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Marginal news n°514 - 28 juin 2011
Enfonçons le clou : la presse occidentale ment, et la française mieux que toute autre ! Elle ment avec évidence, comme le montre le faux témoignage d'une mère "dépassée" sur TF1 (finement analysé ici par Daniel Schneidermann), elle ment en se montrant critique quand elle est à Tripoli et crédule à Benghazi (comme le montre dedefensa, reprenant la presse anglaise). De bas en haut de l'échelle, d'une obscure officine privée fournissant des "sujets" pour les JT aux "grands reporters" qui se prennent pour des Malraux, elle ment toujours dans le même sens : la défense des intérêts des pouvoirs en place, aidés du parti des salonnards mené par l'infâme BHL. Et nous, que faisons-nous de ces mensonges ? Nous les croyons ! Ainsi en va-t-il de la Syrie : qui osera douter que son dictateur (autrefois "notre" ami, tout comme Saddam Hussein ou Khadafi) est un monstre sanguinaire assassinant son peuple ? Essayez donc d'émettre des doutes, et vous verrez s'éclairer dans le regard de vos interlocuteurs le clignotant "attention, complotiste", et deviendrez rapidement inaudible, comme tous ceux qui osent questionner la version officielle concernant le 11 septembre 2011, pourtant bizarre dès le premier jour - quand s'écroula un bâtiment qui n'avait reçu aucun choc ou que fut "trouvé" trônant au sommet des décombres le passeport miraculeusement indemne de l'un des terroristes. Plus c'est gros mieux ça marche ! La presse ment, mais elle nous influence, et c'est en cela qu'elle se distingue de la Pravda de la grande époque (années 70-80), quand plus aucun Soviétique ou presque ne la croyait, s'ingéniant à décrypter les messages cachés dans le mensonge (un accident ferroviaire ou industriel "sans victime" = au moins dix morts; ayant fait dix victimes = au moins cent...). Mais le réel finit par transparaître, et peu à peu le doute s'installe, même dans les cerveaux les mieux programmés : à force de se méfier des journalistes, on finir par se méfier de ce qu'ils disent. Croyant servir fidèlement ses maîtres, la presse-pravda scie sans le vouloir la branche sur laquelle elle et eux sont assis. Mais pour sortir du sujet de la presse, cet article permet de comprendre combien l'idée d'identité est chose relative et multiple, et cette vidéo montre une prouesse qui vaut le coup d'oeil. Quant à celle-ci, tournée par le fils chéri d'En.marge/Elle, elle vous fera découvrir un personnage hors du commun, comique inconscient.

Marginal news n°513 - 27 juin 2011
La Cour Suprême des USA n'en finit plus de rappeler les fondements philosophiques sur lesquels repose la "grande république" : après avoir considéré que les entreprises pouvaient intervenir en politique comme tout individu physique, et donc pouvaient donner autant d'argent qu'elles voulaient au candidat de leur choix, les juges éclairés de l'Amérique telle que nos salonnards l'aiment viennent de considérer qu'il était illégal d'interdire ou de mettre une limite quelconque à la diffusion de jeux vidéo violents à destination des mineurs. Ce serait aller à l'encontre de leur liberté, estime la cour, en rappelant que seule l'"obscénité" a pornographie reste interdite. Toutes les études indiquent que l'audio-visuel influence les gamins, mais la cour les rejette en bloc, affirmant que rien n'est prouvé ! Autrefois garante de la légalité et de la morale, la cour suprême est devenue, tout comme notre cour constitutionnelle, un simple relais légalisant les désirs du big business. Peu à peu, toutes les institutions se délitent, baissant leur froc devant les puissances économiques, et l'on s'étonne que le fachisme en tente certains ! (Lien en anglais) Pour le comprendre, citons de nouveau à ce propos le philosophe Jean-Claude Michéa : " C'est pourquoi le clivage droite/gauche, tel qu'il en est venu à fonctionner de nos jours, est la clé politique ultime des progrès constants de l'ordre capitaliste. Il permet, en effet, de placer en permanence les classes populaires devant une alternative impossible. Soit elles aspirent avant tout à être protégées contre les effets économiques et sociaux immédiats du libéralisme (licenciements, délocalisations, réformes des retraites, démantèlement du service public, etc.), et il leur faut alors se résigner, en recherchant un abri provisoire derrière la gauche et l'extrême-gauche, à valider toutes les conditions culturelles du système qui engendre ces effets. Soit, au contraire, elles se révoltent contre cette apologie perpétuelle de la transgression, mais en se réfugiant derrière la droite et l'extrême-droite, elles s'exposent à valider le démantèlement systématique de leurs conditions d'existence matérielle, que cette culture de la transgression illimitée rend précisément possible." Positions "de droite" ou positions "de gauche" ne sont donc bien finalement que des postures d'un ordre unique, et l'astuce (si l'on peut dire) de l'extrême-droite est d'avoir compris qu'elle pouvait jouer sur les deux tableaux en même temps." J.-C. Michéa,  L'empire du moindre mal (Climats; éd. Flammarion, 2007, pp. 118-119)

Marginal news n°512 - 23 juin 2011
Le meilleur moyen de comprendre l'état actuel de l'économie mondiale (et de son double, la finance internationale) est peut-être de s'interroger sur la façon dont fonctionnent ces fameux paradis fiscaux dont on nous parle parfois sans jamais vraiment nous expliquer ni à quoi ils servent vraiment, ni quelles proportions ils ont atteint. "Refuges fiscaux", leur nom anglais (tax havens) répond bien à la première question, mais on aurait tort de penser qu'ils ne servent qu'aux stars ou aux grosses fortunes à se "protéger" du fisc : c'est en effet avant tout les entreprises qu'ils aident, comme le montre un récent livre anglais sur le sujet, commenté ici par un Français qui a l'air de s'y connaître mieux que nous. Rien qu'en lisant ça, on comprend bien des choses que la presse-pravda évite soigneusement d'aborder, préférant susciter l'émotion que la compréhension. Ainsi en va-t-il de tout ou presque, avec la presse aujourd'hui : les "affaires" DSK et Tron pour leurs images fortes et leur brouhaha dans le Landerneau politicard, plutôt qu'aborder la question qu'elles posent (pourquoi notre système politique favorise-t-il l'ascension de malades narcissiques gorgés de testostérone ?), la violence des faits divers (internet désigné comme source d'influence néfaste plutôt que la violence montrée comme seul moyen de résoudre les problèmes dans toutes les séries télé), etc. On pourrait aligner les exemples... il est plus que jamais nécessaire de s'instruire si l'on veut accéder à une véritable liberté de pensée !!

Marginal news n°511 - 21 juin 2011
Dans quelle mesure pouvons-nous penser le monde alors même que nous sommes à l'intérieur de ce que nous voudrions décrire, formés par lui, prisonier de ses valeurs et a priori ? L'exemple de l'intellectuel américain Juan Cole, expert du Moyen Orient et critique acerbe de la guerre en Irak, sert à montrer, selon le site dedefensa, combien même les grands esprits se montrent réticents à tirer les conclusions de leurs propres analyses. Attaqué avec une force peu commune, disqualifié, ostracisé, l'intellectuel s'étonne, et continue à croire à la vertu intrinsèque, presque surnaturelle, du système dont il condamne pourtant tous les actes majeurs. Voilà bien la leçon : si la critique est facile, la pousser à son terme est dangereux ! Extrait : "Le très dur exercice de la liberté, dont on fait si grand cas aujourd’hui comme une de nos “valeurs” tant chéries, s’exprime d’abord dans le devoir, – eh oui, la “liberté” comme exigence de “devoir”, – de repousser toutes les tentations, également habillées du doux nom de liberté, de cette sorte d’attitudes que nous montre Juan Cole : critique, et assez critique pour entretenir sa “bonne conscience” ; mais sans aller au delà de crainte de s’aventurer dans le chaos de l’“anarchie intellectuelle” que leur semble être la fréquentation des options antiSystème fondamentales, nécessairement en dehors de l’orbite d’influence du Système, – c’est-à-dire, au fond, la crainte de perdre cette position de “confort intellectuel” qu’est le maintien d’une position, même critique, à l’intérieur du Système qui semble présenter une cohésion intellectuelle rassurante, – même si c’est celle de la catastrophe finale. Juan Cole, excellent homme, citoyen remarquable, enquêteur diligent et honnête, et d’une valeur réelle pour notre critique du Système, est également, comme parallèlement, l’archétype de l’esprit libéral et démocratique, de la raison humaine si l’on veut, complètement prisonnière des envoûtements du Système et pervertie par eux."

Marginal news n°510 - 20 juin 2011
Pour fêter notre retour, un peu de symbolisme : les célèbres îles artificielles créées à Dubaï il y a quelques années, et que l'on nous présentait comme des merveilles de l'ingéniérie post-moderne, destinées à abriter des résidences et hôtels de luxe en forme de représentation du monde pour super-riches aux egos démesurés... sont en train de couler, purement et simplement ! Les temps deviennent cosmiques (il y a du comique dans le cosmique): la réalité se venge d'être manipulée par des médias qui croient la créer en choisissant celle qu'ils décident de refléter. Ainsi, la nomenklatura française aux ordres de sa pensée unique ("le nucléaire ou la bougie") ne parle plus de Fukushima (après avoir tant relayé de mensonges), mais cela n'empêche pas la catastrophe de suivre son cours. Ce qui frappe le plus quand on redevient "informé" après quelques semaines de rupture avec "l'actualité", c'est ce décalage grandissant entre le message médiatique sous toutes ses formes et la simple réalité des crises. Comme le disait Pierre Bourdieu (et le rappelle l'excellent site Acrimed) : « Une part de l’action symbolique de la télévision […] consiste à attirer l’attention sur des faits qui sont de nature à intéresser tout le monde, dont on peut dire qu’ils sont omnibus – c’est-à-dire pour tout le monde. Les faits omnibus sont des faits qui, comme on dit, ne doivent choquer personne, qui sont sans enjeu, qui ne divisent pas, qui font le consensus, qui intéressent tout le monde mais sur un mode tel qu’ils ne touchent à rien d’important » (P. Bourdieu, Sur la télévision, Paris, Raisons d’agir, 1996, p. 16.)

Marginal news n°509 - 5 juin 2011
Il est peu courant de voir quelqu'un s'intéresser au rapport - pourtant essentiel depuis 1945 - entre le changement individuel nécessaire pour prendre acte du fait qu'on peut désormais détruire la planète entière, qui devrait nous convaincre une fois pour toutes que la violence mène à la catastrophe, et le changement de civilisation que ce fait impose également, parmi d'autres (la pollution, la mécanisation de l'humain, le détournement des rapports sociaux vers leur seule dimension économique, etc...). Saluons donc la tentative de relier les deux, un peu "space" mais loin d'être folle, livrée ici. Voilà de quoi méditer un peu, en attendant notre retour ici, inc'h allah !

Marginal news n°508 - 3 juin 2011
Quand les deux hommes que nous considérons comme les seuls vrais philosophes de notre époque dialoguent, ça vaut le coup d'essayer de les lire - l'effort n'est pas si grand ! Peter Sloterdijk et Slavoj Zizek ne sont plus tout à fait des inconnus, même s'ils sont nettement moins médiatisés que les clowns BHL ou Finkielkraut, car ils proposent depuis plusieurs années, chacun de son côté, une analyse pertinente de notre société soi-disant mondialisée. Ils inventent volontiers des termes étranges, mais comme ils les expliquent, ceux-ci ne sont pas si difficiles à comprendre, et ils recouvrent des idées éclairantes, voire lumineuses. "Phobocratie", par exemple, ne désigne rien d'autre que cette caste vivant sur la peur qu'elle entretient chez les autres (les médias en sont friands). "Créditisme" désigne mieux qu'une longue explication, cette tendance actuelle à faire des dettes pour en rembourser d'autres. Et tout est à l'avenant : on a l'impression qu'ils se masturbent la cervelle, et au final, non, c'est plutôt simple - c'est juste qu'ils parlent autrement et pensent d'autres choses que l'espèce de pensée chewing-gum dont les autres "intellectuels" médiatisés nous abreuvent. Et même si on ne pige pas tout, on en capte suffisamment pour voir se dessiner des portes de sortie, individuelles et collectives, au bordel actuel appelé "crise". Extraits : "Peter Sloterdijk : Que voulons-nous dire, lorsque nous employons le terme de"civilisation occidentale" , dans laquelle nous vivons depuis le XVII siècle ? A mon avis, nous parlons d'une forme de monde créé sur l'idée de la sortie de l'ère du passéisme. La primauté du passé a été rompue ; l'humanité occidentale a inventé une forme de vie inouïe fondée par l'anticipation de l'avenir. Cela signifie que nous vivons dans un monde qui se "futurise" de plus en plus. Je crois donc quele sens profond de notre "être-dans-le-monde" réside dans le futurisme, qu'il est le trait fondamental de notre façon d'exister."
Slavoj Zizek : "Prenons la crise économique dite des subprimes de 2008: tout le monde sait qu'il est impossible de rembourser ces crédits hypothécaires,mais chacun se comporte comme s'il en était capable. J'appelle cela, dans mon jargon psychanalytique, un désaveu fétichiste: "Je sais bien que c'est impossible, mais quand même, je vais essayer…" On sait très bien qu'on ne peut pas le faire, mais on agit en pratique comme si on pouvait le faire. "
Et quand le journaliste ne résiste pas à les interroger sur DSK, Sloterdijk parle de "rois soleils", estimant que "le XXIè siècle multiplie par dix mille ces hommes de pouvoir qui s'imaginent que tous les objets de leur désir peuvent être pénétrés par leur rayonnement", tandis que Zizek ajoute : "Le seul aspect intéressant de l'affaire DSK, c'est la rumeur selon laquelle ses amis auraient approché la f amille de lavictime supposée en Guinée, offrant une somme exorbitante d'argent si Nafissatou Diallo retirait s a plainte. Si cela est vrai,quel dilemme ! Faut-il choisir la dignité ou l'argent qui peut sauver la vie d'une famille, en lui donnant la possibilité de vivredans la prospérité ? C'est cela, qui résumerait la véritable perversion morale de notre temps." L'entretien, publié par Le Monde, est ici.
Plutôt bien vu, n'est-ce pas ? Allons, à ce propos, rappelons le mot de Clémenceau au moment de la mort d'un président (Félix Faure ?) dans les bras d'une prostituée : "Il se voulait César, il a fini Pompée" !

Marginal news n°507 - 2 juin 2011
Sommes-nous vraiment entrés dans une "post-modernité" marquée par la méfiance envers la technique, le science et l'idée de progrès ? Ce n'est pas l'avis de l'auteur de cet article, qui pense au contraire que nous continuons à croire que tout pourra s'arranger grâce à davantage de progrès encore, et n'apprenons rien des catastrophes qui se sont produites ces dernières années. Extraits : "Dans la théorie sociale, la catastrophe technologique est devenue emblématique ou précurseur d’une immense rupture historique. Rupture avec le projet de maîtrise technique du monde, rupture avec l’idée de progrès, avec le mépris de la nature, avec le consumérisme… rupture en somme avec tout ce qui caractériserait la modernité elle-même. (...) On dit aussi de la modernité qu’elle est devenue réflexive, c’est-à-dire qu’elle questionne dorénavant sa propre dynamique. (...) Loin d’être devenues réflexives, nos sociétés fétichisent comme jamais auparavant l’innovation. (...) Ce qu’enterre réellement la catastrophe de Fukushima, (après l’échec de la conférence de Copenhague, le faux succès de celle de Cancun ou la ruée actuelle sur les gaz de schiste), c’est bien le songe postmoderne d’une société devenue enfin réflexive."

Marginal news n°506 - 1er juin 2011
Pour une fois qu'un cri de révolte comporte quelques propositions concrètes, saluons la tentative ! L'auteur oublie un peu la complexité - et notamment la puissance de la technique comme un autre des piliers du système qu'il nous invite à explorer, mais ceux qu'il met en lumière méritent l'attention : "statuts des sociétés anonymes, monnaie-dette privatisée, soumission aux hiérarchies" constituent en effet trois domaines essentiels à transformer et dépasser. Conclusion : "Les "indignés" ont raison de se rassembler. Il est temps de dévaler depuis tous les horizons à la fois, pour circonscrire le mal et pour le vaincre, pour changer d’ère, de paradigme enfin. Avant qu'il ne soit trop tard pour la terre et pour nos enfants, pour l'ours blanc, pour l'ile de corail, pour les peuples du monde et pour nos proches. Il y a trop à perdre à ne rien faire." L'article ici.

Marginal news n°505 - 30 mai 2011
Toutes proportions gardées, la situation de nos économies ressemble beaucoup à celle de l'époque des "baronnies capitalistes", à la fin du XIXè siècle, quand se structurèrent les grandes entreprises américaines destinées à devenir les multinationales d'aujourd'hui. Une série d'articles présente l'évolution des rémunérations au cours du XXè siècle, et montre que nous en sommes arrivés à des différences entre patrons et employés jamais atteintes auparavant, sauf pendant ces dernières décennies du XIXè. Il est donc "normal", quoique révoltant, qu'on en soit revenu à la situation qui permit au sociologue et économiste Thorstein Veblen de formuler, en 1899, sa "théorie de la classe de loisir". Extraits : « L’émergence d’une classe oisive coïncide avec les débuts de la propriété […] Avec le temps, l’activité industrielle évincera peu à peu l’activité prédatrice. Les occasions de montrer physiquement sa vaillance se feront plus rares, ce qui augmentera l’importance de la preuve indirecte de cette vaillance : la propriété. […] La possession des biens n’avait été prisée qu’en témoignage de la vaillance ; désormais elle est en soi un acte méritoire. La richesse est intrinsèquement honorable, et confère l’honneur à son propriétaire. Par un surcroit de raffinement, il y aura désormais plus d’honneurs et de raffinement à posséder une richesse transmise par des ancêtres, qu’à en acquérir par ses propres efforts. » (...) "Pour ce qui est des dispositions naturelles, l’homme de finance s’apparente au délinquant […] en ce qu’il convertit sans scrupules hommes et biens à ses propres fins, qu’il considère avec un mépris endurci les sentiments et aspirations d’autrui, et qu’il se soucie fort peu du résultat éloigné de ses actes ; mais il en est tout différent par le sentiment très vif qu’il a du rang social, et par la clairvoyance et l’application qu’il apporte à des visées plus lointaines." D'autres extraits ici.

Marginal news n°504 - 28 mai 2011
Deux vidéos pour illustrer les événements en Espagne, l'une festive, l'autre moins - encore que, dans cette dernière, le plaisir que prennent certains à cogner sur leurs semblables lorsqu'ils se savent "en service" apparaît avec une certaine évidence. La réponse aux "indignations" qui s'expriment en Europe est déjà prête depuis longtemps ! Toute l'ironie vient cependant d'ailleurs : le dégagement musclé de la Plaça Catalunya à Barcelone ne s'est pas fait pour "rétablir l'ordre et la libre circulation" (selon la formule habituellement consacrée), mais pour permettre aux supporters de fêter la victoire prévue de leur équipe de football ! On se demande ce qu'aurait dit Philippe Muray de cette évolution de son homo festivus !

Marginal news n°503 - 27 mai 2011
Nous tombons sur un article d'Agoravox fort intéressant, sous la plume de Bernard Dugué, qui habituellement glose plus souvent qu'il ne pense, mais qui pour une fois éclaire l'une des grandes questions de l'époque : pourquoi les peuples se cherchent-ils des chefs, et pourquoi ceux-ci sont-ils actuellement aussi médiocres ? Il y a bien sûr le narcissisme dont nous avions parlé en citant Christopher Lasch, et des structures de pouvoir qui conduisent au sommet les plus assoiffés de puissance personnelle, et donc les plus malades de leur ego, victimes de leur volonté enfantine de toute-puissance (que nous mettions en évidence en relevant l'étrange similitude entre les quatre candidats les mieux placés à la présidentielle 2007, tous orphelins de père ou rejetés par lui). Mais il y a aussi l'autre côté du pouvoir : les peuples sur lesquels il s'exerce, et qui semblent si souvent aspirer à être gouvernés par des tyrans. Extraits : "Broch nous alerte sur la répartition de ces « chefs providentiels » en deux archétypes principaux. Premièrement, l’authentique sauveur religieux qui par sa connaissance éthique et rationnelle maintient l’humanité sur un gain en irrationalité et sur le plan spirituel, conduit cette humanité sur la voie de l’extase de la connaissance. Deuxièmement, le démagogue démoniaque guidant la masse, et non l’humanité, sur la voie de la perte en rationalité et de la satisfaction des pulsions, vers des formes d’extases archaïques et infantiles, en fixant le psychisme vers l’obsession sur la victoire et la pseudo-extase qui l’accompagne. Broch poursuit en précisant que le fondateur de religion devient par son action un symbole de l’extinction des angoisses tout en se soumettant à une raison divine (supérieure ?) dans laquelle il voit le ressort spirituel d’un bien suprême pour l’homme. A l’inverse, le magicien démoniaque utilise en virtuose les moyens de la raison ordinaire pour réaliser les valeurs du passé. Le fondateur visionnaire cherche l’idée éternelle de l’humanité, le démoniaque veut le succès de l’agression immédiate, il veut la victoire."

Marginal news n°502 - 26 mai 2011
Mais quelles sont ces rumeurs de guerre qui traînent sur En.marge ? Au cas où nous l'aurions oublié, le pays est en guerre en au moins deux endroits : l'Afghanistan et la Lybie. Quant à l'avenir, ne jouons pas les Cassandre... Il n'est pas inutile, par contre, de tirer d'ores et déjà les leçons de 10 ans de conflit afghan. Après le lien proposé avant-hier (étude de l'action française dans une vallée afghane), on peut proposer des analyses plus générales (comme le fait ici le général Desportes), qui permettent de rappeler quelques principes, déjà fort bien énoncés par Clausewitz (qu'un chercheur américain s'aventure à tenter d'expliquer aux enfants, en anglais pour enfants). Extrait de cet article, qui rejoint Clausewitz et donc l'article en anglais : "Première idée, c’est celle de la vie propre de la guerre. L’idée de Clausewitz, on le sait.  Dès que vous avez créé la guerre, la guerre devient un sujet et non pas un objet. Clausewitz évoque la volonté indépendante de la guerre, les événements finissant par avoir leur dynamique propre. La guerre a sa vie propre qui vous conduit, pour de nombreuses raisons, là où vous n’aviez pas prévu d’aller. (...) Deuxième idée : on doit concevoir la guerre et sa conduite non pas en fonction de l’effet tactique immédiat, mais en fonction de l’effet final recherché, c’est-à-dire le but stratégique. Autrement dit la forme que l’on donne initialement à la guerre a de lourdes conséquences ultérieures, ce qui est perdu d’entrée est très difficile à rattraper."
Voilà qui réserve des surprises pour l'aventure en Lybie !

Marginal news n°501 - 25 mai 2011
Pour celles et ceux qui ignorent que tout ce qui vit est sensible, et qui croient qu'une plante ne l'est pas, voici un article qui récapitule un peu tout ce qu'on sait à ce sujet - parfois depuis des décennies... Mais la "communauté scientifique" continue de l'ignorer, car cela l'obligerait à de sévères remises en question de son droit à tout "manipuler", au nom d'une supériorité qu'il reste à l'humanité à prouver.

Marginal news n°500 - 24 mai 2011
L'une des conséquences les plus durables et les plus dramatiques de la présidence Sarkozy sera la perte d'indépendance de la France par rapport au bloc atlantiste, USA et Royaume-Uni en tête - la droite étant traditionnellement moins atlantiste que la gauche, totalement soumise à l'American Dream (sans Chirac, nous serions allés en Irak). L'entrée dans l'OTAN, la guerre en Afghanistan (à propos, voir cette étude très détaillée sur l'action de nos troupes, publiée par l'institut d'études stratégiques de l'école militaire) ) puis en Lybie, en sont les manifestations les plus visibles. Mais qui se souvient qu'il y a un an à peine, Sarkozy et ses communicateurs faisaient tout un plat de la vente programmée de Rafales au Brésil, l'utilisant comme argument de cette indépendance nationale historique supposée donner à la France un rôle "à part" dans les affaires du monde ? Qui se souvient que les merdias firent grand cas de ce "succès" à la fois technique, économique et diplomatique, arraché au nez et à la barbe du grand frère états-unien ? On ne les entendra pas démentir la nouvelle aujourd'hui, alors que cette vente ne se fera pas, car: par manque de vision - et peut-être sous l'effet de pressions discrètes mais appuyées des lobbies atlantiste et pro-israélien -, l'affaire nous est passée sous le nez, à l'occasion de la prise de position de notre potentat contre l'initiative turco-brésilienne de régularisation des relations avec l'Iran. On ne regrettera certes pas cet échec, mais il n'est pas anecdotique, car rater ainsi une occasion de mener une politique étrangère indépendante, c'est une autre histoire ! Ceci dit pour servir demain, quand le bloc occidental sera acculé à d'autres guerres pour sauver son mode de vie "non négociable". Nous découvrirons alors que, par une suite de petites manoeuvres apparemment sans importance, nous ne sommes plus que l'un des contingents de l'Empire...aux ordres de Washington, Londres et Tel Aviv, qui par ailleurs font tout depuis un an, pour couler l'euro !

Marginal news n°499 - 23 mai 2011
Le pire, c'est quand il n'y a plus d'espoir ! Lors du prochain G8 - où se prépare de plus en plus, de sommet en sommet, la guerre de l'Occident contre le Reste du Monde - de grandes décisions seraient à prendre. Mais on sait déjà qu'elles ne seront pas prises, et la presse est la première à trouver cela normal, comme le montre cet article, entérinant le fait que la chose qui compte n'est pas de résoudre les problèmes, mais uniquement d'être réélu. On le savait déjà, n'est-ce pas ? Certes, mais depuis le temps que ça dure, comment se fait-il que, bon an mal an, un coup toi un coup moi, les mêmes soient toujours aux postes, comme le montrent les résultats aux récentes élections espagnoles ? Bien qu'agité, le pays a massivement voté pour les deux partis en place qui, là comme ailleurs, nous entretiennent dans l'illusion de démocratie. Les plus corrompus ont même été triomphalement élus ou réélus ! Qui aurait cru que la Servitude volontaire perdurerait si longtemps après avoir été écrit, en un temps où la liberté paraissait un beau rêve ?

Marginal news n°499 - 21 mai 2011
Honte, honte une fois de plus aux merdias français, qui font semblant de battre leur coulpe à propos des traits de caractère du dernier oligarche en date à être jeté en pâture au peuple pour mieux cacher l'ignominie de tous les autres, et qui ne font en fait, à longueur d"émission et d'articles, que se disculper en se drapant dans leur bonne conscience et leur "éthique" de pourris. Pendant ce temps, oublié Fukushima (admirons ici le travail du lobby nucléaire !), et pas un mot sur le mouvement populaire qui secoue l'Espagne. Dormez, braves gens, Français fidèles à leur réputation de veaux, la télé veille sur vous ! L'infâme Anne Sinclair, qui faisait croire en son temps qu'elle parlait pour le peuple tout en cirant les pompes de ses amis puissants, est devenue une star - "blessée mais digne". L'infâme PPDA qui bidonnait ses interviews s'est recyclé avec succès dans le plagiat. Que deviendra l'infâme Pujadas, lorsque son tour de passer la main viendra ? Le seul point positif, c'est qu'à mesure que les événements s'accélèrent et que ces faux journalistes s'efforcent d'en faire de la mousse, leur infâmie apparaît au grand jour. Pour la décrypter un peu, ce texte du philosophe Cornelius Castoriadis. Extrait : "Que l’industrie des médias fasse son profit comme elle peut, c’est, dans le système institué,
logique : son affaire, c’est les affaires. Qu’elle trouve des scribes sans scrupule pour jouer ce jeu n’est pas étonnant non plus. Mais tout cela a encore une autre condition de possibilité : l’attitude du public. Les « auteurs » et leurs promoteurs fabriquent et vendent de la camelote. Mais le public l’achète – et n’y voit que de la camelote, des fast-foods. Loin de fournir un motif de consolation, cela traduit une dégradation catastrophique, et qui risque de devenir irréversible, de la relation du public à 1’écrit. Plus les gens lisent, moins ils lisent. Ils lisent les livres qu’on leur présente comme « philosophiques » comme ils lisent les romans policiers. En un sens, certes, ils n’ont pas tort. Mais, en un autre sens, ils désapprennent à lire, à réfléchir, à critiquer. Ils se mettent simplement au courant, comme l’écrivait L’Obs il y a quelques semaines, du « débat le plus chic de la saison ».
"

Marginal news n°498 - 19 mai 2011
Pourquoi L'Union Européenne a-t-elle tant de mal à se construire ? Un jugement (prémonitoire !) de l'historien Jules Michelet permet de comprendre l'erreur des fondateurs de l'Union : "L’ordre, l’unité, ont été, ce semble, obtenus par les Romains, par Charlemagne. Mais pourquoi cet ordre a-t-il été si peu durable ? C’est qu’il était tout matériel, tout extérieur, c’est qu’il cachait le désordre profond, la discorde obstinée d’éléments hétérogènes qui se trouvaient unis par force. Diversité de races, de langues et d’esprits, défaut de communication, ignorance mutuelle, antipathies et trompeuse unité de l’administration romaine, plus ou moins reproduite par Charlemagne. « Mortica quin etiam jungehat corpora vivis, tormenti gemis. » C’était une torture que cet accouplement tyrannique de natures hostiles. Qu’on en juge par la promptitude et la violence avec laquelle tous ces peuples s’efforcèrent de s’arracher de l’Empire,
La matière veut la dispersion, l’esprit veut l’unité. La matière, essentiellement divisible, aspire à la désunion, à la discorde. Unité matérielle est un non-sens. En politique, c’est une tyrannie. L’esprit seul a droit d’unir; seul, il comprend, il embrasse, et, pour tout dire, il aime.
"
J.Michelet. Histoire de France, t. 1, Livre II, Ch. III, éditions des Equateurs, 2008, p. 312

Marginal news n°497 - 18 mai 2011
Il est rare de voir abordées, de façon simple, les questions de fond que posent les avancées scientifiques récentes. Saluons donc la tentative lorsqu'elle se présente, comme dans cette interview de Jean-Claude Guillebaud, dont le dernier livre, La vie vivante (Les Arènes, 2011) s'élève contre l'ambition scientiste délirante de changer l'homme en brisant ce qu'il reste de lien entre la nature et lui (l'utérus artificiel, défendu par les technophiles au nom de la libération des femmes, en est un bon exemple). Plus simple et plus clair que les questions qui lui sont posées, Guillebaud s'affirme ici comme un humaniste soucieux de se faire comprendre, un sonneur d'alarme qui ne cède pas au catastrophisme pour autant. Bravo ! Cela lui vaut d'ailleurs - est-ce un signe ? - un deuxième article élogieux sur le même support (agoravox, un "média citoyen" trop souvent décevant).

Marginal news n°496 - 17 mai 2011
Voilà, on s'absente quelques jours et tout est chamboulé ! C'est en tout cas ce que voudrait nous faire croire le système médiatique, pour justifier son emballement permanent. Un scandale après l'autre, et une catastrophe entre deux... L'important reste le sacro-saint "événement", qui fait oublier tout le reste (et d'ailleurs, pourquoi s'en préoccuper, puisque la justice lave tous ces messieurs après coup ?). Ce perpétuel renouvellement ne permet pas seulement de faire oublier les choses délicates, mais aussi de transmettre encore et encore le message essentiel à tout pouvoir corrompu ("il n'y a pas d'alternative"). Il élève surtout notre seuil de tolérance, et noie notre esprit critique sous un déluge de faux débats, l'idéal pour éviter les sujets importants. Un scandale sexuel croustillant, voilà qui permet d'économiser pour un temps la propagande pro-nucléaire... Mais que DSK soit coupable ou innocent, quelle importance finalement ? Dans un cas comme dans l'autre (un "complot" contre lui), c'est la déliquescence du système que cette affaire symbolise : la corruption morale qui règne dans les hautes sphères, les silences complices de la presse-pravda, etc. Les journalistes font-ils leur travail quand, sous prétexte de protéger la vie privée, ils omettent de mentionner la bien connue "maniaquerie sexuelle" de l'homme qu'ils nous vendent depuis des mois comme prochain président ? Et nos sociétés sont-elles saines, si elles poussent aux plus hauts sommets des hommes malades de leur ego, de leur sentiment d'impunité et de leur volonté de puissance ? N'est-ce pas la structure même du pouvoir qu'il faudrait revoir, dans ce cas ? Mais foin de ces questions de fond : notre presse-pravda continue à faire de la mousse, intellectuels salonnards et éditocrates complices à l'appui. Pendant ce temps, rassurez-vous, la crise économique évolue lentement, et Fukushima aussi ! Mais il faut comprendre l'anglais pour en savoir plus...

Marginal news n°495 - 10 mai 2011
Vous ne pensez tout de même pas que nous allons célébrer l'anniversaire de l'élection de ce brigand de Mitterrand ! Aucun intérêt, là-dedans, si ce n'est pour rappeler que le "socialisme" n'est plus qu'un faux-nez que le système porte quand il en a besoin. Si l'on vous dit, par contre, que la célèbre photo montrant Obama-et-ses-douze-apôtres en train de regarder en direct l'élimination de Ben Laden a été retouchée pour en faire disparaître les deux seules femmes, que penserez-vous ? "Quels idiots, ces fondamentalistes musulmans !" ? Raté : il s'agit d'un journal juif ultra-orthodoxe de New York ! Hallucinant, n'est-ce pas ? Vive le retour des religions... que même en "France laïque", tant de gens appellent de leurs voeux, comme seul moyen de remoraliser la société. Pendant ce temps, plus sérieusement, certains s'inquiètent des bouleversements géostratégiques qui se préparent, avec pour toile de fond l'intervention humanitarmée en Lybie.

Marginal news n°494 - 9 mai 2011
Nous avons souvent décrypté ici la façon dont les journeaux télévisés manipulent l'info. Pour prendre une image, on pourrait parler de "gruyère" : de la matière, mais plein de trous - et dans les trous réside tout l'intérêt. Le journal d'hier soir sur Antenne 2 en fournit un excellent exemple (il semble d'ailleurs que plus la réalité rend difficile la manipulation, plus les trous augmentent en nombre et en taille). Nous avons ainsi eu droit à un "reportage" sur la récupération des corps de l'avion Rio-Paris sans que soit dit un mot sur le contenu des boîtes noires repêchées depuis 3 jours, à un sujet sur le médiator ne portant que sur le démenti apporté à une fausse nouvelle (la mise à contribution des médecins prescripteurs) sans un mot sur une éventuelle mise en cause du laboratoire, et enfin à quelques images de l'expulsion manu militari d'un protestataire lors du discours de Sarkozy à Port-Louis, sans que soit mentionné que l'"individu" était un élu PCF d'une localité voisine. Trois gros trous dans le gruyère d'hier soir, donc. Leur but n'est pas seulement de privilégier le pathos, c'est aussi de ne traiter que l'événement-du-jour de façon à empêcher toute réflexion plus globale - et les questions dérangeantes qui vont avec (que disent les boîtes noires, la labo sera-t-il poursuivi, que voulait dire l'élu ?). Evidemment, s'il le faut (si la réalité le rend incontournable), on reparlera de tout ça (enfin, de l'élu probablement pas). En attendant, le message reste : gardez le nez sur le guidon, ne vous posez pas de question, oubliez vite et surtout, ne réfléchissez pas... Quant au lien sur le journal lui-même, il annonce à l'heure où nous écrivons (mais seulement après la pub !) une "vidéo inaccessible". Il n'y a pas qu'elle qui soit "inaccessible" ! Joli travail, isn't it ?

Marginal news n°493 - 8 mai 2011
Vous avez aimé le "justice est faite" d'Obama (repris texto par Sarkozy) ? Vous adorerez le "ce qu'ils ont accompli est l'essence du service public"(the essence of world service") de Michelle Obama ! “C’est une belle chose, la destruction des mots. (...) A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime-de-pensée parce qu’il n’y aura aucun mot pour l’exprimer. » Georges Orwell, 1984, Folio, pp. 78 et 79

Marginal news n°492 - 7 mai 2011
Si vous ne partagez pas encore tout à fait nos critiques contre la presse-pravda, cet article vous convaincra peut-être. Il montre que le véritable journalisme est devenu impossible, et pas seulement parce que les journalistes sont les serviteurs du système, dont ils épousent les intérêts. Hormis le fait que les pigistes sont soumis à des conditions de travail qui touchent à l'exploitation pure et simple, c'est l'analyse elle-même qui est désormais hors propos, comme l'indiquait ce haut responsable américain dès 2004 dans cet extrait, dont nous avions parlé à l'époque : " “Ce n’est plus de cette manière que le monde marche réellement. Nous sommes un empire maintenant, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement, comme vous le souhaitez, nous agissons à nouveau et nous créons d’autres réalités nouvelles, que vous pouvez étudier également, et c’est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l’histoire. (...) Et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous faisons”." Depuis le faux charnier de Timisoara qui déclencha la fausse "révolution roumaine" (dont les dirigeants étaient tous d'anciens du régime) la presse et les politiciens savent qu'ils peuvent tout se permettre - y compris de faire s'écrouler une tour n°7 du World Trade Center sans qu'un avion l'ait percuté, ou lancer une guerre en Irak pour de mauvais motifs. Même quand la vérité est rétablie, tout le monde s'en fout, comme le montre cet article, par exemple, à propos de la décision inspirée par les compagnies pétrolières d'attaquer l'Irak. Et dire que Georges Orwell croyait écrire, avec 1984, une satire ! Mais non, c'était un programme, que certains ont suivi : « A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime-de-pensée parce qu’il n’y aura aucun mot pour l’exprimer. » (1984, Folio, p. 79)

Marginal news n°491 - 6 mai 2011
Jeremy Rifkin, dont nous parlions il y a quelques jours (17 avril), s'efforce sans grand succès de sortir les "gauches" occidentales de leur passion technophile et consumériste. Cet article lui donne la parole, à propos non plus de l'empathie mais du partage des ressources. Courage, Jeremy ! "Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve." (Hölderlin) Peut-être finiront-ils par t'entendre...

Marginal news n°490 - 5 mai 2011
Si l'on ajoute les réactions de la foule, l'union sacrée derrière Obama (très relative, dans le contexte de haine régnant entre Républicains et Démocrates à Washington), l'unanime louange de la presse-pravda, (voir la couverture que fait Le Monde de l'assassinat de Ben Laden, ou la distance gênée des correspondants de Libération face aux invraisemblables et contradictoires versions officielles de l'événement)) et même, aux USA, de celle qui telle Huffington Post se montre habituellement critique vis à vis de la politique des USA, qu'obtient-on ? La guerre. N'oublions pas en effet qu'après le 11 septembre, des foules arabes et musulmanes chantèrent victoire comme aujourd'hui la foule états-unienne. Les troupes sont prêtes, les armes construites. Nous prenons date : avant dix ans, et une fois que la crise économique aura laminé la classe moyenne occidentale, les élites qui depuis trente ans suivent et entretiennent à la fois l'opinion seront trop contentes d'entraîner tout le monde dans une troisième guerre mondiale qui leur permettra de détourner la colère loin d'elles, véritables responsables de toute cette gabegie. Prochaine étape probable de ce scénario catastrophe : l'assassinat d'Obama lui-même, par un "terroriste", évidemment... Le seul espoir résiderait dans un réveil des peuples, mais cela paraît mal parti. L'arrivée d'un homme (ou d'une femme) d'Etat capable de lancer une autre dynamique tiendrait quant à elle du miracle. Rêvons-en !

Marginal news n°489 - 4 mai 2011
Pour quiconque a vécu aux USA, la réaction des Etats-Uniens à l'assassinat du dernier grand méchant loup en date ne surprend guère - même s'il convient d'ajouter que, là-bas comme ici, ce sont toujours les plus couillons qui crient le plus fort. Mais envisager la guerre comme un match de base-ball, il faut quand même le faire, au XXIè siècle. Une vidéo mise sur Youtube montre l'ampleur du délire ("USA, USA" comme lors d'une victoire au hockey), et combien les esprits sont prêts à en découdre, dès qu'on leur aura désigné le prochain ennemi de service. L'Europe suivra-t-elle cette pente délétère ? C'est la question des dix prochaines années...

Marginal news n°488 - 3 mai 2011
"Justice a été faite" ??? Et tout le monde se réjouit ??? Où est l'acte d'accusation, où sont les juges, les avocats, les témoins ? Allons, foin de tout cela. Marchons gaiement et à grand pas vers la barbarie... les peuples occidentaux abêtis ne pourront qu'applaudir. Puis, comme naguère, aller se faire tuer au profit des puissants, intouchables élites incapables de se projeter dans le temps. Résultat, on assassine l'ennemi et, trop contente de servir, la France s'est engagée dans une guerre sous la seule poussée d'un intellectuel parisien qui n'a jamais produit la moindre pensée - et dont l'intérêt pour la Lybie semble tenir davantage à une volonté de préserver Israël qu'à la sacro-sainte "démocratie". Certains stratèges, pourtant, ont lu Sun Tse et ses Treize Articles sont étudiés dans les écoles militaires, paraît-il. Extrait : "Autrefois, ceux qui avaient l’expérience des combats, ne s’engageaient jamais dans les guerres qu’ils prévoyaient ne devoir pas finir avec honneur. Avant de les entreprendre, ils avaient l’assurance du succès. Si les circonstances ne leur semblaient pas propices, ils attendaient des temps plus favorables. Ils avaient pour principe que l’on n’était vaincu que par sa propre faute, comme on n’était victorieux que par la faute des ennemis."
Quant à la révolution arabe, nos élites visent comme d'habitude à côté, nos journalistes annonent la pensée convenue, et il faut une fois de plus aller voir chez dedefensa quels sont les véritables enjeux. Extrait : "L’évolution égyptienne est faussement interprétée, à notre sens, comme dépendante de l’enjeu de la “démocratisation”, notamment avec diverses inquiétudes qui se sont largement exprimées ces dernières semaines, concernant la “récupération” de ce mouvement par les militaires, ou par les restes à peine ravalés du régime Moubarak. L’idée de la “démocratisation” est une narrative américaniste-occidentaliste, montrant à la fois le désarroi du bloc BAO devant ce mouvement, et son espoir que ce mouvement aboutisse à une situation confortant son idéologie en même temps qu’il renouvellerait, avec le maquillage idéologique qui convient, sa rente d’influence sur ce pays et sur le monde arabo-musulman. (Il y a donc à la fois une préoccupation fondamentale, – conforter l’idéologie américaniste-occidentaliste, si complètement en déroute partout, y compris dans nos propres psychologies, – et une préoccupation politique tactique, – le renouvellement de “la rente d’influence”.)" Et tant que vous y êtes, allez donc voir l'autre article de ce jour, qui montre pourquoi le Pakistan a lâché Ben Laden, donnant ainsi une tout autre image de la glorieuse opération US !

Marginal news n°487 - 2 mai 2011
Si vous croyez encore à la merveilleuse "démocratie" dont la presse-pravda nous convainc chaque jour qu'il n'y a pas mieux puisque nous sommes si libres, vous ne connaissez pas le concept de 'l'arrestation préventive". Plus de cinquante personnes qui avaient l'intention de manifester pacifiquement contre le mariage-princier-qui-a-tant-fait-vibrer-les-foules, ont ainsi passé entre 24 et 48 heures en prison, sans être accusées de quoi que ce soit, ni poursuivies en justice, juste pour que le show se passe comme les télés du monde entier le voulaient. C'est en Angleterre, donc c'est en anglais - mais le concept existe aussi dans le "droit" français. Liberté d'être des moutons !

Marginal news n°486 - 1er mai 2011
Pourquoi la société libérale, si pessismiste quant à la nature humaine qu'elle considère égoïste et cupide, a-t-elle si gaillardement sauté sur (outre le commerce et les procès) l'utopie technologique comme remède à tous les maux, au point de considérer aujourd'hui l'énergie atomique comme une panacée comparable au charbon, malgré des risques sans commune mesure avec toute autre technologie ? Mais pas de panique, le remède -miracle existe déjà ! Jean-Claude Michéa (dont nous n'hésitons pas à dire qu'il éclaire toute réflexion sur l'époque de manière fulgurante) propose deux raisons, mettant au passage le doigt sur une grosse contradiction propre au libéralisme d'aujourd'hui. La première raison est que "le pessimisme libéral a toujours concerné la seule incapacité des hommes à se montrer dignes de confiance et à agir décemment. Il ne portait pas, en revanche, sur leur aptitude à se rendre « maîtres et possesseurs de la nature » par leur travail et leur ingéniosité technique. Dans la mesure où l’industrie (c-à-d l’exploitation rationnelle et illimitée de la nature) continuait, dans tous les montages philosophiques libéraux, la forme idéale du détournement des énergies guerrières vers des fins estimées utiles à tous, il existe donc bien, au cœur du libéralisme, un élément d’optimisme et d’enthousiasme. C’est naturellement cet élément qui a permis de justifier le culte religieux de la Croissance et du Progrès matériel qui est au principe de la civilisation moderne.
La seconde raison est plus complexe. L’anthropologie libérale est, en effet, marquée, depuis l’origine, par une curieuse contradiction. D’un côté, elle proclame que les hommes sont, par nature, uniquement soucieux de leur intérêt et de leur image. Mais de l’autre, l’expérience ne cesse d’enseigner aux gouvernements libéraux qu’il faut constamment inciter ces hommes à « changer radicalement leurs habitudes et leurs mentalités » pour pouvoir s’adapter au monde que leur politique travaille inlassablement à mettre en place. Alors que le Marché et le Droit abstrait sont censés être les seuls mécanismes historiques conformes à la nature réelle des hommes, ces derniers doivent perpétuellement être exhortés à abandonner les manières de vivre qui leur tiennent le plus à cœur s’ils veulent tenir les rythmes infernaux qu’impose le développement continuel de ces deux institutions. Toute politique libérale apparaît donc tenue par un impératif métaphysiquement contradictoire : il lui faut en permanence mobiliser des trésors d’énergie pour contraindre les individus à se comporter dans la réalité quotidienne comme ils sont déjà supposés le faire par nature et spontanément.
(…) Il est donc inévitable que la logique libérale finisse par réactiver sous la forme qui lui correspond (de façon, il est vrai, le plus souvent inconsciente) le projet utopique par excellence, celui de la fabrication de l’homme nouveau exigé par le fonctionnement optimal du Marché et du Droit : travailleur prêt à sacrifier sa vie – et celle de ses proches – à l’Entreprise compétitive, consommateur au désir sollicitable à l’infini, citoyen politiquement correct et procédurier, fermé à toute générosité réelle, parent absent ou dépassé, afin de transmettre dans les meilleures conditions possibles cet ensemble de vertus indispensables à la reproduction du Système.
 » (L'empire du moindre mal, Climats-Flammarion, 2007, pp. 199-201)

Marginal news n°485 - 30 avril 2011
Lire un livre sur écran n'est pas génial, mais ne boudons pas le plaisir de parcourir Propagande, d'Edward Bernays, l'homme qui a inventé la communication de notre époque, pour qu'elle serve d'outil de domination des masses par une élite. Bernays l'assume parfaitement, et s'en explique par des arguments tels que celui-ci : "Leurs travaux ont amené Trotter et Le Bon à la conclusion que la pensée au sens strict du terme n'avait pas sa place dans la mentalité collective, guidée par l'impulsion, l'habitude ou l'émotion. À l'heure du choix, son premier mouvement est en général de suivre l'exemple d'un leader qui a su gagner sa confiance. C'est là un des principes les plus fermement établis de la psychologie des foules, qui opère en fixant à la hausse ou à la baisse le prestige d'une station balnéaire, en suscitant une ruée sur telle banque ou un mouvement de panique à la bourse, en créant l'engouement qui va déterminer le succès d'un livre ou d'un film. Quand la foule ne peut pas calquer sa conduite sur celle d'un leader et doit se déterminer seule, elle procède au moyen de clichés, de slogans ou d'images symbolisant tout un ensemble d'idées ou d'expériences. Il y a quelques années, il suffisait d'accoler au nom d'un candidat politique le mot intérêts pour qu'instinctivement des millions de gens lui refusent leurs votes, tant ce qu'évoquait ce terme, « intérêts », était associé à la corruption. Plus près de nous, le mot bolchevique a rendu un service du même ordre à ceux qui voulaient effrayer le grand public pour le détourner d'une ligne d'action."

Marginal news n°484 - 29 avril 2011
Quand on a lu Jean-Claude Michéa, on ne jette plus le même regard sur l'actualité. La ressemblance (à la phrase près !) entre le discours récemment rôdé par Hollande pour 2012 et celui de Sarkozy en 2007, relevée par le Petit Journal sur Canal+ hier soir, n'étonne plus du tout. Pas plus que les mesquineries de la politique américaine, qui mène le pays au gouffre, et la suiveuse Europe avec lui. Même les "experts" économistes de LEAP/2010 en témoignent, mais il faut dire qu'ils annoncent le pire depuis longtemps, car ils avaient déjà publié cet article à l'automne dernier ! Extrait : "C'est d'ailleurs cette nature profondément politique des déficits américains qui crée cet étrange « front de la colère » où l'on peut retrouver très proches dans leurs analyses des militants « tea-parties » ultra-libéraux, anti-impôts et anti-Washington et des militants anti-capitalistes souhaitant une hausse des impôts et le financement d'un Etat providence à l'Européenne."

Marginal news n°483 - 26 avril 2011
Michéa, encore ! Nous pensons en effet que ce philosophe livre une analyse parfaitement éclairante du monde dans lequel nous vivons, de ses présupposés et a priori auxquels nous ne faisons même plus attention. Ce n'est pas si courant, aujourd'hui, de voir un penseur critiquer l'époque sans tomber ni dans la provocation gratuite (destinée à le rendre médiatique) ni dans le prêche en faveur d'un retour à des "valeurs traditionnelles" aussi confuses qu'embellies pour les besoins de la cause. Voici en tout cas la façon dont Michéa explique sa vision sous l'angle de la théorie du mimétisme de René Girard : "On pourrait s’amuser à décrire à la lumière des théories de René Girard la chaîne des décisions historiques qui ont conduit à instituer la société moderne. On soutiendrait ainsi l’idée que la Modernité est la solution religieuse que l’Europe est parvenue à mettre en place pour enrayer l’extraordinaire crise mimétique des sociétés du XVIè siècle (« la plus grande crise connue de l’histoire de la nation », écrit Sergio Cardoso). Le sacrifice fondateur qui a permis aux individus modernes (devenus, de ce fait, des « modernes ») de rétablir la paix civile est évidemment celui de la conscience morale (que son habillage culturel ait été religieux ou autre). Il est alors parfaitement logique que le Marché autorégulé et le Droit abstrait, c’est-à-dire les deux institutions nées de ce sacrifice (et dont le fonctionnement rituel doit se situer par-delà le bien et le mal), aient été, à leur tour, rapidement promus au rang d’idoles et de divinités, devant lesquelles l’humanité réconciliée était appelée à se prosterner. Si dès lors il s’avérait que ces nouveaux dieux de la Modernité se montrent, pour des raisons liées à la nature même des sociétés humaines, incapables de tenir leurs promesses rédemptrices (telle était bien, du reste, la conviction fondamentale des premiers socialistes), cela impliquerait, d’un point de vue girardien, que l’humanité moderne n’est toujours pas sortie de l’ère des guerres, et que la fuite en avant du système libéral (quel autre sens à l’idée d’une croissance infinie ?) pourrait bientôt logiquement exiger le sacrifice suivant : celui de la nature et de l’humanité elles-mêmes. » (L'empire du moindre mal, pp. 88-89)

Marginal news n°482 - 25 avril 2011
Continuons à citer Jean-Claude Michéa, cette fois à propos d'une contradiction que l'on peut souvent relever dans les propos de nos chantres largement médiatisés du progrès, tels Attali, Allègre, Minc ou Séguéla, et que Michéa décrit ainsi : " Il convient de relever l’étonnante schizophrénie idéologique des spin doctors du progressisme. D’un côté, en effet, ils exhortent inlassablement les classes populaires à adapter leurs mentalités « archaïques » à un monde supposé en changement perpétuel (où « jamais on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve »). Mais de l’autre, chaque fois qu’ils doivent affronter la moindre critique précise sur tel ou tel point du développement capitaliste (le climat se réchauffe, l’égoïsme progresse, la délinquance augmente, la publicité devient de plus en plus envahissante, etc.), ils reprennent la posture du sage traditionnel et répondent avec un sourire indulgent, qu’il n’y a là rien de nouveau sous le soleil, que les choses ont toujours été identiques à elles-mêmes et que toutes ces critiques sont infondées puisque aussi vieilles, en somme, que l’humanité. C’est ce qu’Orwell appelait, dans 1984, la double pensée. » (L'empire du moindre mal, pp. 126-127)

Marginal news n°481 - 24 avril 2011
Les propos parfois provocants de Jean-Claude Michéa ne font que souligner l’indécence, voire l’obscénité, des présupposés libéraux sous lesquels nous vivons et que nous avons, sans le vouloir ni le savoir, totalement intégrés. Ainsi, remarquant qu’il est dans la logique de la libéralisation des mœurs, et de la marchandisation de tout, que soit défendu le droit des femmes à se prostituer, et donc normal que soit proposé aux chômeuses allemandes par l’ANPE de travailler comme « hôtesses » dans les nouveaux bordels appelés Eros Centers, il en conclut qu’il serait tout aussi logique que l’Education nationale, désormais uniquement chargée de former les élèves aux carrières qui les attendent (comme le veut ce même libéralisme), propose des formations au métier de prostituée. Cela choque votre sens de la décence ? Qu’à cela ne tienne : dans le Marché mondialisé, celle-ci n’a plus lieu d’être - et c'est là le coeur du propos de Michéa. Toute réticence n’est ici qu’un relent de puritanisme. Aussi serez-vous alors sans doute moins choqué d’apprendre qu’en Allemagne (encore), la société Erento.com propose désormais aux organisations politiques des manifestants qui, contre rétribution, porteront banderoles et drapeaux pour n’importe quelle cause, pourvu qu’ils soient payés. « Comme le confie Monica, l’une des employées de cette nouvelle entreprise, ajoute JCM, ‘pour moi c’est un job comme un autre, manifester pour des organisations dans lesquelles je ne me reconnais pas ne me pose aucun problème’. » (L'empire du moindre mal, pp. 61 et 103)
On remarquera d’autre part la contradiction que Michéa apporte à un autre présupposé de notre civilisation : la thèse du déterminisme technologique, répandue aussi bien par les libéraux que par Marx, thèse selon laquelle les innovations technologiques déterminent les rapports sociaux. (Marx : « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel. » L’idéologie allemande, éditions Champs Libres, tome 2, p. 220.) JCM note ainsi que « le moulin à eau a été inventé en Asie Mineure au 1er siècle avant notre ère, et que dès le IVè siècle, le complexe romain de Barbegal (près d’Arles) pouvait déjà utiliser cette force hydraulique pour moudre les quantités de blé destinées à l’alimentation de 80 000 personnes. Quant à la machine à vapeur, on sait qu’elle a été conçue et mise au point, sous le nom d’éolipyle, vers le IIè siècle, par Héron d’Alexandrie. Ces deux découvertes n’ont cependant jamais engagé les sociétés antiques sur la voie du féodalisme et du capitalisme. (…) L’idée de « déterminisme technologique » ne présente donc un certain sens qu’à l’intérieur des sociétés qui ont choisi le mode de développement capitaliste, et encore, pour autant que les individus se résignent massivement à intérioriser les conséquences de ce choix. » (ibid. pp. 70-71) Dérangeant, n'est-ce pas ?

Marginal news n°480 - 23 avril 2011
La répartition Droite/Gauche veut-elle encore dire quelque chose ? Nous revenons au philosophe Jean-Claude Miché, avec la lecture de son livre le plus connu, L'empire du moindre mal (Climats; éd. Flammarion, 2007). Il montre combien le libéralisme moderne ne se fondait pas sur une vision humaniste du progrès prônant la tolérance nécessaire à une société décente, comme on le croit souvent. Au contraire, c'est sur l'idée que l'homme était un loup pour l'homme que s'est créée la société moderne, à partir du constat que les différences idéologiques menaient inexorablement à la guerre, comme l'avaient montré les guerres de religion du 16è siècle. Les "Politiques" ont triomphé des Humanistes, et cette victoire a permis d'imposer comme seules institutions celles du marché et du droit, prétendument scientifiques, rationnelles et impartiales - "sans sujet" dit le philosophe. Pour Michéa, "la logique libérale définit un tableau à double entrée" : la droite privilégie le marché et la gauche, le droit. "C'est pourquoi le clivage droite/gauche, tel qu'il en est venu à fonctionner de nos jours, est la clé politique ultime des grogrès constants de l'ordre capitaliste. Il permet, en effet, de placer en permanence les classes populaires devant une alternative impossible. Soit elles aspirent avant tout à être protégées contre les effets économiques et sociaux immédiats du libéralisme (licenciements, délocalisations, réformes des retraites, démantèlement du service public, etc.), et il leur faut alors se résigner, en recherchant un abri provisoire derrière la gauche et l'extrême-gauche, à valider toutes les conditions culturelles du système qui engendre ces effets. Soit, au contraire, elles se révoltent contre cette apologie perpétuelle de la transgression, mais en se réfugiant derrière la droite et l'extrême-droite, elles s'exposent à valider le démantèlement systématique de leurs conditions d'existence matérielle, que cette culture de la transgression illimitée rend précisément possible." (Ouvrage cité, pp. 118-119) Positions "de droite" ou positions "de gauche" ne sont donc bien finalement que des postures d'un ordre unique, et l'astuce (si l'on peut dire) de l'extrême-droite est d'avoir compris qu'elle pouvait jouer sur les deux tableaux en même temps.

Marginal news n°479 - 22 avril 2011
Bien que demandant un effort de lecture à cause de son style et des nombreuses citations en anglais, cet article de dedefensa (que l'on peut comprendre même si on saute les passages en anglais) est une tentative louable d'explication des rapports entre la crise que traverse notre civilisation et la psychologie, car il aborde de front cette étrange ambiance régnant désormais en Occident, dont les peuples semblent tétanisés par l'attente des catastrophes et presque prêts à y voir le réveil d'une nature divinisée, décidée à en finir avec la race humaine. Tentative louable, disons-nous, parce que rares sont ceux qui essayent de comprendre en profondeur comment nos psychologies sont affectées par l'accélération récente des événements, et le sentiment que les zélites n'ont aucune emprise, malgré leurs efforts pour en profiter au mieux de leurs intérêts. Extrait : "En d’autres mots, pour retrouver le sujet de l’article, si la “Teerre” à une réaction héroïque et puissante à l’encontre du saccage en cours, n’est-il pas temps de l’investir, disons en tant qu’égrégore, de vertus conscientes et de la conscience du mal et du bien supérieure à ce que notre raison humaine peut offrir ? Cela doit être considéré dans cette mesure de plus en plus écrasante d’évidence de la complicité de cette raison humaine dans une entreprise, le déchaînement de la matière, absolument productrice du Mal."

Marginal news n°478 - 21 avril 2011
Un signe d'espoir ou une dernier chant du cygne ? A chacun d'en juger, mais c'est bien une gifle que Verdi a affligé à Berlusconi depuis sa tombe, lors de la reprise de son opéra Nabucco sensée célébrer le 150è anniversaire de la fondation de l'Etat italien. Et c'est fort émouvant, positivement pour une fois. Comment regarder cette vidéo et n'être pas ému ? "Ô mon pays beau et perdu, Ô ma patrie, si belle et perdue !!"

Marginal news n°477 - 20 avril 2011
Certains, tel le désormais presque célèbre Paul Jorion, disent que la crise financière est loin d'être terminée, d'autres que la machine est repartie sur les chapeaux de roue. Qui croire ? Ce qui est certain, en tout cas, c'est que les bénéfices, bonus et autres stock-options sont à leur maximum, y compris pour les banques sauvées par des gouvernements ayant promis d'y mettre bon ordre, comme au Royaume-Uni. Extrait : "L'assemblée générale des actionnaires de la banque britannique Royal Bank of Scotland (RBS) a par exemple approuvé hier l'attribution d'une méga-rémunération de neuf millions d'euros à son patron, Stephen Hester. Cela avec la bénédiction de l'Etat britannique qui détient 83% du capital du groupe. Ce même Etat s'était engagé à limiter les primes et salaires versés aux dirigeants des banques sauvées de la faillite avec de l'argent public -- d'autant plus que RBS avait essuyé une perte de 1,3 milliard d'euros en 2010 et de près de quatre milliards d'euros en 2009." Pourtant, les administrations fonctionnent, au Brésil en tout cas, où elles ont expulsé pour un détail (avoir fait une croisière sur un bateau à l'équipage sans permis de travail) le grand manitou mondial des arnaqueurs lui-même, Bill Gates, l'homme qui fit croire à IBM que MSDos ne valait rien et, parti avec, devint plus riche qu'on ne peut.

Marginal news n°476 - 19 avril 2011
La nouvelle du jour date d'hier, mais elle est si peu commentée par la presse-pravda (pourtant encline à exciter le sentiment de panique quand il s'agit de la "sécurité" sous toutes ses formes) qu'il faut aller chercher dans les commentaires des lecteurs une perception moins confuse et plus réaliste de son importance. Nous voulons parler bien sûr de la décision d'une agence de notation boursière, qui menace de dégrader la note de confiance accordée depuis toujours aux USA. Est-ce le début de la fin ? A nos yeux, cela ne fait pas de doute, tant l'édifice entier de l'économie mondiale repose depuis longtemps déjà sur ce mensonge volant que, détenteur de la monnaie mondialement utilisée pour les échanges, ce pays ait cru possible d'émettre de la dette dans des proportions inimaginables, en toute impunité et ad vitam aeternam. Moins spectaculaire qu'un raz de marée ou une panne dans une centrale atomique, cette nouvelle devrait exciter les commentateurs - étrange qu'il n'en soit rien ! A peine commence-t-elle à ouvrir les yeux de ceux qui ont poussé des cris d'orfraie lorsqu'ont été constatés et médiatisés les déficits abyssaux de petits pays comme la Grèce ou le Portugal, accusés de gérer leurs budgets comme des irresponsables - tandis que les USA restaient la référence suprême d'un équation étrange : trop gros pour tomber égale bonne gestion. Mais puisqu'on vous dit depuis 6 mois que la crise est finie, que l'économie se redresse, que les mauvaises dettes ont été épurées, que les banques renouent avec les bénéfices, etc. ! Même les sonneurs d'alarme, tel LEAP 2020, sensibles à ce concert, en ont prolongé leur scénario catastrophe jusqu'à l'automne, et il faut une fois de plus aller chercher une analyse plus rigoureuse sur des sites "extrêmistes" comme dedefensa, qui comme à son habitude ne mâche pas ses mots.

Marginal news n°475 - 17 avril 2011
Un peu de baume au coeur et d'espoir ? Jeremy Rifkin, qui sait mieux que notre Attali national sentir les tendances profondes de l'époque et les vulgariser, annonce au monde et dans Le Monde l'entrée de l'humanité dans l'âge de l'empathie, idée qu'il fonde entre autre, mais sans le mentionner, sur la découverte des neurones mitoirs. C'est peu ou prou ce que nous disait déjà Jean-Michel Oughourlian il y a quelques années. Il ne reste qu'à en trouver les formes politiques, en dépit des mabouls qui tiennent le système en main.

Marginal news n°474 - 16 avril 2011
La technosphère prépare déjà les "remèdes" aux maux qu'elle a créés, et en voici un avant-goût : stocker les cellules souches pour pouvoir soigner ensuite les personnes irradiées ! Une proposition de cancérologues japonais qui fait froid dans le dos, mais qui réjouira sans doute les amoureux du beau progrès... fiers d'assurer ainsi l'avenir de nos descendants. En attendant, faisons donc la guerre un peu partout où les intérêts économiques du système occidental sont en jeu, au nom des droits de l'homme et de la démocratie, et malgré quelques rares voix discordantes, telle celle de Rony Brauman ou de Michel Collon. Et laissons nos merdias nous persuader que la liberté de penser et de s'exprimer fait de notre société le nec plus ultra de la réussite humaine, alors qu'elle nous endort dans un immobilisme d'esclaves - le "consensus" cher à Edward Bernays, dont Séguéla ne sera jamais que le disciple aux petits pieds.

Marginal news n°473 - 15 avril 2011
Nous avons déjà mentionné ici la pensée du philosophe Jean-Claude Michéa, qui porte un regard acerbe mais intelligent aussi bien sur le capitalisme que sur le "socialisme" tel que nous le connaissons aujourd'hui. Ses concepts de "privatisation de la morale" et de "pensée double", sa critique de la trahison par les socialistes de toute ambition transformatrice et son insistance sur la "décence commune" (inspirée de George Orwell) ou sur la perversité des médias, son explication du problème majeur que pose la psychologie maladive de l'ambition personnelle dans les mouvements militants, constituent autant d'éclairages sur notre époque qui permettant de mieux comprendre pourquoi notre civilisation se dirige tout droit vers l'épuisement de la planète et l'infantilisation absolue des individus. On peut le voir ici, en vidéo ou le lire ici dans une interview... et comprendre pourquoi nous en sommes désormais à la lutte de tous contre tous, basée sur le seul principe irréel et faux selon lequel le seul moteur de l'activité humaine serait la poursuite des intérêts égoïstes. Le choix est désormais entre "donner, recevoir et rendre" (fondement de la vie sociale décente) et "demander, recevoir et prendre" (qui pourrait être la devise de la société "libérale" d'aujourd'hui).

Marginal news n°472 - 14 avril 2011
Vous ne comprenez rien à l'excitation autour de la Lybie ou de la Côte d'Ivoire ? Nous non plus, mais nous subodorons que les "droits de l'homme" et autre "processus démocratique" n'ont pas grand chose à voir avec la réalité des motivations occidentales pour cet interventionnisme soudain exacerbé - et bien partial puisque rien n'est fait contre tant d'autres dictatures en proie aux révoltes populaires, de la Syrie à Bahrein en passant par le Zimbabwe. Pas besoin cependant d'être grand clerc pour se douter que tout cela concerne davantage les affaires et la spéculation sur les matières premières que le droit des peuples ou la démocratie, n'en déplaise à l'enfumeur BHL. En voici quelques indices : maîtriser les cours du cacao pour la Côte d'Ivoire, et empêcher les contrats avec la Russie et la Chine pour la Lybie.

Marginal news n°471 - 13 avril 2011
Allons, ne soyons pas bégueule : Nicolas Hulot a décidé de se présenter à l'élection présidentielle (qui ne le sait ?). Souhaitons lui bonne chance, succès ou, à défaut, de jeter un pavé magistral dans le marigot de la politique de ce pays engoncé dans ses peurs et ses tensions internes. On gardera la critique pour plus tard, quand les choses se préciseront. Pour l'instant, et au cas où vous l'auriez manqué, son discours est ici (en écrit, pour la distance qu'il apporte), et ici, en vidéo, histoire de voir sa tête quand il cause.. et de mesurer les différences avec la version écrite, beaucoup plus courte..

Marginal news n°470 - 12 avril 2011
Puisque nous parlions il y a quelques jours (n°468) de George Orwell, en voici quelques citations :
« Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment. » (1945)
« Si l’on commençait par se demander : qu’est-ce que l’homme ? Quels sont ses besoins ? Comment peut-il le mieux s’exprimer ? On s’apercevrait que le fait de pouvoir éviter le travail et vivre toute sa vie à la lumière électrique et au son de la musique en boîte n’est pas une raison suffisante pour le faire. L’homme a besoin de chaleur, de vie sociale, de confort et de sécurité : il a aussi besoin de solitude, de travail créatif et de sens du merveilleux. S’il en prenait conscience, il pourrait utiliser avec discernement les produits de la science et de l’industrie, en leur appliquant à tous le même critère : cela me rend-il plus humain ou moins humain ? »
« L’homme d’aujourd’hui (modern man) ressemble assez à une guêpe coupée en deux qui continuerait à se gaver de confiture en faisant comme si la perte de son abdomen n’avait aucune espèce d’importance. 
» (1935)
« Il se pourrait que l’on parvienne à créer une race d’hommes n’aspirant pas à la liberté, comme on pourrait créer une race de vaches sans cornes. » (1939)
Orwell : Essais, articles, lettres, trad. Anne Krief, Bernard Pecheur, Jaime Semprun, éd. Ivréa-Encyclopédie des Nuisances, 1996

Marginal news n°469 - 10 avril 2011
Cet article sur la transition énergétique, écrit par un polytechnicien spécialiste du nucléaire pour Libération, est intéressant à plus d'un titre : il est non seulement riche en données précises, mais aussi modéré dans ses propositions. Mais le plus frappant, ce sont les commentaires des lecteurs, qui montrent bien à quel point certains ne sont absolument pas prêts à voir remises en question leurs croyances en un avenir technologique toujours plus rose et en une continuation éternelle des modes de production d'énergie actuels. Inutile de dire qu'on est loin de voir quelque chose changer - même le pétrole à 500$ le barril ne les fera pas reconsidérer leur position, sinon pour renforcer leur conviction que le nucléaire est la seule solution ! "Le mode de vie occidental n'est pas négociable", disait en son temps le père Bush !

Marginal news n°468 - 9 avril 2011
Si vous voulez voir à quoi ressemble la région de Fukushima, regardez cette vidéo sur Youtube. On remarque au passage à quel point le paysage semi-urbain japonais ressemble à l'Europe, justifiant de situer le Japon en Occident. Pour en revenir à la technique, voici ce qu'en dit Jean-Claude Michéa, prof de philo, auteur de nombreux livres (sur George Orwell, le football, la société post-moderne...). Dans "Orwell éducateur", il écrit (à propos d'une boutade d’Orwell se disant « anarchiste conservateur (tory)) » : "Quand on sait que l’idée de « Progrès » est la pierre angulaire sur laquelle la Gauche, depuis qu’elle existe, a bâti toutes ses Eglises, le simple fait de revendiquer, même par jeu, certains aspects de l’attitude conservatrice, constitue une provocation forcément intéressante. Quelles sont, en effet, les deux implications métaphysiques majeures de cette curieuse idée de « Progrès », dont Marx lui-même, auteur progressive s’il en est, reconnaissait qu’elle était « semblable à ces idoles païennes, qui ne peuvent boire le nectar que dans le crâne de leurs victimes » ? Elle présuppose, tout d’abord, que l’histoire des hommes est régie, depuis l’origine, par un mystérieux programme transcendant, dont nul ne possède la liberté de modifier les paramètres fondamentaux, et qui a pour noyau dur le développement continuel de l’invention scientifique et technique, développement dont on postule qu’il est non seulement automatique mais également d’une neutralité philosophique absolue. Le second présupposé est une simple conséquence logique du précédent : pour un progressiste, il ne peut y avoir aucun sens, sinon purement tactique ou rhétorique, à condamner le Capitalisme d’un point de vue moral et philosophique (une telle démarche, qui était au centre des premières révoltes ouvrières socialistes et anarchistes, sera d’ailleurs rapidement dénoncées par Marx, dès 1846, comme « utopique », « sentimentale » et « petite-bourgeoise »)." ( Jean-Claude Michéa, Orwell l’éducateur, Flammarion – Climats, 2003 2009 p. 53-54) (C'est nous qui soulignons)
Le lien entre capitalisme et exploitation insensée de la planète étant établi, Michéa explique plus loin comment les socialistes se sont trompés : "Il n’est pas vrai, comme le croyaient Marx et Lénine, que la modernisation capitaliste du monde soit condamnée à créer, sous l’aiguillon du progrès technique, les « bases matérielles du Socialisme », c’est-à-dire d’un monde décent et habitable, où les richesses, le pouvoir et l’information ne seraient plus sous le contrôle de quelques minorités privilégiées. Dans l’ensemble, on doit constater que cette modernisation tend, au contraire, à saper quotidiennement la plupart des conditions écologiques, culturelles, psychologiques et, bien sûr, morales, qui sont indispensables à l’institution et au maintien d’une telle société. A l’opposé du credo auquel s’accrochent encore pathétiquement tous nos vieux progressistes, il devrait donc être clair pour chacun que le temps capitaliste travaille désormais essentiellement contre la survie de la planète et contre le bonheur réel de l’immense majorité des hommes. Plus l’humanité prendra du retard dans sa lutte vitale contre le règne crépusculaire de la Marchandise et de ses images hypnotisantes, plus le monde dont elle devra finalement administrer l’héritage sera devenu impropre à la réalisation de ses rêves, y compris les plus modestes et les plus simples." (Ibid, 139-140) Bref, camarades socialistes, encore un effort !

Marginal news n°467 - 7 avril 2011
Croyez-vous vraiment que la crise économique soit terminée, comme l'affirme la presse-pravda sans trop s'étendre ? En se basant sur le seul fait que cette crise ne provoque pas en ce moment d'"événement majeur" (entendez : "spectaculaire"), qu'elle ne mérite donc pas qu'on en parle, et donc qu'elle est réglée (puisqu'elle ne mérite pas qu'on en parle !), la presse-pravda, persuadée de créer elle-même le réel, cache soigneusement les nombreux a priori de ses choix commandés par sa logique du spectacle. Ainsi, le bras de fer budgétaire entre Obama et les Républicains majoritaires au Congrès se poursuit dans l'indifférence générale, le Portugal s'effondre, l'Espagne coule lentement, l'Italie s'y prépare, mais tout va bien, puisque l'Occident mène ici et là des guerres triomphales et que celles-ci sont plus "vendeuses" que les manipulations diverses destinées à masquer la réalité économique. Il faudra donc attendre qu'une "catastrophe" boursière arrive... puisqu'en attendant, RAS ! Ce n'est pas l'avis de Bill Bonner, expert financier et auteur de la Chronique Agora, qui écrit : "Il ne faut pas confondre avec une authentique reprise. C'est quelque chose de très différent. Les autorités essaient de mettre fin à une correction en ajoutant beaucoup plus d'argent qu'elles n'ont pas... et beaucoup plus de crédit dont l'économie n'a pas besoin. Selon elles, le chômage baisse (une chose qu'elles arrangent en grande partie en ne comptant pas les gens qui ont simplement abandonné toute recherche d'emploi). Quant à ceux qui travaillent, le Wall Street Journal rapporte qu'ils ne s'enrichissent pas exactement : "Les salaires ne suivent pas l'inflation", titre un article. Et bien entendu, les prix de l'immobilier baissent encore. La confusion continue, en d'autres termes... les autorités essayant désespérément de faire grimper les prix, tandis que la Grande Correction les fait baisser. Où est-ce que tout ça nous mènera ? A nouveau, si l'on regarde l'ensemble du tableau, les autorités continueront à injecter de l'argent et du crédit faciles... et puis l'inflation finira par arriver. Les autorités gagneront cette bataille...et espéreront l'avoir perdue."

Marginal news n°466 - 5 avril 2011
Comme annoncé, revenons sur le nucléaire, mais en prenant de la distance et en voyant dans cette technologie le fruit d'une foi dans le progrès qui, comme toute foi, contient sa part d'irrationnalité, malgré son attachement proclamé à la seule raison. Technophilie exacerbée, le technologisme a au moins un avantage : son succès oblige aujourd'hui les humains à prendre conscience de ses effets sur la planète. De ces effets, deux lectures peuvent être faites. La première, empruntée à Vladimir Vernadsky et Teilhard de Chardin, est celle des sphères : au monde minéral de la lithosphère se sont ajoutées progressivement la biosphère, l'atmosphère, puis, avec l'humain, la technosphère appelée à donner naissance à une "sphère de pensée" - la noosphère, dont internet pourrait être un support primitif. La deuxième lecture est celle des ères temporelles : après l'Holocène (période interglaciaire marquée par un réchauffement et une activité tellurique plutôt calme), nous sommes entrés dans l'Anthropocène, une ère où l'action humaine devient un facteur écologique majeur. Un article sur dedefensa aborde ce sujet mieux que nous ne saurions le faire. Extraits :
"L’ère anthropocène qui pénètre dans notre tête, ce n’est rien de moins que la perception, non plus schématique, non plus romantique, non plus dogmatique et idéologique mais fort concrète et dans toute ses implications de la “globalisation” de sapiens et de la puissance de sa civilisation, ou disons de la globalisation de la catastrophique puissance de sa civilisation. Cette perception va frapper, elle frappe d’ores et déjà notre psychologie déjà épuisée. Effectivement, aucune catastrophe “naturelle” qui, aussitôt, n’éveille dans notre esprit ou sous la plume du commentateur la référence furieuse, gênée, coupable ou autre, à la crise de l’environnement ou à la crise climatique, c’est-à-dire à la crise qui fait de sapiens la créature coupable de l’anthropocène. Ainsi l’époque eschatologique nous rend-elle la monnaie de notre pièce… – «[W]e are stumbling into a new way of thinking about disaster, where neither God nor nature, but man is to blame.»
Mais la chose n’est pas si simple. Nous tenons que sapiens est une créature faible et vaniteuse, souvent aveugle mais nullement mauvaise en soi. Nous renvoyons à ces conceptions sur la “source de tous les maux”, où nous situons le Mal dans la matière et dans son déchaînement, c’est-à-dire, pour notre temps métahistorique, dans le Système considéré comme une entité autonome, une sorte d’égrégore maléfique. Le mal ne touche et n’influence sapiens que d’une façon “collatérale”, comme les dégâts du même nom si l’on veut. Ainsi le problème est-il que, par son imprudence et son aveuglement, et sa vanité certes, sapiens se retrouve, au cœur de l’anthropocène, mis en cause comme principal coupable de la crise du monde et de l’effondrement des structures de la civilisation, comme “source de tous les maux” si l’on veut, alors qu’il ne l’est pas fondamentalement. C’est selon ces conditions que nous dirions qu’il est normal d’attendre, à mesure que ces dimensions de crise terminale se précisent, une autre crise, qui précédera le tout, qui est celle de notre psychologie, à nous sapiens, placés devant cette culpabilité ultime sans en avoir ni la conscience, ni la force, ni même la justification. Il se chuchotait que nous croyions être devenus Dieu, et voilà que l’effondrement de l’“œuvre divine” (la nôtre) en son double catastrophique, avec le soupçon que notre toute-puissance en est la cause, fait de nous le Diable… Mais nous ne sommes ni l’Un, ni l’Autre.
A partir de ces constats, nous envisageons qu’au cœur de la crise terminale du Système se développe notre grande crise psychologique, la crise de notre psychologie mise face à des responsabilités qui sont les siennes mais dont elle n’eut nulle conscience, bonne ou mauvaise, – donc, dont elle n’est pas vraiment coupable, – d’où le déchirement, d’où la confusion et le désordre, d’où la crise. L’anthropocène est le cadre impératif où le sapiens doit se découvrir, responsable, accusé et coupable sans l’être vraiment, d’une œuvre qu’il a favorisée sans en comprendre le sens, pour des forces extérieures auxquelles il s’est soumis sans en mesurer leur noirceur.
"

Marginal news n°465 - 4 avril 2011
Habitués par les médias à ne réagir qu'aux événements catastrophiques explosifs, il semble entendu que la catastrophe nucléaire de Fukushima est désormais digne - pour cette seule raison - de quitter la Une. Rien n'y est terminé, bien sûr, mais enfin... ça devient lassant. Peut-être est-il temps de faire un petit point global, avant qu'elle ne disparaisse complètement - ou qu'elle prenne des proportions plus dramatiques encore et repasse en tête des "news" ? Pour notre part, nul doute que nous y reviendrons, tant la folie atomique, fruit de la technophilie devenue religion (donc irrationnelle), est symbolique de notre crise de civilisation, dont elle représente parfaitement la volonté infantile de toute puissance.

Marginal news n°464 - 1 avril 2011
Une agriculture écologique pourrait nourrir la planète, estime un rapport de l'ONU. "Poisson d'avril", diront sans doute les défenseurs de l'industrielle !

Marginal news n°463 - 31 mars 2011
Vivons-nous une apocalypse écologique - mot signifiant "révélation" ? Voici ce qu'en dit Jean-Pierre Dupuy, dans des propos recueillis par Catherine Halpern pour la revue Sciences Humaines (site payant), où il s'efforce de "désacraliser" l'apocalypse:
"Il n’existe aucune limite que le sacré ou la nature, ou la nature sacralisée, nous imposent. Or il n’y a de liberté et d’autonomie que par et dans l’autolimitation. Nous ne pourrons trouver les ressources de celle-ci que dans notre seule volonté d’être libre. Mais garde à la tentation de l’orgueil! Si nous nous contentions de dire que l’homme est responsable de tous les maux qui l’assaillent, jusques et y compris les catastrophes naturelles, à l’instar de Jean-Jacques Rousseau après le tremblement de terre de Lisbonne, nous perdrions la dimension de transcendance, celle-là même que préserve l’apocalypse désacralisée. Afin de nous inciter à veiller, le catastrophisme éclairé, au sens où je l’entends, consiste à se projeter par la pensée dans le moment de l’après-catastrophe et, regardant en arrière en direction de notre présent, à voir dans la catastrophe un destin – mais un destin que nous pouvions choisir d’écarter lorsqu’il en était encore temps.J’assume entièrement cette dimension religieuse de l’écologie, pour la bonne raison que toute pensée des questions dernières est inévitablement prise dans le religieux. Mais l’erreur à dénoncer est la confusion du religieux et du sacré. Il en va de la possibilité d’une écologie politique qui ne verse pas dans le moralisme voire dans le fascisme." Un extrait plus large ici.

Marginal news n°462 - 30 mars 2011
Voilà un moment que nous n'avions pas renvoyé vers un article de dedefensa, mais celui-ci, parce qu'il fait le lien entre Fukushima et Lybie, nous semble bienvenu. On y comprend que tout ceci est affaire de psychologie, que nous sommes entrés dans une phase décisive de l'effondrement du système sous lequel nous vivons depuis deux siècles et du mode de pensée qui le soutient - et que nous appelons, pour aller vite, la "confusion entre confort et progrès", entraînant la croyance que tout progrès technique est forcément positif pour l'humanité. La remise en question du nucléaire ira-t-elle jusqu'à sa suppression ? Voilà ce dont nous doutons un peu !

Marginal news n°461 - 29 mars 2011
Continuons la prospection du côté des ressorts cachés de ce que l'on nous présente comme des "actualités". L'intervention militaire en Lybie ? Un journaliste italien visiblement bien informé témoigne, dans un article traduit en français, des manoeuvres qui l'ont précédée - bien avant que BHL ne ramène la couverture à lui. Quant à la catastrophe de Fukushima, les imprécisions de Tepco sont nombreuses depuis le début (dernière en date : "du plutonium a été découvert autour de la centrale" le 28/3, mais nul ne semble savoir de quel réacteur il provient, ni ne précise que cela signifie probablement qu'une enceinte (radier) est fêlée). Mais elles ne font que refléter aujourd'hui les mensonges d'hier. Bon, on n'y voit pas beaucoup plus clair, et c'est normal : les apprentis sorciers (Sarkozy-BHL-Cameron ici ou les nucléotechnocrates là) sont aux commandes, mais l'avion est en feu et pique déjà du nez.

Marginal news n°460 - 28 mars 2011
L'exercice du jour, c'est de remettre les pendules à l'heure. Non pas à propos de l'heure d'été, mais à propos de la "montée" du FN aux élections, qui est somme toute tout à fait relative en nombre de voix, comme on le voit ici. Ou encore à propos de la fin annoncée de la crise financière, qui n'est qu'un tour de passe-passe - pour ne pas dire une arnaque - expliqué ici et riche de dangers. La presse-pravda ment, en n'allant pas au fond des choses, électionnant certains faits (les sondages pour 2012 plutôt que les chiffres réels de l'élection actuelle) et en oubliant d'autres. Alors, difficile de croire la propagande sur l'intervention en Lybie ou sur l'absence de risque du "Tchernobyl à bas bruit" que Fukushima est en train de devenir, n'est-ce pas ?.

Marginal news n°459 - 27 mars 2011
Si l'on se réfère à l'histoire des révolutions dans le monde, il devient vite impératif de se poser la question de savoir qui en profitera le plus dans les pays arabes, une fois l'enthousiasme retombé : les "démocrates" ou les "islamistes" ? Mais cette question, que seule la presse anglaise pose, a disparu des esprits - dirait-on - puisqu'il s'agit maintenant pour le système occidental de soutenir, de toutes les forces de son appareil médiatique, la "guerre humanitaire" déclenchée par BHL et Sarkozy, laquais parisiens au service des USA. Nous n'irons pas plus loin, étant nous-mêmes divisés sur cette intervention aérienne, En.marge/Elle la soutient pour "empêcher le massacre", En.marge/Lui la condamne pour de multiples raisons. L'accord se fait, par contre, à propos de la catstrophe nucléaire japonaise : au vu des faibles réactions qu'elle provoque, il n'est pas difficile de penser que rien n'arrêtera cette industrie, pas même d'autres accidents comparables ailleurs, car elle se trouve au coeur du grand projet moderne, où règne la confusion entre progrès et confort.

Marginal news n°458 - 16 mars 2011
Avant de disparaître pour quelques jours, et pour rebondir sur nos propos d'hier, nous vous proposons de suivre cette émission d'arrêt sur images datant de 1999, et montrant comment fut prise la décision du tout-nucléaire français. Inutile de dire que la démocratie n'en sort pas revigorée !

Marginal news n°457 - 15 mars 2011
On est d'autant moins tenté de commenter l'actualité que celle-ci s'accélère, menant la "crise" jusqu'aux dénouements paroxystiques qu'elle mérite. Révolutions arabes et catastrophes japonaises ne sont en effet que le début d'une grande explosion, celle d'un système paralysé depuis 30 ans - ayant donc accumulé de la pression - et parvenu à bout de souffle. Bientôt, nous ne saurons plus où donner de la tête : économie, politique, écologie - où c'est-y que ça ne foire pas ? Un moyen de garder la tête froide est de considérer les enjeux véritables, qui se situent à plus grande échelle et concernent les fondements de ce système lui-même, basé sur une rationalité aveugle, saoulé par des victoires techniques qui l'ont rendu esclave du mécanisme inhérent à sa maîtrise de la matière. Ce mode de pensée ne fait aucune place, ni dans ses analyses ni dans ses décisions, à l'intuition et aux sentiments, qu'il s'efforce cependant de manipuler au mieux de ses avantages (comme le montre ce décryptage du faux sondage récent sur Le Pen et les présidentielles). "Mais qui peut avoir eu l'idée saugrenue de construire une centrale atomique dans un pays régulièrement secoué par des tremblements de terre ?" se demande l'individu lambda intuitivement, et tout aussi intuitivement il sent que cela n'avait pas de sens et présentait beaucoup trop de risques - surtout dans les conditions de réalisation prévues, qui ne prenaient pas en compte l'éventualité d'un tsunami ! On sent aussi que cela dépasse largement le débat entre Rousseau et Voltaire au moment de la destruction de Lisbonne, que rappelait l'un de nos interviewés lors d'un tsunami encore récent, sans vouloir intégrer le fait qu'avec Hiroshima, la technique a fait entrer la civilisation dans une autre dimension. Nul doute qu'on nous refera le coup de défendre le nucléaire en accusant le tsunami. Le non-débat sur cette technologie est l'exemple symbolique parfait de la situation humaine globale, car il montre depuis près de 40 ans que l'humanité est désormais prise en otage par son propre développement technique : jusqu'à la mort, nous produirons, détruirons, produirons ! "Après moi le déluge !", confiait en fin de soirée un responsable de la filière nucléaire, un jour lointain de 1975, alors que les pêcheurs sétois menaient la lutte contre le projet d'une centrale à Frontignan. C'est aussi, sans doute, ce que se disent les dictateurs arabes en massacrant leur peuple. Après le temps des angoisses, nous entrons peu à peu dans le temps des pleurs. Sorry, folks !

Marginal news n°456 - 14 mars 2011
Bienvenue dans le monde jubilatoire et profond du romancier russe Vladimir Makanine ! Dans Underground ou Un héros de notre temps, Makanine raconte à la première personne les aventures (allant jusqu’au meurtre) d’un écrivain contestataire vieillissant et jamais publié, qui n’écrit d’ailleurs plus, et qui est devenu gardien d’appartements inoccupés dans une immense barre d’immeubles d’une ex-cité ouvrière de Moscou. Paria, marginal, buvant évidemment, misérable mais aimé des femmes, il tente de survivre dans les bouleversements de la perestroika, ce qui devient paradoxalement plus difficile encore, car la privatisation des appartements est source de tentations et de magouilles qui laissent encore moins de place au marginal que la bonne vieille gabegie soviétique. Ecrivain d’une « nouvelle vague » n’ayant jamais atteint la plage, il donne à la marginalité une figure unique et pourtant universelle, applicable en tout lieu de notre planète mondialisée. Le détour par le meurtre ne sert qu’à réveiller, littérature oblige, le thème de la culpabilité et du remords. Pétrovitch tue un Caucasien qui vient de le braquer tout sourire, puis un mouchard du KGB qui cherche à le compromettre. Crimes d’honneur, en quelque sorte, qui vise à préserver ce qu’il appelle, entre guillemets, son « moi », ce reste d’humanité que la société, bureaucratique ou commerciale, ne parvient toujours pas à détruire ou à mécaniser. Mais le remords incite à se confesser, et faute de le pouvoir, Petrovitch se retrouve à l’hôpital psychiatrique, dont il livre un témoignage ahurissant de réalisme, malgré la légèreté du ton. Avec ce Meursault conscient de son acte, capable de lui donner d’autres explications que le simple coup de soleil, Makanine se révèle comme un Camus de la post-modernité.
Il le devient encore plus dans le roman La Frayeur" (2006, Gallimard 2009), où il Philip Roth-ise son personnage en le faisant victime jubilante de sa sexualité – dernière frontière des esprits libres en ces temps de démocratie endormie par le consensus. Ah, on est loin de ce peine à jouir de Houellebecq ! Avec Makanine, le sexe reste un plaisant sésame pour partager des sentiments. Le héros (toujours à la première personne) est ici un vieillard aussi lubrique qu'attendrissant, qui vit dans un village de datchas où il déambule la nuit, incapable de résister à la tentation qui le pousse à tenter de se glisser dans le lit de solitaires endormies... Cette poilade, avec juste ce qu'il faut de "philosophie", permet à Makanine de s’approcher aussi de Rabelais, même si toutes ces références (Camus, Roth, Rabelais) ne servent qu'à dessiner une esquisse par des comparaisons faciles, et ne doivent surtout pas faire oublier qu’on a affaire à un auteur russe, inscrit délibérément dans sa tradition et méritant même des rapprochements avec Dostoievsky. Tout ceci se double d’une rocambolesque aventure au sein de la Maison Blanche, assiégée par la troupe en 1993, et s’émaille de pages aussi grandioses et drôles que profondes sur la vieillesse, sa relativité, sur le destin d’une « nouvelle » Russie qui comme tout pays n’aura jamais rien de nouveau. L’humour, l’élan, le rythme endiablé de l’écriture rendent compte des multiples désordres de l’esprit, tandis que l’impeccable maîtrise du style et du récit ramène tout ce chaos dans les sillons d’une narration compréhensible. On suit Piotr Pétrovitch Alabine dans ses pérégrinations titubantes sous la lune, on rit de le voir préparer ses minables magouilles (un bouquet de fleurs pour prouver qu’il s’est bien trompé de datcha), on se régale tout du long.
« Après tout, que m’importent leurs sentiments ? Cette vie de mal-aimé (de paria) pouvait être vécue non comme une mésaventure mais comme une simple aventure : une aventure intellectuelle, passionnante à sa manière, qui arrivait à mon « moi ». »
Vladimir Makanine, Underground ou Un héros de notre temps, (1998), Gallimard 2002, p. 308
« L’idée qu’on perd sa liberté en devenant célèbre était l’une de mes pensées favorites. Zykov le savait et il se mettait à mon diapason. Mais il schématisait. Ma pensée (une flèche lancée au temps de ma jeunesse) volait tout de même un peu plus haut. A sa pointe brillait déjà à l’époque l’image sublime des fous de Dieu et des bouffons, indépendants des changements de pouvoir. L’underground comme une garde d’honneur : l’escorte divine de l’agitation humaine. »
Vladimir Makanine, Underground ou Un héros de notre temps, (1998), Gallimard 2002, p. 526

Marginal news n°455 - 12 mars 2011
Cette traduction, sur le site investig'action, d'un article d'Andrew Marshall, offre une bonne occasion de faire le point sur tout ce que les messages diplomatiques révélés par wikileaks nous ont appris sur l'état des relations géopolitiques actuelles. entre la vision du monde de Zbigniew Brzezinski.(et des élites nord-américaines), les détails sur le rôle éminemment politique joué par la famille royale anglaise (qui n'est pas là pour le decorum), le double-jeu de l'Arabie Saoudite vis à vis des USA et celui des USA vis à vis du Pakistan ou du Yemen, il y a de quoi se faire un avis sur les enjeux géostratégiques et sur le fonctionnement de "l'empire". L'article est un peu long - selon les normes actuelles - mais on apprend plein de trucs, notamment dans l'annexe !

Marginal news n°454 - 11 mars 2011
Selon la présentation qu'en font les économistes et les médias, la Chine est devenue l'atelier du monde, le grand vainqueur de la mondialisation. Ne devrait-elle pas, dans ce cas, enregistrer des bénéfices records ? Mais alors, comment se fait-elle qu'elle connaisse parfois un déficit de sa balance des paiements (la différence entre ce qu'elle vend aux autres pays et ce qu'elle leur achète) ? Admirons la précision et la rapidité des données : ce déficit a été de 7,3 milliards de dollars en février 2011, selon cet article. Il serait dû aux vacances du nouvel an chinois. Mais n'oublions pas les importations massives de pétrole. L'or noir... au lieu du dollar, ce devrait être la nouvelle monnaie internationale. Tout un symbole.

Marginal news n°453 - 6 mars 2011
Nous ne croyons pas que les révolutions arabes soient le fruit d'internet, et cet avis est partagé par un spécialiste, qui a tenté la chose en Biélorussie, sans grand succès. Il aurait même plutôt tendance à penser le contraire (internet comme outil de domination) et invite à concilier 1984 et Le Meilleur des Mondes dans notre analyse de la société actuelle.

Marginal news n°452 - 2 mars 2011
Un seul chiffre permet de saisir la manipulation à laquelle nous avons été soumis depuis des décennies à propos de l'American dream et autre American way of life : un pour cent de la population US possède 50% de la richesse, ce qui représente davantage qu'en Egypte, et engrange chaque année depuis 10 ans davantage de revenus (toujours en pourcentage) que tout ce que Moubarak, Ben Ali et leurs cliques ont volé aux peuples de leurs pays respectifs. Les disciples d'Edward Bernays en "ingéniérie du consensus" ont bien travaillé, en nous persuadant que là-bas les prévaricateurs régnaient alors qu'ici, la démocratie nous préservait de telles injustices ! Mais cela donne un pays en bien mauvais état, comme commence à en témoigner Hollywood lui-même, ave ce film, par exemple.

Marginal news n°451 - 20 février 2011
Avant de disparaître pour quelques jours - ou peut-être plus - proposons un article de J.Ph. Immarigeon qui explique mieux que nous ne saurions le faire ce que nous entendons quand nous parlons d'une "crise générale du système". Ce système n'est lui-même que le résultat d'un mode de pensée confiné à l'usage de la raison et prisonnier de la technique que cet usage a engendrée. La prétention à tout contrôler dans les sociétés humaines, elle-même issue de la volonté de contrôler, dominer, maîtriser, la nature, est le fruit d'une théorie - le rationalisme scientifique déterministe - qui est passée de l'explication des phénomènes à leur prévision, sans comprendre qu''au-delà d'une certain niveau de complexité, celle-ci n'était plus valable. Les lois d'airain de la physique newtonienne ont été mises à mal par la physique quantique, mais comme l'ancienne physique "marchait" pour la plupart des phénomènes observables, on a cru à tort qu'elle s'appliquait à tout. Extrait : "La pensée étouffante en Occident reste celle du déterminisme clos de Condorcet et Laplace, que Bergson nommait « la religion statique ». C’est cette pensée que les crises à répétition qui secouent le vieil ordre du monde depuis les années 2000, des attentats à la grippe aviaire, des cyclones aux élections contrariantes, ont révélé en bout de course. Elles ont surtout confirmé que notre « monde égaré », comme disent les islamistes avec quelque raison, fait désormais semblant de savoir où il va, mais que plus personne n’est dupe." L'un des intérêts de cet article est de montrer que depuis ses débuts (Newton lui-même), le déterminisme a été remis en question (notamment par Diderot, sans parler de Rousseau puis de Valéry). Des références qui ont manqué, il faut le reconnaître, à Nos Pensées Créent le Monde - le livre qui valut à ses auteurs d'être rejetés et ostracisés par la communauté scientifique, incapable d'intégrer les conséquences et la perte de pouvoir qu'implique la physique quantique. Bref, voilà de quoi se prendre le chou jusqu'à notre retour...

Marginal news n°450 - 18 février 2011
Odile Buisson, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital de Saint-Germain-en-Laye, auteur de Qui a peur du point G ? Le plaisir féminin, une hantise masculine (avec Pierre Foldès, février 2011, éd. J-C Gawsewitch) témoigne de notre méconnaissance du plaisir féminin et du machisme de l'institution médicale en France. Incroyable. On n'en sait pas beaucoup non plus sur manifestations de fonctionnaires qui ont lieu depuis lundi dans le Wisconsin - un état à la longue tradition ouvrière - dont la presse-pravda française ne parle pas. Pas encore ?

Marginal news n°449 - 17 février 2011
Nous perdons rarement notre temps à dénoncer les scandales, financiers et autres, impliquant le personnel politique, tant ils sont nombreux. Se faire prendre la main dans le sac est même devenu le meilleur moyen de se faire réélire, croirait-on. Voici en effet plusieurs décennies que l'UMP (ou le RPR à son époque) et le PS s'arrangent entre eux pour se dédouanner mutuellement de leurs innombrables malversations, tout en donnant l'impression de s'en accuser mutuellement. Selon nos sources, cet accord date au moins des années 70, quand la droite d'alors et le PS de Mitterand s'entendirent pour couper les sources de financement occulte du PCF (avec pour dommage collatéral l'abandon de la géothermie comme source de chauffage urbain en région parisienne).Après l'accord entre la mairie de Paris et l'UMP au sujet des prévarications de Chirac quand il était maire, en voici un dernier exemple, avec le rapport pour le moins sophiste émis par une sénatrice PS au sujet de la vente de l'hippodrome de Compiègne par eric Woerth. Sophisme, pour ne pas dire carrément malhonnêteté, puisque la sénatrice prétend dans le même temps que le prix de vente n'était "excessif ni dans un sens ni dans l'autre", mais qu'elle ne saurait en juger, manquant "d'éléments de comparaison". Noyer le poisson, paraître dire les choses sans les dire tout en disant le contraire, et au final, ce scandale-ci passera à la trappe comme tous les autres... mais il est rare de voir apparaître avec tant de clarté la collusion mafieuse des politiciens de nos "partis de gouvernement".

Marginal news n°448 - 16 février 2011
Même la presse-pravda donne parfois des éclairages qui valent le coup d'être lus. Par exemple,dans Le Monde, l'aveu d'un "transfuge" irakien qui reconnaît (et assume) avoir menti au sujet des armes de destruction massive qui ont justifié l'invasion de l'Irak. Juste une confirmation de ce qu'on savait déjà... A quand les questions sur le 11 septembre, à partir notamment des articles du même canard à l'automne 2001, suivant l'arrestation puis l'expulsion des USA d'une trentaine de citoyens israéliens ayant logé tout près des terroristes ? Quant à Libération, c'est un petit exercice de détestation de soi qu'il propose, avec ces réactions d'"Arabes de France" (dit le titre) aux événements en Tunisie, Egypte, et à la position de la France officielle face à eux. L'intéressant, là-dedans, n'est ni de savoir si leurs propos sont justifiés ni d'en discuter, mais de comprendre où conduit l'utilisation de leur "arabitude" pour émettre une critique de la politique du gouvernement et de la société française : cela contribue à relier la critique des défauts de la société à un bouc émissaire qui permet de transformer en haine de l'autre la détestation de soi ressentie face à ces défauts, lorsque ceux-ci deviennent trop évidents - comme c'est le cas en cette affaire. C'est insidieux, inconscient (comme l'a montré René Girard), mais allié au racisme, ça marche à tous les coups ! Signalons enfin ce petit décryptage de l'utilisation par les entreprises des célèbres phases du deuil mises en évidence par Elisabeth Kubler-Ross (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation) pour faire accepter aux employés les changements dont ils ne veulent pas.

Marginal news n°447 - 14 février 2011
L'hypocrisie de notre soi-disant démocratie n'est-elle pas contenue toute entière dans la distinction établie par les médias entre "partis politiques" et "partis de gouvernement", comme si seuls les deux partis ainsi désignés étaient légitimes ?

Marginal news n°446 - 12 février 2011
Les amateurs de la symbolique des chiffres goûteront (après avoir noté en son temps que 9-1-1 est le n° de téléphone d'urgence aux USA), que le départ du dictateur égyptien aura finalement eu lieu le 11-02-2011 - le "nombre inversible" de l'année. Tiens, à propos, saviez vous que le 11 septembre 1941, à 8h45, fut posée la première pierre de l'édification du Pentagone (soit 60 ans jour pour jour et heure pour heure avant le crash sur la première des tours du WTC) ? Dans cette veine, notons également la foule de coincidences entre les assassinats de Lincoln et Kennedy... Autre chose : pour rebondir sur la note d'hier, signalons que Denis Robert a commenté lui-même la récente décision de justice qui le blanchit, ou encore cet article d'Imhotep (un autre rédacteur à suivre sur Agoravox, pour la qualité et l'intérêt de ses articles) sur la magouille de l'arbitrage en faveur de Bernard Tapie. Allons, silence : ne vit-on pas mieux en France qu'en Egypte ?

Marginal news n°445 - 11 février 2011
Il a fallu attendre quelques jours, comme il se doit, avant de constater que les médias dominants n'allaient pas dire un mot ou presque du dernier dénouement de l'affaire Clearstream, dont ils avaient fait tant de mousse il y a quelques mois : selon la Cour de cassation, Denis Robert, le journaliste dont les enquêtes avaient lancé toute l'affaire, n'avait pas diffamé Clearstream - délit de "diffamation" qui avait servi aux médias pour le discréditer et noyer le poisson de la corruption dans le bain de la rivalité Sarkozy-Villepin. C'est la dernière étape de la manipulation : quand la vérité éclate, on le mentionne juste en passant - ou pas du tout, comme l'a fait la télé. L'info disparaît dans le flot, l'affaire qui faisait tant de bruit n'est plus qu'une anecdote. Et tout le monde sait que les affaires Woerth, Balladur (appelée Karachigate !), MAM et autres subiront le même sort... Enervant, non ?

Marginal news n°444 - 10 février 2011
Aujourd'hui, rien que de l'info ! Pour savoir, par exemple, quels sont les plus gros annonceurs sur le web en France. Ou que les "experts" estiment que la spéculation n'est pour rien dans la flambée des prix agricoles - ou presque. Quant aux voyages gratuits de nos ministres, ils concernent d'abord et avant tout le président. Ce dernier lien renvoie au site d'Arrêts sur Images, que nous avons déjà cité sans trop de détails. En voici : ce site est le rescapé de la mort de l'émission télé du même nom et il est animé par Daniel Schneidermann (l'un des rares journalistes "connus" à ne pas être aux ordres et à taper de tous les côtés). Payant, il propose cependant des articles gratuits, et DS écrit chaque jour une chronique décapante (le neuf-quinze) que l'on peut recevoir en courriel, et que nous nous permettons de conseiller. Et au passage, signalons cet article de Pascal Boniface (autre "connu" qui se réveille un peu) stigmatisant les prises de position mitigées, voire abjectes, de nos "intellos" médiatiques à propos de la révolution en Egypte. Par contre, la promotion de l'infâme Nicolas Demorand (bientôt codirecteur de Libération, s'il-vous-plaît !) fait peu de cas de son incompétence, démontrée ici et . Autre sujet : les révélations promises par Wikileaks à propos d'une "grande banque américaine", attendues par toute personne intéressée par les dessous de la crise financière, semblent plutôt décevantes, a priori.

Marginal news n°443 - 9 février 2011
Un peu de prospective ? Jean-Paul Baquiast, dont nous citons parfois le site Automates Intelligents et que nous avions interviewé il y a quelques années (ici), n'est pas seulement le découvreur de l'excellente formule "systèmes anthropotechniques" pour désigner les organisations humaines dans lesquelles la technologie joue un rôle si important qu'elle finit par déterminer leur stratégie. Le nucléaire en France en est sans doute le meilleur exemple, dans la mesure où il serait aujourd'hui impossible d'y mettre fin, mais aussi dans la mesure où cette impossibilité "oblige" à aller de l'avant vers de nouvelles centrales supposées consommer les déchets des précédentes... mais en en produisant d'autres plus ingérables encore. Jean-Paul Baquiast livre aujourd'hui, sur le site dedefensa, une fiche de lecture d'un livre publié aux USA (Martin Ford, The Lights in the Tunnel) sur les conséquences de l'automatisation, qui dessine un avenir à la Soleil Vert, film apocalyptique des années 70. Extrait : "La “vision du monde” qu'il nous propose est simple à résumer. Il montre que dans le cadre des lois du marché qui se sont imposées au monde entier depuis quelques années, le “libre” développement capitalistique des sciences et des technologies produira des sociétés invivables, dominées par une étroite minorité d'individus et d'entreprises ayant monopolisé les ressources de la nature et de la technique. Les technologies auront en effet partout remplacé le travail humain. Ces sociétés seront invivables parce que les 70 à 80 % d'humains ayant perdu leur place dans les cycles de production et transformés au mieux en assistés, ne pourront que se révolter contre les accapareurs du pouvoir technologique et économique. Ceci d'autant plus que la raréfaction prévisible des ressources naturelles et l'aggravation des crises climatiques réduiront encore leurs capacités de survie."
Difficile d'exprimer un avis sans avoir lu le livre. Cependant, des contradiction apparaissent évidentes : commment les entreprises pourraient-elles poursuivre l'automatisation si elles ne vendent plus rien - et si les ressources naturelles font défaut ? D'autre part, pourquoi les peuples se révolteraient-ils contre une condition de farniente (chips et télé toute la journée) alors qu'il ne l'ont pas fait lorsque leur quotidien était moins confortable ?

Marginal news n°442 - 8 février 2011
Nous ne partageons pas toutes les analyses d'Alain Soral, qui prennent trop peu en compte la dimension écologique de la crise actuelle, et témoignent trop souvent de ses vindictes personnelles (mais qui ne deviendrait parano à force d'être ostracisé, et caricaturé en "fasciste rouge-brun" ?). Cependant, sa démarche (qu'il explicite ici) rejoint la convergence plaidée par Ralph Nader aux USA entre tous les ennemis de la mondialisation, dont nous parlions il y a quelques semaines. Soral rejoint également Lasch, dont nous avons tant parlé, notamment lorsqu'il écrit (ici) :"Poussée en avant par la loi du profit, contrainte de trouver sans cesse de nouveaux marchés, la bourgeoisie, pour rester maîtresse du jeu, ne cesse de changer, changer jusqu’à nier les valeurs qui lui permirent de s’imposer… Entrepreneuse et économe à la période du décollage, elle fonctionne aujourd’hui, à l’opposé, sur la spéculation financière - qui paralyse toute volonté d’entreprendre – et le marché du désir, aux antipodes du moralisme bourgeois du XIXe siècle, démontrant par-là que le premier principe, le principe ultime du monde bourgeois, auquel il est capable de sacrifier tous les autres, c’est le saint profit." Un moment lié au Front National (après avoir été membre du PCF), Soral sent le soufre. Dommage ! Bien qu'il n'aille pas au bout de sa critique (en oubliant que le moteur qui a permis le triomphe du capital étant le progrès technologique, celui-ci a désormais pris les commandes, malgré nous), il s'attaque de front aux mensonges en cours, dont celui (et cela explique son abandon du FN) qui consiste pour le Système à déléguer à l'extrême-droite la responsabilité du choc des civilisations qu'il a créé, entretenu et nourri. Par exemple, il faut savoir qu'un 2ème tour entre Marine Le Pen et DSK, défend-il ainsi sur cette vidéo, présenté par le système UMPS comme le cauchemar absolu, est au contraire l'agenda que ce système poursuit.

Marginal news n°441 - 5 février 2011
La croyance dans la supériorité de notre démocratie se renforçant au spectacle des tentatives des foules arabes pour y accéder, il convient d'étayer l'affirmation d'hier, qui tendait à établir une 'résonance' entre les régimes arabes et les nôtres, suivant le concept de la 'peau de banane' sur laquelle les uns et les autres glissent depuis 30 ans. Une intéressante série de prises de positions publiées dans Le Monde, dont certaines viennent d'intellectuels arabes, va y contribuer. Il ne s'agit évidemment pas de nier les différences, qui sont manifestes : alternance politique ici, régime unique là-bas, situation apaisée ici, violence là-bas; élites un peu corrompues ici, totalement prédatrices là-bas; Etat dévoué au service public ici, à la répression là-bas, etc. Cependant, ces différences relèvent plus d'une question d'échelle que d'une véritable opposition entre deux modèles : elles incitent à mesurer notre prétendue 'supériorité' avec d'autres critères que la seule dimension de la violence. Certes, nous avons l'alternance, mais il semble entendu qu'elle n'apporte pas grand changement. Certes, les régimes occidentaux ne sont ni dictatoriaux, ni "rentiers" au sens où l'entend l'un des articles de la série, mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'ils fonctionnent eux aussi sur une 'rente', faite du patrimoine accumulé depuis des siècles de développement économique et arrondie par l'apport des impôts. Quant à leur proximité d'intérêt avec les élites économiques, si elle ne procède pas de l'amalgame pur et simple, elle semble bien mener à un appauvrissement de la majorité. Question d'échelle, disions-nous : la gouvernance apaisée que nous connaissons repose davantage sur une habile redistribution des moyens de l'Etat (destinée à circonvenir les conflits en fonction non de l'injustice qu'il révèlent, mais de leur capacité à nuire au parti en place) et surtout, sur la passivité des peuples occidentaux et sur leur tolérance des abus de pouvoir (Tarnac) et de la prévarication, puisque l'on appelle ici 'scandales' ce que nous nommons 'corruption' là-bas.
Autant d'élements qui invitent à la remise en question ! Et à méditer l'avertissement de Christopher Lasch (c'est notre manie du moment !), prévenant que cette indifférence "pourrait indiquer non pas un retrait de la chose politique, mais bien plutôt le début d’une révolte politique générale", les peuples occidentaux "bouillonnant d'une colère intérieure à laquelle une société bureaucratique, dense et surpeuplée, ne peut offrir que peu d'exutoires légitimes." ( La culture du narcissisme, (American Life in An Age of Diminishing Expectations, 1979), Flammarion, coll. Champs, 2006, p.23)

Marginal news n°440 - 4 février 2011
Ce qui frappe dans cette "révolution" dans les pays arabes, c'est le fait que ces dictateurs soient tous installés au pouvoir depuis environ 30 ans, car cela entre en résonance avec le fait que l'Occident, de son côté, vit sur ce plan (l'âge des problèmes) la même situation : depuis 30 ans, les choses vont en empirant ! Nous savions déjà, il y a 30 ans (et même 40 si on remonte aux sources), que notre démocratie est un jeu de dupes (ex. : Chirac faisant gagner Mitterand en 81, celui-ci inversant son programme en 83), que les catastrophes écologiques posent un problème drastique à la croyance dans le progrès technique, et que bien d'autres choses encore (la persistance du racisme, par ex.) remettent en question la philosophie des Lumières, la civilisation industrielle et ses croyances en la raison instrumentale.
Et comme nous avons poursuivi la lecture de Christopher Lasch avec Le moi assiégé, essai sur l’érosion de la personnalité, (1984, éditions Climats, 2008), citons ce passage dans lequel, après avoir opposé "raison pratique" (destinée à favoriser le développement du caractère et la perfection morale) et "raison instrumentale" (qui "s’occupe uniquement des moyens appropriés à une fin donnée"), il livre son verdict :
" Les sociétés industrielles ont pour ainsi dire complètement perdu de vue la possibilité que le travail et la politique puissent faire office de disciplines formatrices du caractère. On ne comprend désormais plus ces activités qu’en tant que moyens de satisfaire des besoins matériels. Les idées morales, elles, perdent leur lien avec la vie pratique et les vertus spécifiques aux pratiques particulières : on les confond à présent avec l’exercice de choix purement personnels et l’expression de préjugés et de goûts personnels que l’on ne peut ni justifier ni expliquer et que personne ne devrait donc tenir pour fermes.
C’est la détérioration de la vie publique, alliée à la privatisation et à la banalisation des idées morales, qui nous empêche de nous attaque collectivement aux difficultés écologiques et militaires que rencontrent les nations modernes. Or le parti de Narcisse ne comprend pas la source de ces difficultés : la confusion entre pratique et technique.
" (p. 261)
On comprendra mieux, dès lors, cette opinion de Philippe Grasset de dedefensa.org à propos de la crise en Egypte :
"La crise égyptienne marque un tournant en ce sens qu’elle introduit un modèle d’événement (de crise) qui suscite désormais directement la mise à jour de la crise fondamentale du Système, qui se manifeste tout aussi directement dans le comportement aléatoire et erratique des directions politiques. Ces directions politiques ne sont pas aux abois, elles ne sont pas menacées dans leur pouvoir par des forces qui se trouvent dans le champ de leur action ; elles sont plutôt complètement dépassées par des forces supérieures et plongées dans la plus extrême confusion dans la façon d’user de leur pouvoir et des moyens de puissance dont elles disposent. L’ironie suprême est que cette prise en main des événements par les grands courants historiques suscite une sorte de G4G (Guerre de 4ème Génération) au plus haut niveau, où il ne s’agit pas de réduire ou de détruire les moyens de puissance des forces adverses et les forces adverses elles-mêmes (celles du Système) mais où il s’agit de plonger le Système dans un tel état de confusion et d’incertitude qu’il en arrive lui-même à faire usage de sa propre puissance contre lui-même. Le schéma est plus que jamais celui d’une autodestruction du Système, par tous les moyens possibles."

Marginal news n°439 - 2 février 2011
Cette vidéo mérite sans doute de circuler, tant elle montre que la violence policière gratuite a pris des proportions dangereuses : la manif est tout ce qu'il y a de plus tranquille, provinciale, rurale même, et soudain, les gendarmes partent en vrille. Remarquez au passage comme on ne voit aucun des élus à écharpe tenter de s'interposer ! Qui n'a pas assisté, au cours des dernières années, à une démonstration d'agressivité policière démesurée ? Un violent "vous voules que je vous embarque au poste ?" face à un vieux monsieur qui s'approche d'un accident, un "hé vous, dégagez !" hurlé par une agente de police à cent mètres de distance, en pleine rue, à un type sortant rapidement, pour aller faire une course, de sa voiture garée au carrefour (ne génant donc que les piétons)... une attitude corporelle, une démarche, et un comportement de cow-boy... la formation de nos diverses polices semblent laisser à désirer, et préférer l'intimidation outrancière à la digne autorité. Plutôt grave, non ?

NOUVEAU : LES DIFFERENTES THERAPIES DE LA MEDECINE CORPS-ESPRIT (de l'acupuncture au cognitivisme)

Marginal news n°438 - 1 février 2011
Quel dommage que ce soit à propos d'Hemingway ! La façon dont PPDA se défend contre l'accusation de plagiat portée contre lui par L'Express est un exemple du genre, et même un cas d'école : elle illustre à merveille non seulement la méthode de "comm" employée pour noyer le poisson, finement décryptée ici, mais aussi la connivence régnant dans le milieu mass-médiatique, et démont(r)ée là. Tout ce beau monde a fait preuve d'une grande complaisance, personne n'osant aborder, outre la question du plagiat où les questions furent de pure forme, le fait qu'il semble avéré que PPDA n'écrit pas les livres publiés sous son nom. La question, pour qui est un peu du métier, est de savoir si son "nègre" (Bernard Marck ?) l'a fait exprès. Cependant, tout comme ce fait divers lui-même, cette question n'a que peu d'importance. Mieux vaut retenir du premier décryptage l'explication de la méthode, utilisée dans moult circonstances :
I- Premier coup de cuiller à pot : détourner l’attention par un leurre de diversion
1- Un bobard invraisemblable
2- Trois leurres auxiliaires
a- le premier est le leurre de la vaccine décrit par Barthes (reconnaître un peu de mal pour faire admettre un grand bien).
b- Le deuxième leurre est le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée.
c- Le troisième leurre est le leurre de l’égalisation. Essentiel et détails inutiles sont mélangés et traités à égalité
3- Un quatrième leurre : l’argument d’autorité (sa « longue mission » au Pakistan confiée par l’UNICEF).
II- Deuxième coup de cuiller à pot : nier farouchement sans craindre la contradiction !
1- Dénégation farouche
2- Contradiction entre affirmations et données vérifiées
3- Aveu de copies dans la version de travail
III- Troisième coup de cuiller à pot : jouer la victime
1- La pose de la victime ("je suis célèbre, tout le monde est contre moi)
2- L'accusé, victime de lui-même : il en rajoute une couche en s'accusant de petites fautes qui n'ont rien à voir mais qui l'excusent
.
Notons par ailleurs la conclusion du second article, qui résume comment ça se passe à Las Vegas :
"L'’impunité garantie au plagiaire marque la corruption intellectuelle d’une médiacratie – et permet de mesurer la solidité des liens qui la constituent. C’est d’ailleurs ce qui préoccupait Christophe Barbier [chef à L'Express], dans un article publié sur son blog, où, solidaire de son journaliste, il enfonçait la défense de PPDA, pour préciser cependant : « J’ai, et tiens à conserver, de bons rapports avec Patrick Poivre d’Arvor, que je retrouverai demain pour les délibérations du prix Hachette »... De bons rapports qu’une fois les blessures de PPDA refermées, les deux médiacrates noueront de nouveau, à n’en pas douter. Barbier, dans le même papier, ne faisait-il pas preuve d’une prometteuse compréhension : « Que des auteurs n’aient pas le temps ou les capacités d’écrire eux-mêmes leurs ouvrages est compréhensible." Un post-scriptum de cet article fait le lien entre le silence sur cette affaire de la part de la radio France Culture et le fait que le frère de PPDA en est le directeur. "Médiacratie" n'est pas un vain mot.

Marginal news n°437 - 31 janvier 2011
Faut-il parler ici des événements qui agitent le monde arabe actuellement ? "Révolution", vraiment ? On ne peut que se réjouir de voir des tyrans renversés, et en même temps, la présentation qu'en font les médias témoigne du sentiment mitigé que ressent l'Occident face à cette libération. L'habituel sentiment de supériorité est là, bien sûr, car à cette joie se mêle une impression de déjà-vu, comme si ces peuples - que l'on disait il y a peu inaptes à la démocratie - empruntaient enfin notre glorieux cheminement vers la liberté. Mais il y a aussi de l'inquiétude, devant le "risque islamiste" - avec l'Egypte, on approche de l'oeil du cyclone que représente, géopolitiquement et symboliquement, la Palestine ! Il y a, enfin, un effet de miroir qui incite à se demander si ce cheminement vers la liberté dont l'Occident est si fier lui a apporté une démocratie véritable, et la réponse étant non, à souhaiter voir la "contagion" gagner nos propres pays aussi... A ère de la mondialisation, révolution mondiale ?

Marginal news n°436 - 29 janvier 2011
« Le nouveau Narcisse est hanté, non par la culpabilité mais par l’anxiété. Il ne cherche pas à imposer ses propres certitudes aux autres : il cherche un sens à sa vie. Libéré des superstitions du passé, il en arrive à douter de sa propre existence. Superficiellement détendu et tolérant, il montre peu de goût pour les dogmes de pureté raciale ou ethnique ; mais il se trouve également privé de la sécurité que donne la loyauté du groupe et se sent en compétition avec tout le monde pour l’obtention des faveurs que dispense l’Etat paternaliste. Sur le plan de la sexualité, il a une attitude ouverte plutôt que puritaine, bien que son émancipation des anciens tabous ne lui apporte pas la paix pour autant dans ce domaine. Il se montre ardemment compétitif quand il réclame approbation et acclamation, mais il se défie de la compétition car il l’associe inconsciemment à une impulsion irrépressible de destruction. Il répudie donc les idéologies fondées sur la rivalité, en honneur à un stade antérieur du développement capitaliste, et s’en méfie même quand elle se manifeste de façon limitée dans les sports et les jeux. Il prône la coopération et le travail en équipe tout en nourrissant des impulsions profondément antisociales. Il exalte le respect des règlements, secrètement convaincu qu’ils ne s’appliquent pas à lui. Avide, dans la mesure où ses appétits sont sans limite, il n’accumule pas les biens et la richesse à la manière de l’individu âpre au gain de l’économie politique du XIXè siècle, mais il exige une gratification immédiate, et vit dans un état de désir inquiet et perpétuellement inassouvi." Christopher Lasch, La culture du narcissisme, (American Life in An Age of Diminishing Expectations, 1979), Flammarion, coll. Champs, 2006, pp. 24-25

Marginal news n°435 - 26 janvier 2011
Nous parlions il y a quelques jours (n° 431) des articles très documentés proposés par "Morice" sur Agoravox, signalant leurs importantes révélations sur le fonctionnement véritable du trafic international de drogue - certes, il est plus facile pour les télés de nous montrer les braves policiers s'attaquer au trafic dans les banlieues ! Son dernier article (sur un mystérieux crash d'un avion rempli de coke au Mali) permet, en outre, de mieux comprendre ce qui se joue en ce moment dans le Sahel - ainsi, peut-être, que la "révolution" en Tunisie, que nous voyons pour notre part, considérant le revirement de l'armée, comme un coup monté.

Marginal news n°434 - 25 janvier 2011
'Ce qui apparaît comme apathie des électeurs aux yeux des adeptes des sciences politiques, peut constituer, en fait, un scepticisme justifié à l’égard d’un système politique dans lequel le mensonge public est devenu endémique et banal. La défiance que l’on constate à l’endroit des experts pourrait contribuer à diminuer la dépendance à leur égard, qui limite notre autonomie. (…) Ce que les élites politiques et dirigeantes qualifient d’ « indifférence à la politique » pourrait bien signifier un refus grandissant des citoyens, de participer à un système politique qui les traite en consommateurs de spectacles préfabriqués. Ce comportement, en d’autres termes, pourrait indiquer non pas un retrait de la chose politique, mais bien plutôt le début d’une révolte politique générale. " Christopher Lasch, La culture du narcissisme, (American Life in An Age of Diminishing Expectations, 1979), Flammarion, coll. Champs, 2006, p.23)
On se met à entendre ces jours-ci, par exemple à la radio sur France Culture ou à la télé (hier, à Ce soir ou jamais), que nous sommes gouvernés par une oligarchie et que la révolte gronde. Est-ce vraiment le signe qu'une révolution menace, ou l'amorce d'une n-ième récupération de la contestation par le système ?
Les oligarques et autres zélites françaises ne devraient pas trop s'inquiéter : en maîtrisant le paysagevia leurs médias de masse, ils ont enfermé la contestation dans leur fausse logique droite-gauche, séparant habilement les forces anti-système entre (en France) Le Pen et Mélenchon, empêchant cette contestation de prendre forme. Aux USA - toujours en avance dans ces processus - on assiste cependant depuis 2008 à un étrange rapprochement entre Ralph Nader (aujourd'hui écolo) ou Bernie Sanders ("socialiste démocrate" député du Vermont) et le très "conservateur" Ron Paul (député républicain du Texas, qui a voté contre l'invasion de l'Irak et veut réduire le budget du Pentagone). Un résumé, en anglais, ici.
Nous, on aura bonnet blanc ou blanc bonnet, conne d'hab !
Si les écolos avaient une véritable vision politique, ils rejoindraient-avaleraient Mélenchon et, ensemble, ramèneraient l'électorat FN à sa seule dimension raciste, en montrant la vérité du programme économique de ce parti menteur.

Marginal news n°433 - 22 janvier 2011
Qui se souvient encore de 1990, de l'invasion du Koweit par l'Irak, qui déclencha la 1ère intervention militaire internationale dans ce pays, la "Guerre du Golfe" soutenue par la France, sa classe politico médiatique et ses salonards ? On se doutait (voir cette newsletter en 2008) qu'il y avait eu là anguille sous roche, et ce doute est aujourd'hui confirmé par un document de wikileaks passé sous silence partout sauf en Norvège, où le quotidien Aftenposten se livre à une publication des "fuites" nettement plus large que les autres "grands" quotidiens ayant passé un accord avec wikileaks. Extrait traduit du memo de l'ambassadeur, dans une note où elle relate son entretien en juin 90 avec Saddam Hussein, président de l'Irak, et la mention par celui-ci du vieux conflit frontalier entre son pays et le Koweit (qu'il accuse par ailleurs de ne pas respecter les règles de l'OPEC sur les quotas pétroliers) et la possibilité d'une intervention militaire irakienne pour le résoudre : "L'ambassadeur dit qu'elle avait servi au Koweit vingt ans plus tôt, et qu'alors comme maintenant, nous ne prenions pas position sur ces affaires arabes." Le ton général des propos de l'ambassadrice confirme les "bonnes intentions" des USA envers l'Iraket Saddam, leur "soutien" dans les négociations avec le Koweit engagées sous l'égide de l'Egypte, etc... En termes diplomatiques : les USA sont neutres. Le piège était tendu, et Saddam tombait dedans quelques semaines plus tard... 20 ans après, on sait comment. Ce n'est pas seulement l'Histoire qui avance plus vite, c'est aussi la révélation de ses secrets !

Marginal news n°432 - 20 janvier 2011
Les miracles accomplis par l'agriculture industrielle offrent un bon exemple du raisonnement technocratique qui fait prévaloir sur tout autre critère celui de la seule productivité. Résultat : céréales, fruits et légume n'ont pas seulement moins de goût, il sont surtout moins riches en vitamines et minéraux, et ce dans des proportions étonnantes. Cet article fait le point de diverses études scientifiques qui le prouvent sans ambiguïté - avec les liens vers ses études, en anglais pour la plupart. Que se passera-t-il à l'heure de la prise de conscience ? Cela convaincra-t-il certains de passer au bio ? Et combien se rueront plutôt sur les suppléments alimentaires ?

Marginal news n°431 - 19 janvier 2011
Marquons une pause, car ce n'est pas tous les jours que nous apprenons - bien tardivement - que notre vision de l'Histoire est souvent bien fragmentaire, même lorsqu'il s'agit d'événements pas si anciens et bien documentés. Saviez-vous en effet que la persécution des Juifs polonais a continué après la libération du pays par les troupes soviétiques ? Un historien a fait le travail, et son livre - comme en témoigne cet article - met en lumière une réalité bien sombre : l'époque de la Libération, en Pologne, s'accompagna de pogroms meurtriers, commis par les Polonais eux-mêmes, sous de faux prétextes qu'on croyait révolus. Après la surprise, le dégoût ! Autre chose ? Etes-vous familier d'AgoraVox ? Peut-être trouvez-vous ce site trop gauchiste. Cependant, vous auriez tort de ne pas suivre l'excellent travail auquel se livre "Morice", qui offre régulièrement des articles fort documentés sur les dessous de la politique internationale. Le dernier en date, qui fait la liste des nombreux accidents d'avion ayant permis de découvrir que la CIA se livrait au trafic de drogue à grande échelle, nous rappelle les années 1980, lorsque lors des auditions devant le Congrès au sujet de l'Irangate (la livraison secrète d'armes à l'Iran, alors en guerre contre l'Irak, soi-disant pour financer la contre-révolution au Nicaragua), on entendit sur la radio nationale NPR un témoin raconter que, pilote d'une petite compagnie appartenant à la CIA, il transportait régulièrement de la cocaïne de Colombie au Texas, où il atterrissait sans problème à San Antonio, son avion filant directement du tarmac au hangar de la CIA, sans être contrôlé par la douane. Un jour, rêvons-nous, la réalité d'aujourd'hui finira par nous rattraper, comme celle d'hier en Pologne nous rattrape aujourd'hui.

Marginal news n°430 - 18 janvier 2011
Finissons-en avec Gabriel Tarde, avec sa théorie selon laquelle l'imitation est le moteur de la société, et les questions qu'elle pose. La première est celle-ci : si nous avons tendance à imiter ce et ceux qui nous semblent supérieurs, d'où provient cette supériorité ? Réponse : "Dans les temps primitifs, c'est la vigueur jointe à l'adresse corporelle, la bravoure physique; plus tard, l'habileté à la guerre, l'éloquence à l'assemblée; plus tard encore, l'imagination artistique, l'ingéniosité industrielle, le génie scientifique. En somme, la supériorité qu'on cherche à imiter, c'est celle que l'on comprend ; et celle que l'on comprend, c'est celle que l'on croit ou que l'on voit propre à procurer les biens qu'on apprécie, parce qu'ils répondent à des besoins qu'on éprouve et qui, par parenthèses, ont pour source la vie organique, il est vrai, mais pour canal et pour moule social l'exemple d'autrui." Les découvertes techniques et scientifiques donnent le rythme, et en résumé,  « les qualités qui, à chaque époque et en chaque pays, rendent un homme supérieur, sont celles qui le rendent plus propre à bien comprendre le groupe de découvertes et à exploiter le groupe d'inventions déjà apparues." (Les Lois de l'imitation, pp. 291-293) On comprend pourquoi Tarde inspira les premiers publicistes américains lorsqu'ils s'efforcèrent, dans les années 1920, d'instaurer le consumérisme comme mode de vie (l'American way of life), et leurs disciples zélés qui importèrent en Europe leurs méthodes marketing : faire croire à chacun qu'il est à la pointe du progrès est un premier pas vers sa transformation en un consommateur assoiffé de "nouveautés". On saisit également le lien que l'on peut établir entre Tarde et Christopher Lasch, sur lequel nous reviendrons bientôt : le second tire les conséquences psychologiques, dans les années 1980, du mode de vie annoncé cent ans plus tôt par le premier.
La seconde question se pose lorsque l'on considère l'affirmation de Tarde selon laquelle l'imitation tendant à uniformiser la société et à devenir réciproque, l'avenir appartient à la démocratie, par l'action du mécanisme suivant : "on veut pouvoir commander sous certains rapports à ceux mêmes auxquels on obéit sous d'autres rapports, et réciproquement, ou pouvoir commander un temps à ceux auxquels on a obéi ou on obéira en un autre temps. On obtient cette réciprocité par la libre accession de tous aux emplois publics, aux magistratures viagères ou temporaires, et par le droit de vote concédé à tous. " (p. 427) La question, donc, est de savoir pourquoi, au sein-même de cette démocratie, nous voyons se créer sans cesse de nouvelles aristocraties. "Si par suite de la cause qui nous est connue [l'imitation], les sociétés courent à une assimilation croissante et à une accumulation incessante de similitudes, il n'en résulte pas qu'elles marchent aussi vers une égalisation de plus en plus grande. Car l'assimilation imitative n'est que l'étoffe dont les sociétés se font; cette étoffe est découpée et mise en oeuvre par la logique sociale qui tend à l'unification la plus solide par la spécialisation des aptitudes et leur mutuel secours, par la spécialisation des intelligences et leur mutuelle confirmation. Il est donc fort possible et même probable qu'une hiérarchie très forte soit le terme fatal d'une civilisation quelconque." Là encore, Christopher Lasch permet de comprendre comment s'est créée la hiérarchie qui a permis l'installation d'une nouvelle aristocratie, faite de leaders politiques, économiques et médiatiques : par la dépossession progressive du contrôle que peut exercer un individu dans et sur sa propre vie, et d'abord, dans son travail. Mais nous y reviendrons bientôt. Un piste laissée par Tarde, une intuition que poursuivirent avec assiduité les publicistes : « L’état social, comme l’état hypnotique, n’est qu’une forme du rêve, un rêve de commande et un rêve en action. N’avoir que des idées suggérées et les croire spontanées : telle est l’illusion propre au somnambule, et aussi bien à l’homme social. » ( p.137) Le rêve tournerait-il aujourd'hui au cauchemar, sonnant l'heure du réveil ?

Marginal news n°429 - 17 janvier 2011
Faisons une pause dans la théorie, et profitons-en pour l'illustrer par un exemple, qui ne la contredit qu'en apparence, en montrant qu'aujourd'hui, le fameux précepte selon lequel les people font vendre, est en train de basculer. C'est une étude menées par les publicistes eux-mêmes qui le montre, comme en témoigne cet article (en anglais). Extrait traduit : "Nous avions l'intention de comprendre si les célébrités valent aujourd'hui vraiment l'investissement significatif fait par les marques. Nous avons étudié chaque annonce diffusée à la télévision nationale (US) pendant les 11 premiers mois de 2010 et avons constaté que les résultats des annonces avec célébrités étaient au-dessous de la moyenne ou l'ont simplement égalée. Spécifiquement, notre étude (2010 Publicités des Célébrités : Exposition d'un Mythe d'Efficacité Publicitaire) a montré que moins que 12 % des annonces utilisant des célébrités ont excédé une augmentation des indices d'adhésion de 10 % et un cinquième d'entre elles avait un impact négatif sur l'efficacité publicitaire." Si l'on se réfère à la théorie de l'imitation, on se doit de conclure de cette enquête que les people ne jouent plus leur rôle, et que de moins en moins de gens les imitent - nous sommes entrés dans une période transitoire, à la recherche de nouveaux modèles à imiter...

Marginal news n°428 - 16 janvier 2011
Tarde suite. On aurait tort de croire que Tarde estime qu’il n’y a pas d’évolution possible ou que celle-ci se résume à une éternelle répétition de l’ancien. Car l’imitation, selon lui, se fait d’abord en adoptant non pas des comportements nouveaux, mais les idées les plus créatives qui les sous-tendent ou les motivent. L'imitation fonctionne du dedans vers le dehors : « L'imitation des idées précède celle de leur expression ; l'imitation des buts précède celle des moyens. (...) Sans doute, nous sommes portés à copier en autrui tout ce qui s'offre à nous comme un moyen nouveau propre à atteindre nos anciennes fins, à satisfaire nos anciens besoins, ou comme une expression nouvelle de nos anciennes idées; et nous entrons dans cette voie en même temps que nous commençons à accueillir des innovations qui éveillent en nous des idées nouvelles, des buts nouveaux. Seulement, ces buts nouveaux, ces besoins de consommations nouvelles, entrent en nous bien plus aisément et se propagent bien plus rapidement que ces expressions et ces moyens. » (p.265) En résumé : nous adoptons plus rapidement les idées de nos supérieurs que leurs comportements.
Il reste donc un espoir : celui de croire que nous vivons actuellement un moment de l’histoire où de vieux comportements que nous savons néfastes se poursuivent, mais où déjà de nouvelles valeurs sont à l’œuvre. Tarde semble l’annoncer, lorsqu’il prévient que « l’imitation est l’affaiblissement nécessaire de la chose imitée, d’où la nécessité de nouvelles inventions, de nouvelles sources d’imitation toutes fraîches, pour ranimer à temps l’énergie sociale en train de mourir. » (p. 268)
"Maintenant, pourquoi vient-il un moment où ce n'est plus le côté interne du modèle, c'est-à-dire la foi ou le désir impliqués dans la parole ou l'acte en question, qui est reproduit, mais le côté externe ? C'est parce qu'une autre foi, un autre désir, entièrement ou partiellement inconciliables avec la première croyance et le premier désir, viennent de se répandre dans les milieux mêmes où ceux-ci sont déjà répandus. Alors le modèle est frappé au coeur, mais il continue à vivre par la surface, seulement en se rapetissant et s'annihilant sans cesse, jusqu'au moment où une nouvelle âme lui survient. "(p.268-269)

Marginal news n°427 - 15 janvier 2011
Revenons à Gabriel Tarde, qui pense que toute société repose sur l'imitation : l'enfant imite ses parents, les classes sociales inférieures imitent les supérieures, le vaincu imite le vainqueur (et le monde entier aujourd'hui imite ou rêve d'imiter l'American way of life). Ce que Tarde montre bien, ce n'est pas seulement que cette imitation est inconsciente, même s'il ouvre des pistes encore à suivre lorsqu'il mentionne sa parenté avec l'hypnose : "L’état social, comme l’état hypnotique, n’est qu’une forme du rêve, un rêve de commande et un rêve en action. N’avoir que des idées suggérées et les croire spontanées : telle est l’illusion propre au somnambule, et aussi bien à l’homme social." (Les lois de l'imitation, p.137) Il montre aussi combien le phénomène est accentué par la civilisation urbaine et la modernité : « Penser spontanément est toujours plus fatigant que penser par autrui. Aussi, toutes les fois qu’un homme vit dans un milieu animé, dans une société intense et variée, qui lui fournit des spectacles et des concerts, des conversations et des lectures toujours renouvelés, il se dispense par degrés de tout effort intellectuel ; et, en s’engourdissant à la fois et se surexcitant de plus en plus, son esprit, je le répète, se fait somnambule. C’est là l’état mental propre à beaucoup de citadins. Le mouvement et le bruit des rues, les étalages des magasins, l’agitation effrénée et impulsive de leur existence, leur font l’effet de passes magnétiques. Or la vie urbaine, n’est-ce pas la vie sociale concentrée et poussée à bout ? » ( Ibid. p.144)
Et alors, dira-t-on, où est le problème ? Ah ah ! Le problème est ici, selon Gabriel Tarde : « Considérée sous n’importe quel aspect, la vie sociale, en se prolongeant, aboutit fatalement à la formation d’une étiquette, c’est-à-dire au triomphe le plus complet du conformisme sur la fantaisie individuelle. » Rien d'étonnant donc, surtout si vous avez lu la note précédente sur Tarde (ci-dessous au 12 janvier). Et l'on comprend aussi que ce conformisme puisse inquiéter : à terme, il tue la créativité. Mais passons, car Tarde lui-même s'intéresse davantage à caractériser les mécanismes internes de l'imitation qu'à proposer des moyens pour s'en extraire. Il observe ainsi tout un éventail de comportements humains, dont il discute la plus ou moins grande "contagiosité imitative", de la vitesse à laquelle les citadins d’une même ville marchent à leur accent, de l’alcoolisme aux « fonctions des sens supérieurs » (la vue, l’ouïe), « plus transmissibles imitativement que celles des sens inférieurs » (p.254). L’espérance est plus contagieuse que la terreur, la soif que la faim, la paresse que l’ambition, le goût de l’épargne que l’avidité, la lâcheté que le courage, les sentiments que les idées. En "contagiosité imitative", les mœurs l’emportent sur les opinions, les passions sur les simples appétits, les besoins de luxe sur les besoins primitifs, et la curiosité l'emporte sur tout le reste, car  « tous les attroupements d’hommes qui finissent par opérer des révolutions, religieuses, politiques, artistiques ou industrielles, commencent par se former sous l’emprise de ce sentiment ». Pourquoi ? Parce que « quand on voit une personne curieuse de n'importe quoi dont on se souciait naguère comme d'un fétu, aussitôt on devient désireux de connaître cette chose, et ce mouvement se propage très vite, et, à mesure qu'il se propage, l'intensité de ce désir croît en chacun par l'effet du mutuel reflet. » (p. 254) Le texte entier est ici, mais on en reparlera.

Marginal news n°426 - 14 janvier 2011
Nous  aimerions continuer à parler de l'imitation selon Gabriel Tarde, mais ce sera pour demain, cette nouvelle d'une destruction programmée d'un petit coin de France que nous avons beaucoup aimé nous rend trop triste. Pourtant nous savons bien que via le pétrole, le gaz ou demain de nouveau le charbon, rien n'arrêtera la machine thermique. Ce sentiment d'inexorabilité n'est-il pas pire encore que son ancêtre, celui d'être soumis à des puissances divines ou occultes ? Tout détruire avant que de mourir... réduits aux villes-bulles ?

Marginal news n°425 - 12 janvier 2011
« A Florence, au moyen-âge, chacun s’habillait selon son bon plaisir, comme au bal masqué, si l’on en croit Burckhardt. Comme on se scandaliserait aujourd’hui d’une telle licence ! » La lecture de Gabriel Tarde, pionnier de la psycho-sociologie à la fin du XIXè siècle, est pleine d'enseignements. Précurseur méconnu ? Ses propos semblent annoncer parfois les champs morphogénétiques de Ruppert Sheldrake (ici son site en anglais), parfois la découverte des neurones miroirs (avec ses répercussions philosophies). Même si son style hyper précis est parfois désuet, sa théorie selon laquelle la société repose sur notre tendance naturelle à l'imitation offre un décryptage de nos comportements qui montre l'importance des "influences extra-logiques" que nous subissons, aujourd'hui plus que jamais. Selon Tarde, notre propension à l'imitation explique le conformisme qui, s'il rend la société possible, risque aussi de la rendre étouffante, au point de menacer la civilisation par manque de créativité. Extraits : "Mais ce besoin de conformisme est si naturel à l'homme social que, parvenu à un certain degré de force, il devient conscient et emploie des moyens violents et expéditifs pour se satisfaire. Toutes les vieilles civilisations ont eu leurs maîtres de cérémonies, fonctionnaires de haut rang chargés de perpétuer les rites traditionnels. (…) Nous nous en moquons, oubliant que nos grands tailleurs, nos grandes modistes, nos grands fabricants, nos journalistes même, sont précisément à l'imitation-mode ce que les maîtres de cérémonies civiles ou religieuses étaient à l'imitation-coutume, et sont en train de prendre l'importance bouffonne de ceux-ci. Par eux nos vêtements, nos conversations, nos connaissances, nos goûts et nos besoins de tout genre sont taillés dans un moule uniforme dont il est inconvenant de s'affranchir, et dont l'uniformité, d'un bout d'un continent à l'autre, passe pour le signe le plus manifeste de la civilisation, à peu près comme la perpétuité, à travers les siècles, des traditions, des légendes, des usages, passait jadis, et avec bien plus de sagesse, pour le fondement de la grandeur des peuples." Gabriel Tarde, Les influences extra-logiques, in Les Lois de l’Imitation, 2ème série, vol. 1, (1890), Les empêcheurs de penser en rond/éd du Seuil, 2001, pp. 249. Ce livre, dans une autre édition, est lisible en ligne ici.

Marginal news n°424 - 11 janvier 2011
Les médias nous offrent de plus en plus souvent le maigre plaisir de voir confirmé par les intellectuels patentés le sombre portrait de la situation que nous dressons ici depuis longtemps : le sociologue Alain Touraine, par exemple, ici. Espérons que l'avenir lui donnera raison, quand il défend l'idée que le salut ne peut venir que de l'écologie (selon laquelle,, dit-il, "il faut gérer les rapports nature et culture, et donc imposer des limites à l'économie") et de l'individu (au nom du "droit" et de la "dignité"). "Vous ne pouvez plus dire : je parle au nom de Dieu, de l'Histoire, du Progrès, de la Nation, de la Science, explique Touraine. La seule chose que vous puissiez dire, c'est : je parle au nom de la survie de la Terre et je parle au nom de la défense des droits humains universels." Mais en bon intellectuel, il garde le plus dangereux pour la faim (in cauda venenum, dans la queue le venin) : "La crise économique n'a pas fini d'aggraver la crise sociale. On risque d'avoir affaire à des mouvements qui sont le contraire de mouvements sociaux, des mouvements de repli sans autre orientation possible que la violence."

Marginal news n°423 - 10 janvier 2011
Un article sur rue89 vient apporter un éclairage sur la résolution de la crise en Islande, où apparaît en filigrane un fait qu’il faut bien prendre en compte : ce n’est pas la révolution ! Au contraire, les Islandais s’efforcent de sauver les meubles, à leur façon qui ne saurait s’appliquer dans un pays plus grand (ils sont 300 000), et le processus en cours ressemble davantage à une tentative sociale-démocrate visant à corriger les errements du capitalisme financier qu’il ne répond à une volonté de prendre en main, collectivement, les rênes de l’économie. Il apparaît en outre que le processus de renouvellement de la démocratie (la formation d’une assemblée constituante de 25 citoyens élus) n’a pas soulevé l’enthousiasme, 36% seulement des Islandais s’étant déplacés pour voter. Athènes n'est pas Grenoble, Reykjavik n'est pas Vizille ! semble proclamer l'article. L'avenir le dira...

Marginal news n°422 - 9 janvier 2011
Avez-vous, au cours des derniers mois, beaucoup entendu parler de l'Islande ? Nos médias compromis se gardent bien de rapporter que la crise (qu'ils avaient largement couverte lorsque le pays "fit faillite") a trouvé là-bas un dénouement inattendu (le refus de payer les "créanciers" internationaux qui avaient spéculé sur la bulle islandaise, une assemblée constituante formée de citoyens, etc.). Un petit éclairage est donné ici. Ou encore ici, sur un site où l'on en apprend un peu plus sur la loi loppsi, que tout le monde croit destinée à empêcher le téléchargement illégal et qui, "au passage" pourrait-on dire, se révèle créatrice de deux milices : "une « réserve civile de la police nationale » – les « réservistes » ; et un « service volontaire citoyen de la police nationale »". Pour quelle future répression ?

Marginal news n°421 - 8 janvier 2011
Pour illustrer l'affirmation que nous faisions il y a quelques jours (le 4/01), selon laquelle nous devons accepter de "consommer pour vivre" puisqu'il y va de "l'emploi", notons ces propos du président tunisien Ben Ali, qui a parfaitement intégré cette nouvelle version du sempiternel discours des puissants face à la révolte : “Une minorité d'extrémistes et d'agitateurs à la solde d'autrui et contre les intérêts de leur pays a eu recours à la violence et aux troubles dans la rue comme moyen d'expression”, a déclaré Ben Ali dans un discours le 28 décembre dernier. Pour le président, ces actes “anticiviques” et non représentatifs ternissent l’image du pays “et entravent l'afflux des investisseurs et des touristes, ce qui se répercute sur les créations d'emplois, alors que nous en avons besoin pour réduire le chômage”. La source (Jeune Afrique) est ici.
A ceci, on pourrait répondre - ce que ne font sans doute pas les révoltés tunisiens ! - que le problème essentiel réside peut-être dans la définition donnée aux mots "emploi" et "chômage", emblématiques de notre civilisation. Citons donc l'historien américain Christopher Lasch, déjà mentionné en décembre dernier : « La condescendance et le mépris avec lesquels les historiens se retournent vers le Populisme du XIXè siècle ont en quelque sorte permis de réconcilier la liberté et l’égalité avec le système du salariat, la finance moderne, et l’organisation corporative de la vie économique. Rien dans l’histoire des temps présents, pourtant, ne justifie une telle complaisance. La critique « petite bourgeoise » du progrès mérite une écoute attentive. Son enseignement pourrait bien s’avérer utile ; et même si l’histoire de sa défaite ne nous paraît pas, au premier abord, particulièrement encourageante, elle pourrait nous aider, sur le long terme, à nous confronter à la situation contemporaine qui est la nôtre, et aux sombres perspectives qui s’offrent à nous. » Christopher Lasch, Le Seul et Vrai Paradis, (1991), Flammarion 2006, p. 267
Maintenant, pour illustrer ce que nous défendons depuis longtemps à propos des compromissions entre médias et pouvoir, saluons la mise en perspective à laquelle se livre Seb Musset en montrant la différence d'attitude d'un de nos "grands" journalistes (l'infâme Demorand) selon qu'il s'adresse (on ne peut dire "interviewe" et encore moins "interroge") à J.L. Mélanchon ou à M. Alliot-Marie. Même sans prendre parti entre ces deux individus, on est frappé du traitement, agressif ici, onctueux là.

Marginal news n°420 - 7 janvier 2011
Sleon une édtue de l’Uvinertisé de Cmabrigde, l’odrre des ltteers dnas un mto n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate étnat que la pmeirère et la drenèire siot puls ou mnios à la bnnoe pclae. Le rsete puet êrte dnas un dsérorde ttoal et vriaé, on pruroa tujoruos lrie snas porlbème. C’est prace qeu le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot. Vous vicoi pderus dnas un lirabnyte aevc une cetiutrede de mnios et une nellouve ideé dnas la ttêe. L’homuur est evedimment la cohse la pslu dicfifile à dénifir au mnode. C’set ecnore le padraoxe qiu peremt le miuex de s’en sotrir.

Marginal news n°419 - 6 janvier 2011
Assisterons-nous au retour de la conscience et de la morale ou, au contraire, à l’acceptation – indolore pour l’instant – des injustices du temps ? Rien n’a-t-il changé sous le soleil ? On trouve dès le XIXè siècle – et sans doute plus tôt – des considérations morales qui ressemblent fort à celles qui agitèrent les esprits après la seconde guerre mondiale, quand se posa la question de savoir comment avait pu s’enclencher la dynamique menant aux crimes nazis, et que la réponse fut : l’obéissance aux ordres. Pour preuve, cet extrait d’un roman de cape et d’épée écrit par un concurrent d’Alexandre Dumas, Michel Zévaco :
« - Madame… c’est un ordre rigoureux qu’il faut que j’exécute… excusez-moi, je ne fais qu’obéir.
Que de crimes dans l’histoire de l’humanité, avec cette effroyable excuse : J’obéis ! ce n’est pas moi le responsable ! … Comme s’il y avait des disciplines plus hautes que la discipline de la conscience ! Comme si tout était dit lorsque le meurtrier peut répondre : On m’a commandé de tuer, je ne fais qu’obéir.
 » (M. Z., Les Pardaillan, R. Laffont, 1988, p.293)
Faut-il attendre, aujourd’hui encore, qu’un Mané Thécel Pharès (« compté, pesé, divisé », Livre de Daniel, 5:24-28) vienne annoncer la colère divine, c’est-à-dire le juste mais cruel retour de la réalité ?
Et puisque nous en sommes à Zévaco, romancier anarchiste, continuons avec ceci : "Mais quel est l'homme qui demeure inoffensif quand les autres hommes abdiquent leur liberté entre ses mains ? Quelle est la femme qui, placée au faîte de la puissance, n'éprouve aussitôt le vertige de la tyrannie ?" (Ibidem, p. 371)

Marginal news n°418 - 4 janvier 2011
Bonne année 2011 ! Commençons-la avec le succès du moment : "Indignez-vous !" de Stéphane Hessel, un mini-livre qui ne mange pas de pain mais qui fera de son auteur, n'en doutons pas, l’une de ces Figures Morales grâce auxquelles le système actuel de répartition des pouvoirs récupère, en les agrégeant, tous les mouvements de contestation depuis l’avènement, dans les années 1960, de la médiatisation contrôlée.
« Indignez-vous ! », proclame donc l’ancêtre, Résistant estampillé, et comme on peut le voir avec cet article, les « mutins de Panurge », comme les appelait Philippe Muray, s’empressent d’en faire un Sage. Le plus drôle dans ce texte, que certains osent qualifier de pamphlet, c’est que le seul conseil qu’il donne à la jeunesse est de « chercher des raisons de s’indigner », comme si nul ne savait qu’il y en a pléthore, du voisin qui fait du bruit à l’essoufflement biologique de la planète, en passant par la faim ou d’autres injustices. Qu'une telle proposition soit perçue comme révolutionnaire, voilà qui reflète l’époque, et son assentiment muet au monde tel qu’il est ! Elle ne tient pourtant guère compte de la réalité, qui veut que nous soyons pris entre deux injonctions, en apparence contradictoires : « Indignez-vous », demande cette nouvelle Voix de la Conscience autorisée. « Consommez si vous ne voulez pas crever ! », prévient le consumérisme de crise en agitant le drapeau noir du chômage. Mais l’Etat, tant de fois appelé à l’aide pour soutenir l’activité, est ruiné. Il ne peut plus suivre et devient parcimonieux. Finies, les primes à la casse pour inciter à acheter des automobiles ! L’heure est venue de hausser les tarifs et d’augmenter les impôts indirects pour, sous prétexte de diminuer l’hémorragie, pressurer un bon coup cette classe moyenne encore trop nantie – richissime, même, comparée aux Chinois moyens.
Le seul point commun entre ces deux injonctions, c’est qu’elles illustrent l’état de délabrement du système actuel, qui tente désespérément de récupérer encore une fois l'archétype du vieux sage (l'abbé Pierre n'étant plus là, et les autres candidats, tels Yann Arthus-Bertrand, Attali ou même Hulot , ayant raté leur coup, sans parler de Kouchner) pour montrer combien notre société est démocratique et ouverte à la critique, tandis que pour le reste (l'essentiel), les affaires continuent. Sauf qu'en réalité, les affaires ne continuent pas vraiment, la réalité vient contredire l'image. Hessel, longtemps après Shakespeare, nous fait son petit To be or not to be. ("Y a-t-il plus de noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou à s'armer contre une mer de douleurs, et à l'arrêter par une révolte ? Mourir… dormir, rien de plus.") Il en faudra davantage pour que la contradiction devienne fracture.

 

 

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