l'emporter sur les autres espèces animales ? L'imagination, moteur de l'évolution, comme le défendent Nieztsche, Bergson ou Paul Diel ? La création d'images mentales permet à l'homme d'anticiper le futur en prenant ses désirs pour des réalités. Le petit jeu intérieur est agréable et permet de tester au moindre prix les perspectives de satisfaction. Un grand danger menace pourtant : livrée à elle-même, l'imagination se transforme facilement en folle du logis qui exalte les promesses imaginées et conduit à une fausse représentation du monde et de nos capacités.
Hélas, tôt ou tard cette exaltation imaginative finit par se confronter au réel et alors, bonjour les dégâts ! Pour éviter le piège, Paul Diel propose de placer l'imagination sous le contrôle de deux gardiens : l'esprit intuitif et l'intellect pratique. 
- L'esprit intuitif, produit de l'évolution de l'instinct animal, ressent comme un flair ce qui est propice ou néfaste à la satisfaction de notre désir. 
- L'intellect, lui, prend en compte la réalité. "Il sait, écrit Paul Diel, former des projets et se concentrer sur le travail de réalisation. Il sait éliminer les désirs irréalisables." Si l'esprit intuitif révèle le souhaitable, l'intellect pratique montre ce qui est possible. Bien imaginer revient donc à faire la part du possible et du souhaitable. 
Si tu considères ta quête comme légitime et dans l'ordre de tes possibilités, il ne te reste plus qu'à changer les conditions extérieures qui bloquent la réalisation de ton désir. S'il y a trop de décalage entre ce désir et la réalité de ta situation ou si le prix à payer pour changer le réel est trop fort, le désir doit être dissout par un travail intérieur d'acceptation. Ce n'est pas une résignation ! Diel assure qu'ensuite, l'énergie libérée fait rebondir la vie vers de nouveaux projets...

Le désir essentiel
Le Jeu du Tao doit beaucoup à la notion de désir essentiel. L'être humain est avant tout un être de désir. Pour le philosophe et psychologue Paul Diel, l'origine de ce désir se situe dans la faculté que possèdent nos lointains ancêtres, les premiers organismes vivants, à réagir au milieu en fonction de la satisfaction de leurs besoins. Le premier de ces besoins primitifs est de se conserver soi-même. Diel l'appelle la pulsion matérielle ou nutritive. Le second est celui de conserver l'espèce : c'est la pulsion sexuelle. Le troisième, nommé par Diel pulsion évolutive, conduit les espèces à se transformer sous la pression du milieu, pour donner naissance à de nouvelles formes d'organisation, aussi bien psychiques que physiques, mieux adaptées parce que plus satisfaisantes. 
Au fil de l'évolution, ces trois pulsions primitives s'élargissent. Chez l'homme, la pulsion matérielle devient sociale, la pulsion sexuelle se fait affective et la pulsion évolutive se transforme en pulsion spirituelle. Cette dernière devient même prédominante et prend la forme de ce que Diel appelle le désir essentiel, en opposition aux désirs multiples, plus matériels, dictés par les pulsions sociales et affectives.
La satisfaction du désir essentiel passe par la mise en application de valeurs morales telles que le Juste, le Bon, le Beau. Pour offrir des perspectives d'accomplissement, les désirs multiples doivent être harmonisés par le désir essentiel. Sinon, une part de toi-même ne sera jamais satisfaite : la réussite professionnelle est trop chèrement payée si l'on gâche sa vie affective à la gagner, les prouesses sexuelles finissent par générer le dégoût de soi, l'amour exclusif de l'esprit porte en lui le germe de l'échec. Moralité : l'accomplissement d'un désir repose sur l'équilibre de ce qu'il cherche à satisfaire.

L'égoïsme "conséquent"
Comme tous les êtres vivants, l'homme est naturellement porté vers la satisfaction de ses désirs. Il est donc par essence égoïste. C'est parce qu'il est égoïste qu'il a besoin des autres, qui représentent pour lui de nombreuses possibilités de satisfaction : la tendresse sans laquelle un enfant ne peut pas se développer, la sympathie, la capacité de se sentir en commun, le plaisir de faire plaisir, la richesse de l'échange. Diel propose donc de développer un "égoïsme conséquent", qui consiste d'abord à admettre l'importance de la relation avec les autres dans notre recherche de satisfaction. Il s'agit ensuite d'apprendre à cultiver cette recherche tout en respectant l'autonomie et le désir d'autrui. Cela paraît tout simple mais ce n'est pas si évident, car, en cas de conflit, il faut savoir trouver un nouveau désir satisfaisant pour tous... une vision partagée.
Cet égoïsme conséquent ne doit pas, en effet, être confondu avec l'altruisme, qui est le fait de croire que l'on peut faire plaisir aux autres en s'oubliant soi-même. Calcul vaniteux et illusoire, où l'on triche avec sa nature profonde. Dans la réalité, l'altruiste attendra souvent d'être loué et développera du ressentiment s'il ne l'est pas.
L'égoïsme conséquent ne ressemble pas non plus à l'égocentrisme, qui consiste à faire de soi le centre du monde. L'égocentrique, en ne pensant qu'à lui, développe une vision étroite de la vie. En oubliant les autres, il réduit ses possibilités de satisfaction et commet une erreur vitale : il oublie que la poussée évolutive le conduit à donner le meilleur de lui-même, et que cela passe par la mise en pratique de valeurs morales et affectives qui ne développent qu'au contact d'autrui.

Les faux désirs
Pour parvenir à une certaine plénitude, ou même pour arriver à te motiver vraiment, il faut tenter d'harmoniser des désirs multiples : matériels, affectifs et... spirituels. J'ose le mot en reprenant ici l'analyse de Paul Diel : l'évolution de l'être humain est portée par trois désirs dont l'origine remonte aux trois pulsions qui motivaient les premiers organismes vivants. La pulsion nutritive animale devient sociale chez l'homme : désirs matériels. La pulsion sexuelle s'élargit en désir affectif. La pulsion évolutive pousse la vie vers une adaptation satisfaisante au milieu et se transforme chez l'humain en pulsion spirituelle, le "désir essentiel", guidé par des valeurs telles que le bon, le juste ou le beau, porteuses de joie et de satisfaction supérieure (donc bonne pour s'adapter au milieu, la vie sociale). Mais faire la part entre vrais et faux désirs n'est pas si facile.
La première erreur consiste à croire que l'on peut se passer complètement des désirs matériels ou affectifs, et à ne s'intéresser qu'au désir spirituel. On veut devenir un saint, ou l'ami le plus dévoué, la femme parfaite, l'employé modèle. L'important est, finalement, de sortir de l'ordinaire. Mais l'exaltation du désir essentiel conduit à la nervosité. En provoquant une surtension nerveuse vers l'idéal, elle accentue le phénomène de culpabilité ou de vanité et déclenche des comportements inadaptés.
La seconde erreur est beaucoup plus commune dans nos civilisations, à tel point qu'elle est ressentie souvent comme quelque chose de normal : c'est le fait de croire que l'on peut se passer du désir essentiel et trouver son équilibre dans la satisfaction unique des désirs matériels ou sexuels. Diel appelle ce phénomène la "banalisation". Elle génère une vanité : l'arrivisme, et une culpabilité qui se manifeste par le cafard, l'ennui incurable ou l'insatisfaction chronique. La banalisation est une paresse de l'esprit dénoncée par tous les mythes comme responsable de la mort de l'âme. Nervosité et banalisation existent en tout être à des degrés divers. Pour y échapper, il ne sert à rien de chercher à remplacer un désir essentiel par un désir matériel, il faut trouver comment les harmoniser. Mais cela, qui ne le sait déjà !

Angoisse vitale et angoisse sacrée
La peur est une réaction réflexe à un danger précis auquel les animaux répondent par un comportement de fuite ou d'attaque. Au fur et à mesure de l'évolution, avec la complexification croissante du vivant, le délai entre l'excitation et la réaction a augmenté, donnant lieu à un phénomène dit de "rétention" auquel la psychologie s'est beaucoup intéressée. L'événement retenu est en effet conservé en mémoire sous la forme de ressenti émotionnel et, chez les êtres dont les organes perceptifs sont développés, sous forme d'images mentales et de concepts (les chiens font des cauchemars, les chats rêvent de souris). Dans l'esprit humain, obstacles et désirs s'élargissent. Le réel chargé d'émotions se transforme en images mentales d'un monde intérieur possédant sa vie propre. Le souvenir des peurs, l'impossibilité de réagir par un acte réflexe (comme l'amibe) et l'obligation d'aboutir à un choix conscient mais susceptible d'erreur, créent l'angoisse. Le philosophe et psychologue Paul Diel, l'un de ceux qui ont le plus exploré cette boîte noire, l'appelle "angoisse vitale" pour bien montrer qu'elle est naturelle car elle bloque l'élan vers la satisfaction, qui constitue le moteur de la vie. Elle crée la prévoyance instinctive chez l'animal et, accompagnant la poussée évolutive, elle entre chez l'homme dans une dynamique d'opposition entre le désir de satisfaction et l'angoisse devant l'obstacle, dialectique à la base du fonctionnement du psychisme supérieur. L'angoisse vitale peut devenir angoisse morbide quand une imagination exaltée, en faisant une montagne du moindre obstacle, bloque toute possibilité d'affronter le réel.
Grâce à sa mémoire l'homme découvre aussi l'obstacle de la mort, qui vient en contradiction avec son désir animal de durer. Il en ressort des questions existentielles lancinantes et terriblement insatisfaisantes, à l'origine d'une "angoisse sacrée" (qui suis-je, où vais-je, dans quel état j'erre ?). Ces interrogations poussent l'esprit à inventer des réponses dans les mythes, les religions, la philosophie ou la science, pour repousser les limites du mystère et apaiser l'angoisse sacrée. Les réponses naissent, selon Diel, d'une synthèse entre l'observation de la nature et des intuitions venues d'un surconscient nourri par la pulsion évolutive. La ressemblance entre le vent et la respiration, par exemple, rencontre l'intuition d'un souffle animateur de la vie pour donner naissance à la notion d'Esprit. 
Ces croyances sont porteuses de vérités essentielles et jouent leur rôle sédatif pendant un temps. Mais les visions du monde qui en résultent, engagées en même temps par l'angoisse sacrée dans une dynamique qui les conduit à repousser des limites du mystère, perdent leur utilité quand les croyances ne correspondent plus à la connaissance du moment. Pour retrouver l'harmonie et la satisfaction qu'elles procurent, les hommes doivent inventer autre chose. Ainsi, "aujourd'hui, le lien entre l'angoisse de la mort et l'insuffisante solution du problème collectif n'a jamais été aussi évident", écrivait Diel dès 1956. Confiant cependant dans le dynamisme transformateur de l'angoisse, il préconisait de laisser en suspens la question du mystère, limite toujours mouvante des compétences de l'esprit humain, et de se consacrer à la maîtrise de notre vie intérieure et à l'accomplissement de notre personnalité. La joie et l'harmonie qui en résulteront sont le meilleur moyen, selon lui, de calmer nos angoisses et de nous rendre capables d'affronter l'avenir.
A lire : La Peur et l'Angoisse, Paul Diel, Ed. Payot

Les défauts peuvent servir 
Les psychologues aiment bien la métaphore. Odile Kerjean fait appel à ces tomates "bodybuildées", d'un rouge homogène, rondes à souhait, bref, parfaites, mais... rigoureusement sans goût - alors que les vraies tomates, proches de leurs ancêtres sauvages, sont souvent tordues, parfois vertes en dessous, jamais identiques, mais délicieuses. Il en va de même pour les humains, dit cette psychothérapeute graphologue : ce sont nos expériences de vie qui nous façonnent tels que nous sommes, avec nos joies et nos souffrances, pour le pire mais aussi pour le meilleur, et ces deux aspects de nos vies sont inséparables. Pour te guider dans la contradiction et te faire comprendre, avec un humour sans pitié (mais non sans tendresse), ce double aspect de tout itinéraire de vie, elle propose une typologie humaine en cinq familles de caractères : les orgueilleux, les paresseux, les agressifs, les égoïstes et les complexés - où tu te reconnaîtras bien à un moment ou à un autre, généralement par bribes croisées, tant il est vrai que nous sommes tous des puzzles, chacun rigoureusement unique en son genre.
Se connaître par ses défauts n'entraînent pourtant pas forcément l'obligation, pour avancer dans la vie, de répondre aux questions : "Qu'est-ce qui ne va pas en moi ?" et "Comment en suis-je arrivé là ?" - qui supposent que nous sommes tous des névrosés en voie de guérison. Pour les comportementalistes, cette vision mène à une recherche sans intérêt des causes passées. Pour d'autres, comme le thérapeute Warren Berland, elle nous réduit à notre ego. Or, selon lui, l'ego n'est qu'un masque, derrière lequel se cache notre "vrai moi", que rien ne peut atteindre - mais dont l'ego sait nier jusqu'à l'existence. Qu'est-ce que ton "vrai moi" ? T'es-tu déjà retrouvé en état de plénitude, pacifié, détendu, ne distinguant plus de cloison entre toi, les autres et le monde ? Eh bien, c'était ton "vrai moi" qui s'exprimait. Il suffit d'un rien pour que cela se passe. L'ego, s'il est rusé, ne constitue qu'une pellicule, sous laquelle le "vrai moi" ne demande qu'à affleurer. Comment favoriser cet affleurement ? W. Berland propose la méthode de la "boite". Le malaise égotique commence souvent par l'impression d'être "enfermé dans une boite". Partant de cette métaphore-là, tu peux décrire ta propre boîte, faite de peurs, de frustrations, d'orgueil, d'incapacité à communiquer, de tous ces défauts dont tu voudrais te débarrasser. Tu peux ensuite visualiser la boîte de l'extérieur, et imaginer que tu lui échappes - ce n'est pas évident, certains croient adorer leur prison ! Peu à peu, l'évasion hors du "faux moi" est néanmoins accessible. Quand le processus devient habituel et s'intègre à toute la vie, il débouche tout simplement sur le bonheur.
Apprivoiser ton crocodile" te parlerait-il mieux ? Le docteur Catherine Aimelet fait partie des psychothérapeutes de "l'école" Henri Laborit, le génie qui sut déceler en nous 3 types de réactions face à l'épreuve : l'attaque (pour contrôler la menace), la fuite (pour l'éviter), l'inhibition (pour la nier). Ces réactions, Catherine Aimelet nous rappelle qu'elles s'ancrent dans notre cerveau le plus archaïque, qu'elle appelle le "crocodile" : le siège de nos pulsions vitales. Selon notre tempérament et notre histoire, ce crocodile a l'habitude d'attaquer, de fuir ou de se replier. Quel genre de crocodile te meut ? Bien sûr, tu es "civilisé" et maintiens l'animal en cage, mais dès qu'une émotion trop stressante te surprend, la nature ne reprend-elle pas ses droits ? Il est bon, alors, non pas de brider le "monstre" avec violence - c'est notre moi vital ! -, mais de l'observer, pour comprendre sa tactique, qui se situe bien en deçà du bien et du mal. Ensuite, toute la question - que le docteur Aimelet décortique fort bien - consiste à s'allier au crocodile, à l'apprivoiser, pour aller dans le sens de sa logique et, peu à peu, assurer à celle-ci une place légitime dans notre existence.
"Chercher ses faiblesses, c'est trouver ses qualités !" disait déjà le philosophe et psychologue Paul Diel, l'un de ceux qui vont le plus loin dans cette vision dynamique de l'être. Les défauts, en effet, ne sont pour lui que des qualités ou des valeurs guides déformées par l'absence d'un vrai travail d'introspection. L'harmonisation des désirs s'avère en effet une tâche laborieuse, car elle revient à "spiritualiser le milieu" : l'esprit humain est habité par des valeurs morales servant de guides aux conduites, valeurs telles que le bon, le beau ou le juste. L'humain, être semi-conscient et semi-inconscient, tiraillé entre les pulsions animales du subconscient et celles, plus spirituelles, du surconscient, souffre donc du conflit entre son égoïsme animal naturel et son désir, tout aussi naturel, de connaître des satisfactions plus spirituelles. Il aspire à trouver, dit Diel, "l'union réjouissante avec la vie entière". Ce qui n'est pas une mince affaire ! Pour éviter ce nécessaire travail d'harmonisation, nous trichons et inventons de faux motifs. Ainsi naissent les défauts, déformation de nos qualités. 
Par exemple : 
Derrière la vanité - sur-valorisation de soi -, se cache l'estime de soi, la fierté, la confiance. 
Derrière la culpabilité - sous-valorisation de soi -, se trouve l'humilité, la modestie, la conscience de ses limites et des données pour pouvoir les reculer.
Derrière la sentimentalité - sur-valorisation des autres -, veut s'exprimer la possibilité de les aimer, d'en être fier, de les admirer vraiment. 
Derrière l'accusation - sous-valorisation des autres -, c'est la compréhension de leurs limites, la tolérance et la compassion.
Ainsi, si tu veux suivre la piste ouverte par Paul Diel, fais la liste de tes défauts et découvre la qualité cachée derrière chacun d'eux. Et si la paresse te retient, sache qu'elle peut être vue comme un élan naturel, un repos nécessaire à l'esprit et au corps pour se préparer à agir avec justesse... Se préparer, c'est tout ?
A lire : Nos meilleurs défauts, Odile Kerjean, Ed.??
Se libérer de son carcan , Warren Berland, Le Jour Éditeur
Comment apprivoiser son crocodile, Dr Catherine Aimelet-Périssol, Ed.??
Psychologie de la motivation, Paul Diel, Ed. Payot

 "Qui commet une erreur, et pour se défendre avance mille excuses, commet mille et une erreurs." Avicenne

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